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Baudelaire Rimbaud

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Critique littéraire

Isabelle du désert

Que savait-on d'Isabelle Eberhardt, cette jeune femme d'origine russe, née en 1877, morte à vingt-sept ans, qui décida de se convertir à l'islam et de rompre avec les mœurs de son temps ? Qui choisit de porter des vêtements d'homme avant de devenir, sous le nom de Mahmoud Saadi, cette rebelle qui fascina Lyautey, éprise d'absolu et proche de Rimbaud ? Pour Edmonde Charles-Roux, il y avait là toute la matière d'un prodigieux roman vrai. Elle a ainsi recomposé l'itinéraire d'une héroïne " irrégulière " et mystique. Elle l'a suivie depuis sa naissance sur les rives du lac Léman jusqu'à l'instant où Isabelle accepte d'assumer le " désir d'Orient " qui la hante. On découvre alors les figures dostoïevskiennes qui ont accompagné sa jeunesse et forgé son insoumission. De la Russie des tsars à Genève puis à Marseille, de la diaspora anarchiste aux milieux littéraires, c'est toute une époque qui se révèle. Dans ses années africaines, Isabelle sera confrontée à de multiples épreuves ; la médiocrité du frère aimé Augustin ; son mariage avec un spahi algérien ; le procès ignoble qui l'expulse d'Algérie et la sépare de son mari. Mais elle revient vers la terre élue et, dès lors, " entre en nomadisme comme on entre en religion ". C'est à Aïn Sefra, où elle était en reportage, qu'elle trouva la mort un après-midi d'octobre 1904, engloutie dans les eaux d'un oued... Grâce au jeune lieutenant Paris, qui entreprendra de fouiller les décombres boueux, ses manuscrits parviendront jusqu'à nous. Edmonde Charles-Roux, à son tour, fait revivre la volonté et la grâce d'une éternelle indésirable.

05/2003

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Littérature française

Le dompteur du temps

"Fuir, fuir ce bâtiment gris. Silence dehors, dedans, partout. Nuit de lune. M'évader, courir dans les bois pour que les branches me giflent les joues, que mes pieds trébuchent dans les trous et que je saute par-dessus les troncs morts. Traverser le ruisseau, les pieds dans l'eau jusqu'aux mollets. M'arrêter pour écouter l'eau chuchoter, sentir le froid conquérir mes jambes. Avoir mal d'écorchures, avoir soif, avoir faim. Bouger, courir vers le carrefour des herbes et du ciel. Me sentir vivre. Me retrouver". A travers les tribulations d'un amnésique échappé d'un hôpital, en quête de lui-même, c'est un questionnement sur l'identité, sur le temps qui passe que propose ce livre. Par les chemins, en bateau, à cheval et au travers de rencontres improbables mêlées à une histoire d'espionnage, le personnage de ce roman, volontaire et facétieux, s'interroge sur le sens de la vie, de l'amour, de la mort. Entre le Berry et les montagnes du Grand Caucase, en passant par les ports de Porto au Portugal et de Sczeczin en Pologne, ce héros aux quatre noms nous entraîne dans une aventure pleine de rebondissements, de rencontres, d'évènements imprévus. Un roman où l'action est soeur de la pensée. Ce sont ses différentes situations professionnelles au sein d'institutions françaises et internationales qui ont conduit Hervé Barré à fréquenter les milieux interlopes et à découvrir les arcanes de la géopolitique. Alain Fournier, Patrick Modiano, Fernando Pessoa ou encore Arthur Rimbaud et Hugo Pratt, sont parmi les auteurs et poète qui ont compté dans sa formation littéraire. Il est aussi l'auteur de nouvelles non publiées qui révèlent un humaniste universaliste.

06/2021

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Genres et mouvements

Rencontre d'un excentrique et d'une parodie sur une table de dissection

A l'enseigne de la célèbre formule de Maldoror, parodiée à juste titre pour l'occasion, Daniel Sangsue revient sur deux de ses spécialités : le récit excentrique et la parodie, qu'il croise au fil de dix essais portant principalement sur la littérature du XIXe siècle. L'excentrique, c'est Nerval, étudié au prisme de son récit fantaisiste phare Les Faux Saulniers, de ses canards et autres mystifications, de ses récits de voyage humoristiques et au soleil noir de ses livres rêvés et infaisables. L'excentricité, c'est aussi, dérivé de Tristram Shandy, le filon de l'essayisme sternien, suivi dans une série de récits qui procèdent par "digressions opinionatives" et vont de Vie et opinions du Chat Murr d'Hoffmann aux Opinions de Jérôme Coignard d'Anatole France. Quant à la parodie, l'auteur la présente à travers le théâtre, la presse satirique et les cercles fumistes du XIXe siècle, avant de s'intéresser à quelques nouvelles formes qu'elle investit au XXe et XXIe siècle : bande dessinée, cinéma, télévision, Internet... Le pastiche est ensuite abordé dans ses rapports avec la parodie et dans ces manifestations originales que sont les supercheries des auteurs supposés et les écrits spirites, de même que les vieux-coppées produits par les zutistes. Enfin quatre auteurs font l'objet d'un éclairage particulier : Dumas, qui parodie sa propre pièce, Henri III et sa cour, dans La Cour du roi Pétaud ; Maupassant, tenté par la parodie, qui en joue avec le cadre de ses récits et dans une chronique d'anti-voyage ; Rimbaud, qui la pratique à outrance avec un effet pharmakon, et Robert Caze, petit naturaliste qui passe quelques chefs-d'oeuvre de la littérature occidentale à la moulinette désidéalisante de ses parodies D'après les maîtres.

10/2021

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Littérature française

Gertrude ou les fortunes de la philosophie

Longtemps, elle en avait voulu à ses parents. Quelle idée sotte d'appeler une fille Gertrude... Pour Gertrude, c'est le baptême du feu. Une classe de terminale. Des adolescents à peine moins âgés qu'elle. Leur enseigner la philosophie, mission impossible ? Elle tente le pari. L'auteur nous propose un curieux huis-clos. Spontanée et dégagée de toute prétention à l'objectivité, la cruauté interrogative de Gertrude pousse les élèves à découvrir leurs convictions, leurs impasses, leurs failles, qui structurent, comme des leitmotives, leur relation au monde. Gertrude elle-même n'en sort pas complètement indemne d'autant que la vie lui réserve quelques surprises. Ode au dialogue philosophique, ce livre n'offre à prime abord aucun palliatif à la froide réalité d'un monde où Dieu, le vrai, le bien, la vie, la mort, sont devenus des abstractions. Le lecteur trop pressé pourra trouver vaine et insensée une démarche qui donne l'impression d'avancer en tournant sur elle-même. Il faut accepter de se laisser entrainer dans l'orbe de cette pensée spiralée pour déceler en arrière-fonds l'écho d'une musique, l'esquisse d'une danse, l'espoir d'une guérison. Derrière le chaos apparent des idées émerge alors la promesse d'un nouvel ordre, d'une nouvelle harmonie, d'un "nouvel amour" aurait dit Rimbaud. Le second roman de Gérard-Noël Hesse, servi par une plume toujours aussi incisive et parfois teintée d'un humour corrosif, ne dissout pas les questions dans le simulacre de réponses toutes faites et confronte le lecteur à ses propres interrogations sur l'évolution du monde. Derrière chaque réponse se cache une profondeur qui, dévoilée, masque un fond encore plus profond.

07/2021

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Critique littéraire

Henri Michaux

Depuis un demi-siècle, Henri Michaux est devenu une figure essentielle de notre paysage esthétique et littéraire. A l'écart des modes et des avant-gardes, son œuvre exerce une sorte de magnétisme. Ses intuitions fulgurantes dans les domaines les plus inattendus de la pensée, du savoir et de la sensibilité ont anticipé la fin des grandes idéologies. Le culte dont il fait aujourd'hui l'objet ne le cède sans doute qu'à celui de Rimbaud, mais avec des effets tout aussi réducteurs. Michaux secret, Michaux barbare, Michaux halluciné. Telle est la vulgate. L'auteur d'Un certain Plume s'est, il est vrai, dérobé à la publicité et aux honneurs. A la fois présent et caché dans ses textes comme dans ses peintures, il était réfractaire à la biographie. Michaux, pourtant, ne fut pas sans corps, sans famille, sans histoire. " Moi je veux voir et vivre ", disait-il, jeune homme. Jusqu'à sa mort, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans, il prit mille fois le bateau et le train, migra d'hôtel en hôtel, aima plusieurs femmes, noua de profondes amitiés, scruta les foules, les animaux et les arbres. C'est avec une curiosité intense qu'en lui le peintre et l'écrivain ne cessèrent d'observer le monde. Parti sur ses traces, Jean-Pierre Martin a enquêté, interrogé des témoins, consulté archives et correspondances inédites. De Namur à Montevideo, de Quito à Knokke-Le Zoute, de Calcutta à Saint-Vaast-la-Hougue, il a visité de nombreux lieux de passage de la comète Michaux, décelant dans l'enfance et l'adolescence belges, dans cette origine détestée, quelques-unes des singularités qui ont façonné un être de fuite. Jetant une nouvelle lumière sur l'œuvre de Michaux, sur ses paysages et ses hantises, cette biographie, la première qui lui soit consacrée, est un essai de réincarnation.

11/2003

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Sciences historiques

Les nouveaux mystères des Ardennes

Les Nouveaux Mystères des Ardennes vont parfois puiser l’eau pure de leurs mythes dans la plus lointaine antiquité… Tel un passager du temps, Jean-Claude George évoque pour nous le jour où la Meuse se mit à couler dans les airs tout autant que les horribles exactions des malandrins de Malandry… Et s’il s’aventure à chercher la trace de la licorne de Machéroménil, il laissera volontiers le dragon dans son trou à Mézières, quitte à lui jeter sur la queue la meule d’Hargnies ! Laissons l’auteur nous troubler avec les spirales ardennaises des escargots de Lug, le grand dieu des Gaulois, et suivons-le sur la trace des dernières dames blanches d’Ardenne… Épions, cachés à ses côtés, les femmes qui viennent se frotter le ventre aux pierres de fertilité, et croyons-le encore quand il affirme que c’est à Sedan que Palissy aurait inventé ses fameux émaux… Il nous guidera aussi, pas à pas, dans l’ascension des monts de Séry, où l’on pourra s’attendre à ce qu’il revête la robe de l’officiant des vieux cultes solaires, tout comme il nous invitera à regarder, vers la chaise de la fileuse, la Parque affairée à dévider nos destinées. Poète, un peu plus tard, il n’hésitera guère à faire rimer Frasiak et Sléziak, ardennaise et polonaise en hommage au père de Woinic et au "new Rimbaud de la place Ducale" ! Assurément, Jean-Claude George nous accroche par cette liberté de ton qui, livre après livre, est devenue sa marque. Proche des humbles et des sans-grade, il fustige allègrement les nantis et les puissants de ce siècle ou des précédents ! Ce qui ne devrait guère déplaire aux Ardennais, auxquels on en fait rarement accroire…

09/2012

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Littérature française

Le jeu de Loi

Brusquement transporté aux soins intensifs et bientôt opéré d’urgence afin qu’on lui retire une partie de ses intestins complètement empoisonnée, le narrateur se demande comment il en est arrivé là, après des mois de dérive dans la pauvreté, sur une paillasse, dans un cabanon, lui le manieur de mots, l’enjôleur, le séducteur. Sur son lit d’hôpital, il se refait le film des dernières semaines et fait défiler dans sa tête différentes périodes de sa vie, surtout marquées par des femmes, présentes, lointaines, avec qui il a eu une affaire. Les infirmières ne lui sont pas indifférentes, il les amuse, les taquine, cherche à les séduire, semble y réussir parfois. Il a vécu sa vie sans prudence. Il a toujours écrit. Mais que valent encore les mots, lorsque la mort vous guette de près ? Loi, qui joue sur son nom, craint d’en être arrivé à la trop fameuse case du Puits, dans le jeu de l’oie, autant dire à son « dernier couac » comme dit Rimbaud. Mais la vie reprend petit à petit ses droits, qui laisse l’auteur avec cette question : est-ce que ça en vaut tellement la peine ? Avec humour et lyrisme, Emmanuel Loi nous livre un épisode récent de sa vie, il nous parle au plus près de la mort, dans un étrange pas de danse à la fois drôle et poignant, habité par un amour sans fin des femmes et par un désamour du monde. Un récit autobiographique qui se joue des questions les plus graves de l’existence, et qui cherche à comprendre ou lire le destin, comme dans les cartes. La vie n’est-elle qu’un jeu ? Quel en est alors le prix ?

04/2012

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Littérature française

Sang damné

Sang damné est un livre autobiographique qui raconte comment l'auteur a perdu son frère quand il était enfant, comment il a découvert son homosexualité, aussitôt condamnée par son père, catholique coincé, comment il est parti sur les routes, comment il a tenté de vivre " poétiquement " sa sexualité, ses aspirations artistiques (il a été comédien), comment il s'est prostitué, comment il a été contaminé, comment il a réagi à la maladie, d'abord par le silence et la fuite, la dénégation, la culpabilisation, puis par l'acceptation du traitement, et par la révolte. Le livre se présente en trois temps : Tu aimeras (1968-1997), L'autre intérieur (1997-2006), Primum tempus (2006-...). Ce sont les trois phases de sa vie par rapport à la maladie : le première est son enfance, ses premières amours, la prostitution, la contamination. La deuxième est la période de silence et de dénégation-culpabilisation. La troisième est celle de la combativité et du retour de la parole. L'auteur est habité par des forces obscures, qui ont pris la forme de pulsions sexuelles parfois autodestructrices, parfois envoûtantes et sereines. Le voyage en Italie (sur les traces de Pavese, puis de Caravage, de Turin à Naples) est admirable. Mais les voyages en Espagne (où il est attaqué par des voleurs) ou en Ethiopie aussi. Avec l'ombre de Rimbaud, bien sûr, celle de Pasolini, celle de Dante. Il est très étonnant de voir dans une même personnalité un tel tempérament poétique et une telle combativité, précise, politique, juridique. La description des traitements, des différents protocoles et de leurs incohérences, des intérêts des laboratoires pharmaceutiques, des malversations et des revirements des gouvernements, des chantages auxquels les pays " évolués " soumettent les pays du tiers-monde (terrain d'expérimentation et producteurs de médicaments génériques), tout cela est extrêmement dur et passionnant.

03/2011

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Poésie

Licorne je te sais

Le mystère de la licorne se confond avec celui de nos origines. Il fait appel à la vie. La licorne existe depuis la nuit des temps, elle est présente dans le coeur de Booz et de Ruth (personnages de l'ancien testament), ainsi Booz la connaît, et elle est présente quand Booz embrasse Ruth et quand Ruth aime Booz. En effet, avec la licorne c'est la présence de l'amour, de la femme des îles, nouvelle Eve moderne, de l'homme épris d'une chevelure, de l'oiseau-baiser, des anges, du feu, du dieu et du roi. La licorne est présente au moment où l'homme dit : "l'aube je t'aime", car elle se confond et dans l'aube et dans l'amour. Il y a bien une rencontre avec la lumière, et le temps des licornes ne s'efface pas. Grâce à elle le salut chrétien se manifeste par la présence de l'ange qui déchaîne. Ainsi s'il faut parfois souffrir et courir à la recherche du temps perdu, la licorne nous ramène à l'essentiel : comme c'est bon la joie d'aimer. Pourquoi ? Parce que la licorne fait ressurgir dans notre mental, des archétypes induisants la Force vive, c'est ce qui fait dire à Arthur Rimbaud dans Crimen Amoris : "Ô, je suis celui qui sera Dieu". Dans le simple respect de la nature et de la vérité, elle nous fait observer la naissance d'une nuit, elle chante une ode à la lune. Dans la nuit des enfants, elle conduit une fée dans le vent jusqu'à leurs sommeils. Elle protège les mythologies amoureuses, ainsi que les lieux sacrés, comme le kotel par exemple. De fait, licorne je te sais, tu nous proposes à tous d'attendre un ange et c'est pour cela que les ténèbres s'effondrent.

02/2014

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Critique littéraire

Salut les anciens

Avec ce livre-gigogne, c'est-à-dire reversible, chaque partie ayant sa couverture : d'un côté Salut les anciens, de l'autre Salut les modernes, les deux textes étant en quelque sorte imprimés tête-bêche, Christian Prigent renoue avec sa veine d'essayiste et étudie du côté des anciens comme du côté des modernes certains auteurs précurseurs ou tenants de la littérature que lui-même illustre et préconise. Côté anciens : ce sont des lectures, des explications de textes, dans des oeuvres anciennes, donc (de Lucrèce à Jarry, en passant par Marot, Voiture, Balzac, Maupassant, Mallarmé, Rimbaud, Verlaine). Elles se veulent un peu décalées, un peu décollées vers... autre chose (la fiction ? la poésie ? l'aventure de la lettre ?). Elles s'appuient sur une conviction : que les modernes ne sont pas les enfants des anciens mais que, plutôt, la perplexité qui nous vient des modernes nous fait regarder les anciens d'un oeil moins tué d'indifférence - qu'ainsi nous pouvons les réenfanter : les rendre à l'inquiétude de la vie. Côté modernes, pour commencer, cette question : où est dans la poésie d'aujourd'hui, le nouveau ? Bien présomptueux serait celui qui prétendrait le savoir. On ne peut faire mieux que s'alerter (question d'oreille) du phénomène de l'invention. Voici quelques écrits poétiques, récemment parus. D'une certaine manière ils font "école" . Une étrangeté coriace s'y affirme - qui défie la lecture. Des noms ? Philippe Beck, Charles Pennequin, Christophe Tarkos. Ces noms ne couvrent pas le champ. Leurs écrits ont simplement donné à Christian Prigent un peu plus fortement que d'autres la sensation d'un phénomène nouveau. Affaire de goût et d'affinités. Dans la différence, aussi bien - éventuellement violente. D'où, adressées à eux, quelques remarques et quelques questions.

11/2000

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Beaux arts

Charles de Ziegler (1890-1962). Peintre aquarelliste genevois

On reconnaît au premier coup d'oeil un " Ziegler ". A ce qu'il représente, bien sûr. Immanquablement une vue du canton de Genève. Si possible avec fond de Salève, un coin charmant de la vieille-ville ou une femme pudiquement nue. Mais, surtout, ce singulier mélange de crayon, de gouache et d'huile donne à ses oeuvres une tonalité sépia qui permet de reconnaître l'artiste entre torts. C'est ce qui frappe chez ce peintre et qui fait de lui un peintre aussi familier que le général Guisan dans les bistrots : cette tonalité sépia, je veux dire son art de nous montrer toute chose qu'il a regardée et aimée connue si celle-ci avait aussitôt accepté de poser pour lui, docilement, prête à se laisser transfigurer pour l'éternité. Bardé de son chevalet et de sa palette comme un photographe de son trépied, Ziegler était porté à saisir non pas l'instantané, mais la permanence des lieux qui lui semblaient les plus dignes de résister au temps. De cette première moitié du XXe siècle, surtout celle d'avant-guerre, il voulait en somme témoigner. celle où l'on pouvait encore contempler la campagne, un coin de vieille-ville ou le corps d'une femme en toute sérénité. Oui, on se plaît, dans les oeuvres du peintre genevois, à rêver d'une époque qui n'était sans doute pas plus insouciante que la nôtre, niais disons, plus simple. Voilà pourquoi il y a quelque chose de zen dans la peinture de Charles de Ziegler. Elle semble vouloir nous dire : " Voilà comment les choses devraient demeurer à jamais. " Exactement comme Rimbaud s'exclamait :" Mon Dieu, la vie est là, simple et tranquille ! "

01/2012

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Critique littéraire

Bernard-Marie Koltès

L'écriture, la pensée et la vie de Bernard-Marie Koltès (1948 – 1989) sont liées dans un pacte qu'il forgea à vingt ans devant un théâtre de Strasbourg et qui jamais ne sera rompu : être soi-même l'auteur de sa vie. Il ne possédait qu'une morale : celle de la beauté. Et qu'une loi : le désir. On connaît de Koltès la trajectoire fulgurante : la rencontre avec Chéreau au début des années 1980, les pièces jouées à Nanterre-Amandiers, la reconnaissance publique et critique. On sait aussi combien cette oeuvre a pu donner l'image de son temps. On sait moins combien cette vie aura surtout été ailleurs, qu'elle s'est jouée dans les confins de cités perdues, entre le delta du Niger, au coeur de la jungle du Guatemala et de ruines précolombiennes, ou près d'un lac Maya, sur les docks abandonnés de New York, et dans les nuits de Salvador de Bahia. Suivre Koltès dans ses voyages, ce n'est pas chercher à retracer un itinéraire seulement, mais vouloir approcher les termes du pacte : ailleurs, il chercha les renversements où toujours se donner naissance ; ailleurs, il s'inventa des noms, marcha sur les traces de Rimbaud, de Dostoïevski ou de Faulkner ; ailleurs, il se mit en quête de frères et puisa des forces dans des figures de pur désir : James Dean, Bruce Lee, Bob Marley. Raconter la vie de Koltès, c'est tâcher d'écrire ainsi cette autre vie qui s'est écrite dans ce désir de se vouloir autre et dont ses pièces portent la trace. C'est tenter d'approcher l'oeuvre et la vie ensemble puisqu'elles sont l'une par l'autre la réécriture.

02/2018

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Littérature française

Le passager de Zanzibar

Zanzibar, archipel de l'Océan indien, situé à hauteur des côtes tanzaniennes, nous dit le dictionnaire. C'est peu et beaucoup à la fois. Suffisamment exotique cependant, pour attiser les fantasmes d'Ulysse, le narrateur de ce roman tout à la fois "Vernien" et... "Lamatabien". Vernien en ce que le passager de Zanzibar, plus marin que terrien, n'a d'yeux que pour les îles du bout du monde ; Lamatabien, eu égard à la fascination du héros (dont la maman, mozartienne accomplie, faillit l'appeler Amadéus !) pour le grand amour et son contraire : le monde interlope des bars à p..., des chansons à boire et des mères maquerelles plutôt "fleurs bleues", en dépit des apparences. Les Pénélope de "JCL" se déclinent au pluriel et non au singulier. La sulfureuse Christiane succède à la sage et douce (?) Laurence avant que d'entraîner Ulysse, peu désireux de résister au chant des sirènes, dans une série d'aventures extraordinaires où le conteur l'emporte sur le poète élégiaque. On l'a compris, dans ce récit, débordant d'intrigues et de rebondissements, Ithaque se prononce Zanzibar, sur les traces de Rimbaud, Kessel et Conrad, lesquels, persifle l'auteur, tout grands voyageurs qu'ils fussent, n'y sont jamais allés. On retrouve, dans cet hymne à la mer et à la déesse Aphrodite que hante, parfois, outre la terrible histoire de l'esclavagisme, la figure tutélaire de Salomon et la reine de Sabah, les accents mythologiques de Des plumes et des hommes, autre récit de JCL. La vie est là, dans sa rudesse et sa tendresse, ses horreurs aussi. Et la vie est roman. Un roman que Jean-Claude Lamatabois eût pu intituler : Ulysse et la vraie vie...

01/2018

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Beaux arts

Henri Gaudier-Brzeska, un sculpteur "mort pour la France". De l'anarchie au patriotisme héroïque

La vie et l'oeuvre de l'artiste français Henri Gaudier-Brzeska est peu connue en France. Les raisons de ce purgatoire résultent probablement de plusieurs facteurs. La décision de Gaudier de s'installer à Londres, où il a vécu les quatre années marquantes de sa carrière (1911-1915), a jeté un voile sur son identité. Le nom étranger qu'il a accolé à son patronyme a certainement brouillé un peu plus encore son image. Enfin, cet oubli s'explique par la brièveté de son parcours, interrompu à la fleur de l'âge par la Première Guerre mondiale - destin tragique qui a fait dire à certains historiens de l'art qu'il était un "Rimbaud de l'Art" dont la vie, comme celle du poète, avait "échappé à l'histoire pour entrer dans le Mythe". Dans l'espace anglo-américain, en revanche, Gaudier- Brzeska est connu et reconnu comme l'un des fondateurs du courant d'avant-garde anglais, le vorticisme. Très tôt, le poète Ezra Pound voyait dans la mort de Gaudier-Brzeska, sur le champ de bataille d'Artois, le 5 juin 1915, "la plus grande perte que les arts ont subie pendant la guerre". Faut-il rappeler qu'il n'avait pas hésité à s'engager volontairement dans l'Armée française, malgré son antimilitarisme notoire. Depuis 1916, de nombreux ouvrages ont été publiés, en anglais, sur l'histoire personnelle et sur la création de cet artiste. En 1972, le réalisateur Ken Russell a produit un film, Savage Messiah, à partir du livre au titre éponyme de Jim Ede, conservateur à La Tate Gallery, lequel, ayant découvert la richesse de l'oeuvre de Gaudier-Brzeska et de ses archives, n'a pas manqué de la faire connaître partout dans le monde. Cent ans après sa mort, cette bibliographie vient rappeler la figure de ce sculpteur de génie.

10/2015

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Histoire littéraire

Plagiats et impostures littéraires

D'Alexandre le Grand au Da Vinci Code, en passant par les " affaires " Bilitis, Pauline Réage ou Emile Ajar, un abécédaire sélectif d'une centaine de canulars, plagiats, supercheries et autres mystifications littéraires, célèbres ou oubliés qui se lisent comme autant d'enquêtes policières. " Un document passionnant " (L'Express). Canulars, escroqueries, mystifications, supercheries et autres trafics de textes Stendhal signant du nom fantaisiste de Bombet ses Lettres sur Haydn, généreusement empruntées au musicographe Carpani (1816)... Pierre Louÿs entonnant les chansons de l'imaginaire poétesse saphique Bilitis (1895)... L'apocryphe Chasse spirituelle de Rimbaud dénoncée par André Breton (1949)... Dominique Aury, alias Anne Desclos, relevant le défi d'écrire Histoire d'O sous le pseudonyme de Pauline Réage (1954)... John H. Griffin traversant le Sud américain " dans la peau d'un Noir " (1961), et Gunther Wallraff la RFA dans celle d'un Turc (1985)... Marc Ronceraille, canularesque poète d'avant-garde sacré par le n° 100 de la collection " Ecrivains de toujours " (1978)... Benjamin Wilkomirski, rescapé mythomane du camp de Majdanek, alias Bruno Grosjean, bouleversant le monde par son faux témoignage (1995)... Paul Smaïl, fictif immigré marocain endossé par l'écrivain polymorphe Jack-Alain Léger (1997)... J. T. Leroy, sulfureux auteur transgenre, démasqué en 2006... " Shakespeare n'a jamais existé, toutes ses pièces sont l'oeuvre d'un autre qui s'appelait également Shakespeare ", a dit Sacha Guitry. Carnets secrets d'Hitler, hétéronymes de Fernando Pessoa, faux romans noirs de Vian/Sullivan, double Goncourt d'Ajar/Gary... D'Alexandre le Grand au Da Vinci Code, la littérature, art du faux semblant, est indissociable de l'imposture, du canular, de la schizophrénie. Voici un abécédaire sélectif d'une centaine d'" affaires " de faux et de plagiats.

10/2022

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Histoire de la musique

Biblio pop. Rock et littérature de William Blake à Bret Easton Ellis

La guitare et la plume, ou les noces barbares entre rock et littérature. Deux univers qui, depuis les Saintes écritures et jusqu'à la littérature de genre (Fantastique, Science Fiction, Polar...) se seront toujours côtoyés jusqu'à parfois se percuter, percoler dans une gerbe d'étincelles. Au-delà de Dylan, de Cohen ou de tous ces écrivains-rockers, on voit bien que le monde du rock a toujours puisé dans les livres et a mis au pinacle les grands de la littérature. Kerouac et Dylan, Faulkner et le Band, Alan Sillitoe et Ray Davies, Hubert Selby et Lou Reed, Artaud et Jim Morrison, Rimbaud et Patti Smith, Yeats et Van Morrison ... On pourrait multiplier les exemples d'affinités et de liaisons - parfois dangereuses - entre écrivains et rockers. Plus près de nous, des rockers comme Tom Waits ou Nick Cave perpétuent la tradition unissant les mots et les sons à travers une poésie du malaise et des mélodies crépusculaires. C'est avant tout la notion de lyrisme qui est convoquée ici, exprimant aussi bien la lyre des anciens aèdes que la guitare de nos pop stars. Le lyrisme qui, nous dit Wikipedia, est "une tonalité, un registre artistique qui privilégie l' expression poétique et l'exaltation des sentiments personnels, des passions" . Ce lyrisme inspiré sur lequel souffle le vent de l'épopée et qui n'a rien à voir avec les jérémiades auto-complaisantes et narcissiques que l'on entend trop souvent de nos jours. Reste à espérer que nous aurons, avec cet ouvrage, mérité à la fois du rock et de la littérature pour concilier deux passions qui peuvent paraître lointaines en apparence, mais qui sont finalement très proches, grâce à des écrivains qui swinguent, grâce à des musiciens qui se font poètes.

03/2024

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Critique littéraire

ETUDES. L'oeuvre critique de Jacques Rivière à La Nouvelle Revue Française (1909-1924)

Ce n'est pas un hasard si la critique de Jacques Rivière porte aussi bien sur des peintres que sur des musiciens ou des écrivains. Sa pensée se meut à l'aise dans un univers peuplé de formes, de couleurs et de sons, et adopte tout naturellement un caractère sensuel. " Chaque poème est le doux corps précis d'un sentiment unique "... " les lignes parfaites d'Ingres entourent le corps ainsi qu'un bras "... " son amour est si violent, écrit-il de Cézanne, qu'il tremble de respect ". Mais Rivière va plus loin, il reconstitue la démarche du poète, le geste du peintre, la sensation du musicien, qu'il semble approcher de ses yeux pour mieux en décrire avec minutie les moindres détails. Si Rivière s'était repenti en 1924 d'avoir " introduit les mœurs de l'amour dans la critique ", il priait toutefois son lecteur d'avoir " la gentillesse de [lui] en faire tout de même un mérite ". D'autant que ses " idoles " ne lui paraissaient pas, douze ans plus tard, trop mal choisies, ni son Panthéon trop " démodé ". De ce " poème critique ", selon l'expression de Saint-John Perse, Rivière passera insensiblement au débat d'idées où va se manifester plus nettement son autorité de directeur de revue. Maintes fois, il quitte l'actualité pour se consacrer à une grande réflexion d'ordre général comme " La Crise du concept de littérature ", ou les articles et les conférences consacrés à l'étude approfondie d'un auteur, tel Proust ou Rimbaud, ou encore à la polémique dans sa " Lettre ouverte à Henri Massis sur les bons et les mauvais sentiments " qui prend une valeur quasi testamentaire d'être son dernier écrit publié dans La NRF.

11/1999

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Ecrits sur l'art

Nectart N° 16, janvier 2023 : Urgence climatique : changer de culture !

La culture en transition : Des bouleversements en profondeur pour les artistes, les festivals, les collectivités publiques, les librairies... Face-à-face Françoise Nyssen/Edwy Plenel " Le droit de savoir et l'indépendance, piliers de nos entreprises, sont aujourd'hui menacésA " De Jeff Bezos à Elon Musk L'idéologie cynique de la Silicon Valley par Nikos Smyrnaios Comment agir face au dérèglement climatique ? Changer de culture ! par David Irl Moins loin, moins haut, moins fort Les festivals peuvent-ils changer de logicielA ? par Gwendolenn Sharp Les artistes en première ligne, Les projets de territoire et les droits culturels, leviers pour une vraie bifurcationA ! par Eric Fourreau Recrudescence des créations/reprises de librairies depuis 2019 " Cette fois c'est décidé, je deviens libraire ! A " par Mathilde Rimaud Prendre conscience de notre inconscience Ouvrir la voie aux livres de l'après-pétrole par Anaïs Massola Histoire du film d'animation Industrie et artisanat (1937-1989)A : de Blanche-Neige à Mon voisin Totoro par Sébastien Denis L'Inseac - Une utopie qui écrit l'EAC en lettres majuscules ! par Eric Fourreau Du cloud gaming au métavers - Microsoft vampirise le jeu vidéo par Louis Wiart Comprendre le fonctionnement des algorithmes Sortir du diktat des médias sociaux par Stéphanie Vecchione

01/2023

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Economie

L'agriculture sénégalaise de 1958 à 2012. Analyse systémique et prospective

Cet ouvrage souligne la nécessité absolue d'une analyse sociopolitique, technico-économique et même juridique pour comprendre et développer l'agriculture. En partant des travaux de René Dumont, de Robert Redfield et de Placide Rambaud, l'auteur propose un modèle d'analyse systémique dénommé "Système de développement agricole et rural (SDAR)". Ce dernier permet de traverser les "vrais et faux débats" de l'agriculture africaine à travers les notions d'exploitation (paysanne, agricole et agro-industrielle familiale ou non), de regroupement (professionnel, interprofessionnel ou civil, citoyen), de subvention (des intrants ou à l'exploitation) et d'éducation agricole (formelle ou non formelle). A travers son modèle d'analyse, il identifie et caractérise trois types de systèmes sociopolitiques agricoles, à travers le monde : le système paysanal, le système agricultural et le système agro-industriel. Le SDAR permet de mieux comprendre le mauvais départ de l'Afrique et les résultats mitigés des politiques agricoles africaines, malgré les lourds investissements dans le secteur. Il met en exergue l'importance de l'approche systémique comme instrument d'analyse, d'évaluation et de mise en oeuvre des stratégies de développement agricole et rural. Le SDAR constitue, fondamentalement, un outil scientifique et technique qui interpelle les chercheurs et décideurs du continent. Ce travail, centré sur des situations empiriques et reposant sur des données factuelles, met à la disposition du lecteur une mine d'informations de terrain.

12/2013

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Religion

Le XXIe siècle du christianisme

Le XXIe siècle du christianisme Aurélien Acquier, Jean-François Colosimo, Jean-Dominique Durand, Jean-Pascal Gons, Jacques Igalens, Henri Madelin, Emile Perreau-Saussine, Philippe Portier, Thierry Rambaud, Jean-Paul Willaime : ce sont les meilleurs spécialistes que Dominique Reynie, le directeur de la Fondation pour l'innovation politique, a réunis pour mener cette investigation sans précédent. Si, selon la prophétie attribuée à André Malraux, le XXIe siècle sera métaphysique, en quoi demeurera-t-il ou non chrétien ? Après deux millénaires, qu'en est-il de l'Eglise et des Eglises face au retour planétaire du religieux ? Quelles mutations internes le christianisme connaît-il lui-même à l'âge de la globalisation ? La séparation entre le spirituel et le temporel a-t-elle un avenir ? C'est à ces questions décisives que répond ce panorama à la fois informé, vivant et critique. Ces questions sont cruciales pour l'évolution de l'équilibre mondial et des sociétés démocratiques. Elles sont vitales pour le destin de l'Europe et de la France face au risque majeur d'acculturation. Elles déterminent les conditions, demain, de notre existence collective et individuelle. Catholicisme, protestantisme, orthodoxie, dialogues oecuménique et interreligieux mais aussi géopolitique, politique, droit, économie, éthique : théologiens, philosophes, historiens, sociologues, décryptent ici pourquoi et comment notre héritage dessine notre avenir. Un indispensable du débat public.

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Philosophie

L'esthétisme britannique (1860-1900). Peinture, littérature et critique d'art

Corps sensuels et alanguis, harmonie des formes et des couleurs, culte de la beauté et de la sensation : c'est au Royaume-Uni, au cours du dernier tiers du règne de Victoria (1837-1901), que naît l'esthétisme, sur lequel cet ouvrage a l'ambition d'offrir un éclairage pour un public francophone. Courant artistique et littéraire multiple et contradictoire, associé à des peintres tels que Burne-Jones, Leighton, ou Whistler, à des écrivains comme Pater, Ruskin, Swinburne ou Wilde, l'esthétisme est à la fois intrinsèquement britannique - fondé sur un prolongement de l'art préraphaélite et le rejet d'une industrialisation qui a radicalement transformé les paysages et les modes de vie du Royaume-Uni au fil du xixe siècle - et résolument européen, puisant ses sources dans la philosophie allemande et chez des écrivains français comme Baudelaire ou Gautier. Le mouvement esthétique est également trans-artistique et ne saurait se saisir qu'à travers la mise en regard du texte et de l'image - l'étude de l'influence réciproque de la peinture et de la littérature et l'examen d'une critique d'art subjective et créatrice. Ce volume se propose de cerner les contours de ce mouvement polymorphe, qui trouble les genres et les catégories, à travers la traduction richement annotée de quelques-uns des écrits critiques clefs qui en définissent ou en illustrent les principes. La seconde partie de l'ouvrage réunit quatre études rédigées par des spécialistes du champ. Elles portent sur les motifs fondateurs de l'esthétisme et interrogent les rapports inter-artistiques au coeur d'un mouvement qui se situe au seuil de la modernité et dont l'influence excède les frontières strictes du Royaume-Uni.

01/2021

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BD tout public

Charles

A Bari, petite ville balnéaire du sud de l'Italie, un groupe de jeunes punks tue son ennui dans un parc à coup de Rohypnol et de gin tonic. Au centre de la bande, un curieux personnage semble capter toutes les attentions. Habillé d'une redingote ornée d'un noeud papillon, son style tranche avec les vestes en cuir cloutées et les crêtes colorées. Le poète Charles Baudelaire, débarqué tout droit de son 19e siècle quelque temps plus tôt - à moins qu'il ne s'agisse d'un duplicata produit sur place - s'est rapidement intégré à la petite troupe, devenant pour la bande de traîne-savates un véritable maître à penser. Son caractère atrabilaire, ses condamnations misanthropes et ses postures anti-conformistes trouvent une résonance dans l'esprit enfumé des jeunes clampins, qui se disputent son amitié. Construit comme une chronique de l'adolescence, jouant des codes de la comédie et du sitcom, Charles cache derrière sa désinvolture un regard acéré sur le désespoir social qui ravage le sud de l'Italie en produisant des souches d'individus sans espoirs et sans repères. Les sentences du poète désabusé, qui pose sur ce monde en décomposition un oeil dont le temps n'a pas altéré l'acuité, offrent au petit groupe un dérivatif à la désillusion qui froisse peu à peu ces âmes trop sauvages ou trop candides. Alessandro Tota livre avec cette facétie douce-amère un aller-retour saisissant entre deux époques ; le lecteur convaincu d'être du bon côté du Temps y trouvera matière à se rappeler que la technologie nous a peut-être fait changer de monde mais qu'elle n'a pas réussi à faire changer l'Homme.

02/2018

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Critique littéraire

L'énigme des premières phrases

"Longtemps, je me suis couché de bonne heure". "Aujourd'hui, maman est morte". "DOUKIPUDDONKTAN, se demanda Gabriel, excédé". Voici trois premières phrases parmi les plus célèbres de livres ô combien célèbres. Elles ouvrent A la recherche du temps perdu, L'Etranger et Zazie dans le métro. Ce livre en contient quinze autres (plus deux interludes) que Laurent Nunez examine, mot après mot, signe de ponctuation après signe de ponctuation. Tout ce que l'on peut deviner d'une oeuvre, et peut-être de son auteur, n'est-il pas contenu dans "sa" première phrase, si on l'étudie bien ? Dans les mots mêmes, leur arrangement, leur harmonie, se révèlent une pensée et l'homme (ou la femme) même qui l'ont conçue. Le nouvel essai de Laurent Nunez, aussi instructif qu'ironique, aussi passionnant que savant, interroge les premières phrases des chefs-d'oeuvre de la littérature française. Et l'on verra : un homme fou d'une femme (Racine) et une femme folle d'un homme (Duras) ; un écrivain qui perd sa mère (Camus) et un poète que sa mère abandonne (Baudelaire) ; des rôles qu'on joue très mal (Gide) et d'autres qu'il est interdit de jouer (Molière) ; des nuits où l'on est ivre (Mallarmé) et des lendemains où l'on n'arrive même plus à écrire (Barthes) ; le début d'une belle histoire (Zola) et la possible fin de l'histoire du monde (Aragon) ; la solitude (Rousseau) et l'amitié salvatrice (Flaubert), un homme qui n'ose pas dire qu'il est "hormosessuel" (Queneau) et un autre qui le dit à sa façon (Proust). Bref, la vie même, cette vraie vie qui comme dit Proust est la littérature. Italo Calvino avait écrit Comment lire les classiques ?, voici le "comment (re)lire les classiques ?" des temps nouveaux.

03/2017

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Beaux arts

Les arcs-en-ciel du noir : Victor Hugo

À plusieurs reprises, on s'est déjà intéressé aux jeux de l'ombre et de la lumière chez Victor Hugo comme à son activité graphique indissociable du noir de l'encre. Mais sans doute n'a-t-on pas mesuré quelle puissance génératrice a chez lui l'obscur qui semble être l'équivalent d'une matière noire, tout aussi déterminante dans son oeuvre littéraire que dans son oeuvre graphique. Jusqu'à lester l'une et l'autre d'une gravité inédite qui les travaille pareillement de l'intérieur. S'ensuivent ce que j'appelle les arcs-en-ciel du noir irradiant pour mieux la déployer une inimaginable palette de thèmes et de points de vue qui paradoxalement apparaissent à cette nouvelle lumière venue des profondeurs pour redessiner le paysage poétique, dramatique, social, politique... c'est-à-dire l'horizon tout entier. Si cette exposition a pour objet de faire apparaître quelle interaction décisive s'opère chez Hugo entre ce qui s'écrit et ce qui se dessine, elle se propose aussi de montrer de quelle façon celui-ci revient continuellement à cet élément noir comme à autant de répliques souterraines de l'arc-en-ciel pour y puiser sa force de transfiguration à l'origine d'une " énormité poétique " qui n'a pas fini de nous sidérer. Cet ouvrage est publié à l'occasion de l'exposition du même titre qui se tiendra à la Maison Victor Hugo du 15 mars au 19 août 2012. L'exposition, réalisée exclusivement à partir du fonds de la Maison de Victor Hugo à Paris et d'Hauteville House à Guernesey, présente quelque quatre-vingt dessins de l'écrivain, des illustrations contemporaines que ses oeuvres ont suscitées, ainsi que des lettres (de Lautréamont, Baudelaire, Louise Michel...), objets et documents divers.

03/2012

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Science-fiction

Romans terrifiants

Surgi de l'au-delà, un casque géant tombe dans la cour d'honneur du Château d'Otrante et tue le fils du prince. Des guerriers de marbre descendent de leur socle et saignent du nez. Viendra d'Angleterre à leur suite, dans un concert de gémissements et d'enlèvements, de viols et d'assassinats et dans des décors de cachots, caveaux, confessionnaux, cimetières, châteaux et monastères baignés par la lune ou assaillis par l'orage, un cortège de nonnes sanglantes, de spectres bruyants, de moines impudiques, d'inquisiteurs masqués et d'orphelines ravies à leur couvent ou à leur fiancé... De cette masse de prodiges et méfaits entretenus par le fol engouement du public émerge l'inspiration de quatre maîtres incontestés. D'abord Horace Walpole, initiateur du genre avec Le Château d'Otrante (1764), puis Ann Radcliffe, spécialiste du surnaturel expliqué et dont Le Confessionnal des Pénitents noirs (1797) montre le triomphe de l'amour sur l'Inquisition et ses chambres de torture. Avec Le Moine (1795) de Matthew Gregory Lewis, l'intervention directe du diable porte le surnaturel à l'incandescence et l'amour jusqu'au blasphème. Le roman de la terreur a cédé la place au roman du Mal. Un Mal qui, dans Melmoth ou l'Homme errant (1820) de C.R. Maturin, va quitter les lieux de l'inspiration gothique pour écraser des hommes sous leur destin aux quatre coins du monde. Parmi les nombreux écrivains que le roman noir terrifiant a fascinés à l'aube du romantisme, de Balzac à Baudelaire en passant par Charles Nodier, Victor Hugo et George Sand, on retiendra l'auteur des célèbres Contes. Les Élixirs du diable (1816) d'Hoffmann constituent l'hommage du romantisme à un genre qu'on jugera frénétique et mal famé.

06/2014

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Littérature française

OEUVRES COMPLETES. Tome 18

La plupart des cahiers recueillis dans ce tome XVIII sont contemporains de Lettres de Rodez. Aussi y sent-on la présence de celle qu'Antonin Artaud a appelée "Madame Morte" ou encore "madame utérine fécale", la poésie noire dont l'âcre beauté traverse les ballades de François Villon ou les poèmes de Charles Baudelaire, comme une sorte de "transe abdominale du coeur et du sexe". Elle a la noirceur de la peste ou de la mort, et éclaire de ses sombres lueurs les textes de cette période où une sexualité violente et désespérée alterne avec une infinie tendresse pour ces ombres de femmes devenues filles d'élection. Est-il exemple plus probant de poésie à l'état pur que ces manières de litanies dédiées à Catherine ou à Cécile : "Cécile la morte couchée après mes coups, et de la gorge fluidique" ? Paul Valéry disait que certains vers souvent étaient des dons. On pourrait croire que tous les mots de ces étranges et bouleversants poèmes ont été comme donnés à Antonin Artaud si l'on ne soupçonnait qu'il les a plutôt arrachés de lui, dans ce "ténesme d'un infini montant". Arrachement qui ne contrarie pas le jaillissement mais au contraire le produit. Dans cet automne 1945, Antonin Artaud préparait deux livres : Le Surréalisme et la fin de l'ère chrétienne, titre-écho de celui qu'il avait choisi, vingt années auparavant, pour le numéro de La Révolution surréaliste dont il avait eu l'entière responsabilité, et Mesure sans mesure, titre aux résonances shakespeariennes. On trouvera dans ce tome des pages écrites pour ces deux ouvrages projetés. Par leur ton, leur forme surtout, elles diffèrent quelque peu des notes quotidiennes des cahiers. Elles ont cette scansion profonde qui, de plus en plus, rythmera les derniers textes d'Antonin Artaud et dont la cadence impressionne si fort l'oreille intérieure du lecteur.

05/1983

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Poches Littérature internation

Snapshots. Nouvelles voix du Caine Prize

Cette sélection de six longues nouvelles saluées par le Caine Prize pour la littérature anglophone d'Afrique - émanation du fameux Booker Prize-long, l'auteur interpelle son héroïne. Une petite fille au départ d'une vie déshéritée, entre un père bronchiteux qui fume sa mort, une mère esclave colérique, ses frères et soeurs qui iront l'un après l'autre tenter la malchance funeste de l'autre côté de la frontière, en Afrique du Sud. La fillette grandit comme un brin d'ivraie épargnée par la faux, vend des oeufs durs au chaland quand naissent ses petits seins "à la coque à l'amour". "Tu as quatorze ans et demi quand tu rencontres Givemore sur Main Street." Celle que Givemore appelle Sunrise au matin de leur rencontre et Sunset le soir venu ne connaîtra pas l'âge adulte. Mais irrésistiblement contée dans une langue parlée des plus accomplies, son histoire lamentable devient pour nous emblématique du désastre humanitaire au Zimbabwe comme dans tout le "Tiers-Monde", alors que l'immense énergie opprimée de la jeunesse ne demande qu'à inventer l'avenir. Tous ces auteurs ont en partage des thématiques les plus actuelles, dans des zones d'urbanisation éruptives où règnent violence, misère et corruption, mais aussi les plus folles espérances. Trempée dans les réalités mutantes des grandes cités, cette langue anglaise postcoloniale devient un extraordinaire espace de métamorphose des imaginaires et des sensibilités. On notera la remarquable performance de Sika Fakambi, la traductrice (Prix Baudelaire de traduction de la SGDL 2014 pour Notre quelque part de Nii Ayikwey Parkes) qui, une fois de plus, a su mettre tout son talent, et un véritable génie de la transposition du ton et du rythme, dans ces six traductions.

10/2014

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Illustration

Les Arts dessinés Hors-série N° 4 : Benjamin Lacombe

BENJAMIN LACOMBE HS ARTS DESSINES N°4 SORTIE 18 NOVEMBRE Né le 2 juillet 1982 à Paris, Benjamin Lacombe est actuellement un des illustrateurs français, auteur de bande dessinée et de littérature jeunesse, les plus importants. En quinze ans de carrière, l'artiste a vendu plus de deux millions de livres en tant qu'auteur complet ou accompagné d'écrivains et écrivaines. En 2001, s'il sort diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris, il a un pied dans le monde professionnel, puisqu'il exerce déjà en publicité, dans l'animation comme l'édition et en bande dessinée, sa première paraissant en 2001. Son projet de fin d'études, Cerise Griotte, est édité en 2006 aux éditions du Seuil jeunesse. Il en est l'auteur et l'illustrateur de ce premier livre jeunesse. Depuis, Benjamin Lacombe a écrit et illustré de nombreux livres. Il a notamment travaillé avec en France chez Albin Michel Jeunesse, la collection Métamorphoses chez Soleil, les éditions Margot et le Seuil Jeunesse. A l'étranger, ce sont Barefoot Books (Etats-Unis), Edelvives (Espagne), Hemingway Korea (Corée), Milan, MaxMilo, Sarbacane, Walker Books (Etats-Unis)... qui diffusent son talent. Benjamin Lacombe illustre aussi les nouvelles des Contes Macabres d'Edgar Allan Poe, dans la traduction de Charles Baudelaire, et aussi l'histoire de Notre-Dame de Paris avec le texte intégral de Victor Hugo. Depuis quelques années, il a ajouté une corde à son arc en devant directeur de collection aux éditions Albin Michel Jeunesse, mettant en avant de jeunes et talentueux auteurs. Benjamin Lacombe expose régulièrement son travail. Il a entre autres été exposé dans les galeries : Ad Hoc Art (New York), L'Art de rien (Paris), Daniel Maghen (Paris), Dorothy Circus (Rome), Maruzen (Tokyo), etc.

11/2022

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Ecrits sur l'art

Déjeunons sur l'herbe

S'il y a un peintre français qui, par son seul génie, a bouleversé le monde entier, c'est bien Edouard Manet. Depuis l'enfance, j'aime ses oeuvres, ses noirs, ses ivoires, ses énigmes, ses amoureuses. La violence extrême qu'il a suscitée est inimaginable aujourd'hui. Je vous propose une balade personnelle et intime dans sa vie. Ado, j avais trois idoles : lui, Jacques Monory, le peintre des meurtres bleus, et Led Zeppelin. Vous allez les retrouver ainsi que des conversations sur le bel Edouard avec Koons, Barceló, Longo, Condo, Tabouret, Lavier, Yan Pei-Ming, Traquandi, Mivekannin et ceux qui font l'art vivant. Je ne suis pas historien, ce qui me permet de convoquer des surprises dans le secret des ateliers : Picasso, Warhol, De Niro père et fils, Hockney, Visconti, César, Niki de Saint Phalle, La Casa de Papel, Laurence des Cars, Bourdieu, la maladie brutale, le journalisme, mes parents, modestes marchands de tableaux et ceux du monde entier... Notre Hitchcock de la peinture a inventé l'art moderne pour le reste de la planète. Il adorait la vie et il a fini, presque paralysé, par peindre des fleurs déchirantes. Etant passé tout proche du ravin rejoindre mon père, je me suis autorisé ce roman vrai avec des reproductions magnifiques. Edouard Manet a vécu la mort aux trousses en revenant tout jeune du Brésil, à cause de la syphilis qui l'a tué à 51 ans. Comme Baudelaire à 46 ans. Il lui ferma les yeux. Il repose au cimetière de Passy, à Paris. Il incarne la preuve que l'art contemporain n'existe pas car le Déjeuner sur l'herbe est vivant pour l'éternité. Partout.

09/2022

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Religion

Cultes, mythes et religions

" Il n'y a d'intéressant sur la terre que les religions ", notait Baudelaire dans ses Journaux intimes. Salomon Reinach (1858-1932) fut de son avis, puisqu'il consacra sa vie entière à l'étude des cultes, des mythes, des croyances, des superstitions. De l'Antiquité gréco-latine à la Gaule gallo-romaine, rien n'échappait à sa curiosité. Et si les frères Goncourt avec leurs manies de " bibeloteurs " sont à l'origine du musée Carnavalet, Salomon Reinach est un des promoteurs du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, le musée qui nous renseigne le mieux sur nos origines lointaines, sur nos sources païennes et sur le début du christianisme en France. Salomon Reinach n'étudie pas seulement la manière dont ont été domestiqués nos animaux, il s'est également intéressé aux coutumes de mariage de nos ancêtres, au totémisme druidique et à Vercingétorix, à la figure d'Orphée et aux vestales romaines, aux cathares et à Gilles de Rais, à Jeanne d'Arc et à l'inquisition. Tous les aspects de la vie religieuse le fascinent. Durant des années, il a donné, à des revues plus ou moins savantes, des études extrêmement précises sur des points qui paraissent de détail mais qui sont révélateurs des grands problèmes fondamentaux. De 1905 à 1923, il a réuni dans cinq gros volumes intitulés Cultes, mythes et religions, des études dont la plupart font toujours autorité. Nous en avons retenu les plus importantes : toutes ont été préfacées par Hervé Duchêne. Pierre Brunel, professeur à la Sorbonne et éminent spécialiste des mythes littéraires, dit dans son avant-propos tout ce que sa réflexion doit aux travaux irremplaçables, mais hélas introuvables, de Salomon Reinach, qui reparaissent ici pour la première fois après trois quarts de siècle d'ombre : une renaissance plus qu'attendue.

09/1997