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Gabrielle Filteau-Chiba

Extraits

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Poésie

Totem normand pour un soleil noir

L'oeil à l'abîme" ou à la merveille, Christophe Dauphin pense que "les utopies du coeur donnent aux mots les sommets de vivre et de rêver" . Mais il n'ignore pas que l'Histoire nous préface et nous achemine vers la grande nuit sacrificielle, que l'ombre et la lumière sont des gotons qui couchent ensemble, que l'injustice est l'un des brins de notre osier et la Beauté le masque du terrible. "Pas un espace sans combat" , pas un mot sans cri : puissance et jaillissements constants d'une inquiétude, attisée logiquement par l'énigme d'être (sans doute, pour "mourir sans rature, faudra-t-il s'habiter de rêves et de fougères"), dans sa passion ignée pour les mots qui témoignent, la poésie de Christophe Dauphin se penche autant sur les poètes amis disparus (d'Yves Martin à Senghor, de Jean Sénac à Marc Patin, Jacques Prevel et Jean-Pierre Duprey...) que sur les exclus de la société, insurrection canari, dont la révolte se trouve incarnée dans cette magnifique formule : "Mille visages en une seule pierre" . Car une incessante colère sourd de la plaie du chant d'Orphée qui hante toujours la "cité à la dérive" de sa jeunesse - loin de la misère tirée à quatre épingles où certains tribunaux du beau désespoir ont élu domicile. Les textes de cet ensemble racontent la naissance à la poésie parmi les poubelles fracturées des "tours-totems" ("J'entre par effraction dans l'alphabet") et l'importance de cet engagement ("Mise à nu/Mise à mort") ; ils disent aussi l'amour du pays normand et de la Provence ; dénoncent la "République du glyphosate" ainsi que les "églises, les mosquées, les synagogues et leurs armureries" , et incantent la souffrance du Gaza d'Amir Hassan, le poète palestinien. En somme, ils montrent un ciel intérieur encré par l'art, la fraternité et l'insoumission. Il s'agit bien de survivre dans un monde confisqué, de plaider la cause des "soeurs et frères de l'arbre sec" ou des migrants, face aux "horizons noyés de matraques" , de s'insurger contre la fatalité de la drogue, et d'aimer, le plus possible, le plus vite possible, le plus loin possible. A chaque fois, le poète s'invite aux "Assises du Feu" . Le "pouvoir éruptif de cette poésie" (Paul Farellier), "La grâce de sa juste vision" (Paul Sanda) font de son auteur "un guetteur insatiable d'étoiles" (Odile Cohen-Abbas), "celui qui ne recule pas" (Adeline Baldacchino), attentif "à toutes les formes possibles de l'obtention de la parole heureuse" (Gabrielle Althen). Le lecteur pourra apprécier les sourires et sanglots de sa démesure, la générosité qui s'en dégage, sa violence verbale au service du diamant.

10/2020

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Peut-être, n° 6, 2015. Revue poétique et philosophique

Ce sixième numéro de Peut-être s'ouvre avec le souvenir de Daniel Vigée, qui s'est éteint au début du mois de novembre 2013. Il aurait eu soixante et un an à la fin de novembre 2014. Tous ceux qui ont côtoyé Daniel, tous ceux qui l'ont connu à travers les poèmes de Claude Vigée, partagent une grande tristesse et s'associent pleinement au deuil de sa famille, et tout particulièrement de son épouse Jola et de ses enfants, Nathalie (et son époux) et Raphaël. Nous reproduisons la brève allocution que Claude avait dictée à Nathalie pour la cérémonie de Bischwiller ainsi que le discours de Claude Heymann, Rabbin de la communauté de Haguenau. Nous associons Evy à son fils dans notre souvenir. Les essais de Claude Vigée ici repris, partiellement pour "L'annonce d'un matin d'hiver" , et dans son intégralité pour "Esclaves et étrangers : Flaubert et Chateaubriand à Jérusalem" , permettent de bien mettre en relief la complémentarité de ces lieux, l'Alsace et Jérusalem, dans l'existence et dans l'oeuvre de Claude ainsi que dans la vie de sa famille. Blandine Chapuis dédie à Evy son étude fouillée, très sensible et pertinente, sur l'oeuvre de Claude Vigée : "La poésie comme promesse d'avenir" . Il est aussi beaucoup question de cette oeuvre qui nous rassemble dans le dossier qu'Oleg Poliakow a réuni pour nous autour d'une réflexion sur le verset de la Genèse concernant la création de l'homme (Genèse 2, 7) associée à cette belle expression du philosophe Paul Ricoeur : "L'homme, c'est la Joie du Oui dans la tristesse du fini". Nous traversons une période de commémorations multiples. L'année 2014 marquait le centenaire de la naissance de Dylan Thomas, que célèbre Jean Migrenne, mais inaugurait également une double perspective historique, le centenaire du début de la Grande Guerre s'associant avec le soixante-dixième anniversaire de la Libération. Nelly Carnet s'est entretenue avec Nelly Leviandier-Coulon, résistante. Je poursuis mon travail de réflexion sur les poètes de la Grande Guerre. Pierre Brunel nous parle de Rimbaud et établit un lien particulier avec l'oeuvre de Claude Vigée. Le cahier de création s'ouvre avec des poèmes inédits de Claude. Marc Sagnol nous initie par ses traductions à l'oeuvre d'Alexandre Guelman, poète russe, et d'Inna Fridkina. Je propose, en version bilingue, des poèmes très célèbres de Wilfred Owen, Charles Hamilton Sorley, Isaac Rosenberg, Ivor Gurney et Robert Graves. On retrouvera ensuite, ou on découvrira, Gabrielle Althen, Beryl Cathelineau-Villatte, Marc Kauffmann, Pénélope Sacks-Galey et Marc Sagnol. Jean-Luc Hohl-Muller nous donne à lire un essai sur la langue alsacienne, sous forme de nouvelle, "Les écureuils" . Lydie et Guy Baranton, fille et fils du peintre dont nous présentons l'oeuvre, Roger Baranton, évoquent pour nous leur père et sa joie de peindre, qui transcenda pour lui toute autre difficulté d'existence. Il se situe dans cette école de Paris d'après la Seconde Guerre mondiale.

12/2014

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Monographies

Chu Teh-Chun. In Nebula, Edition bilingue français-anglais

Chu Teh-Chun (1920-2014) est un acteur majeur de la peinture gestuelle abstraite. Né en Chine au sein d'une famille d'amateurs d'art, il est formé à l'Académie des beaux-arts mais subit la guerre sino-japonaise, des tragédies familiales, la disparition quasi totale de ses oeuvres de jeunesse puis l'exil - en 1949 vers Taïwan et en 1955 vers Paris, où il s'installe enfin. C'est dans ce cadre apaisé que son abstraction orageuse voit le jour. Excluant toute géométrie patente, celle-ci est constituée de nébuleuses et autres maelströms polychromes, modelés par de puissants effets de clair-obscur. Atmosphérique et hors échelle, chaque tableau est une matrice où notre vision se projette et s'abîme, nous faisant perdre tout repère spatial ou sémantique. Nourri de peinture tant classique que moderne, tant asiatique qu'occidentale, Chu formule la sensation mnésique du paysage, l'essence dynamique du geste et le surgissement de la lumière. La mise en perspective historique, au gré de parallèles, analogies et autres résonances, nous invite à cerner la singularité d'un régime abstrait sous-tendu par la logique organique du vivant, les formes et les forces de la nature, leurs phénomènes naturels, leur fluidité éruptive et leurs révolutions cosmogoniques. Car Chu s'est longtemps trouvé quelque peu en marge de son époque, en raison peut-être d'une personnalité réservée et d'un rejet de principe de toute stratégie commerciale. L'objet de cette monographie est donc, à l'aune du recul historique et du succès actuel de l'oeuvre, de qualifier certains de ses enjeux esthétiques et d'aider à dissiper quelques malentendus qui ont pu entourer sa réception. Chu Teh-Chun (1920-2014) is a major figure in the history of gestural abstract painting. Born in China into a family of art lovers, he trained at the Academy of Fine Arts in Hangzhou. Then came the Second Sino-Japanese war, family tragedy, the loss of nearly all his early work, and finally, exile-to Taiwan in 1949, then, in 1955, to Paris, where he settled. This peaceful home witnessed the emergence of his tortured abstraction, devoid of obvious geometry, in which polychrome nebulae and maelstroms clash with violent chiaroscuro effects. Atmospheric, impossible to scale, each painting is an arena into which vision is projected and submerged amid a loss of spatial and semantic bearings. Steeped in painting both classical and modern, Asian and Western, Chu's art recreates the memory of a landscape, the dynamic essence of gesture, and the brilliance of light. This study, by placing his work in its context, using parallels, analogies, and other resonances, focuses on the singularity of his approach to abstraction, underpinned by the organic logic of the living world, by natural phenomena, forms, forces, and by their eruptive fluidity and cosmogonic revolutions. For many years, Chu remained a somewhat marginal figure, perhaps because of his reserved personality and his principled rejection of commercial strategies. Making the most of historical perspective, and in light of the artist's current recognition, this monograph sets out to define some of the aesthetic themes shaping his work and to help dispel some of the misunderstandings that have surrounded its reception.

04/2024

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Littérature française

Le Blé en herbe et autres écrits

Claudine à l'école est le grand succès de mars 1900. Le livre est signé Willy. On sait généralement qu'il s'agit du pseudonyme d'Henry Gauthier-Villars, qui l'utilise pour signer les productions de l'atelier qui lui écrit ses ouvrages. Cette fois, pourtant, le texte sort du lot. Il ne ressemble à rien de connu, la langue est nouvelle, le ton insolent, le propos scandaleux. C'est qu'il n'est pas de la plume d'un des scribes habituels de Willy : il est de sa jeune femme, Sidonie-Gabrielle, née Colette. Colette : il faudra attendre 1923 et Le Blé en herbe pour que ce nom apparaisse seul sur la couverture d'un livre. Avant cela, il y aura eu d'autres "Willy" , des "Colette Willy" et même des "Colette (Colette Willy)" . Mais on a vite compris. Catulle Mendès écrit à Colette : "vous avez créé un type" . Claudine en effet est un type, et elle deviendra un mythe. Colette en créera d'autres : celui de Sido, sa mère, "le personnage principal de toute [s]a vie" ; celui de Gigi, jeune fille élevée pour devenir une femme entretenue et qui échappe à ce destin ; et celui de Colette elle-même, qui se construit au fil de plusieurs vies - elle fut danseuse, mime, actrice, journaliste, directrice d'un institut de beauté, publicitaire... comme si la littérature ne pouvait suffire à lui assurer l'indépendance et la liberté qui sont, avec l'aptitude au plaisir, ses valeurs les plus hautes. Des tenues succinctes portées sur la scène du Moulin Rouge à la croix de grand-officier de la Légion d'honneur reçue en 1953, la ligne droite n'est pas le chemin le plus court. Mais l'oeuvre de Colette s'est nourrie de ce sinueux parcours. Colette appelle "littérature" tout ce qu'elle n'ai me pas : l'emphase, la "ciselure" et les idées générales, qui lui vont aussi mal, dit-elle, que les chapeaux empanachés. L'année du Blé en herbe, elle déclare à Simenon : "Supprimez toute la littérature, et ça ira". "C'est le conseil qui m'a le plus servi dans ma vie" , dira le romancier. C'est aussi ce qui préserve l'oeuvre de Colette du vieillissement. L'ouverture de Chéri, en 1920, a époustouflé les lecteurs. Cent ans plus tard, on l'admire toujours. Mais le style ne serait rien s'il n'était au service d'un regard d'une extraordinaire sensibilité. Colette, nous dit Antoine Compagnon, rend présents "le monde de l'enfance, l'étoffe de la sensation, l'émotion de la mémoire" . On la crédite aussi d'avoir été "la première femme qui ait vraiment écrit en femme" (A. Maurois), la première à explorer ainsi les amours adolescentes (Le Blé en herbe), à entretenir une réelle connivence avec la nature et "les bêtes" , à poser ce qu'on appellera la question du "genre" (dans Le Pur et l'Impur, en 1941), etc. Mais ce sont ces trois domaines - l'enfance, la sensation, la mémoire - qu'il faut retenir si l'on veut lui rendre justice. Elle les partage avec Proust, dont elle admira

02/2023

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Autres

Philosophie latine

C'est au milieu du IIe siècle avant notre ère que la philosophie commença à s'introduire à Rome. Progressivement, le latin devint la seconde langue de la philosophie, sous l'impulsion d'auteurs comme Lucrèce et Cicéron, qui s'efforcèrent à la fois de forger une nouvelle langue philosophique, d'introduire et d'adapter concepts et thèmes, et parfois de traduire les textes grecs en latin. Parallèlement, les Romains s'efforcèrent de vivre en philosophes, tel Caton, stoïcien fameux. Ce sont ces différents aspects de la philosophie à Rome qui sont examinés dans ce numéro, de l'integritas de Caton à la traduction cicéronienne du Timée en passant par différents aspects de la philosophie de Lucrèce, de Cicéron, de Sénèque et même du rhéteur Fronton : usages philosophiques de l'étymologie, valeur éthique de la gloire, de la claritas ou de l'horror, questions du suicide et des officia.

12/2022

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Musique, danse

Trois Motets. Panis angelicus ; Ave Maria ; Ave verum

Jean Cras (1879-1932) était un fervent catholique : difficile de l'imaginer autrement pour un homme de cette origine et de ce milieu. Pratiquant, il l'était, tout comme l'était sa famille, puis comme le furent sa femme et enfin ses enfants, dans la stricte obédience romaine. La volumineuse correspondance entretenue avec ses parents et surtout avec son épouse - ayons en mémoire que c'était, pour cet officier de la Marine, l'unique moyen de correspondre avec des êtres chers, mais éloignés pour de longues semaines - nous renseigne avec précision sur la manière dont il vivait profondément sa foi chrétienne, et notamment sur l'importance qu'il accordait aux sacrements de l'Eglise. Il ne faut donc pas s'étonner si cette foi trouve sa traduction dans le catalogue de ses oeuvres ; mais de façon bien limitée, peut-être simplement parce que la majorité de ses ouvrages relevait - pour lui, et jusqu'à son opéra Polyphème - de l'intervention du divin, sans qu'il lui fût nécessaire de verser dans le "religieux" . Il nous laisse une Messe à quatre voix a capella - et faisant suite à une autre messe de prime jeunesse -, quelques cantiques et pièces pour orgue, et les trois petits motets du présent cahier. Il est vrai qu'ils sont de la même veine, bien qu'espacés dans le temps, et trouvent leur point de départ dans l'habitude naturelle pour Cras d'écrire pour l'une de ses soeurs aînées. Si rien n'éclaire l'origine du Panis angelicus, écrit à l'âge de vingt ans, avant sa ren­contre décisive avec Duparc, la correspondance nous en apprend un peu plus sur les deux autres motets. En juin 1905, il écrit à son épouse : "J'ai mis à moitié sur pied un Ave Maria avec partie concertante de violon qui pourrait être très bien si je le termine comme je veux". L'oeuvre nous est bien parvenue, mais sans le violon obligé. A-t-il écrit une version ultérieure écartant l'archet ? C'est ce qui semble ressortir des seuls manuscrits existants, datés du 27 août 1910, et ne comportant que la voix (élevée ou moyenne) et l'orgue ou l'harmonium. On en sait plus sur l'Ave verum. D'abord par une lettre du 27 novembre 1905 : "J'étais seul à bord ce soir. J'ai travaillé à l'Ave verum corpus dont je t'ai parlé. Je n'aurai pas complètement terminé pour jeudi ; mais je te l'apporterai quand même. Il est écrit pour orgue, violon et chant". Cette fois, pas de doute : le violon est là dès le départ et y restera jusqu'au manuscrit définitif daté du 16 décembre de la même année. La famille devait tenir à cette prière puisqu'elle fit partie du décorum musical du mariage de Charles Cras, le frère aîné de Jean. Le compositeur était-il à l'orgue ? Sans doute, tout comme l'une de ses autres soeurs, Amélie, qui tenait certainement l'archet. En tout cas, on sait qui chantait : "Le mariage [s'est] très bien passé. Grand discours d'un vieux prêtre [... ]. Musique bien. Gabrielle a eu très chaud au début de l'Ave verum, mais on ne s'en est pas aperçu". Stéphane Topakian

07/2016

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Sciences historiques

Archéologie de l'inversion sexuelle "fin de siècle"

Georges Hérelle (1848-1935) n'était connu jusqu'alors que comme le traducteur en français du poète italien Gabriele D'Annunzio et comme un grand collectionneur de Pastorales Basques. Mais ce professeur de philosophie a une autre passion ; il est en effet fasciné très tôt par le sujet de l'inversion sexuelle. Il en devient un des premiers grands savants, un chercheur passionné, un archiviste exceptionnel. A dix-sept ans, dès son arrivée au Collège Sainte-Barbe à Paris, il rencontre Paul Bourget, le futur académicien, et tombe "passionnément" amoureux de lui. Leur correspondance, qu'Hérelle archive et au sujet de laquelle il maintient, toute sa vie, la plus grande discrétion, donne un accès privilégié aux milieux sociaux et littéraires des homosexuels à la fin du Second Empire. "A Rome, j'ai demandé à Monte, petite tapette avec qui j'ai causé deux soirées, quels étaient à sa connaissance les lieux où la pédérastie était la plus répandue ?" Hérelle conserve ainsi, dans son journal de voyage de septembre 1890, les détails de sa rencontre avec le jeune prostitué. Dans son journal de 1896, il écrit : "Naples me séduit toujours, me séduit comme un vice". Ce sont plus précisément les histoires que les prostitués racontent qui séduisent Hérelle, au cours de la dizaine d'années qu'il fait ses enquêtes archéologiques en Italie. Il en garde la trace méticuleusement. Les séjours à Rome et à Naples lui permettent également de se procurer toutes sortes de documents liés à ses investigations sur l'inversion sexuelle : cartes postales, brochures, photographies de garçons nus, etc. Tout ce matériel "italien" s'ajoutera aux archives de l'autre enquête, entreprise vers 1885 et encore plus ambitieuse, auprès de ses amis homosexuels en France. A l'aide de questionnaires, Hérelle les interroge sur leurs liaisons amoureuses. L'analyse qu'il fait, dans ce contexte, de ses propres sentiments ne manque pas de finesse : "J'ai pensé sincèrement pour mon compte en bien des circonstances que cet état était un grand malheur. Et néanmoins je suis absolument incapable de m'en détacher, et, hors de ce cercle fatal, rien n'a pour moi d'intérêt réel ; dans ce cercle au contraire, tout me fascine, même ma propre douleur". A la fin de sa très longue vie, Georges Hérelle décide, après quelques hésitations, de déposer presque toutes ses archives sur l'inversion sexuelle (enquêtes, mémoires, notes de voyage, correspondance, albums, manuscrit d'un livre) à la Bibliothèque municipale de Troyes. Inexplorées jusqu'à maintenant, ces archives, d'une richesse extraordinaire, nous permettent un regard étonnant sur le monde et la mentalité des homosexuels à la fin du XIXe siècle. Georges Hérelle : archéologue de l'inversion sexuelle "fin de siècle" contient une collection très importante d'éléments iconographiques et la transcription d'un ensemble de textes remarquables, tous des pièces authentiques et inédites, témoignages d'un homme qui explore, sous de multiples angles, une passion dont il a préféré, semble-t-il, garder le secret.

09/2014

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Décoration

Kaléidoscope. Claudio Colucci

Diplômé en design graphique de l'école des arts décoratifs de Genève (aujourd'hui HEADI et en design industriel de l'ENSCI-Les Ateliers à Paris, Claudio Colucci travaille avec Pascal Mourgue et Philippe Starck avant de fonder en 1992 les Radi Designers avec Florence Doléac, Laurent Massaloux, Olivier Sidet et Robert Stadler. Un père italien, une mère autrichienne, une enfance tessinoise. Influencé par ce mélange de cultures, Colucci invente une autre idée du monde. Tokyo, Paris, Genève puis Pékin et Shanghai viennent sous-titrer son nom, telle une enseigne de luxe. " Ma première source d'inspiration c'est le voyage... ces allers-retours qui modifient ma vision des choses. " Lorsqu'il arrive au Japon en 1996, ses créations à la fois ludiques et simples, parfois radicales, ainsi que sa compréhension des traditions produisent un impact fort et intrigant qui séduit ses contemporains japonais. La rencontre avec Teruo Kurosaki, qui lui demande de créer sa première collection pour Idée, marque un tournant dans sa carrière. En 2011, il ouvre une agence à Shanghai où, dans une ébullition extravagante, les projets se succèdent : une chambre nuptiale sur une île, le design d'un yacht de 75 pieds d'un luxe exceptionnel... et même un restaurant japonais ! Les objets sensuels et humoristiques qu'il dessine dans son carnet de croquis qui ne le quitte jamais nous projettent dans un univers coloré de formes souples, de poésie et de rêve. Scrutant les histoires que cachent les objets, généreux en pirouettes et paradoxes, il trouve le ferment de sa créativité dans l'art du conte. " J'aime la fabulation, raconter des histoires, inventer... vraies ou fausses... plutôt fausses avec un départ un peu vrai... Brouiller les pistes, jouer ! " Parmi ses innombrables créations, on peut citer le sofa JolyCceur, qui illustre la vision de Claudia Colucci de l'esprit kawaii tant par sa couleur que par sa forme ; sa première lampe en Corian, Squeeze Lamp; Mutant Chair, hommage à Thonet ; la Carafe un verre pour Sentou ; les collections Squeeze pour Christofle ; le Delicabar avec le pâtissier Sébatien Gaudard au Bon Marché à Paris ; le café Moph à Tokyo ; les restaurants Roll Madu et l'aménagement des boutiques Paul & Joe, Agnès B. et Cabane de Zucca, l'institut français de Tokyo, les stands Renault et Pirelli, toutes ces réalisations montrent l'étendue de son talent. Pour Hermès, il invente à chaque saison l'ensemble des vitrines au Japon, qui sont comme " des fenêtres d'art, peut-être même comme l'origine de l'installation artistique ". Entre les citations de Claudio Colucci qui ponctuent les pages du livre publié sous la direction de Sarah Carrière-Chardon, ses compagnons de route dressent le portrait d'un magicien, d'un personnage chaleureux, avide de plaisirs, de rencontres, d'une exceptionnelle curiosité et générosité, qui apporte au design un souffle de gaieté. Ces personnalités marquantes ont toutes pris part à son histoire, ce kaléidoscope où les idées se forment, se déforment et se répondent : les designers Tom Dixon, Christian Ghion, les Tsé & Tsé, le chef pâtissier Sébastien Gaudard, les architectes Astrid Klein et Mark Dytham, le styliste Paul Smith et la douce geisha Kagurazaka Chika ou Michel Temman, ex-correspondant de Libération au Japon, qui comme Claudio s'installe en Chine ; depuis Paris, l'agent Dominique Serrell, avec qui les galeristes Pierre Romanet et Pierre Staudenmeyer ont, les premiers, exposé et édité ses créations ; ses sempaï (" parrains "I nippons : l'incontournable Teruo Kurosaki, le producteur Takaya Iwasaki et le directeur général chargé de la communication d'Hermès Japon, Kozo Fujimoto, qui lui ont ouvert les portes du Levant ; enfin, Kanae Hasegawa, journaliste, Ryu Niimi, professeur à la Musashino Art University, Marie-Laure Jousset, conservateur au Centre Pompidou, Gérard Laizé, directeur du VIA, ou Christine Colin, du ministère de la Culture, ont participé à la reconnaissance de son oeuvre. Riche de plus de 340 illustrations en couleurs, l'ouvrage Claudio Colucci kaléidoscope présente objets, mobilier, installations, aménagements et projets qui mettent en lumière l'inventivité foisonnante de ce designer de renommée internationale nourri de culture européenne et asiatique, puisant son inspiration dans un quotidien qu'il imagine fantastique.

09/2012

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Littérature comparée

Revue de littérature comparée - N°3/2022. Comparatismes à travers le monde III

Virginie Tellier, Quel(s) comparatisme(s) en Russie ? Entre Europe et Asie, la Russie est depuis le XIXe siècle ouverte aux langues et aux cultures, ce qui en fait un lieu idéal pour la littérature comparée. Cette contribution propose une vue d'ensemble de la discipline de la littérature générale et comparée en Russie, en adoptant un point de vue historique. Elle rappelle les sources de la pensée comparatiste, le développement du comparatisme comme discipline et considère la situation actuelle de la discipline. Elle étudie en particulier les débats autour des notions de "crise" et "critique" de la littérature comparée, de sa relation à la linguistique, à la traductologie ou à la notion de littérature mondiale. Elisaveta Popovska, Le comparatisme littéraire en Macédoine du Nord : évolution et tendances L'article suit le trajet évolutif du comparatisme littéraire en Macédoine du Nord, dresse un état des lieux de la discipline et envisage les perspectives pour un possible développement à l'avenir. Il étudie les étapes qui, depuis l'introduction de la méthode dans les milieux intellectuels et académiques du pays, embrassent les processus d'institutionnalisation, les projets de coopérations, les préoccupations théoriques. Cet article finalement constate le rapprochement progressif des études littéraires avec les études culturelles, dans un effort d'harmonisation de la pensée scientifique avec la mission culturelle. Ainsi, ces dernières années, l'intérêt pour les phénomènes corrélés par un "inter-" : interlittérarité, intertextualité, interculturalité, intermédialité... subit des changements et reconnaît une nouvelle orientation qui privilégie la transversalité comme méthode d'analyse, laquelle se manifeste essentiellement dans l'approche de la littérature en tant que transnationale et de la théorie en tant que transcendantale. Tayeb Bouderbala, La littérature comparée en Algérie Cette étude se veut une analyse de la situation de la littérature comparée en Algérie depuis la période coloniale. Il est question de la grande aventure accomplie par la littérature comparée au lendemain de l'Indépendance. Les réformes successives de l'enseignement supérieur ont renforcé le statut et la position privilégiée de cette discipline phare au sein des études littéraires, des langues étrangères et des humanités en général. Des potentialités humaines, techniques, scientifiques et matérielles sont mises à contribution pour régénérer ce champ stratégique et hautement humaniste de cette connaissance. Hanitra Sylvia Andriamampianina, Aspects du comparatisme et de la littérature générale et comparée à Madagascar A Madagascar, les disciplines littéraires sont les parents pauvres des études universitaires en Arts, Lettres et Sciences humaines. L'article soulève les principales problématiques de la vie littéraire dans le pays, en présentant d'abord les grandes lignes de l'histoire littéraire, ensuite les études et les travaux de critique littéraire. Il met l'accent sur le lien étroit, conscient ou non, entre la vie littéraire et l'enseignement de la littérature à Madagascar, avec son prolongement en littérature comparée. Cet article a été réalisé en collaboration avec Nivo Gabrielle Rantoandroharirojo et Caroline Solange Pierre. Sandra Nitrini, La littérature comparée au Brésil (un aperçu des cinq dernières décennies) Cet article se propose de dresser un panorama de la littérature comparée au Brésil au cours des quarante dernières années. L'histoire de ce domaine d'études littéraires est étroitement associée aux activités de l'Association Brésilienne de Littérature Comparée, qui, avec ses congrès et ses publications, regroupe les universités dispersées d'un pays à l'échelle d'un continent. L'aperçu des diverses recherches dans les programmes de post-graduation des universités qui ont accueilli la direction d'Abralic depuis 1986 jusqu'à aujourd'hui ainsi que le relevé des thèses soutenues et des livres issus de ces recherches constituent un échantillon de ce qui a été mené à bien dans le domaine de la littérature comparée au Brésil jusqu'à aujourd'hui. Lila Bujaldón y Paula Simón, Trayectoria de la Literatura Comparada en la Argentina En este artículo nos proponemos describir el recorrido de la Literatura Comparada en la Argentina desde su independencia (1810) hasta la actualidad. En dicho recorrido pueden identificarse cuatro períodos. Después de la "pre-historia" de la disciplina, con un comparatismo considerado ingenuo, su "pre-institucionalización" y su "institucionalición" con la fundación de la Asociación Argentina de Literatura Comparada en 1992 y la celebración periódica de Jornadas Nacionales, el cuarto y último período, es decir, la actual "post-institucionalización" se caracteriza con el surgimiento de nuevos centros y áreas de investigación especializados, publicaciones académicas y la ampliación de la oferta de formación en Literatura Comparada a nivel de posgrado. Dora Nunes Gago, Parcours comparatistes à Macao Cet article est une brève réflexion sur les pratiques des études littéraires, dans le cadre du comparatisme, plus particulièrement des études luso-chinoises développées au département portugais de l'Université de Macao, au cours des dix dernières années. Les défis rencontrés, les projets et travaux développés, les thèses réalisées et soutenues, seront abordés.

11/2022