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Critique littéraire

Correspondance générale de Verlaine. Volume 1, 1857-1885

Ce premier volume (1857-1885) ébauche toute une période passionnante de la vie de Verlaine : ses débuts comme poète ; la réception de ses premiers recueils de poésie - les Poèmes saturniens, les Fêtes galantes - ; l'estime et l'indéfectible soutien de ses aînés Hugo et Sainte-Beuve et de ses pairs Coppée, Blémont et Mallarmé ; ses liens avec le Parnasse ; ses articles sur les Poètes maudits. Ces lettres dévoilent la sensibilité à fleur de peau du poète, son besoin de reconnaissance et d'amitié, son humour cabochard. A Mathilde Mauté, qu'il épouse, il adresse les vers émouvants de La Bonne Chanson. A Rimbaud, qu'il suit, il confie sa détresse : (" aime-moi, protège et donne confiance. Etant très faible j'ai très-besoin de bontés ") surtout quand Mathilde le quitte au " fatal mois de février " 1872, alors que leur fils Georges n'a que trois mois. Deux ans plus tard, Verlaine commet l'irréparable : il tire sur Rimbe et passe de longs mois en prison en Belgique. Malheureux, il demande à Hugo d'intercéder en sa faveur auprès de Mathilde : " Parlez-lui, dites-lui [...] que seule elle peut me sauver du remords, de l'angoisse, seule elle peut m'aider à refaire ma vie. " Heureusement ses liens épistolaires et la poésie le préservent : il écrit les vers de Cellulairement, et les Romances sans paroles sont publiées grâce au fidèle Lepelletier. Après ces épreuves, Verlaine se convertit : " dis que tu sais que je me porte mieux et que je me suis absolument converti à la religion catholique " et écrit Sagesse. Enseignant à Stickney, Bournemouth ou Rethel, il se préoccupe de son fils qu'il voit peu : " Et j'ai revu l'enfant unique ". Désireux de mettre en avant l'œuvre poétique de Rimbaud, il cherche inlassablement des éditeurs et de l'argent, amorce une relation paternelle avec l'un de ses anciens élèves Lucien Létinois, et renoue en 1883 avec les milieux littéraires. Cette Correspondance est d'autant plus intéressante que, pour citer Lepelletier, Verlaine " écrit à la va-comme-je-te-pousse, sans souci du tiers et du quart, ne s'adressant qu'à l'ami auquel il se confie. Il ne soupçonne guère l'imprimerie future ". Truffée d'argot, de jeux de mots de potaches, elle témoigne d'une époque et de solides amitiés. Près de 200 dessins souvent humoristiques de Verlaine et de ses comparses, Ernest Delahaye et Germain Nouveau, illustrent leurs échanges.

05/2005

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Cinéma

Jean-Luc Delarue. Révélations : les dessous de l'affaire...

Adoré, adulé des téléspectatrices (toutes tranches d'âge confondues), ses émissions durant des années, battent tous les records d'audience avec "Ça se discute" ou "C'est mon choix". En plus, il règne sur un véritable empire télévisuel et produit des centaines d'émissions. Perfectionniste, il réussit presque tout ce qu'il entreprend. Il mène sa vie à un train d'enfer, tout va très vite, beaucoup trop vite... Surchargé de travail, débordé, dépassé, il trouve alors refuge dans les paradis artificiels. La cocaïne. Erreur fatale qui lui fera petit à petit perdre pied. Et ce n'est pas la naissance de son fils Jean, en octobre 2006, né de son union avec Élisabeth Bost, ni son mariage avec Anissa Khelfi le 12 mai 2012, alors qu'il se savait condamné, qui changeront la donne. Comment l'homme si intelligent et talentueux qu'il fut, a pu sombrer aussi inexorablement? Serait-ce ses blessures de l'enfance qui ne se sont jamais refermées ?... Le feuilleton que nous offre l'animateur après sa disparition, pourrait être le script d'une de ses émissions posthumes intitulée, par exemple: "Secrets de famille". Quand j'ai pris la plume pour un livre-hommage dédié à ce surdoué de la télé, je me doutais que l'Affaire Delarue allait, insensiblement, supplanter l'Homme Delarue. Jean-Luc Delarue a scénarisé sa disparition comme le "pro" qu'il était. Cela a commencé par son mariage, alors qu'il se savait perdu : un moyen infaillible de "couper la poire en deux", au nez et à la barbe de son ex et de ses parents. Ensuite, dans le secret de son isoloir - sa chambre d'hôpital - il a "en toute lucidité, nous disent ses médecins" - et ce, malgré des doses magistrales de morphine pour atténuer ses douleurs - organisé méthodiquement sa succession. Un testament qui, il le savait, allait opposer sa famille de coeur et sa famille de sang. Un pavé dans la mare qui, depuis sa disparition, fait jour après jour, des ricochets. Un enterrement à la sauvette. Une pierre tombale mystérieuse. Des comptes vidés de leur substance. Des mails posthumes infamants. Une enfant cachée. Un livre perdu qui reparaît à point nommé. Et, en ligne de mire, une exhumation probable à la Montand... L'enjeu de tout ce déballage médiatique: un magot de 30 millions d'euros. L'arbre qui cache la forêt. Une forêt de haine, de misères intimes et de concupiscence exacerbée.

12/2012

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Poches Littérature internation

Hors-la-loi. La douce empoisonneuse ; La forêt des renards perdus ; Le potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison

La douce empoisonneuse : Une maisonnette rouge flanquée d'un petit sauna en bois gris, non loin d'Helsinki. Linnea, la douce veuve du colonel Ravaska, mène une existence paisible à soigner ses violettes et son chat. Pourtant chaque mois, le jour où elle touche sa pension, un trio maudit, conduit par son neveu, s'invite sous son toit pour la détrousser. Lorsque ses visiteurs ne se contentent plus de sa maigre retraite et exigent un testament à leur avantage, c'en est trop. Elle est résolue à en finir. Comprenez : à se suicider. Mais, surprise, concocter un poison mortel se révèle une activité beaucoup plus passionnante que tricoter. Et les noirs desseins de Linnea, par une suite précipitée d'événements cocasses, se retournent en sa faveur, tandis que ses ennemis... La forêt des renards pendus : "Trois lingots d'or fin de douze kilos brillaient dans l'herbe. Rafael Juntunen les caressa. Sa main était moite, son coeur battait plus vite qu'à l'ordinaire. Jamais il n'accepterait de partager ce butin avec quiconque. Un matin, il monta dans sa voiture et pointa le capot vers le nord... Au bout d'un jour et demi, il constata qu'il était perdu. Mais tant mieux. S'il ne savait pas où il était, personne d'autre ne le saurait". Le gangster ne va pourtant pas rester seul très longtemps. Il est bientôt rejoint par un ex-major de l'armée, viré pour alcoolisme, et une Lapone nonagénaire enfuie d'un asile de vieillards. Les trois compères vont résister à tout, aussi bien aux complices de Rafael, décidés à récupérer leur part du magot, qu'aux représentants de la "civilisation". Mais on ne transgresse pas impunément les lois qui règlent la vie en société... Le potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison : L'inspecteur principal Jalmari Jyllänketo est envoyé par la Sécurité nationale finlandaise dans l'ouest de la Laponie. Alors que des rumeurs font état de mystérieuses disparitions, il doit enquêter sur un ancien kolkhoze reconverti en une florissante exploitation agricole : les mines de fer sont devenues des champignonnières ; les terres marécageuses, des potagers bio. Accueilli par la jolie fille de la patronne, Jyllänketo ne trouve d'abord rien qui justifie la suspicion des autorités... avant de s'étonner des importantes mesures de sécurité et de la mine patibulaire des ouvriers... Que cachent L'Etang aux Rennes et sa mystérieuse propriétaire ?

10/2015

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Poésie

Itinéraire

Cet essai constitué de 7 textes rassemblés par Thomas Kling en 1997 est à la fois un itinéraire du poème à travers les âges et un itinéraire personnel à travers la propre poétique de Kling. Héritier de l'avant-garde poétique du groupe de Vienne et des performances de Konrad Bayer ou Oswald Wiener, des expérimentations de Reinhard Priessnitz dans les années 70 ou des mouvements punks de Düsseldorf, dans les années 80, Kling remonte dans cet "Itinéraire" un chemin poétique qui serpente entre l'ethnologie, l'étymologie et l'histoire, allant de Hermès Trismégiste au slam contemporain. Kling thématise le lien entre ces mouvements d'avant-gardes et un retour aux traditions orales qui précèdent l'écriture. Il n'est pas qu'un enfant des écoles expérimentales, et rejette d'ailleurs le terme de "poésie expérimentale" : il est l'historien du poème, de Horace à Goethe, de Rabelais à Mallarmé, de la langue aléatoire de Khlebnikov à Fluxus en passant par le dadaïsme. Kling puise aux sources de l'oralité poétique, de l'argot, des dialectes, de l'intégration de matériaux non-littéraires et met au jour une conception cosmopolite du langage. Le poème pour Kling est polyglotte, ouvert à l'altération, la déformation, la saturation, le collage. Le slang, le rotwelsch, les langues populaires sont pour lui des réservoirs, des "matières linguistiques fécondes" , des moyens de transgression, à l'inverse d'une langue qui serait close et isolée. Remonter les sources, "prolonger les lignes de tradition poétique" , établir une archéologie du langage, telle est la matrice klingienne. Ouvrir le corps de la langue, la soumettre à l'étude, la décomposer pour la reconstruire : la poésie de Kling est un monstre de Frankenstein, une chose hybride et bouleversante qui questionne les origines pour révéler les composantes chimiques du temps présent. En opposition à la "poésie quotidienne sinistre et pensive" et au "revival beatnik" , il revendique une posture histrionique héritée de la tradition des comédiens pantomimes de l'antiquité, que l'on retrouve aussi dans le théâtre chinois ou les lectures masquées du poète Hugo Ball dans les années 1920. La poésie ne doit pas pour autant devenir une industrie du divertissement, ni tomber dans l'hermétisme, elle est au contraire "un acte mémoriel" qui traverse l'histoire, et dont Kling nous lance la grenade dégoupillée au visage. Itinéraire est un livre éclairant sur les questions sans cesse renouvelées du fond et de la forme, de l'intégrité du texte, des tensions entre oralité et écriture, et une porte d'entrée remarquable dans l'oeuvre d'une des plus importantes figures de la poésie allemande du dernier demi-siècle.

02/2023

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Histoire de France

Dictionnaire de la Der des Der. Les mots de la Grande Guerre (1914-1918)

Ce dictionnaire recense et analyse l'ensemble du lexique quotidien de la Première Guerre mondiale tout en présentant les principales figures et les lieux symboliques de ce conflit resté dans les mémoires. Avec 50 illustrations noir et blanc. Le Dictionnaire de "la Der des der" : Les Mots de la Grande Guerre (1914-1918) recense et analyse l'ensemble du lexique quotidien de la Première Guerre mondiale tout en présentant les principales figures et les lieux symboliques de ce conflit resté dans les mémoires. Il représente non seulement un outil historique, mais aussi un vaste vivier lexical pour les amoureux des mots. En effet, Il y a tout juste un siècle, au début du mois d'août 1914, le continent européen se préparait à vivre cinq ans d'une guerre meurtrière. Cet ouvrage illustré de photographies d'époque propose de faire revivre ces moments historiques à travers les mots, véritables reflets d'une société entièrement mobilisée pour la guerre. A L'heure du déclin des parlers et dialectes régionaux, le français et son funèbre cortège de mots nés de la guerre envahissent la société française. Dans ce dictionnaire, les mots pour dire la guerre, la souffrance, les armées au combat, les peines de l'arrière, les médecins aux abois, côtoient des concepts d'historiens et des expressions d'époque que l'on trouvera accompagnés d'un index et d'une chronologie précise. Dans un premier temps, l'auteur présente à travers plus de mille entrées l'ensemble des mots de la Grande Guerre. Près de mille noms communs sont ainsi recensés : sont abordés, entre autres, le vocabulaire de l'armée (tank, shrapnell, généralissime, jerrycan), les mots de la médecine (amputation, mutilés, gueules cassées...), l'argot des tranchées (ribouldingue, Boche, saucisse...) ou encore les expressions utilisées à l'arrière (Fleur au fusil, Union Sacrée). Ce vaste arsenal lexical d'un monde en guerre est replacé dans son contexte et de nombreuses définitions sont accompagnées de citations littéraires puisées dans la très riche littérature portant sur le premier conflit mondial. De ce fait, l'ouvrage rend hommage à tous les écrivains combattants, mais aussi à ceux qui ont choisi la guerre de 1914-1918 comme thème principal de leurs oeuvres littéraires. Dans la seconde partie, encyclopédique, l'auteur dresse le portrait des principaux protagonistes (pays engagés dans le conflit, têtes couronnées, chefs politiques et militaires de la Grande Guerre...) et évoque les lieux chargés d'histoire, les lieux de mémoire (Verdun, Caporetto, le Chemin des Dames...), afin de mieux cerner les enjeux de cette guerre qui devait être la "Der des der".

04/2014

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Humour

Petit crapahut dans le parler de Kaamelott à l'usage des pégus et du gratin

Explorer le parler de Kaamelott, c'est plonger tour à tour dans une multitude de langues, de patois, d'argots et de jargons, sans oublier des incursions du côté d'OSS 117 ou des Tontons flingueurs. Ce voyage d'une richesse insoupçonnée, drôle et étonnant, démontrera à ceux qui en doutaient encore que l'écriture de Kaamelott est d'une efficacité redoutable, ancrée dans une culture foisonnante. Cette exploration pétrie d'humour, aux confins de la langue créée par le génial Alexandre Astier, ravira les connaisseurs de la série culte. Ils pourront s'amuser à retrouver les dialogues les plus truculents en les découvrant sous un jour nouveau. Quant aux néophytes qui voudront s'immerger davantage dans la partition kaamelottienne, ils seront sans nul doute émerveillés par la créativité de son auteur. Pour la première fois, un guide réuni et explique l'argot de Kaamelott. Indispensable pour tous les accros de la série qui veulent se replonger dans ses dialogues truculents et hilarants. Alors que peu de professionnels pariaient sur le succès de la série, Kaamelott fut une révélation ovniesque, fédérant rapidement un large public. Parler de la Table ronde, de la quête du Graal, en costumes d'époque ? Et pour faire rire en prime ? Improbable, parce que d'une ambition folle. Et pourtant, Kaamelott est devenu culte. A quoi l'efficacité de Kaamelott tient-elle ? Pas de gags ou de grosses ficelles, Kaamelott c'est un univers : une grande aventure qui a du sens, qui progresse, dont les personnages évoluent. Ils sont sérieux, ils sont dans leur époque, et le ressort follement comique tient au décalage qui repose sur le langage contemporain mais aussi à une langue propre à Kaamelott, nourrie par un très riche vocabulaire familier et argotique, proche du cinéma de genre français des années 60-70 à la Michel Audiard. Alexandre Astier met en mouvements et en rythme ce patrimoine linguistique, l'adaptant à chaque personnage, qui a son phrasé propre et ses intonations. Kaamelott se donne à écouter, comme une vaste partition. En parcourant plus de 500 mots familiers et argotiques dans ce "dictionnaire", l'auteur s'est amusé à crapahuter dans les méandres de l'esprit Kaamelott, non pour en mettre plein les miquettes et frimer, comme le commun des glandus ou des pégus, mais pour donner du singe au gratin qui souhaite découvrir le monde d'une série mortelle, ou à tous les amateurs qui veulent s'amuser à retrouver les répliques pour poursuivre l'aventure !

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Critique littéraire

La seconde profondeur. La traduction poétique et les poètes traducteurs en Europe au XXe siècle

Pourquoi y-a-t-il tant de poètes qui traduisent et ont choisi avec une prédilection si marquée la traduction de poésie ? Personne n'a, jusqu'ici, abordé de manière aussi directe cette réalité incontestable. Rares en effet sont les poètes qui n'ont pas eu un rapport privilégié avec la traduction. Ce phénomène singulier est repérable, dans la littérature française aussi bien qu'européenne, depuis la Renaissance au moins. Les exemples de poètes traducteurs sont significativement nombreux, de C Marot à P Jaccottet, en passant par J Du Bellay, N Boileau, J Dryden, C Baudelaire, P Valéry, G Ungaretti, B Pasternak, Y Bonnefoy, P Celan, pour ne retenir que quelques noms. La Seconde profondeur traite des liens unissant les poètes à la traduction et des motivations profondes qui les poussent à traduire d'autres alter ego en poésie. Ce rapport subtil, ce voyage qui amène un poète à se glisser dans l'univers d'un autre en refaisant, par la traduction, son parcours d'écriture, est particulièrement révélateur d'une fraternité essentielle, d'une consubstantialité par-delà les langues et les siècles. En abordant le sujet des interactions sous-jacentes entre écriture et traduction poétiques, cet essai tente de cerner la place des poètes traducteurs dans l'horizon littéraire moderne et contemporain, et de faire face à une énigme qui fait entrer le lecteur au coeur même de la création esthétique. Il redéfinit la spécificité des poètes-traducteurs dans l'Europe du XXe siècle à partir de la pratique de poètes traducteurs aussi bien français (P Jaccottet, Y Bonnefoy, A Guerne, A Robin, entre autres) qu'étrangers (R M Rilke, S Beckett, B Pasternak, M Tsvetaeva), dans une perspective à la fois descriptive et critique. Il s'interroge sur la prééminence des poètes dans le milieu de la traduction poétique, ainsi que sur l'importante marge de manoeuvre dont ils semblent disposer en toute conscience, et souvent avec l'accord tacite du public. Valeur ajoutée ou exception scandaleuse ? Voilà l'une des questions qui sera au coeur de cette réflexion. Eu égard au grand nombre de poètes traducteurs qui ont illustré l'art de la traduction poétique en France et en Europe au XXe siècle, une anthologie des propos de praticiens de la poésie et de la traduction vient en point d'orgue à une démarche qui conduit à comprendre que l'acte même de traduire est un des moteurs (pour ne pas dire l'aliment essentiel) de leur écriture poétique.

06/2016

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Littérature étrangère

Acouphène

En 1981, pendant la première guerre du Liban, Pini, diminutif de Pinto, était soldat. A un carrefour, il s’est trouvé nez à nez avec un enfant qui pointait sur lui son rpg, il a tiré, l’enfant est mort. Mais nous n’en sommes pas sûrs. En chacun de nous est enterré un enfant mort. Celui que les adultes tuent en chacun de nous, par temps de paix ou de guerre. Accablé d’un sifflement dans les oreilles, Pini part à sa recherche, mais le souvenir est trompeur, erratique. Nous le suivons au Liban, en 1981, lors de l’opération Litani et des massacres de Sabra et Chatila. Jean Genet y était présent comme témoin visuel. Il était malade, amoureux d’un jeune Palestinien et logé à Beirut par Léïla Shahid. Comment pouvait-il prendre parti ? Que croyait-il savoir de la guerre ? Emmanuel Pinto est aussi metteur en scène, il admire Genet. Mais en quelque sorte, il écrit ce livre en dialogue avec Genet. Et sa démarche, toute en tâtonnements irrésolus, est à contre-courant de celle du film Valse avec Bachir, d’Ari Folman où de puzzle en puzzle, l’auteur recréait le souvenir et l’horreur de la guerre, et la réminiscence de la Shoah, et la grossièreté des soldats israéliens. Chez Pinto, tout est intérieur, délicat, et dans le brouillard. Dans le vacarme de la guerre, la mémoire se brouille, nous dit-il, et il démonte et met en scène ce brouillage. C’est en cela que ce livre est magistral et nous fait entendre une autre voix et une détresse qu’aucune recherche mémorielle ne peut apaiser. Le livre se déploie sur une deuxième partie et un deuxième registre, tout aussi fort que le premier : le mère de Pini, rendue folle par le départ de ses fils au front, s’enferme sur sa terrasse et écrit des lettres à ses fils. Elle les supplie de revenir à la maison sans héroïsme ni bravoure. A mesure qu’elle leur écrit, elle invente et s’approprie un hébreu flamboyant qu’elle ne possédait pas : elle est algérienne et ne sait que l’arabe et le français. Et Pinto bascule avec elle dans la douleur et la folie qui lui rendent la parole dans une langue étrangère. Superbe. Acouphène est un texte d’une écriture magnifique, variée, souple, tantôt lyrique, tantôt urgente, où l’argot côtoie une poésie héritée de la Bible, du Talmud ; le monologue intérieur y est porté à des sommets. C’est un livre brûlant qui fera débat, qui choquera et qui bouleversera, qui donnera à penser.

02/2012

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Autres

Philosophia Scientiae Volume 27, N° 1/2023 : La "parenthèse Vichy" ?

Cette proposition de dossier thématique vise à rassembler des contributions de spécialistes en histoire du droit, des sciences sociales, de l'économie et des sciences exactes afin de compléter ou d'interroger l'historiographie dévolue aux disciplines académiques, aux universités ou aux institutions scientifiques durant l'Occupation et l'immédiat après-guerre. Dès les années 1990 et 2000, des études globales ont été consacrées aux universités sous Vichy [Gueslin 1996], ainsi qu'à l'épuration des universitaires [Singer 1997] et [Rouquet 2010]. Des monographies ont par ailleurs été spécialement dédiées à des universités ou des Grandes Ecoles durant la Deuxième Guerre mondiale. Nous pouvons citer à ce propos les exemples de l'Ecole polytechnique [Baruch et Guigueno, 2000], de l'Ecole normale supérieure [Israël 2005], de la Reichsuniversität Strassburg et de l'Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand [Crawford et Olff-Nathan 2005], [Baechler, Irgesheim et Racine 2005] ainsi que [Möller 2020]. L'historiographie sur les disciplines académiques face à la double contrainte du régime de Vichy et de la puissance occupante s'est en outre sensiblement enrichie ces dernières années, comme en attestent [Chandivert 2016], [Eckes 2018], [Gouarné 2019] ou encore [Brisset et Fèvre 2021]. Sur un plan méthodologique, les soumissions proposées adopteront ou combineront diverses échelles d'observation et d'analyse. Certaines d'entre elles pourront ainsi se focaliser davantage sur des trajectoires individuelles envisagées d'un point de vue tant académique que politique. Elles mettront alors en avant et tenteront de comprendre dans toute leur complexité les comportements adoptés par des savants et universitaires confrontés à des contextes de contraintes très évolutifs entre l'automne 1940 et l'été 1944. A cette échelle d'observation, les réflexions développées par des spécialistes de la période tels que Pierre Laborie, François Marcot ou encore Jacqueline Sainclivier sur les comportements individuels et collectifs sous l'Occupation pourront s'avérer très précieuses. D'autres contributions viseront à reconstituer des réseaux d'acteurs partageant un même programme scientifique ou participant à une entreprise commune façonnée par les pouvoirs économique et politique sous Vichy ou par les instances d'Occupation. D'autres enfin porteront plus globalement sur des institutions scientifiques ou des disciplines académiques dont il s'agira de cerner les reconfigurations durant l'Occupation et l'immédiat après-guerre. Les contributions ainsi rassemblées viseront également à faire ressortir les éléments de continuité et de rupture sur un plan tant institutionnel que disciplinaire ou scientifique, en adoptant une périodisation plus large - des années 1930 aux années 1950. Un intérêt marqué sera alors porté au processus complexe d'épuration des savants et universitaires, en essayant d'en mesurer les effets à court et à long terme sur les représentations collectives liées à la période de l'Occupation.

03/2023

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Archéologie

Des couvents fragiles. Pour une archéologie des établissements mendiants (France méridionale, Corse, Ligurie, Piémont)

Normal021falsefalsefalseFRX-NONEX-NONE / Style Definitions / table. MsoNormalTable {mso-style-name : "Tableau Normal" ; mso-tstyle-rowband-size : 0 ; mso-tstyle-colband-size : 0 ; mso-style-noshow : yes ; mso-style-priority : 99 ; mso-style-parent : "" ; mso-padding-alt : 0cm 5. 4pt 0cm 5. 4pt ; mso-para-margin-top : 0cm ; mso-para-margin-right : 0cm ; mso-para-margin-bottom : 8. 0pt ; mso-para-margin-left : 0cm ; line-height : 107% ; mso-pagination : widow-orphan ; font-size : 11. 0pt ; font-family : "Calibri", sans-serif ; mso-ascii-font-family : Calibri ; mso-ascii-theme-font : minor-latin ; mso-hansi-font-family : Calibri ; mso-hansi-theme-font : minor-latin ; mso-bidi-font-family : "Times New Roman" ; mso-bidi-theme-font : minor-bidi ; mso-fareast-language : EN-US ; } Malgré une présence importante, aujourd'hui encore, de nombreuses traces de couvents mendiants médiévaux, l'historiographie ne s'est pas suffisamment arrêtée sur la question de leur fragilité. Grâce aux recherches archéologiques et historiques les plus récentes, il est désormais possible d'apporter des réponses aux questions de l'installation, de l'implantation et du rôle de ces couvents dans les sociétés et les espaces urbains médiévaux et modernes. En outre, ce livre traite aussi des relations des communautés religieuses avec les fidèles, de leurs spécificités spatiales et dévotionnelles - en lien avec leur apostolat - et de leurs rapports avec les choses matérielles. Normal021falsefalsefalseFRX-NONEX-NONE / Style Definitions / table. MsoNormalTable {mso-style-name : "Tableau Normal" ; mso-tstyle-rowband-size : 0 ; mso-tstyle-colband-size : 0 ; mso-style-noshow : yes ; mso-style-priority : 99 ; mso-style-parent : "" ; mso-padding-alt : 0cm 5. 4pt 0cm 5. 4pt ; mso-para-margin-top : 0cm ; mso-para-margin-right : 0cm ; mso-para-margin-bottom : 8. 0pt ; mso-para-margin-left : 0cm ; line-height : 107% ; mso-pagination : widow-orphan ; font-size : 11. 0pt ; font-family : "Calibri", sans-serif ; mso-ascii-font-family : Calibri ; mso-ascii-theme-font : minor-latin ; mso-hansi-font-family : Calibri ; mso-hansi-theme-font : minor-latin ; mso-bidi-font-family : "Times New Roman" ; mso-bidi-theme-font : minor-bidi ; mso-fareast-language : EN-US ; } Dans de très nombreuses villes, les couvents médiévaux ont été comme effacés de la topographie urbaine. En Languedoc, en Provence ou en Ligurie, la disparition très fréquente de ces établissements n'a pas été suffisamment soulignée par l'historiographie, sans doute parce qu'il reste, malgré tout, quelques beaux monuments qui font oublier quantité de destructions. La Révolution française, la vente des biens nationaux et les suppressions napoléoniennes ne sont pas seules responsables. C'est cette fragilité des couvents des ordres mendiants que ce livre tente de saisir en mêlant les avancées les plus récentes des recherches archéologiques et historiques dans ces régions de l'arc méditerranéen qui va des Pyrénées orientales à la Riviera ligure, jusqu'à remonter, au nord, en Auvergne, Dauphiné et Savoie. Les reconstitutions architecturales, l'étude du bâti et des matériaux de construction, l'archéologie funéraire et l'analyse des sources écrites apportent un nouvel éclairage aux dynamiques de l'installation, de l'implantation et du rôle des couvents dans les sociétés et les espaces urbains médiévaux et modernes. Ce sont aussi les relations des communautés religieuses avec les fidèles, leurs spécificités spatiales et dévotionnelles - en lien avec leur apostolat - et leurs rapports si particuliers avec les choses matérielles que ce livre s'attache à retracer. Avec les contributions d'Alain Badin de Montjoye, Simone Balossino, Silvia Beltramo, Agnès Bergeret, Fabien Blanc-Garidel, Aurélie Bouquet, Claire Bourguignon, Aurora Cagnana, Aymat Catafau, Jacques Chiffoleau, Sandrine Claude, Isabelle Doray, Patrick Ferreira, François Guyonnet, Margot Hoffelt, Philippe Jansen, Fanny Lelandais, Clément Lenoble, Véronique Lelièvre, Egle Micheletto, Jean-Marc Mignon, Emmanuel Moureau, Antonio Musarra, Céline Pallier, Fabienne Ravoire, Hélène Réveillas, Amélie Roger, Elodie Sanchez, Barbara Strano, Robert Thernot, Antonella Traversa, Alain Venturini.

10/2023

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Critique Roman

Les clés de la Terre du Milieu

"Pourquoi faire reparaître en 2022 un livre publié il y a cinquante ans, alors que de nombreux ouvrages ont paru sur l'oeuvre de J. R. R. Tolkien, comme le désormais classique J. R. R. Tolkien, auteur du siècle, de Tom Shippey (Bragelonne, 2016) et le Dictionnaire Tolkien (Bragelonne, 2019) ? En 1972, on ne connaissait d'ailleurs ni Le Silmarillion, publié par Christopher Tolkien en 1977, ni les Contes et légendes inachevés (1980)... et pourtant, Paul Kocher (1907-1998), ancien professeur à Stanford, bon connaisseur des littératures des XVIe-XIXe siècles, nous propose dans ce livre une irremplaçable vue d'ensemble de l'oeuvre telle qu'elle était connue à la fin de la vie de J. R. R. Tolkien (1892-1973). A partir du Seigneur des Anneaux, il livre une interprétation éclairant aussi bien Le Hobbit que des textes moins connus mais fondamentaux, comme l'essai sur le merveilleux et la Fantasy (Du conte de fées), les " contes " Feuille, de Niggle et Smith de Grand Wootton, sans oublier le malicieux Fermier Gilles de Ham, ou encore le saisissant Retour de Beorhtnoth et les textes d'inspiration médiévale (Imram, Le Lai d'Aotrou et Itroun - inédits en français à ce jour), jusqu'au recueil poétique intitulé Les Aventures de Tom Bombadil. Toute la cohérence de l'oeuvre " vivante " de J. R. R. Tolkien apparaît sous la plume de Paul Kocher, qui nous montre qu'elle est traversée par une réflexion sur l'héroïsme et la liberté, l'usage mesuré de la force, sur la faiblesse paradoxale du mal et la fascination du pouvoir - à mille lieues du faux procès de " manichéisme " ; ou encore par un dosage savant entre le merveilleux et le familier qui permet d'entrer dans ce monde inventé ; par une mélancolie visible dans le destin des elfes quittant la Terre du Milieu ; par une méditation sur la vie humaine symbolisée par des peuples aussi semblables et différents que les nains et les elfes, les ents et les hobbits... certaines analyses concernant Aragorn ou Sauron, l'Anneau et la nature du mal n'ont jamais été dépassées mais ont été copiées et répétées maintes fois depuis. De nombreuses hypothèses et intuitions - même si l'auteur de ces lignes ne souscrit pas à l'intégralité des réflexions - se sont révélées justes depuis la parution de ce livre. Ce texte essentiel, qui a d'ailleurs reçu un Mythopoeic Scholarship Award, les lecteurs francophones peuvent aujourd'hui le découvrir dans une édition enfin complète (l'important chapitre 7 ainsi que presque toutes les notes ayant été omis dans l'édition précédente, de 1981), dans une traduction revue par Agnès Marot et complétée par Aurélie Brémont, Vincent Ferré et Pauline Loquin". Vincent Ferré

02/2022

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Policiers

Le bal des frelons

La montagne, le grand air, la nature, ce n’est pas aussi sain et bucolique qu’on le pense. D’abord parce qu’il y a les vestiges de l’ancienne usine de tungstène, pas loin. Ensuite parce qu’il y a le village, loin de tout. Enfin parce qu’il y a les habitants du village. C’est ça le pire. À commencer par Michel, le maire. Pusillanime, cupide, il fait ses petits trafics et prélève gentiment sa dîme sur les fonds publics, sous l’œil de sa secrétaire Coralie, toujours vierge à 40 ans passés et qui ferait tout pour ne plus l’être ; si possible, avec Monsieur le maire, ce serait mieux.Au nombre des administrés, on compte Antonin, pas si méchant pour un gardien de prison à la retraite ; sauf qu’il veut tuer sa femme Martine qui lui tape sur le système. Il ne sait pas toutefois que Martine – qui vient de retirer de la banque toutes les économies du couple sans dire où elle a caché le magot – se verrait bien veuve elle aussi, et riche. Si possible, il faudrait que Monsieur le maire, son ex-amant, l’aide à trucider Antonin, ce serait mieux. Il y a également Rémi, tellement dégoûté du genre humain qu’il ne parle plus qu’à ses poules Sten et Dhal et aux morts, sa femme Mariel en l’occurrence, qu’il a déterrée du cimetière où elle reposait. Évidemment, si elle était vivante, ce serait mieux. Sans oublier les citadins, Baptiste et Loïk, totalement insensibles au charme de cette belle contrée pyrénéenne. Ils forment un couple presque fusionnel, n’aiment que le rock’n’roll (hard) et leur hérisson Caroline. Loïk est venu là pour se venger d’Antonin, à cause d’une histoire… de femme. Baptiste explique à son amant que s’il oubliait cette vieille affaire, ce serait mieux, mais comme presque tous les personnages de ce roman, Loïk ne se caractérise ni par sa sagesse ni par son discernement. Alors il vaut mieux imiter Maxime l’apiculteur et enfiler sa combinaison protectrice pour traverser cet essaim de frelons aux dards venimeux. Dans ce village de l’Ariège, ce n’est certes pas l’ours qui fait des apparitions sporadiques qui est le plus dangereux…Pascal Dessaint l’amoureux de la nature nous offre une tout autre facette de la vie des bêtes avec cette farce drôle et cruelle qui s’inscrit dans la lignée de Siniac ou du Charles Williams de Fantasia chez les ploucs. Chassé-croisé délicieusement méchant, mené d’une plume alerte et impeccablement construit, Le Bal des frelons nous ramène à cette vérité première : l’homme est un loup pour l’homme. Mais les moments de tendresse qui éclairent le récit nous empêchent de désespérer totalement du genre humain.Pascal Dessaint est l’un des auteurs les plus primés du roman noir français. Il est par ailleurs l’un des organisateurs du « Marathon des mots » à Toulouse.

02/2011

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Histoire de l'art

A History of Arcadia in Art and Literature: Volume II. Later Renaissance, Baroque and Neoclassicism

Longtemps attendu et extrêmement bien accueilli, A History of Arcadia de Paul Holberton constitue l'examen approfondi et minutieux d'un grand nombre de textes originaux de poésie pastorale classique des époques moderne et contemporaine, de littérature et de théâtre en grec ancien, en latin, en italien, en français, en espagnol, en portugais, en néerlandais, en allemand et en anglais et d'un large éventail d'images prenant fin juste avant 1800. L'ouvrage analyse le développement de la pastorale comme moyen de représentation du bonheur humain sur Terre à travers la cour réciproque entre un garçon et une fille, et leurs sentiments auxquels la pastorale de l'époque donne voix. This tremendous book is an iconographic study of Renaissance and Baroque pastoral and related subject matter, with an important chapter on the 18th century, both in the visual arts, where pastoral is very poorly understood, and in words and performance, about which many false preconceptions prevail. The study begins with Virgil's use of Theocritus and an analysis of what basis Virgil provided for Renaissance pastoral and what, by contrast, stemmed from the medieval pastourelle. Pastoral developed notably in the Venetian High Renaissance. Its texts incorporated Petrarchist and Neoplatonic ideas of love, of which this book charts the development and evolution with unprecedented precision, considering also the female nude in art. There is a novel and polemical discussion of the development of landscape subjects in art, from Giorgione to Claude. The contributions of the most influential or representative authors - Petrarch, Sannazaro, Montemayor, Tasso, Guarino, Lope de Vega, Cervantes, Honoré d'Urfé, Cornelis de Hooft, Shakespeare and lastly Salomon Gessner - are considered beside many interesting more minor ones - Arsocchi, Bernardim Ribeiro, Clément Marot, Cieco d'Adria, John Fletcher, Fontenelle - and the verses of madrigals. There is a chapter on 'Being Rural' - what we can say about the reality of life in the country in the early modern period. There is a chapter on 'Et in Arcadia Ego' that introduces new evidence for the dating of Poussin's famous work by reference to a neglected work by Sébastien Bourdon in Yale ; another on a pastoral composition by Rubens that has not been considered as such. There is an important and bold discussion of self-projection ('metachronic' representation) by monarchs and courtiers across Europe in the 17th century, both within pastoral and without, which illuminates profound differences between Protestant and Catholic culture. Coming from the study of earlier periods, the author is able to throw new light on the Rococo - figures such as John Gay, Watteau, Gessner and Gainsborough - and to explain the termination of pastoral writing and art with the embrace of modernity in form and means of expression. All texts are given in the original language and all translated into English, while the visuals are beautifully reproduced : the book is also an anthology.

01/2022

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Histoire de l'art

A History of Arcadia in Art and Literature: Volume I. Earlier Renaissance

Longtemps attendu et extrêmement bien accueilli, A History of Arcadia de Paul Holberton constitue l'examen approfondi et minutieux d'un grand nombre de textes originaux de poésie pastorale classique des époques moderne et contemporaine, de littérature et de théâtre en grec ancien, en latin, en italien, en français, en espagnol, en portugais, en néerlandais, en allemand et en anglais et d'un large éventail d'images prenant fin juste avant 1800. L'ouvrage analyse le développement de la pastorale comme moyen de représentation du bonheur humain sur Terre à travers la cour réciproque entre un garçon et une fille, et leurs sentiments auxquels la pastorale de l'époque donne voix. This tremendous book is an iconographic study of Renaissance and Baroque pastoral andrelated subject matter, with an important chapter on the 18th century, both in the visual arts, where pastoral is very poorly understood, and in words and performance, about which many false preconceptions prevail. The study begins with Virgil's use of Theocritus and an analysis of what basis Virgil provided for Renaissance pastoral and what, by contrast, stemmed from the medieval pastourelle. Pastoral developed notably in the Venetian High Renaissance. Its texts incorporated Petrarchist and Neoplatonic ideas of love, of which this book charts the development and evolution with unprecedented precision, considering also the female nude in art. There is a novel and polemical discussion of the development of landscape subjects in art, from Giorgione to Claude. The contributions of the most influential or representative authors - Petrarch, Sannazaro, Montemayor, Tasso, Guarino, Lope de Vega, Cervantes, Honoré d'Urfé, Cornelis de Hooft, Shakespeare and lastly Salomon Gessner - are considered beside many interesting more minor ones - Arsocchi, Bernardim Ribeiro, Clément Marot, Cieco d'Adria, John Fletcher, Fontenelle - and the verses of madrigals. There is a chapter on 'Being Rural' - what we can say about the reality of life in the country in the early modern period. There is a chapter on 'Et in Arcadia Ego' that introduces new evidence for the dating of Poussin's famous work by reference to a neglected work by Sébastien Bourdon in Yale ; another on a pastoral composition by Rubens that has not been considered as such. There is an important and bold discussion of self-projection ('metachronic' representation) by monarchs and courtiers across Europe in the 17th century, both within pastoral and without, which illuminates profound differences between Protestant and Catholic culture. Coming from the study of earlier periods, the author is able to throw new light on the Rococo - figures such as John Gay, Watteau, Gessner and Gainsborough - and to explain the termination of pastoral writing and art with the embrace of modernity in form and means of expression. All texts are given in the original language and all translated into English, while the visuals are beautifully reproduced : the book is also an anthology.

01/2022

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Poésie

Mémoire vocale. 200 poèmes allemands du huitième au vingtième siècle stockés et modérés par Thomas Kling, Edition

En 2001, l'éditeur DuMont Verlag pose à Thomas Kling la question suivante : "De quels poèmes en langue allemande avons-nous besoin en ce début de siècle ? " C'est en tant que réponse à cette question qu'il faut lire le choix présenté ici : une sélection de poèmes indispensables pour le poète qu'est Thomas Kling, non une anthologie de plus. Mémoire vocale a valeur de programme poétologique : des formules magiques de Mersebourg aux poètes et poétesses d'aujourd'hui, sont présentés ici des textes destinés à mettre en valeur toutes les ressources qu'offre l'allemand sur une dizaine de siècles, dans la diversité de ses registres : langue incantatoire, jargons et hybridations telles que le rotwelsch, l'argot des classes marginalisées, mêlé d'allemand, de néerlandais et de yiddish et parlé surtout dans l'ouest de l'Allemagne, qui a toujours fasciné le Rhénan qu'était Kling. Si la plupart des noms attendus sont présents (Bachmann, Brecht, Celan, Goethe, Hölderlin, Jandl, Nietzsche, Novalis, Rilke...) Il s'agit là d'un choix singulier, à contre-pied du canon littéraire, notamment par la place limitée faite à la tradition classique et romantique, mais qui offre une part belle à la poésie du Moyen Age, aux audaces de la poésie "baroque" , à la diversité inventive des écritures modernes et contemporaines. Celui pour qui le poème est "instrument optique et acoustique de précision qui provient et se met au service de la perception, la perception exacte de la langue" assume ici la subjectivité d'un choix moins de poètes que de textes admirés, ce qui peut expliquer les surprises que réserve Mémoire vocale : la poétesse d'origine juive Gertrud Kolmar, morte en déportation, est placée dans l'immédiat voisinage de Josef Weinheber, un poète autrichien controversé en raison de sa collaboration avec le régime nazi ; Hans-Magnus Enzensberger, dont Thomas Kling n'a jamais fait mystère du peu d'intérêt qu'il portait à sa poésie de "gardien de musée" , est représenté, alors que Nelly Sachs, lauréate du Prix Nobel de littérature en 1966, ne l'est pas. De même l'Autrichien Hugo von Hofmannsthal, qui a été un représentant important du symbolisme allemand, est absent de cette anthologie, Kling lui préférant son ami Rudolf Borchardt, un strict formaliste, théoricien d'une "Restauration créatrice" nourrie d'Antiquité et de classicisme. Si "mémoire vocale" n'échappe pas au statut de "haie hégémonique" propre à toute anthologie, en ce qu'elle fixe et valorise un corpus par délimitation d'un jardin clos dans lequel s'épanouit un choix de fleurs, il importe de replacer ce florilège dans le contexte de la poétique de Kling qui considère que "la poésie procède du flux de données, elle est - si elle réussit, si elle fonctionne -, un flux dirigé de données et déclenche un tel flux chez le lecteur" . C'est à la reconfiguration d'un tel flux dynamique que travaille mémoire vocale.

02/2023

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Economie d'entreprise

Toutes les matières BTS Gestion de la PME. Edition 2022

Révise toutes les disciplines tout au long de l'année, réussis ton BTS ! - Des cours complets pour approfondir, comprendre et mémoriser les notions de chaque discipline. - Des méthodes, des exercices et leurs corrigés pour s'entraîner pour les contrôles et pour le BTS. En plus : Un dossier " Je gère mon BTS " : la présentation des épreuves et des conseils méthodologiques pour comprendre ce que l'examinateur attend des candidats. Des ressources numériques pour réussir : des vidéos conseils ; 20 tutos pour maîtriser la base du pack office ; 25 points d'orthographe expliqués pour améliorer sa copie ; 25 exos pour améliorer sa prononciation en anglais le Livre en Ligne : l'intégralité du livre accessible en ligne gratuitement pour réviser à tout moment (PC/Mac, Tablettes et Smartphones...)

07/2022

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Littérature française

Exposée

Par Raphaëlle Pia Le titre à plusieurs sens, " Exposée ", annonce une histoire qui se déroule sur plus d'un registre. L'argument principal ne manque pas d'originalité. Au cours d'un dîner mondain un marchand d'art connu prend la parole et se pare de l'importance fantasmée par le personnage principal, femme et peintre. Une rencontre entre eux finit par se produire. Le galeriste apprécie les oeuvres de cette artiste et lui programme une exposition.
Eblouie par le projet, elle se met à travailler comme jamais. L'exposition a lieu, ne se passe pas très bien et même de façon plutôt bizarre... Les épisodes se truffent de souvenirs, scénettes, petites choses du quotidien, complications et coups de théâtre. Le rythme nous tient en haleine. Le moins qu'on puisse dire de Béatrice, est qu'elle sait écouter. De là, sa sensibilité au rythme formel de l'oeuvre écrite ou peinte, de là aussi la cadence du livre, structuré comme un poème ou un essai, à la façon du " discours amoureux " de Roland Barthes.
Il s'ordonne en douze strophes, chacune annoncées par un titre long comme un vers ou une sentence ou un proverbe, résumant non sans humour le contenu du chapitre, comme le fait la " morale " des fables. La relation des faits, toujours concise comme un scénario de film, s'anime de nombreuses remarques graves, pour ainsi dire rejetées sur les côtés - rasant les murs - pour passer inaperçues. La plupart du temps, elles trébuchent dans des jeux de mots : dérapages sur les deux sens d'un même vocable, dérives sur un élément secondaire, associations d'idées pour déboucher en poésie.
La décision de ne surtout pas se prendre au sérieux, domine. Pour y parvenir l'auteure se dédouble et invente un " autre " qui lui parle et la semonce. Ce " surmoi " prend l'aspect d'un courant d'air, des murs de la galerie ou de l'ami Edouard. Chaque fois le dialogue pose des questions importantes mais aussitôt il s'allège, se tourne en dérision et évite de conclure. Le passage vers l'imaginaire se fait d'une manière quasi rationnelle.
Basé sur des locutions à plusieurs sens, celui qui est choisi se trouve, d'une part, raccordé logiquement au contexte, d'autre part, le plus propre à développer le rêve. Le passage du réel à l'irréel ainsi se justifie ce qui surprend et amuse. Une grande liberté de ton traverse la langue. Des manières du langage parlé ou de l'argot côtoient les termes les plus châtiés et provoquent le même effet de drôlerie.
Le déroulement verbal ressemble au déroulement de la ligne dans les peintures de l'auteure (celles de sa dernière exposition). Le dessin se déploie sans idée préconçue, après de nombreuses esquisses pas tout-à-fait recouvertes, il reste, un profil, un corps à l'envers, des jambes en pleine course, s'enchaînant avec un autre profil tout aussi agité, qui s'avère être la tête d'un personnage, invisible d'abord, puis peu à peu révélé.
Une nécessité autre que la raison enchaîne les éléments. Extraits de la masse par trituration ils finissent par se fi

06/2013

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Essais - Témoignages

L'art de tremper. Manuel à l'usage des Français et des étrangers qui trempent

Tremper serait-il une spécificité française de l'art de se mettre à table pour le petit déjeuner, le goûter ou le souper ? Que signifient " tremper sa chemise ", " tremper la soupe ", un acier " trempé ", prendre une " trempe " ? Exercice littéraire jubilatoire, foisonnement baroque sur un geste quotidien, un presque rien appétissant où les mots se savourent. " Alors que nous quittions la cuisine, George posa sa dernière question : - ; Is there any book about dipping ? Qu'il ne se soit pas exprimé en français, langue qu'il parle couramment, donnait du poids à sa parole. Je répondis "Non, il n'existe pas de livre sur le trempage' et décidai d'en écrire un. " Dès cet extrait reproduit en quatrième de couverture, le ton est donné : l'auteur a pris beaucoup de plaisir à composer cet essai original. Les problématiques de l'acte de tremper surgissent dès le début de l'ouvrage en un faisceau de questions : " Trempe-t-on différemment à Paris, en province, à l'étranger ? Assembler, est-ce cuisiner ? Tremper, est-ce de la gastronomie ? Existe-t-il des recettes de trempage ? Si vous êtes insensible à ces questions et les considérez futiles, vous ne tremperez jamais. " " Cette pratique humaine et quotidienne concerne davantage les collations que les repas ; les trempeurs exercent le matin au petit-déjeuner et au goûter vers dix-sept heures. " De quoi est donc fait ce petit ouvrage en forme de digressions, dans une pâte quasi mangeable tant sa forme incite à le saisir comme une tartine ? De mots solubles dans des boissons chaudes ou froides ? Tremper serait-il une spécificité française de l'art de se mettre à table pour le petit déjeuner, le goûter ou le souper ? Moins franchement pour le déjeuner ou le dîner. Café, madeleine, soupe. Que signifient des expressions comme " tremper sa chemise ", " tremper la soupe ", un acier " trempé ", prendre une " trempe ", etc. L'auteur nous entraîne dans un voyage étymologique et s'interroge sur un mot qui s'est forgé au cours des siècles. Tantôt invitation à la juste mesure : tremper pourrait signifier tempérer, tantôt affirmation virile (un caractère bien trempé), le mot a évolué dans son sens et son genre, passant du féminin au masculin. " Dans ce dictionnaire, les records de solidité et de liquidité appartiennent pour un extrême à " Acier trempé " (quoi de plus solide ? ) et pour l'autre à " Tremper son vin, par exemple avec de l'eau ", car rien de plus liquide que le trempage d'un liquide dans un autre ". " Le plus dérangeant pour un non-Français, même francophone, restant l'expression " Tremper sa soupe ", qui consiste à verser du bouillon sur des tranches de pain ; c'est alors le liquide qui est plongé dans le solide et non l'inverse ". Est ce une réponse à Perec qui s'interroge malicieusement sur cette expression dans son Je me souviens ? Le texte vante les mérites des matières : de la baguette à la biscotte et n'hésite pas à philosopher sur le boudoir. Le style est vif. Parlant des croissants, Roy les qualifie d'un trait : " droit au beurre ou arqué ordinaire " ; " le chocolat fait penser à un marigot exotique, dont la tartine serait le crocodile ". Sur la madeleine de Proust (rien ne lui échappe), l'auteur considère l'art du repêchage des miettes et on pourra se reporter au passage de La Recherche concernant l'effritement de la madeleine. C'est un exercice littéraire jubilatoire, foisonnement baroque sur un geste quotidien, un presque rien appétissant où les mots se savourent et qui fait appel à tous les sens : la vue (cf. " le contrôle optique ! "), le goût, l'odorat, le toucher et l'ouïe. " Son ouïe enregistre le ruissellement en cascade dans le récipient. Son toucher identifie la température, brûlante, tiède ou glacée. Son odorat décèle l'arôme du café, le fumet du chocolat, la vapeur du thé, le parfum du vin, l'odeur de la soupe. Enfin sa vue autorise l'imaginaire, car semblable à la Pierre de Rêve du lettré chinois, chaque liquide libère les mondes engloutis. " Subtil, l'auteur esquisse une anthropologie de l'acte de tremper (dont il rappelle l'anagramme : " permet ") comme un fait social total et un marqueur de distinction. Ainsi le trempage se différencie du sauçage (acte pour lequel le trempeur " a pied " dans un récipient de faible profondeur). S'il évoque la mouillette, c'est pour la mettre entre parenthèses car n'est pas tartine qui veut et la coque de l'oeuf n'a " pas de bol ". Sucré, salé ou sacré, l'art du trempage appelle une observation fine et ne peut être assimilé sans une technique classificatoire pouvant aller jusqu'à l'esquisse typologique. Certains barèmes sont appliqués : pas de véritable trempage si l'action se fait au bout d'une pique (comme dans la fondue, mêmes les croûtons ou les morceaux de viande sont bel et bien immergés). Le livre se poursuit par des conseils à un jeune public de trempeurs et un cours serré d'apprentissage auprès des jeunes publics. Le livre est enfin et surtout un pastiche de ce que serait une publication universitaire et académique et il en a pourtant la teneur. Très réussi l'exercice tord le texte sur lui-même et se retourne sur plusieurs registres jusqu'à plus soif. Le jeu s'arrête ainsi comme dans un générique (de faim ? ) avec des acteurs qu'on sait proches de l'auteur et qu'on imagine attablés autour de lui pour des séances en forme de leçons. Défense et illustration de l'art de tremper à la française - l'auteur est aussi architecte et collectionneur - et il se dévoile dans une pseudo intimité comme grand amateur des manières de faire et comme grand gourmand. Joyeuse dissertation sur l'origine et l'art de goûter, ce petit livre malheureusement inclassable mais très classieux se déguste du bout des doigts comme un mets précieux. Les chapitres : George O. / Quid ? / Supports / Stabilisateurs / Garnitures / Liquides / Récipients / Invitation au trempage / Basse école / Haute école / Le trempage pour tous / Happy épilogue.

08/2023

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Biographies

Charles de Foucauld, homme de science

Assassiné le 1er décembre 1916 alors qu'une insurrection de grande ampleur avait soulevé la majeure partie des populations du Sahara et du Sahel contre l'occupant français, Charles de Foucauld a inspiré dès avant sa mort les fabricants de littérature sulpicienne. Leur représentant le plus encombrant reste René Bazin, qui a publié en 1921 Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite au Sahara, monument de componctueuse et fate médiocrité dont Louis Massignon devait écrire dans une lettre du 16 septembre 1959 à Jean-François SixA : " Foucauld coule dans le gouffre de la bondieuserie S. A Sulpice. [... ] Il y a des jours où je regrette de n'avoir pas été réquisitionner pour sa "Vie" Louis Bertrand au lieu du mélibéen René Bazin. [... ] Il nous aurait épargné les bonbons de candi bénit de la rue de Sèvres. A " Le grand arabisant se faisait quelques illusions sur Louis Bertrand, si l'on en juge par un lamentable Saint Augustin publié en 1913. Quant à Jean-François Six, sirupeux et prolixe biographe de Foucauld, s'il a complaisamment rapporté la mise en garde de Massignon dans son Aventure de l'amour de Dieu (1993), il n'a pas su l'entendre. Le flot sulpicien ne s'est jamais tari jusqu'à aujourd'hui, charriant année après année des ouvrages qui ont épaissi plutôt qu'éclairci l'énigme d'une âme qu'on devine hantée par la mélancolie, la haine de soi, l'intransigeance et une sombre démesure. Quelques procureurs leur ont fait face, beaucoup moins nombreux mais pas plus respectueux des faits. On pouvait espérer que les choses changeraient une fois la béatification acquise, puisqu'il n'était dès lors plus besoin ni de défendre ni d'attaquer une cause désormais entendue, mais il n'en a rien été. La célébration du centenaire de sa mort a même transformé la cohorte des thuriféraires en une légion où le mélibéen a voisiné avec le savonarolesque. Plus récemment, les procureurs, jusque-là relativement discrets, ont vu leur zèle avivé par la vogue actuelle de déboulonnage de statues et la perspective de la canonisation prochaine de l'ermite de Tamanrasset. A en croire certains d'entre eux, Foucauld aurait été le " défenseur d'une guerre totale contre l'Allemagne lors de la Grande Guerre " ; pour d'autres, il aurait eu une " implication directe dans les opérations militaires coloniales contre les tribus rebellesA " et aurait été " l'auxiliaire incomparable " de Laperrine, commandant supérieur des territoires sahariens jusqu'en 1910. Il y a aussi ceux selon lesquels il aurait avancé des " idées en faveur d'une désorganisation des structures sociopolitiques touarèguesA ". Foucauld " défenseur de la guerre totale " ? Plaisante formule. Totale, la guerre l'était, et Foucauld ne pouvait qu'en prendre acte. Il est un fait qu'il envoyait des lettres exaltées à ses amis engagés sur le front, mais son exaltation restait épistolaire, car l'essentiel de son temps était consacré à la mise au net de ses travaux linguistiques. Ses journées de travail duraient souvent plus de onze heures, et le résultat en est une oeuvre dont il est difficile d'affirmer comme le font certains qu'elle est " indissociable de la conquête coloniale ". Car, dans les faits, elle s'en dissocie parfaitement. Ses lettres à ses amis sur le front, tout comme ses relations avec les officiers sahariens, font partie de l'époque et elles sont banales une fois remises dans leur contexte. En revanche, ses travaux linguistiques, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les deux tomes de ses Poésies touarègues et les quatre tomes de son Dictionnaire touareg-français, sont encore une référence pour tous les spécialistes, y compris touaregs. C'est pour une bonne part à cette oeuvre qu'est consacrée le présent ouvrage. Quant à l'implication " directe " dans les opérations militaires, c'est une pure invention. Et les lettres à Laperrine ne justifient pas le qualificatif d'" auxiliaire incomparable " que Foucauld s'est vu décerner après leur parution. Surtout si l'on songe qu'elles datent d'un temps où Laperrine, revenu en France, n'avait plus aucune responsabilité au Sahara. L'ermite avait l'habitude d'informer ses amis officiers de la situation du Sahara, mais il n'était guère en cela qu'une sorte de gazetier dont les " renseignementsA ", qui mettaient plusieurs semaines à arriver à leurs destinataires, n'étaient ni exploitables ni d'un grand intérêt opérationnel. De plus, affirmer comme nous l'avons lu récemment que " ses renseignements fournis à l'armée coloniale ont influencé la stratégie de conquête du "pays touareg"A " est un anachronisme. Lorsque Foucauld atteint le pays touareg en février 1904, le chef et futur amenûkal Mûsa ag Amastan vient de signer un traité avec les militaires. En d'autres termes, la " conquête " était déjà chose faite avant même son arrivée sur place. Les seuls auxquels il est difficile de donner totalement tort sont ceux pour qui il aurait songé à désorganiser les structures sociopolitiques touarègues. Sauf à remarquer cependant, comme Paul Pandolfi le fait observer dans sa contribution, que les officiers qui seuls auraient été en mesure de procéder à cette réorganisation était d'un avis contraire, qui seul a prévalu. D'une manière générale, il n'avait guère d'influence sur ses amis militaires. Ainsi, le plan d'organisation de l'annexe du Tidikelt qu'il avait échafaudé est resté lettre morte, comme le remarque là encore Paul Pandolfi. De même, lorsque le sous-lieutenant Constant voulut donner suite aux propositions de Foucauld pour le réaménagement du fort Motylinski, il fut désavoué par son supérieur, le capitaine de La Roche, pour qui tout cela n'était qu'" hérésie tactique ". De même encore, la correspondance du lieutenant-colonel Meynier laisse deviner son scepticisme à propos de renseignements d'ailleurs très vagues transmis par Foucauld en août 1914. De toute façon, ni Foucauld ni ses supérieurs religieux n'avaient alors un quelconque pouvoir décisionnaire. Il ne pouvait que s'ouvrir de ses idées à ces intermédiaires, ces acteurs de terrain qu'étaient les officiers qui intervenaient alors dans l'Ahaggar. Mais, même dans les quelques cas où ces derniers relayèrent ses demandes, les autorités supérieures, tant à Alger qu'à Paris, y opposèrent une fin de non-recevoir. Voilà de quoi relativiser le rôle et l'influence politique de Foucauld. Voir en lui une sorte de maître à penser de la politique saharienne de la France et le lointain inspirateur de cette éphémère Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) que la France créa en 1957 est manquer du sens des proportions. Pour ce qui est des idées coloniales, il les a assurément partagées. Mais ses avis tranchaient sur la bonne conscience alors de mise. C'est ainsi que, dans une lettre de 1912, il conseillait à Mûsa ag Amastan de faire apprendre le français aux siens, pour qu'ils " puissent, au bout d'un certain temps, jouir des mêmes droits que les Français, avoir les mêmes privilèges qu'eux, être représentés comme eux à la Chambre des députés, et être gouvernés en tout comme euxA ". Il ne concevait certes pas l'avenir des Touareg ailleurs que dans un ensemble français, mais au moins leur y assignait-il, à terme, celui de citoyens à part entière. En février 1956 encore, un président du Conseil s'est fait conspuer par les ultras d'Alger pour beaucoup moins que ça. Il écrivait aussi en cette même année 1912 : " Si, oublieux de l'amour du prochain commandé par Dieu, notre Père commun, et de la fraternité écrite sur tous nos murs, nous traitons ces peuples [colonisés] non en enfants, mais en matière d'exploitation, l'union que nous leur avons donnée se retournera contre nous et ils nous jetteront à la mer à la première difficulté européenne. A " Sans doute ne voit-il là dans les colonisés que des enfants, mais étaient-ils nombreux, en 1912, ceux qui considéraient que, même dans les colonies, la "fraternité écrite sur tous nos murs" ne devait pas rester un vain motA ? Que Foucauld ait été un homme de son temps, nul ne songe à le nier. Il est toujours utile de détailler ce trait du personnage, et les contributeurs du présent ouvrage, notamment Jean-Louis Marçot et Jacob Oliel, ne s'en sont pas faute. Mais en faire un " ultraA " de la colonisation est absurde. Foucauld avait pourtant suscité quelques authentiques travaux d'historiens, qui depuis deux ou trois décennies ont répandu de lui une image plus complexe et plus humaine que l'icône assez plate accréditée jusque-là par les tâcherons de l'hagiographie. De portées et d'inspirations très diverses, tous ces travaux s'accordent au moins à reconnaître que, quels que soient par ailleurs ses titres à l'admiration et même à la ferveur, quelles que soient également les réserves qu'ils puissent susciter aujourd'hui, cet homme dont l'oeuvre linguistique est utilisée aujourd'hui encore par tous les spécialistes aura été une figure majeure des études berbères. Parmi tous ces travaux, une place particulière doit être faite à ceux du regretté Antoine Chatelard. C'est pourquoi, avec l'aimable autorisation de la revue qui l'avait d'abord publié, nous avons choisi de republier ici (sous sa forme d'alors) un texte datant de 1995 et qu'on doit tenir pour fondateur puisque c'est le premier texte où le travail linguistique de Foucauld ait fait l'objet d'une étude proprement scientifique. Mentionnons également, du même Antoine Chatelard, La mort de Charles de Foucauld (2000) ouvrage où, d'une part, il s'efforçait de reconstituer les circonstances de la mort de Charles de Foucauld et où, d'autre part, il jetait une intéressante lumière sur la façon dont la légende de " Foucauld martyrA " avait pu se construire. Mentionnons aussi par ailleurs le livre sobre et remarquablement documenté de Pierre Sourisseau (Charles de Foucauld. Biographie, Paris, Salvator, 2016), dont on regrette seulement que les travaux linguistiques de Foucauld et ses interrelations avec les Touaregs n'y ont peut-être pas tout à fait la place qu'elles mériteraient. L'article d'Antoine Chatelard est suivi ici de deux textes où Dominique Casajus a tenté de le prolonger sur un ou deux points, tandis que, de son côté, Aurélia Dussere s'est attachée au travail de Foucauld comme explorateur du Maroc et que Marc Franconie propose un commentaire de quelques-uns des croquis qu'il a dressés au cours de son voyage d'exploration ainsi qu'un aperçu de son travail de météorologue. Le volume s'achève par deux contributions, dues à Emmanuel Alcaraz et à Dominique Casajus, qui entendent donner un aperçu de l'image, souvent infondée, que certains milieux se font aujourd'hui de Charles de Foucauld. L'étude historique du " casA " Foucauld doit se poursuivre, et le dossier présenté ici veut être une contribution à ce cette tâche. Et, en historiens que nous essayons d'être, notre rôle n'est pas de déboulonner des statues, ni, du reste, d'en édifier. Et l'image parfois floue que nous avons essayé de recomposer n'est ni tout à fait noire, ni tout à fait blanche.

10/2022