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Dictionnaires et ouvrages géné

Frontières, entre histoires et géographies

Le Château de La Roche-Guyon présente du 19 mai au 28 novembre 2021 l’exposition Frontières, entre histoires et géographies. Son commissariat est assuré par Michel Foucher, géographe, diplomate et essayiste, titulaire de la chaire de géopolitique appliquée au Collège d’études mondiales (Fondation Maison des Sciences de l’Homme) depuis 2013. Cette exposition est la pierre angulaire d’une Saison thématique intitulée «Frontières». Situé aux confins de l’ancien duché de Normandie et du royaume de France, sur une limite marquée par la rivière Epte il y a 1 110 ans, et surplombant la Seine, voie de passage longtemps menaçante, le château de La Roche-Guyon se prête à merveille à l’exploration de cette question. A partir de l’échelle locale visible en Val d’Oise et de l’ancienne frontière de l’Epte, encore présente sur les cartes, se déroule l’histoire de la formation des frontières françaises et se décline la géographie de ces lignes imaginaires. On découvre comment la Manche, une mer pour deux royaumes, frontière naturelle par excellence, au moins en apparence, fut d’abord une zone de rivalités séculaires, avant de se muer en interface active et fréquentée. On s’interroge sur l’Europe, vieux continent aux limites récentes, on rappelle l’histoire de la gestion de ses frontières par l’Union européenne et on s’interroge sur la façon dont ses habitants les vivent. Se dessinent les enjeux du contrôle des mobilités, avec l’invention du passeport, ceux des flux migratoires – la frontière protège l’exilé et son au-delà attire le jeune migrant en quête d’un sort meilleur. On représente les moyens de l’échange, l’actualité autour des frontières avec la crise sanitaire suite à la pandémie de Covid-19 Bien évidemment, l’internet sans frontières, les datacentres et les câbles sous-marins, nouvelles artères de la planète, sont évoqués.La mise en vis-à-vis photographique des murs qui séparent et des ponts qui relient off re l’occasion d’une réflexion à la fois esthétique et éthique sur le sens des limites dans notre monde contemporain. On met en évidence les tensions autour des frontières, sur mer et sur terre, y compris sur les cols de l’Himalaya, entre Inde et Chine. Enfin, des images satellites des frontières dans le monde seront l’occasion de s’évader et de rêver les frontières.D’ailleurs, elles inspirent. Les représentations de frontières par des artistes tels que Monet, Turner, Klee, Ernest Pignon-Ernest ou encore Youcef Korichi confi rment la diversité de ces influences.

08/2021

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Poésie

Sur la voie abrupte

Jean-Claude Caër a pensé ce recueil durant cet étrange printemps 2020 où le gouvernement nous intimait de nous claquemurer et de limiter nos déplacements à l'essentiel. Plutôt que de rester à Montmartre sans pouvoir n'y rencontrer personne, Caër a décidé de retourner vivre avec sa femme dans la ferme même où il est né, à Plounévez-Lochrist. Ce retour amont sur les terres de son enfance semble l'avoir remis en contact avec tout un pays qu'il avait en partie refoulé lors de ses virées aux bouts du monde, celui, empreint d'une certaine raideur léonarde, de ses parents et grands-parents : "chaque route, chaque talus, chaque sentier / plongent vers les ancêtres" . Ce repaysement forcé est pour l'auteur l'occasion d'une inhabituelle mise à nu, alors même qu'il écrit depuis toujours une sorte de journal de sa vie en poèmes. Entre les ancêtres et lui s'établit un dialogue fait tantôt de connivence tantôt d'effroi : il faut d'ailleurs entendre ce mot d' "ancêtres" dans un sens large, qui recouvre à la fois ceux que la nature lui a donnés pour parents, et ceux qu'il s'est donnés pour maîtres parmi les grands morts : poètes, architectes ou sculpteurs (au cours de ses voyages d'avant et d'après le confinement, Caër se rend par exemple à Saint-Pétersbourg au musée Anna Akhmatova ou au cimetière non catholique de Rome où il se recueille sur les tombes de Shelley et Carlo Emilio Gadda). Reste que ses souvenirs les plus marquants lui sont redonnés en 2020 à travers le paysage immémorial de la Bretagne, où l'intermittent voyageur des confins qu'il est, angoissé par le désert d'hommes alentour, s'attache aux bernaches, ces oiseaux migrateurs en partance pour la Sibérie. Il y a quelque chose d'émouvant à voir Caër faire alors un usage quasi-magique d'objets, au premier rang desquels il y a la machine à écrire étiquetée du Vietnam qui lui vient du grand-père d'une amie, administrateur autrefois sur le territoire des Moï. En voyageant, en écrivant, Caër aura peut- être accompli sous le signe du bonheur ce que ses ancêtres, eux, auront fait, plus ou moins, par nécessité : au séjour contraint de son père en Allemagne pendant la guerre de 40 répond son propre désir - alors empêché - d'une marche en Forêt noire. Le recueil est composé de sept parties ; celle du confinement occupe le centre et donne la tonalité générale au volume qui, s'ouvrant sur une suite de poèmes en hommage discret à sa femme, s'achève, comme dans son précédent opus, sur une évocation de sa mère à l'agonie. Pour autant, ce livre quasi testamentaire, d'adieu au voyage ("Sur la voie abrupte, le monde ne reviendra pas".) n'est pas lugubre ; il est porté par une passion de la vie et un art de la légèreté qui se veut un peu japonais. Cäer évoque, dans l'esprit des haïkus, les sujets les plus graves sans jamais peser : "Après la pluie, les amis. / Après les amis / La neige. / Ah, quel délice ! "

04/2023

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Critique littéraire

Poétique du théâtre indien. Lectures du Nâtyasâstra

Poétique du théâtre indien. Lectures du Natyasastra. Lectures du Natyasastra, lecture du Traité du théâtre où l'Inde ancienne inscrit les lois et les principes d'un art total convoquant sur la scène, avec le texte dramatique et le jeu de l'acteur, le chant, la musique et la danse. Destiné au poète et à celui qu'il appelle le "praticien" - l'acteur, qui est aussi le metteur en scène, le directeur de troupe et, symboliquement, l'architecte de son théâtre -, le Natyasastra est un art poétique au sens premier du terme en ce qu'il examine et codifie tout ce qui fait le théâtre : la construction de la salle, les rites de fondation et de propitiation, l'agencement de l'intrigue, l'écriture du texte, les conventions, le protocole de jeu, la danse, le chant, la musique et jusqu'au succès de la représentation. Ainsi, parce qu'il la reconnaît pour l'essence du théâtre, le Natyasastra fait-il de la pratique l'essentiel d'un exposé où l'acteur est une figure centrale et rayonnante autant que Siva, le Nataraja occupant la scène du monde. Le Natyasastra, en effet, est aussi un art poétique en ce sens que la réflexion sur le jeu de l'acteur lui est l'occasion de poser les fondements d'une théorie esthétique qui célèbre dans le théâtre le lieu même du rasa, la Saveur, si l'on s'en tient à l'étymologie du vocable, ou, figurément, l'émotion esthétique. Le rasa est à son comble au théâtre car le théâtre, c'est de la poésie qui s'incarne, de la poésie animée. Le théâtre, c'est la Saveur. La Saveur, c'est le théâtre. Sommaire Avant-propos Summary Prologue Introduction 1. Projet 2. Sources 3. Méthode 4. Organisation Première partie Le Natasastra ou les règles du jeu Chapitre I - Le jeu 1. Origine divine 2. le théâtre, tel que les hommes le font 3. L'acteur, maître du jeu 4. Commencements de la représentation 5. Le théâtre, plaisir des dieux et des hommes Chapitre II - Les règles 1. Economie du texte 2. Saveur : rasa 3. Saveur et savoir : rasa et vyutpatti 4. Sentiments : bhava 5. Intrigue : itivrtta 6. Jeu de l'acteur : abhinaya 7. Conventions : dharmi 8. Manières et Coutumes : vrtti et pravrtti 9. Succès : siddhi 10. Musique et chant : svara, atodya, gana 11. Théâtre : ranga Deuxième partie Malavikagnimitra : traduction des actes I et II Avant-propos Traduction et notes Troisième partie La pratique du théâtre : théorie et illustration Chapitre I - Malavikagnimitra ou le théâtre, metteur en scène de lui-même Chapitre II - Enseignement de la théorie : le Natasastra 1. Les lasyanga 2. Le samanyabhinaya Chapitre III - De la théorie à la scène : enquête sur le chalita 1. Procédures d'identification 2. Un ou trois objet ? Conclusion Conclusion Bibliographie Indices Note sur la présentation des index français et sankrit Index français Index sanskrit Index des noms propres Index locorum Table des schémas, tableaux et illustrations Table des matières

01/1992

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Religion

Ganapati Upanishad / Devi Upanishad

La Muktikâ-Upanisad range la Ganapati-Upanisad dans le lot des Upanisad relevant de l'Atharvaveda et en fait la 102e de sa liste. L'Upanisad figure dans les principaux recueils, et est souvent citée - parfois sous forme de simple pralika - dans les manuels liturgiques modernes du type brahmakarma-samuccaya, âhnikacandrika, et autres. Telle quelle, la Ganapati-Upanisad est un texte populaire dans la mesure où elle constitue la garantie soi-disant " védique " de la dévotion au dieu à tête d'éléphant. Une secte Gânapatya connut un certain essor aux alentours du Xe siècle, puis déclina. Peut-être est-ce sous son égide que se constitua la littérature Ganésienne proprement dite. Mais c'est surtout sous l'influence de la tradition smârta que la religion de Ganapati est vivante. Pour ces hindous fidèles au Veda, le dieu " qui écarte les obstacles " est, si l'on peut dire, une forme familière de l'Absolu. Comme le dit l'Upanisad : " il est le brahman rendu sensible aux yeux ". Les Smârta sont partout présents en Inde et l'esprit de leur religion imprègne l'hindouisme commun. Traditionnellement ils ajoutent à l'Upanisad trois autres textes védiques supposés célébrer Ganesa : un hymne du Rgveda, Ganapati-sûkta dédié à Brahmanaspati, le Ganapati-mantra, strophe rgvédique où Brahmanaspati reçoit l'épithète de " Seigneur des Gana", enfin la " Ganesa-gâyalrî " empruntée au Taittirîya-Aranyaka. L' Upanisad ne se soucie nullement d'interpréter les mythes et légendes afférents à Ganapati. Elle se tient sur le seul plan de la célébration ésotérique du dieu et, à ce titre, ressemble à un stotra. D'emblée Ganapati est assimilé à l'Absolu, sous ses deux " aspects ", le brahman et l'âtman. Il est le Veda rendu sensible aux yeux. La Devi Upanisad est la 81e de la liste donnée par la Muktika. De fait, la structure de la Devi Upanisad est la même que celle d'une série de ces tracts dont le seul propos est de célébrer la divinité choisie (ista-devatâ) par un groupe de dévots, comme objet quasi-unique de sa vénération. Ces Upanisad, tardivement rattachées à l'Atharvaveda, ont pour fonction d'exposer, sous une forme à la fois lyrique et brève, l'essentiel de la foi des dévots. La Devi Upanisad ressemble donc beaucoup à la Ganapati. Comme celle-ci, elle est constituée de trois éléments principaux : un hymne de louange (type stotra), un support (pratisthâ) de méditation (dhyâna) évoquant une image de la divinité, enfin la révélation d'une formule secrète (ici dex mantra), communiquée lors de l'initiation et utilisée dans la liturgie. C'est la présence constante (et exclusive) de ces trois éléments, s'articulant selon une structure identique, qui donne son unité aux diverses Upanisad du même type, et il est frappant, à cet égard, de remarquer qu'elles se donnent toutes le nom d'Atharva-sîrsa (ou siras).

01/1983

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Droit

Les accords internationaux de l'Union européenne. 3e édition

Le présent volume est consacré aux accords internationaux de l'Union et aborde des thèmes qui traversent les divers domaines des relations extérieures de l'Union : les compétences externes, la procédure de conclusion des accords internationaux, les accords d'association et les accords mixtes. L'ouvrage s'ouvre sur un chapitre consacré aux compétences externes, sujet d'une importance déterminante sur le plan institutionnel dans les rapports entre l'Union et ses Etats membres. Malgré les efforts de systématisation du traité de Lisbonne, l'auteure déclare que "la situation en matière externe reste toujours d'une redoutable complexité". Cette complexité porte tant sur le fondement que sur la nature des compétences. Un des mérites de cette étude panoramique, menée avec grande maitrise, est de précisément recomposer les pièces du puzzle. Le chapitre II se penche sur la négociation et la conclusion des accords internationaux. Cette question a été abordée par le traité de Lisbonne dans un double souci à la fois de simplification et d'harmonisation. Au terme d'une description précise et instructive, l'étude conclut que la procédure mise en place par l'article 218 TFUE parait bien adaptée à la nature particulière de l'Union, établissant/atteignant un véritable équilibre institutionnel. Le chapitre III analyse le phénomène des accords d'association, dont la pratique a brouillé les contours, au point que l'on peut se demander à qui ils s'adressent vraiment et quelles sont leurs finalités. L'auteure dégage des critères - socle politique commun, réalisation progressive d'une intégration économique des parties, établissement d'une coopération multisectorielle -, qu'elle applique et conjugue à une analyse des différentes associations que l'Union entretient avec des partenaires, géographiquement proches comme lointains. Le chapitre IV concerne les accords mixtes, dont l'examen est effectué en partant de certains thèmes, encore d'actualité. Les arrêts et avis récents de la Cour de justice en témoignent. Parmi les problèmes signalés et leur solution, il convient de relever les difficultés posées par l'application provisoire des accords avec l'Afrique du Sud et l'Ukraine, la question de la compétence de la Cour de justice en matière d'interprétation d'accords mixtes et celle des violations d'accords mixtes par des Etats membres. Chaque chapitre traite la matière de façon approfondie et s'appuie sur un ensemble impressionnant de références à la pratique décisionnelle, à la jurisprudence et à la doctrine. C'est un ouvrage de référence qui sera particulièrement utile aux chercheurs et aux praticiens du droit. L'ouvrage réunit, autour de Jacques Bourgeois, avocat et professeur au Collège d'Europe et à l'Université de Gand, coordinateur de la grande matière "Relations extérieures" et du présent volume, une équipe d'éminentes universitaires : Catherine Flaesch-Mougin, professeure émérite à l'Université de Rennes I, Nicki Aloupi, professeure à l'Université de Strasbourg, Cécile Rapoport, professeure à l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, et Christine Kaddous, professeure à l'Université de Genève.

08/2019

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Romans historiques

Regarder

Ce 18 mars 1933, à Leipzig, Gerta Pohorylle vient d'être arrêtée sous prétexte que ses frères auraient distribué des tracts hostiles au régime. Tout en répondant avec dédain aux questions d'une brute national socialiste (" Nationalité ? polonaise " " Date de naissance ? le 1er août 1910 "), ellelaisse son esprit vagabonder, s'interrogeant sur les deux hommes qu'elle aime : un représentant des cotons américains à Stuttgart, où elle est née, et Georg Kuritzkes, étudiant en médecine et communiste. Dans la cellule où on la jette, son aplomb et son élégance détonnent. D'abord méfiantes, les autres détenues sont vite conquises par sa bonne humeur, et par le colis de vivres qu'elle partage volontiers. Relâchée, la jeune femme comprend qu'elle est en sursis partout en Allemagne, et décide de partir pour Paris. Dès l'ouverture du nouveau roman de Serge Mestre qui lui rend hommage, la personnalité de celle qui deviendra la photographe Gerda Taro est posée : toute sa courte vie, elle restera libre, audacieuse, généreuse et déterminée à disposer elle même de son sort. A Paris, elle ne tarde pas à tomber amoureuse d'un réfugié politique hongrois, rencontré parmi les émigrés arrivés en nombre. André Friedmann est photographe, et Gerta, lassée des petits boulots qu'elle accumule, apprend avec lui le métier, tout en prenant en main, avec sa générosité habituelle, sa carrière. Comme les contrats sont rares, elle lui invente une nouvelle identité de photographe américain, et un nouveau nom : Robert Capa. Elle-même se trouve un pseudonyme, Gerda Taro – " un vrai nom de photographe ", l'encourage son compagnon. La légende est née, dont le romancier s'empare avec l'ironique acuité et le sens de l'ellipse qui lui sont propres. Epousant le point de vue de Gerta/Gerda, il met en lumière la singularité, le talent et la modernité de celle dont l'histoire a surtout retenu le tandem qu'elle a formé avec Capa. En Espagne où ils sont envoyés par Vu après le putsch du 18 juillet 1936, les deux reporters travaillent côte à côte, et Gerda n'hésite pas à rembarrer sèchement Capa quand il s'approprie les photos qu'elle a prises. Jamais elle ne sera la femme d'un homme, elle le revendique haut et fort : malgré son lien avec Robert, elle n'a pas rompu avec Kuritzkes, mène sa trajectoire comme elle l'entend, mue par un courage et un appétit de vie exceptionnels, jusqu'à sa mort absurde, écrasée par un char républicain le 26 juillet 1937. Fascinante figure que celle de Gerda Taro, dont Pablo Neruda et Louis Aragon prononcèrent l'éloge funèbre au Père-Lachaise. Plusieurs ouvrages lui ont été consacrés : par Robert Capa lui-même qui, dans l'album Death in the Making (New York, 1938), retrace leurs douze derniers mois passés à couvrir la Guerre civile ; par François Maspero, qui publia L'Ombre d'une photographe en 2006 (Le Seuil) ; plus récemment, Après Gerda, du romancier Pierre-François Moreau (Editions du Sonneur, 2018) et La ragazza con la Leica, prix Strega 2018 de l'Italienne Helena Janeczek (Guanda, pas encore traduit en français). Regarder, portrait d'une féministe en avance sur son temps, est aussi une traversée tambour battant de la si brève et passionnante période pendant laquelle Gerda Taro sut inscrire son nom au firmament des photographes.

02/2019

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Poésie

Toute la vie. Poèmes 1957-2016

L'ouvrage que nous présentons est de nature anthologique : aucun des nombreux recueils de Fernando Grignola n'ayant été traduit en français, il a paru plus fécond de le faire connaître au public de ce pays par l'intermédiaire d'un choix tiré de ses principaux livres, en proposant une édition bilingue, ou plutôt trilingue, les poèmes d'après 1983 n'étant plus écrits en italien, mais dans le dialecte d'Agno. C'est Christian Viredaz (voir son curriculum dans le dossier) qui en a assuré la traduction. Grignola e l'umanità in versi, " Grignola et l'humanité en vers " : ainsi le critique Renato Martinoni, professeur à l'université de Saint-Gall, intitulait-il un article d'hommage au poète paru dans le Corriere del Ticino le 17 novembre 2008. " L'humanité en vers " : il s'agit moins d'une ambition ou d'une intention de l'oeuvre que du constat reconnaissant qu'établit sa lecture, et auquel voudrait aussi faire songer, au-delà de la " récapitulation biographique ", le titre choisi pour cette anthologie, Toute la vie. Nombre de critiques et de poètes (notamment Renato Martinoni, Flavio Medici, auteur de la préface de ce volume, Ottavio Lurati, Franco Brevini, Pino Bernasconi, Franco Loi) ont reconnu chez Fernando Grignola un observateur ardent, un interprète, un portraitiste de la réalité aussi bien rurale qu'ouvrière d'une région qui résume en elle-même, dans l'histoire de ses transformations, celle du monde moderne chassant celui qui l'a précédé tout en éprouvant pour lui la plus profonde nostalgie. L'articulation décisive de cette oeuvre tient à la coprésence de ce qui est " d'antan " (une idée souvent reprise chez Grignola) dans le pays nourricier (La mamm granda da tücc, " notre grand-mère à tous " est le titre d'un des recueils) et des réalités contemporaines : d'un côté, un pays riche de parfums et d'harmonies, où se retrouver, se rassurer, le pays des racines (le mot revient fréquemment, en écho aussi bien à l'un des premiers emplois de l'auteur, tourneur de racines de bruyère dans une fabrique de pipes...), lié au rythme lent et précis des saisons, des activités humaines, d'une civilisation faite de valeurs et de chaleur humaines ; de l'autre, les cadences et les objets de la société contemporaine, qui ne sont pas sans conséquence, quelle que soit la fascination générale qu'ils exercent : l'irrespect de cette tradition naturelle, les faux mythes, les malheurs de la vie quotidienne (solitude, drogues, aliénation), la " maladie de vivre " que fait naître un monde de guerres et d'injustices éloignant l'homme de ses propres richesses. Mais cette sorte de " grand écart ", ou plutôt de " tension entre le monde des racines et l'univers de la standardisation " (Franco Brevini), a chance de susciter en chacun le besoin de plus en plus secret mais de plus en plus impérieux d'une intimité où retrouver les grandes questions de l'existence - la poésie ayant peut-être pour tâche et pour grandeur de rappeler ce besoin et de lui donner voix. Elle sait à la fois décrire et écouter toutes les réalités possibles, et, en évitant la séduction facile des sentiments prévisibles ou des pensées marquées au coin de l'idéologie, fût-elle écologie, de mettre en lumière la substance des choses et des actes et de se concentrer sur le particulier comme " le signe ", pour reprendre les mots du poète, " d'une réalité plus complexe et universelle " ; à cette fin, à mesure que l'oeuvre se poursuit, Grignola éprouve le besoin d'aller vers " une raréfaction incisive des vers et des mots " proche de l'épigramme, cependant que s'y déploie de loin en loin, entre nostalgie et espoir, indignation parfois devant les signes de la violence, de la ruine, de la dissolution, le sentiment d'un dépassement possible, d'une transcendance à laquelle aspire sa propre foi. - Mais entre nostalgie et espoir, dit Grignola récapitulant son rapport à cette oeuvre-vie, " je choisis ce dernier, même si je suis conscient de mon âge et de ses infirmités, qui me pèsent. Il ne sert à rien de déterrer le passé. C'est à chacun de nous de regarder vers l'avant, de semer et de cultiver le bien. [... ] Je demande seulement un peu de sérénité ; ma foi est sûre, je m'arrête tous les jours dans une église pour prier, en allumant un cierge pour Erica [son épouse décédée]. J'y trouve du réconfort, dans le silence et les grandes déchirures qu'ouvre la foi, où s'apaisent mes angoisses et mes larmes. " Dernier mot, peut-être, d'une oeuvre faite de tendresse pour l'impossible, de colère et de compassion, qui a choisi l'étrange et puissante humilité du dialecte (" poésie capable de se charger de l'histoire de celui qui la parle ou l'écrit ", dit l'auteur) pour ne pas s'éloigner de la réalité qu'elle évoque tout en convoquant " un monde lointain " : " Le dialecte, à mon sens, est comme r'imbiügh, la sève qui à la fin de l'hiver accélère puissamment la résurrection de la plante, et qui vous fait retrouver, dans les moments les plus imprévus, à travers des mots et des expressions qu'on croyait oubliés, des images, des événements, de visages, des voix, des odeurs et des parfums lointains, presque imperceptibles, comme d'une langue retrouvée dans sa pureté. "

01/2023