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Littérature française

Chronique de 18 perversions ordinaires

Des actes pervers répétés sont évoqués. Les victimes ont-elles porté plainte ? Non. Un ami proche me fait dans les jours qui suivent, une injonction claire. Tout acte de perversion doit être dénoncé ! C'est une obligation morale. Mais que puis-je dénoncer, moi qui n'ai rien vu ? Plutôt que de pousser des cris étouffés, ma réponse est d'écrire. Et les cas de perversion ne manquent pas : caresses anodines, pédophilie, fétichisme, voyeurisme, viol et plus simplement abus de la force et du pouvoir. Mais avant de dénoncer, il faut identifier le pervers, comprendre sa stratégie, son déni du réel, ses difficultés à s'ouvrir à la parole. - Josiane se refuse à son mari, sauf service rendu. Elle établit ainsi la règle. Tu branches le nouveau congélateur, on fera l'amour ce soir. - Dominique est dans la séduction, sous le nez de son mari. Je ne fais rien de mal ! Elle met en place la jalousie, dans un triangle mimétique, comme soutien indispensable au désir. Et puis il y a le jeu de l'argent. Quand cette violence s'estompe, le désir s'éteint et le couple n'a plus rien à se dire. Et un nouveau cycle peut commencer. - Pierre, fétichiste gentil, propose à sa femme une fête de printemps d'ici un mois. Il faudra des jonquilles et des tulipes, une brouette et quelques outils de jardin. Tu auras de la lingerie érotique, moi un foulard noué autour du sexe, le tout évoquant le printemps. Nous avons encore un mois pour affiner le scénario. Valerian Dirken, est né en 1950 à Bruxelles. Ingénieur civil, il bifurque en 2007 vers la psychologie et la psychanalyse. Participant à l'Ecole de la Cause Freudienne. Il acquiert un début d'expérience clinique, qu'il poursuit à sa manière depuis 2015, comme bénévole dans un restaurant du coeur, ou il s'est auto attribué le titre d'éplucheur de légumes orienté par la psychanalyse. Depuis cette époque il est également visiteur en prison.

06/2020

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Sciences historiques

Une histoire des sens

Parmi les historiens français d'aujourd'hui, Alain Corbin est l'un des rares qui soit reconnu internationalement comme un "maître", ayant réussi à créer autour de lui et à partir de son oeuvre mieux qu'une "spécialité" de plus (les sensibilités), une nouvelle manière de faire de l'histoire. Corbin est, par excellence, l'historien des sens, l'historien des émotions, l'historien des corps. Il réussit ce tour de force de nous faire comprendre le plus intime grâce à une lecture sans préjugé des documents d'époque. Et ce corps-là, c'est déjà le nôtre. Ce volume offre un échantillon remarquable des trois grandes manières qu'a l'auteur d'aborder ses terres familières. Le Miasme et la jonquille fut en son temps (1982) - et demeure - un manifeste pour une histoire du sensible. Il s'agissait de prouver tout à la fois que : faire l'histoire d'un sens (ici l'odorat, ou, pour être précis, de la "sensibilité olfactive") était un projet tout aussi noble que de faire l'histoire de Napoléon ou de la révolution industrielle ; cette histoire était possible, grâce à une lecture intelligente des documents à notre portée, depuis les règlements municipaux jusqu'aux poèmes romantiques. On retrouve cette méthode dans plusieurs des principaux livres qui ont suivi, comme Les Cloches de la terre (sur la sensibilité auditive de la "France profonde", déjà moderne mais encore rurale) ou Le Territoire du vide, où il reconstitue ce moment étonnant où l'homme moderne (anglais, d'abord) a inventé la mer comme loisir, autrement dit le "balnéaire", invention contemporaine de celle de la montagne. Le Village des "cannibales" (1990) est une de ces monographies villageoises qui nous plaisent tant (ici la petite commune de Hautefaye, dans le nord de la Dordogne), mais saisie dans un moment de paroxysme. Une journée de folie collective, au coeur de l'été 1870 où, sous l'effet de l'entrée en guerre et des premiers désastres, une foule réunie pour une foire traditionnelle se transforme en collège de bourreaux. Le supplicié (les détails sont atroces) est un jeune aristocrate, supposé républicain mais surtout, par cela même, "prussien". Cette étude - toujours d'actualité - est d'autant plus fascinante pour le lecteur que, par ailleurs, le même explorateur des émotions sait comme aucun autre reconstituer ici l'histoire de La Douceur de l'ombre (L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours, 2013), là de L'Harmonie des plaisirs, autrement dit des manières de jouir, du siècle des Lumières à l'avènement de la sexologie (2007). Autre exploration : celle du Monde retrouvé de Louis-François Pinagot (1998) où Corbin s'est lancé sur les traces d'un inconnu. Un sabotier analphabète de la région natale de l'auteur, qui vécut 78 ans au XIXe siècle sans laisser aucune trace directe mais dont l'historien réussit à reconstituer l'univers, matériel aussi bien que mental, avec la même finesse que celle qu'on réservait jusque là aux "grands hommes". Un véritable tour de force et un ouvrage unique en son genre : plus de 300 pages sur "un homme sans qualité". Projet a priori infaisable et pourtant mené à bien. En complément, on a sélectionné un ensemble de courts textes qui permettent d'éclairer la démarche de l'auteur, les uns plus programmatiques ("Invitation à une histoire du silence"), les autres partant d'une étude de cas pour creuser l'intime ("Ecriture de soi sur ordonnance", ou l'histoire des pollutions nocturnes de M X, patient d'un professeur de faculté).

01/2016