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Critique Poésie

Poétiques de la filiation. Clément Marot et ses maîtres : Jean Marot, Jean Lemaire et Guillaume Cretin

En étudiant l'esthétique de Clément Marot sous l'angle de sa dette envers trois Rhétoriqueurs de la génération précédente, ce livre remet en question l'idée d'une "révolution marotique", qui déterminerait, autour de 1530, en poésie française, la frontière entre Moyen Age et Renaissance. Les deux premières parties, consacrées à la poésie épidictique de circonstance (déplorations funèbres et propagande historiographique), montrent comment les oeuvres des trois Rhétoriqueurs sont en résonnance avec les changements qui affectent la culture et les devoirs attachés aux milieux de cour, changements qui annoncent et nourrissent les innovations de leur successeur. La dernière partie porte sur le témoignage que Marot donne lui-même de cette évolution, à travers des hommages réguliers aux trois maîtres, dans lesquels il manifeste sa dette ou s'en écarte, mais jamais de façon polémique. Par d'indéniables mutations des genres poétiques et par le récit personnel qui les met en évidence et leur prête parfois un sens rétrospectif, les poèmes de Marot construisent des scénarios et des poétiques de la filiation, qui se distinguent par la variété et la subtilité plutôt que par la rupture, qui caractérisera, à la génération suivante, la Pléiade.

10/2021

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Heidegger

Réflexions XII-XV. Cahiers noirs (1939-1941)

Ce troisième volume des Réflexions regroupe les Cahiers XII à XV dont la rédaction court de 1939 à 1941. Comme les précédents, il témoigne de l'approfondissement décisif que connaît la pensée de Heidegger dans les années 1930 : non à la manière d'un "journal philosophique" écrit en contrepoint de l'oeuvre, mais plutôt d'un espace de travail et d'écriture où s'exerce ce qu'il nomme quelques années plus tard "un regard au coeur de ce qui est" . S'y répondent les différents chemins explorés par cette pensée, toujours à nouveau repris d'un pas qui change librement de rythme et d'allure : la préparation d'un autre commencement dont l'enjeu est une métamorphose de l'être humain dans son rapport essentiel à l'être ; la remémoration du premier commencement grec où s'est initialement exposé ce rapport ; enfin, la méditation de l'histoire de ce premier commencement, histoire dont l'achèvement dessine le visage de notre époque, celui d'un monde soumis au déchaînement uniforme de la puissance. Au moment où les événements prennent en Europe un tour terriblement dramatique - le déclenchement de la guerre, le pacte germano-soviétique, l'attaque allemande en Russie -, les Réflexions consignées dans ces quatre Cahiers font face à cet inquiétant visage du monde, avec angoisse mais sans aucune déploration stérile, attentives avant tout à entendre, en retrait du vacarme public, "le bruit et la germination du temps" dont parlait Ossip Mandelstam.

04/2021

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Critique littéraire

Poètes de l'amour

Les poétiques de l'amour étudiées dans ce recueil semblent traversées, d'une époque à l'autre et d'un poème à l'autre, par la question de la trace, de l'empreinte, de l'esquisse. Dessin presque évanoui de ce qui fut peut-être un amour avant d'être de la poésie. Ou tout autant, invention de ce qui aurait pu être un amour, de celle (celui) qu'on eût aimé(e). Pourtant ces poètes qui, tous, rencontrent, sinon la mort, du moins sa menace, son double, la trahison, l'éloignement, ne se veulent pas seulement poètes de la déploration. Il semble qu'ils soient, de ce fait même, inventeurs d'une histoire à travers un ordre précaire. La quête amoureuse est donc aussi celle d'une forme nouvelle, d'une poésie en rupture avec celle qui avait cours, d'un modèle qu'il faut parfois renouveler, quitte, parfois, à prétendre imiter... l'Orient par exemple. Car l'invention, chez ces poètes, comme le montrent savamment les contributeurs de ce recueil, ne va jamais sans la trace de ce qui s'écrivit avant, dans ces textes qui sont autant de réécritures d'autres textes. La blessure, si elle existe, se dit aussi en cherchant sa voix à travers d'autres voix. Ainsi, construire l'être aimé dans la juxtaposition de figures et de pièces éparses n'est pas cesser d'être un " poète de l'amour ", c'est bien chercher à saisir la silhouette du vers idéal.

11/2004

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Littérature française

L'Aumaille

"on a l'impression de s'être trompé d'époque, d'être né trop tard pour avoir le temps de les saisir comme il faut, les nôtres. [... ] on dit les nôtres comme s'ils nous appartenaient mais c'est plutôt nous qui leur appartenons puisqu'ils nous ont faits et que nous gardons leur survivance en nous" "Aumaille" viendrait du latin animalia, qui désigne les grands animaux, ceux de la ferme, et renvoie en écho à l'anima, à l'âme. Laumailler c'est en même temps le nom de jeune fille de la grand-mère paysanne, longuement évoquée en ces pages, qui avait charge de l'entretien du cimetière du village. Ne serait-ce donc pas aussi un dérivé de "lamer" : "couvrir d'une pierre tombale" ? Plein de ces recoupements de la mémoire intime, celle des jours passés à la ferme de ses grands-parents, et de la mémoire collective, transmise dans le parler, les gestes et les choses, le récit de Clémentine Chêne ne cherche pas, quant à lui, à sceller le tombeau des défunts proches et à adresser un adieu à un mode de vie en déshérence. S'il les scrute si intensément, ce n'est pas déploration du passé, mais volonté de réincarner cette âme vivace et de la perpétuer à l'avenir. Tendu entre jadis et demain, l'enfance et l'enfantement, ce récit sans capitales ni points finaux, émaillé des dessins de Daniel Dezeuze, est de fond en comble un récit de transmission.

01/2022

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Critique littéraire

Que reste-t-il de la culture française ? Suivi de Le souci de la grandeur

Longtemps, la France et sa culture n'ont fait qu'un, la grandeur de l'une servait le rayonnement de l'autre. Au centre de l'attention, les artistes français jouissaient d'un prestige sans égal. De cette gloire passée ne restent aujourd'hui que nombrilisme, nostalgie et frilosité. C'est le constat désabusé auquel est arrivé Donald Morrison, Américain de Paris, au terme d'une minutieuse enquête sur la place de la culture française dans le monde. La créativité de ses artistes a beau être indéniable, l'influence - spectrale - et le poids - dérisoire - de la France dans les échanges culturels sont là pour montrer que notre culture ne parle plus au monde. Une déchéance qui, finalement, convient bien à la mentalité nationale, prompte à la déploration et à l'apitoiement. En réponse à Donald Morrison, Antoine Compagnon souligne ainsi une certaine ambivalence de la culture française, encore capable du meilleur mais comme paralysée par le souci de sa propre grandeur. Sans doute la France gagnerait-elle à relativiser la place qu'elle s'imagine être la sienne sur la scène culturelle mondiale. Mais encore faudrait-il qu'elle cesse de vouloir régler leur compte aux Etats-Unis et à leur insolence culturelle. Si le débat sur la vitalité de la culture française n'est pas près d'être clos, au moins cet échange salutaire entre Donald Morrison et Antoine Compagnon peut-il nous aider à mieux comprendre le regard que le monde porte sur la France et, donc, à mieux nous connaître.

09/2008

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Pédagogie

Transmettre ou disparaître. Manifeste d’un prof artisan

La crise de l'enseignement est ancienne et ne cesse de s'approfondir. Au soupçon jeté sur la transmission, qui a conduit à une baisse du niveau scolaire, s'ajoutent depuis peu l'individualisme et l'utilitarisme croissants dans le rapport au savoir, désincarné et privé de sens. Le métier d'enseignant lui-même s'est vidé de sa substance, jusqu'à en perdre son attrait. Professeur dans un lycée public, Ambroise Tournyol du Clos analyse sans faux-semblants les raisons profondes de la crise de transmission. Loin de s'en tenir aux déplorations, il veut rappeler la beauté et la nécessité d'un enseignement de qualité. Ce livre nous engage à redécouvrir la nature artisanale du métier d'ensei- gnant, fondé sur l'observation et l'expérience. Il nous invite à envisager, à travers l'école, l'élaboration d'une communauté politique réconciliée avec l'autorité, l'altérité et le bien commun. Les enseignants ont en charge le dévoilement du sens, à travers l'exercice d'une parole poétique. Qui ne voudrait joindre sa voix à cet effort de réenchantement ? AUTEUR Agrégé d'histoire, Ambroise Tournyol du Clos est professeur au lycée Claude-Lebois, à Saint-Chamond dans la Loire. Il collabore régulièrement aux revues Conflits et Limite. Il a vécu et enseigné plusieurs années en République centrafricaine.

02/2022

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Littérature étrangère

La vie dans la tombe

La "vie dans la tombe" est, dans la liturgie orthodoxe, l'hymne du Vendredi saint, déploration funèbre dans l'attente de la Résurrection. Pour Stratis Myrivilis, c'est l'enfer des tranchées durant la Grande Guerre. Publié à Mytilène en 1924 et remanié par l'auteur jusqu'en 1956, La Vie dans la tombe a été traduit dans une dizaine de pays, dont la France (1933) mais dans une édition amputée ne rendant pas compte de cette oeuvre majeure, une des plus célèbres de la littérature grecque moderne. Le livre se présente comme le journal intime d'un jeune Grec de Mytilène (Lesbos), Antonis Cotsoulas, engagé volontaire sur le front d'Orient. Il retrace ses épreuves et son évolution intérieure, de l'élan juvénile initial à la désillusion d'un patriotisme lucide teinté d'antimilitarisme. Si l'auteur, pour ménager sa liberté d'expression, recourt aux artifices de la fiction, il n'emploie jamais le mot "roman". Son livre est avant tout un témoignage d'un réalisme extrême sur la vie quotidienne dans les tranchées. On y croise tous les desservants de cet "abattoir international en folie" (Céline), gradés arrogants ou humbles héros, déserteurs ou victimes résignées. Ce monde d'en-bas a pour contrepoint rêvé le paradis perdu de Mytilène, avec sa lumière, les parfums de sa flore, ses couleurs et ses rivages. Au service de son oeuvre, Myrivilis forge une langue neuve, un "démotique" proche de la langue orale, ponctué de régionalismes expressifs, de créations verbales pures qui, par son sens du rythme, s'élève à la hauteur d'une prose d'art. Cet irrécusable document est aussi un manifeste littéraire.

03/2016

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Sciences politiques

Démocraties contre empires autoritaires. La liberté est un combat

L'invasion de l'Ukraine par la Russie marque l'engagement d'une grande confrontation entre les empires autoritaires et les démocraties, prises elles-mêmes en étau entre les autocrates et les populistes. La guerre, ouverte ou hybride, effectue donc un retour en force. Et elle est là pour durer. Depuis l'effondrement du bloc soviétique, les citoyens des démocraties pensaient que leur sécurité et leur avenir étaient garantis. Les nations occidentales restaient persuadées de la supériorité universelle de leurs valeurs, de leurs institutions, de leurs technologies et de leurs armées. Immense erreur ! 1989, à l'égal de 1918, fut une paix manquée. Comme dans les années 1930, les nations libres n'ont pas voulu voir la dangerosité de leurs ennemis. Dès lors, les régimes autoritaires ont profité des faiblesses de l'Occident pour se renforcer militairement, politiquement et idéologiquement, de la Chine de Xi Jinping à la Russie de Vladimir Poutine. Ces empires partagent une même détestation de la liberté politique. Ils revendiquent la supériorité de leur modèle et entendent faire émerger par la force armée un ordre mondial post-occidental, fondé sur l'arbitraire et la violence. Mais rien n'est perdu. L'agression de l'Ukraine constitue une tragique mais salutaire mise en garde. Les démocraties conservent d'immenses ressources pour résister, à condition de surmonter leurs crises intérieures et de s'unir autour de la défense de leurs intérêts et de leurs valeurs. L'Occident doit reprendre conscience de son héritage et de son unité pour déjouer les menaces des empires autoritaires. L'heure n'est pas à la déploration, mais à la mobilisation pour sauver la liberté.

03/2023

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Sociologie politique

Politique Beurk Beurk. Gauche et quartiers populaires : conflits, esquives, transmissions

"C'est pas contre vous hein, c'est juste que la politique... Beurk" Qu'est devenue la politique pour que cette mise à distance apparaisse à ce point inévitable ? Comment le terme "apolitique" s'est-il trouvé brandi et revendiqué comme la garantie positive d'une forme de pureté ? Face à ce phénomène, la gauche est tétanisée : elle qui voyait hier "la politique partout" a soudain décrété qu'elle n'en voyait nulle part ! Les banlieues rouges et leurs quartiers populaires sont un lieu témoin de cette déploration. Ils ont été investis par un mythe de la politique issu du XXe siècle, symboles de l'extraction populaire de la gauche et de sa légitimité. Puis ces territoires ont été désignés comme des déserts politiques, lieux hantés par les vieux rêves de la vie collective. Tout ce qui en émergeait politiquement a été disqualifié : la gauche, comme aveuglée, a eu un rôle singulier dans ce processus de non-reconnaissance. Cette expérience, je l'ai vécue à Corbeil-Essonnes, où le milliardaire Serge Dassault a renversé la micro-société du communisme municipal en construisant un système qui exploitait en premier lieu la rupture entre la gauche et les quartiers populaires. Mon combat contre la corruption a été un chemin initiatique : la démystification de l'ordre symbolique de la gauche qui me structurait a fait apparaître des formes nouvelles d'engagement. J'ai voulu reconstituer les histoires individuelles et collectives de ce paradoxe, les liens plus ou moins rompus, les continuités qui se cachent derrière les ruptures. Et si contre toute attente, la politique s'était peu à peu réinventée comme une culture populaire ?

04/2021

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Philosophie

L'avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ?

Face aux progrès des biosciences, au développement des biotechnologies, au déchiffrement du génome, le philosophe ne peut plus se contenter des déplorations sur l'homme dominé par la technique. Les réalités sont là, qui exigent de lui qu'il les pense à bras-le-corps. Désormais, la réponse que l'éthique occidentale apportait à la vieille question " Quelle vie faut-il mener ? " : " pouvoir être soi-même ", est remise en cause. Ce qui était jusqu'ici " donné " comme nature organique par la reproduction sexuée et pouvait être éventuellement " cultivé " par l'individu au cours de son existence est, en effet, l'objet potentiel de programmation et de manipulation intentionnelles de la part d'autres personnes. Ainsi se trouve rompue la symétrie de responsabilité qui existe par principe entre des personnes libres et égales. Cette possibilité, nouvelle à tous les plans : ontologique, anthropologique, philosophique, politique, qui nous est donnée d'intervenir sur le génome humain, voulons-nous la considérer comme un accroissement de liberté qui requiert d'être réglementé, ou comme une autorisation que l'on s'octroie de procéder à des transformations préférentielles qui n'exigent aucune autolimitation ? Trancher cette question fondamentale en la seule faveur de la première solution permet alors de débattre des limites dans lesquelles contenir un eugénisme négatif, visant sans ambiguïté à épargner le développement de certaines malformations graves. Et de préserver par là même la compréhension moderne de la liberté.

11/2002

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Musées français

Les peintures italiennes du musée des Beaux-arts et d'Archéologie de Besançon. L'oeil et la main

Un an après sa réouverture, le musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon a demandé à l'historien d'art et photographe Nicolas Joyeux de réaliser le premier catalogue des peintures italiennes des collections, du XIVème siècle au XVIIIème siècle. Un riche ensemble de près de trois-cent tableaux, formé depuis la Renaissance et le mécénat de la puissante famille bisontine des Granvelle, qui reçoit en cadeau du prince florentin, Cosimo I de'Medici, la Déploration sur le Christ mort d'Agnolo Bronzino, – certainement la peinture italienne la plus précieuse des musées de France. Une collection sauvée par l'entremise de l'abbé Jean-Baptiste Boisot et largement augmentée par les legs successifs d'hommes d'armes et d'esprit, artistes et politiciens franc-comtois, désireux d'enrichir, dans une visée encyclopédique, les cimaises du musée. Des tableaux quadrillant toutes les Ecoles de la Péninsule, de la Ligurie à la Sicile, offrant un véritable résumé des temps forts de l'histoire de la peinture italienne, avec deux noyaux durs de renommée internationale, à savoir l'Ecole vénitienne du début du XVIème siècle, illustrée par un des fleurons de la collection du musée, L'Ivresse de Noé de Giovanni Bellini, et la peinture napolitaine du XVIIème siècle, dont le musée possède l'échantillon le plus important des musées de France. Un catalogue qui propose enfin de retracer la grande aventure de la redécouverte des peintures italiennes en France à travers tout le XXème siècle, depuis les travaux pionniers des historiens d'art Roberto Longhi et Bernard Berenson, jusqu'à la création du Répertoire des Tableaux italiens dans les collections publiques Françaises, par l'ancien directeur du Musée du Louvre, Michel Laclotte.

10/2021

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Sociologie

Mobilités d'Afrique en Europe. Récits et figures de l'aventure

Tandis que s'érige et se renforce la "forteresse Europe", aux avant-postes d'une guerre aux migrations, de nombreux récits - fictions, documents ou témoignages - émanent de l'Afrique subsaharienne, du Maghreb et d'Europe, voire d'Amérique du Nord, qui donnent à lire les conséquences tragiques de cette édification. Ils rendent compte également des multiples formes de mobilités par lesquelles les migrants d'Afrique persistent à résister à ce processus de clôture et d'exclusion. C'est ce pan de littérature contemporaine que le présent ouvrage tente d'analyser, en partant d'un ample corpus. Les oeuvres écrites de part et d'autre de la Méditerranée révèlent, tout en contribuant à les façonner, les représentations des migrants, de leurs dangereux périples, des sociétés qu'ils quittent, traversent ou rencontrent. Ainsi, des chemins d'eau ou de sable aux jungles froides de l'Europe, les figures d'aventurières et d'aventuriers, victimes ou héros, de "brûleurs de frontières", d'irréguliers, de "clandestins", de sans-papiers qui souvent se voudraient simples voyageurs, interrogent la fabrication actuelle des identités. Mais au-delà de ce questionnement, au-delà même de la dénonciation des drames humains et de la déploration des victimes, ces récits, quand ils déjouent les discours désincarnés des pouvoirs, mettent en crise les murailles assassines, réelles et symboliques, qui cloisonnent aujourd'hui les humanités et déterminent pour chacune des régimes différenciés de circulation. En parlant des impasses qui font quitter le lieu d'origine et de celles qui enferment à l'arrivée, en décrivant l'expérience des migrants illégalisés, écrivains et autres témoins contribuent à l'effort des arts et de la littérature pour redessiner les perspectives d'un monde commun.

06/2012

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Beaux arts

Un seul corps. La Vierge, Madeleine et Jean dans les Lamentations italiennes (ca. 1272-1578)

Beauté, jeunesse, blondeur, clarté du teint, émotivité, amour du Christ. Dans la peinture de la fin du Moyen Age et de la Renaissance, ils partagent ces quelques points communs et de nombreux autres. Parfois, ils se ressemblent même jusqu’à la confusion. Pourtant, ils sont trois personnages bien distincts de l’histoire sainte. Deux se conjuguent au féminin. L’une est la Vierge Marie, la plus parfaite d’entre toutes. L’autre est Marie Madeleine, l’incarnation de la pénitence. Le troisième est un homme, celui que Jésus aimait : Jean. On connaît l’androgynie de l’apôtre dans la fameuse Cènede Léonard de Vinci pour le couvent milanais Santa Maria delle Grazie (1494-1498) : les longs cheveux, les doigts délicats ont fait dire – à tort – à quelques-uns qu’il s’agissait d’une femme, sans doute de Madeleine. Il ne peut pas en être ainsi. De toute façon, même quand les deux personnages sont présents dans l’image, cette ressemblance est récurrente. Mieux encore, elle s’élargit à la Vierge Marie. Comment, dès lors expliquer les répétitions visuelles (posture, couleur, expression faciale) qui unissent ces personnages et qui viennent contredire l’exigence de variété des traités de peinture, depuis Alberti (ca 1435) jusqu’à Lodovico Dolce (1557) ? Les Lamentations (ou déploration) italiennes autour du Christ mort sont au fondement de cette enquête iconographique. Au croisement de l’histoire de l’art et de l’anthropologie, cette étude, ancrée dans le contexte historique, religieux et liturgique portant sur l’ensemble de la période qui va de la fin du XIII e siècle à la fin du XVI e siècle, comble une lacune historiographique concernant ce thème. De plus, elle constitue une réflexion approfondie sur la répétition et la ressemblance dans la peinture religieuse, autant à l’échelle de l’image, que du réseau figuratif tout entier.

08/2014

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Ethnologie et anthropologie

Le corps de l'identité. Transformations corporelles, genre et chirurgies sexuelles

Le corps n'est pas seulement marqueur d'une identité notamment sexuée, mais possède un réel pouvoir transformateur, aussi utilisons-nous l'expression de "transformation corporelle". Dans la mesure où le corps agit sur l'identité, nous proposons le concept de "corps-identité", notion qui signale le rôle fondamental que joue l'ordre du corporel. Si les rituels modifient le statut de la personne, il en est de même des chirurgies, attestant que le corps/identité est fondamentalement en devenir et non donné une fois pour toute. L'acte chirurgical, non dénué de souffrance, porte en soi l'avènement d'un nouveau corps mais aussi d'une existence inédite, le geste même de couper qu'implique toute chirurgie renvoie fantasmatiquement à la perspective de rompre avec le passé afin de changer de statut et d'existence, la transformation corporelle accomplie étant à la fois physique et identitaire. En dépassant le clivage établi entre nature et culture ainsi qu'entre rituel et chirurgie, nous mettrons en perspective les chirurgies du clitoris (excision, clitoridoplastie), de l'hymen (défloration, hyménoplastie/ certificats de virginité), des lèvres vaginales (nymphoplastie), du vagin (accouchement, vaginoplastie), des seins (mastectomie, reconstruction mammaire), du sexe pour les intersexes et trans, de l'implant cochléaire pour les sourds, dans une approche qui unit anthropologie, psychanalyse et études de genre, car si certaines de ces "chirurgies sexuelles" sont qualifiées de "posthumaines" dans la mesure où elles viennent queeriser les corps, la plupart procèdent a contrario à leur sexuation et à leur sexualisation.

02/2022

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Poésie

Odes à chacun . Suivi de Tombeau de Gérard Philippe

Poète, Henri Pichette l'aura été comme personne. Artaud excepté, qu'il a toujours vénéré, il aura été poète comme aucun autre poète. C'est-à-dire farouchement, violemment, follement - si l'on veut bien prendre la folie comme un emballement de la raison. Avec Pichette, la poésie ne suffisait pas, il était en quête d'une lumière plus insoutenable, brutale, intense, évidente : la poésie de la poésie, celle qui se donne pour l'oxygène de l'être, celle qui a force de révélation, et de colère aussi. Car Pichette a la dent dure, le regard sauvage, voire un accès direct à la beauté. Il bat le lexique comme d'autres les fourrés. Il parle dru, net et précis, sans jamais oublier, comme le souligne Alain Rey, d'aller "droit à l'essentiel, qui est l'amour". Avec les Odes à chacun, il entend "faire chef-d'oeuvre en digne compagnon" : écrire en artisan souverain, dire les peines et les joies d'un labeur qui s'affranchit du temps, chanter la Création en chacun de ses phénomènes, en chacune de ses incarnations. Et d'emblée, il annonce quel est le champ immense, mais humble à la fois, de ses explorations : "Ce monde est parsemé d'oeuvres douces et fortes". Et les Odes à chacun sont ainsi : douces et fortes. Avec le Tombeau de Gérard Philipe, Pichette n'est plus dans la louange du monde, mais dans la célébration fervente, désespérée, foudroyante d'un être unique. Pour celui qu'il aimait comme un frère, il compose l'une des plus sublimes déplorations jamais réalisée en langue française.

06/2009

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Poches Littérature internation

La Sumida

Dans la forte et subtile éludé dont il fait suivre son excellente traduction du roman de Nagaï Kafû, Pierre Faure définit ainsi le sens de La Sumida : déploration d'un Meiji qui n'a pas tenu les promesses de ses débuts et qui, en voulant greffer un corps étranger sur un tronc qu'il a déraciné, a engendré une crise profonde qui est le drame du Japon moderne ; c'est ce déchirement de l'être japonais moderne que l'on peut deviner ainsi entre les lignes de La Sumida et qui confère à ses accents une résonance si désolée. D'où l'organisation de cette histoire délicate, ténue, mais très savamment bâtie, à la japonaise. Afin d'exprimer formellement son refus d'un Meiji pour qui le bouc de Napoléon III et la discipline prussienne représentaient la civilisation, Nagâi Kafü construit son livre sur le retour cyclique des saisons (ce que reprendra plus tard Kawabata dans son Kyôto), un peu comme le poème des saisons : le haïku ou haïkai : En outre, dans ses descriptions des paysages de Tôkyô, il évoque les estampes japonaises, celles de Hiroshige et de Kunisada, notamment, dont il était alors un des rares là-bas à priser la valeur. C'est aussi le roman de l'adolescence, de l'éveil, dans une société en crise grave, dévorée déjà par la technique, le rendement, et qui relègue au second plan la poésie, la galanterie, le théâtre de kabuki, où le héros verrait les seuls recours contre ce monde âpre et hideux. Nous lisons ici la complainte romanesque d'une civilisation moribonde, celle d'Edo que Tôkyô va supplanter sur place. Sachons incidemment admirer en Nagaï Kafû un homme qui, ayant appris en France à goûter aux libertés, refusera toujours d'entrer dans l'association des écrivains japonais, d'orientation fasciste, et souhaitera être enterré au cimetière des prostituées (satisfaction que lui refusera une famille contre laquelle il s'était d'emblée révolté). Bien que La Sumida remonte à 1909, Nagaï Kafü a donc beaucoup à nous dire aujourd'hui.

04/1988

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Sociologie

La souveraineté du people

Les premiers seront les derniers, prophétisaient les Evangiles. Concernant les people, ils ne se sont pas trompés. Beaucoup de derniers sont devenus les premiers ; ils s'appellent par exemple Kim Kardashian ou Justin Bieber. L'histoire contemporaine a transformé ces personnages insignifiants en idoles incontournables. Pour de nombreux jeunes, et de moins jeunes, le nom de Jean Baptiste Giacobini ou Nabila signifie quelque chose. D'autres considèrent, au contraire, que quelques basses oeuvres tiennent lieu d'oeuvres à ces deux-là. Leur triomphe peut nous faire rire ou pleurer, cela ne nous dispense pas de le comprendre. Pourquoi notre époque a-telle couronné l'insignifiance ? En l'espace d'un demi-siècle, tout se passe comme si la hiérarchie des valeurs s'était déplacée de Foucault (Michel) à Foucault (Jean-Pierre). La jeunesse d'hier défilait derrière Karl (Marx), celle d'aujourd'hui préfère Karl (Lagerfeld). La meilleure façon de comprendre une époque, est de se pencher sur ses obsessions. La nôtre est obsédée par la célébrité. Chaque jour, dans des milliers d'émissions de télé-réalité, des individus de par le monde s'humilient dans des postures que les militants des droits de l'homme ne manqueraient pas de dénoncer si ces " candidats " à la honte n'étaient pas tous volontaires. Manger des sauterelles, évoquer sa frigidité ou son micro-pénis, ou tout simplement rester en garde à vue dans un studio de télévision pendant 30 jours, tout est bon pour devenir un " people ". La société, autrement dit le peuple, a érigé le people en souverain. La célébrité a désormais son royaume partout dans notre monde. Le fait est suffisamment frappant pour mériter que l'on s'y arrête, quel que soit le mépris que l'on peut nourrir par ailleurs pour un sujet aussi futile. Tenter d'analyser ce phénomène pourrait même nous permettre de mieux vivre. Car, la meilleure façon de ne pas céder à la déploration au sein d'une époque fascinée par des people est de chercher à comprendre ce que l'on désapprouve. Comment expliquer la mutation de la célébrité en valeur suprême ? La question constitue un vrai défi pour le sociologue.

02/2016

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Biographies

Pierrot Posthume. Tome 1

La toile se lève sur la scène, où le peintre Puvis de Chavannes a peint d'assez cocasses décorsune scène où il y a juste la place pour un soufflet et un coup de pied dans le derrière. Et la farce commence, une farce qui parait écrite au pied levé, une nuit de carnaval, dans un cabaret de Bergame, avec de jolis vers qui montent s'enrouler ainsi que des fleurs autour d'une batte. Là dedans passe et repasse toute la famille, les deux filles de Gautier, Judith, dans un costume d'Esméralda de la comédie italienne, développant des grâces molles ; la jeune Estelle, svelte dans son habit d'Arlequin, et montrant sous son petit museau noir, de jolies moues d'enfant ; le fils de Gautier en Pierrot un peu froid, un peu trop dans son rôle, un peu trop posthume ; puis enfin Théophile Gautier, luimême faisant le docteur, un Pantalon extraordinaire, grimé, enluminé, peinturluré à faire peur à toutes les maladies énumérées par Diafoirus, l'échiné pliée, le geste en bois, la voix transposée, travaillée, tirée on ne sait d'où, des lobes du cerveau, de l'épigastre, du calcaneum de ses talons : une voix enrouée, extravagante, qui semble du Rabelais gloussé. septembre. BarsurSeine... . Il habite ici un millionnaire, d'une avarice telle, que lorsqu'il a mis ses fils au collège, il a défendu par économie qu'on cirât leurs souliers, disant que le cirage brûlait le cuir... et il a remis au proviseur une couenne de lard pour les frotter. Septembre. C'est prodigieux comme Millet a saisi le galbe de la femme de labeur et de fatigue, courbée sur la glèbe. Il a trouvé un dessin carré, un contour fruste qui rend ce corpspaquet, où il n'y a plus rien des rondeurs provocantes de la forme féminine, ce corps que le travail et la misère ont aplati comme avec un rouleau, n'y laissant ni gorge ni hanches, et qui ont fait de cette femme un ouvrier sans sexe, habillé d'un casaquin et d'une jupe, dont les couleurs ne semblent que la déteinte des deux éléments entre lesquels ce corps vit, en haut bleu comme le ciel, en bas brun comme la terre. septembre. Il y a une vieille demoiselle ici, une cidevant religieuse, qui terminait une longue déploration de toutes les misères et de toutes les dégoûtations de l'humanité par cette réclamation : "Et puis, pourquoi sommesnous faits en viande ? " Cette révolte contre la matérialité de notre être, et l'aspiration à la composition d'un végétal ou d'un minéral, ne prouventelles pas une délicate spiritualité féminine ?

01/2023

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Biographies

Pierrot Posthume. Tome 2

La toile se lève sur la scène, où le peintre Puvis de Chavannes a peint d'assez cocasses décorsune scène où il y a juste la place pour un soufflet et un coup de pied dans le derrière. Et la farce commence, une farce qui parait écrite au pied levé, une nuit de carnaval, dans un cabaret de Bergame, avec de jolis vers qui montent s'enrouler ainsi que des fleurs autour d'une batte. Là dedans passe et repasse toute la famille, les deux filles de Gautier, Judith, dans un costume d'Esméralda de la comédie italienne, développant des grâces molles ; la jeune Estelle, svelte dans son habit d'Arlequin, et montrant sous son petit museau noir, de jolies moues d'enfant ; le fils de Gautier en Pierrot un peu froid, un peu trop dans son rôle, un peu trop posthume ; puis enfin Théophile Gautier, luimême faisant le docteur, un Pantalon extraordinaire, grimé, enluminé, peinturluré à faire peur à toutes les maladies énumérées par Diafoirus, l'échiné pliée, le geste en bois, la voix transposée, travaillée, tirée on ne sait d'où, des lobes du cerveau, de l'épigastre, du calcaneum de ses talons : une voix enrouée, extravagante, qui semble du Rabelais gloussé. septembre. BarsurSeine... . Il habite ici un millionnaire, d'une avarice telle, que lorsqu'il a mis ses fils au collège, il a défendu par économie qu'on cirât leurs souliers, disant que le cirage brûlait le cuir... et il a remis au proviseur une couenne de lard pour les frotter. Septembre. C'est prodigieux comme Millet a saisi le galbe de la femme de labeur et de fatigue, courbée sur la glèbe. Il a trouvé un dessin carré, un contour fruste qui rend ce corpspaquet, où il n'y a plus rien des rondeurs provocantes de la forme féminine, ce corps que le travail et la misère ont aplati comme avec un rouleau, n'y laissant ni gorge ni hanches, et qui ont fait de cette femme un ouvrier sans sexe, habillé d'un casaquin et d'une jupe, dont les couleurs ne semblent que la déteinte des deux éléments entre lesquels ce corps vit, en haut bleu comme le ciel, en bas brun comme la terre. septembre. Il y a une vieille demoiselle ici, une cidevant religieuse, qui terminait une longue déploration de toutes les misères et de toutes les dégoûtations de l'humanité par cette réclamation : "Et puis, pourquoi sommesnous faits en viande ? " Cette révolte contre la matérialité de notre être, et l'aspiration à la composition d'un végétal ou d'un minéral, ne prouventelles pas une délicate spiritualité féminine ?

01/2023

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Littérature française

GHERASIM LUCA. L'intempestif

L'œuvre de Gherasim Luca pourrait se prêter à la légende d'une traversée du dadaïsme, du surréalisme et de la " poésie sonore ", aventures de la création, qui fondent notre épopée moderne. Elle entretient pourtant avec ces avant-gardes une relation d'intimité qui n'est pas " allégeance " ni dialogue. Dès les premiers textes, l'écriture poétique naît du litige entretenu à l'égard des mythes littéraires, suspecte les récits rétrospectifs et lutte contre toutes les figures édifiantes auxquelles la modernité aime à associer l'écrivain. Elle tire sa singularité d'une intransigeance nourrie à l'encontre de ses propres idéaux. L'intempestif caractérise alors cette voix discordante qui s'empare des représentations philosophiques contemporaines et les place sous une lumière qui révèle subtilement les tensions irrésolues qui les traversent. La poésie est ici la danse de la pensée lorsqu'elle refuse toute précaution, et " comme le funanbule à son fil s'accroche à son propre déséquilibre ". Cette approche poétique de l'abstraction philosophique révèle les désirs qui la nourrissent et dessine, dans la langue, les contours sensuels parcourus par l'idée avant son expression. La poésie de Gherasim Luca, au moment même où elle se voue à la matérialité du langage, inventant son " bégaiement " inspiré, décèle en effet dans cette syntaxe désarticulée le moyen d'une relecture démystificatrice de l'héritage, littéraire et philosophique, dont notre modernité poétique se réclame. Ce questionnement impromptu des valeurs de l'excès et de la subversion qui commandent notre représentation moderne de la littérature se manifeste dans des textes où la place réservée au lecteur est elle-même d'une instabilité radicale. L'interprétation se voit contrainte d'avouer son intéressement et sa violence. La démystification n'est pas la fin ultime de cette œuvre. La création poétique se voue à la conquête de l'incertitude. S'esquisse une théorie poétique du signe, qui, de recueil en recueil, fait se rejoindre la tragique d'une fuite éperdue du sens et la jubilation d'une chasse vouée à la répétition indéfinie. L'humour, si rarement associé à la poésie en France, devient soudain l'indice d'une distance intérieure du langage qui ne saisit sa proie qu'en se faisant, voluptueusement et désespérément " ombre ". Gherasim Luca poursuit cependant l'invention d'une " physique élémentaire " de la langue poétique. Il refuse le constat ou la déploration de l'absurde, qui contemple mélancoliquement la désertion du langage par les " valeurs " qui fondaient autrefois sa transcendance. Dans l'immanence des qualités plastiques et sonores de la langue, un rythme est conquis. La fuite de la signification, qui se dérobe à mesure qu'elle se construit, devient un geste érotique qui ouvre le discours au surgissement d'autrui. Le langage est-il ici un nouveau dieu trompeur et furtif, tout puissant ? Certes, le rire se glisse imperceptiblement derrière le sérieux de chaque acte aveugle devant ses propres risques et immuablement solitaire : il en révèle la nature théâtrale. Mais la " ruse " du langage s'effondre dès lors que surgit le dernier geste intempestif de cette poésie. Un autre rire éclate dans les mots, rire héraclitéen, qui exerce la séduction du néant pour mieux démentir sa victoire : Gherasim Luca opère l'union improbable de la tradition apocalyptique et de l'humour. L'effondrement humoristique du sens rejoint alors son relèvement : la catastrophe se fait révélation par le rire, et le désir, la silhouette d'un Thanastos énergumène.

07/1998