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Littérature étrangère

L'ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche

J'ouvris la porte de l'atelier de mon père un beau matin pour découvrir son ami l'éditeur Jacques Schiffrin un genou à terre tenant un balai dans sa main droite. Schiffrin fixait des yeux le haut de notre atelier avec un air menaçant alors que mon père fronçait les sourcils en dessinant dans un calepin. J'avais sept ans. On me pria de quitter les lieux, ce que je fis discrètement. Une heure plus tard, mon père lut un chapitre de Don Quichotte où le héros se confrontait à un mystérieux personnage. Je compris tout de suite que Schiffrin et le héros chevalier de la Manche ne faisaient qu'un et que le balai représentait une lance ! Bien plus tard, j'ai reconnu la silhouette osseuse de Schiffrin sur les plaques de cuivre. Après le déjeuner, mon père avait l'habitude de lire à haute voix le dernier chapitre du livre qu'il était en train d'illustrer. Ma mère, mes amis ou même notre plombier ou la femme de ménage restaient assis sans dire un mot jusqu'à ce que la lecture soit terminée. Après quoi, mon père riait, chantonnait ou bien songeait pendant de longues minutes en regardant les branches des arbres à travers la verrière avant de se tourner vers ceux dont il aimait connaître la réaction. J'entendais de loin leur voix jusqu'à ce que la porte claque, que le silence revienne et que mon père monte lentement dans la chambre où il gravait. Il m'en permettait l'accès à condition de ne rien dire et de rester debout à sa droite. De temps autre, il me regardait et disait : "Qu'est-ce que tu en dis ?" C'est ainsi que je découvrais les rêves qui ont inspiré mon père pour créer ses gravures. Dix ans plus tard, la Seconde Guerre mondiale éclatait. Le destin des cuivres, qui étaient entreposés à Fontenay-aux-Roses dans l'imprimerie d'Edmond Rigal, était en question. Lorsque nous traversâmes l'Espagne pour prendre un navire à Lisbonne qui nous mènerait à New York, il nous dit avec amertume : "Ah ! ma chère Espagne sera-t-elle épargnée ? Et mes cuivres le seront-ils eux aussi ?" Nous savions qu'il pensait à l'année où, après avoir reçu le contrat de son éditeur espagnol, il traversa la Mancha avec un petit rucksack sur le dos dans lequel il portait son carnet de croquis et quelques vêtements. Il revoyait sûrement le jour où il prit le même train que le roi d'Espagne qui fuyait vers la France pour échapper à la révolution qui venait d'éclater. A notre retour des Etats-Unis, en 1946, il apprit que les Rigal avaient réussi à cacher les cuivres de façon que les Allemands ne les prennent pas pour les faire fondre. "Edmond a dû les mettre dans son matelas !" dit mon père en poussant le bouchon d'une bouteille de champagne. Jusqu'à sa mort, en 1982, je n'entendis plus mentionner le nom de don Quichotte. Aujourd'hui, enfin, je suis délivrée du lourd fardeau qui m'accablait. Svetlana Rockwell Alexeïeff

10/2012

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Littérature érotique et sentim

Complètement folle... de lui. Romance

La rencontre dans un ascenseur entre Amber et Eric n'est pas due au hasard. Mais osera-t-elle céder au charme du bel homme ? Amber, une jeune femme excentrique, rencontre Eric dans un ascenseur. Elle est loin de se douter qu'il est un collègue de Travis, son meilleur ami, et surtout, que ce dernier leur a arrangé un rendez-vous le soir même... Cependant, derrière son humour mordant et son courage, Amber cache une grande fragilité. Pour se protéger, elle refuse toute relation avec Eric dans un premier temps. Ses sentiments prendront-ils le dessus ? Dans ce spin-off de la romance Ecris notre histoire, découvrez le récit de la rencontre entre Amber et Eric. Une romance qui ne vous laissera pas de marbre ! EXTRAIT Travis soupire et rit avant de me demander où je suis. Mon regard remonte sur l'homme immobile devant moi - m'arrêtant un instant sur ses fesses mises en valeur dans son pantalon sombre. Si je réponds en français, il va forcément comprendre que j'ai fait exprès de ne pas retenir les portes. Tant pis, je m'en fiche, après tout, j'avais le droit de vouloir être seule dans cet ascenseur. ? Calme-toi, je suis dans l'ascenseur, j'arrive. Comme je l'avais présagé, l'homme devant moi se retourne aussitôt, et je lui offre mon plus beau sourire. Travis, lui, raccroche en me maudissant de l'avoir fait attendre. Alors que l'inconnu va me parler, son téléphone sonne à son tour. ? Oui, je l'ai trouvé. J'arrive. Je suis avec une Espagnole à tomber par terre. Non, t'inquiète, elle ne pige pas le français. Je vais prendre une photo d'elle pour te prouver que les anges existent. Il dit tout ça en gardant son regard planté sur moi. Je me marre, et le laisse raccrocher avant de lui parler. ? Prendre une photo pour te prouver que les anges existent ? Ca doit être la pire phrase de drague que j'ai entendue ! ? Ce genre de phrase est seulement mon plan A, répond-il avec un clin d'oeil. ? Alors quel est le plan B ? ? Vous prendre en otage. A peine a-t-il terminé sa phrase que l'ascenseur s'arrête soudainement, les lumières s'éteignent et se rallument, et le bouton de l'alarme clignote. Je fronce les sourcils et regarde l'inconnu devant moi, prête à le battre à mort avec tout ce que je trouverai dans mon sac s'il essaie sérieusement de me faire quoi que ce soit. Mais quand je l'observe, je me rends compte qu'il a l'air tout aussi surpris que moi. Ma main part tout de même à l'intérieur de mon sac et cherche à tâtons une arme potentielle. Je tombe sur une brosse et l'empoigne : s'il s'approche, je l'assomme. Du moins, j'essaierai. CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE Lecture agréable. Pour passer un bon moment sans prise de tête, c'est le livre idéal. Amber n'a pas de filtre, direct du cerveau à sa bouche, et j'ai adoré son franc parler. - Bibounine, Book Node Complètement... folle de lui était pure folie. Beaucoup d'émotions et de situations loufoques. Un très bon moment lecture pour se changer les idées et remplacer la grisaille par une belle palette de couleurs. - lirepassionnement58, Book Node A PROPOS DE L'AUTEURE Alee Toad est maman célibataire d'une petite princesse. Parfaitement bilingue après avoir vécu plus de trois ans en Angleterre, elle dévore une dizaine de livres par mois dans les deux langues. Elle écrit depuis l'âge de 16 ans, et signe ici le spin off de la romance à succès Ecris notre histoire.

11/2019

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Critique littéraire

Revue de la Bibliothèque nationale de France N° 59/2019 : World-building. Création de mondes et imaginaires contemporains

A l'heure où la fantasy séduit de plus en plus (Le Seigneur des anneaux, Game of Thrones...), plaçant les "mondes inventés" au coeur de la culture populaire, ce dossier s'interroge sur leurs formes et leurs usages en confrontant le regard des historiens du genre à celui des spécialistes des médias et des créateurs, qu'ils soient écrivains ou concepteurs de jeux. L'invention de mondes imaginaires L'invention de mondes imaginaires est une idée aussi ancienne que l'humanité, depuis l'Atlantide de Platon, ou encore l'Utopia de Thomas More. Mais c'est dans la seconde moitié du XIXe siècle en Angleterre, avec Lewis Carroll et William Morris, que naissent la fantasy et sa pratique, le worldbuilding. Un genre qui connaîtra un succès prodigieux à partir des années 1960, à travers l'oeuvre de Robert E. Howard (Conan le Barbare) et celle de Tolkien (Le Seigneur des anneaux). Anne Besson retrace pour nous l'histoire du genre pour lequel Tolkien tient lieu de modèle, l'écrivain-démiurge qui, pour créer sa mythologie personnelle, dessine des cartes, crée une cosmogonie, élabore des chroniques... Les cartes jouent en effet un rôle spécifique dans la création des mondes imaginaires, ainsi que l'expose Julie Garel-Grislin dans son article. La fantasy connaît en France une apparition tardive (les premières traductions datent des années 1970) : il faut attendre le nouveau dynamisme éditorial de la fin des années 1990, décrit par Marie-Lucie Bougon, pour la voir s'affirmer et se singulariser (avec des éditeurs comme Mnémos, Bragelonne...). Ce succès éditorial, très marqué chez les jeunes enfants et les adolescents, nous conduit à nous interroger, aux côtés de Laurent Bazin, sur les raisons d'une telle fascination au-delà du simple besoin de divertissement. Un succès transmédia L'engouement pour ces imaginaires contemporains s'étend bien au-delà de la littérature, porté par le développement de nouveaux médias (bandes dessinées, pulps, films, séries télévisées, jeux vidéo, jeux de rôle...), chaque support nourrissant l'autre, avec l'ambition de construire un monde complet et consistant, quoique fictif. Les créations de nouveaux univers sont pléthoriques au cinéma (Star Wars, adaptation du Seigneur des anneaux), dans les séries (Game of Thrones ou Westworld), le jeu vidéo (World of Warcraft ou Assassin's Creed) et même les jouets (Lego)... Elles sont aujourd'hui au coeur de la culture populaire au point de faire émerger une nouvelle communauté de fans, les "geeks", qu'ils soient fervents lecteurs de fantasy, de mangas, ou de comics, "rôlistes", gamers, amateurs de séries fantastiques ou de films d'horreur. David Peyron nous dit quelles pratiques se cachent derrière ce vocable, tandis qu'Olivier Caïra revient sur les jeux de rôle sur table, tels que Donjons et dragons. Les genres de l'imaginaire sont également très présents sur le petit écran, depuis Star Trek jusqu'à Game of Thrones, au point de brouiller la frontière avec le cinéma. Une évolution que décrit Florent Favard. Alain Boillat se concentre quant à lui sur le cas de Westworld qui, tout en reprenant les codes du western, explore la problématique de l'intelligence artificielle et tend un miroir à nos préoccupations contemporaines... La parole aux "créateurs" Il s'agit aussi d'entendre la parole des créateurs, de ceux qui donnent corps à ces univers, qu'ils soient écrivains ou concepteurs de jeux. Des écrivains français se sont prêtés au jeu, tels que Jean-Philippe Jaworski, auteur de deux cycles de fantasy, Récits du Vieux Royaume et Rois du monde (éditions des Moutons électriques), Lionel Davoust, auteur des Chroniques d'Evanégyre (éditions Critic), ou encore la Canadienne Karoline Georges, auteur de romans d'anticipation (SF Folio). Côté jeux vidéo, la société Ubisoft expose sa ligne éditoriale et la manière dont elle reconstruit des mondes historiques disparus, comme dans son dernier opus, Assassin's Creed Odyssey (2018), dont l'action se situe en Grèce pendant la guerre du Péloponnèse. Tout doit concourir à l'immersion du lecteur ou du joueur... Rubriques : L'"Actualité de la recherche" mène l'enquête avec Laurent Demanze sur la passion de l'investigation dans la littérature contemporaine La "Découverte" des archives comiques de la photographie relate avec humour comment ce médium a été perçu dans la presse humoristique du XIXe siècle Une " Galerie " autour du typographe Christian Delorme La rubrique " Histoire de la bibliothèque " consacrée à l'Arsenal pendant la première moitié du XIXe siècle Le récit de Gaëlle Obiégly en " Résidence " à la BnF

10/2019