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LENINE

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Histoire des idées politiques

La Nuit finit à Tours. Naissance du Parti communiste français. Suivi de l'ensemble des interventions du Congrès de Tours (1920)

La nuit de l'humanité, la boucherie de 14-18, adoubée par la IIe Internationale et la collaboration de classes de beaucoup de socialistes, "finit à Tours". En effet, le formidable espoir surgi de la Révolution d'octobre 1917 permit, à Tours, de nettoyer les écuries d'Augias de la SFIO qui s'était vautrée dans le collaborationnisme (Union sacrée, participation aux ministères bourgeois, vote des crédits de guerre), et de créer le Parti communiste français. Comme le montre admirablement ici en 1950 pour le trentième anniversaire du PCF, l'historien communiste Jean Fréville (1895-1971), tout retour sur le Congrès de Tours ne peut faire l'économie de cette question de l'opportunisme, notamment dans la mesure où les 21 conditions imposées par Lénine pour l'adhésion à la IIIe Internationale naissante, raison même de la convocation de ce congrès, étaient profondément chevillées au rejet radical de tout réformisme. Pour autant, cette fracture entre collaborationnisme "de gauche" et communisme conséquent continuera au niveau mondial de travailler le XXe siècle de part en part jusqu'aux figures liquidatrices de Gorbatchev en URSS, d'Occhetto en Italie, etc. (cornaquées par les Etats-Unis). Et plus près de nous, qu'aurait pu écrire Jean Fréville sur l'évolution du PCF depuis essentiellement 1994 ? N'est-ce pas encore cet arc collaborationniste qui a miné ce parti, se faisant le fourrier de toutes les contre-révolutions "colorées" de l'OTAN (Yougoslavie, Libye, Biélorussie, Tibet, Ukraine, Syrie, etc.), de la soumission de la souveraineté nationale à la junte oligarchique non élue de Bruxelles (adhésion servile au PGE), de l'escroquerie d'une supposée "Europe sociale" par définition impossible du fait des oukazes sur la "concurrence libre et non faussée" verrouillés par la règle de l'unanimité des 27, de la promotion des thématiques sociétales libérales libertaires (voir Clouscard) au détriment des problématiques sociales (nationalisations, planification sociale, sortie impérative de l'UE), sans oublier la création ex nihilo de Mélenchon par M.-G. Buffet et consorts (2008-2009) en mettant de fait le parti historique, de Tours, des 75 000 fusillés, du CNR et de la lutte des classes au service de l'ascension d'un groupuscule purement gesticulatoire tout juste détaché du PS pour la circonstance, afin de finir le travail de Mitterrand : liquider le PCF. Comme hier à Tours, aujourd'hui, au tournant du centenaire de ce parti, c'est indubitablement de la prise de conscience et de l'éradication ou non de ce fléau qu'est la collaboration de classes, que dépendra son avenir, notamment dans les vastes pans des classes laborieuses devenues abstentionnistes.

02/2021

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Historiens

De la guerre

Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Carl von Clausewitz. Conçu, écrit et constamment remanié entre 1816 et 1830, demeuré inachevé mais publié à titre posthume en 1832, "De la guerre" doit sa célébrité et son influence au fait qu'il est le premier traité de stratégie militaire à envisager la guerre comme constante anthropologique et à en élaborer une philosophie. Tirant la leçon des bouleversements introduits dans la conduite des guerres par les campagnes de la Révolution française et de l'Empire, Clausewitz insiste sur le rôle décisif que jouent les forces morales dans les conflits, alors que les auteurs spécialisés jusqu'alors ramenaient l'art de la guerre à de simples séries de mouvements de troupes. Selon lui, les soldats doivent être galvanisés par de puissantes motivations idéologiques et la force d'âme, faite de courage et de détermination mais aussi de clairvoyance intellectuelle, est la qualité suprême du chef de guerre. S'opposant au cosmopolitisme et à l'humanisme pacifiste de la génération des Lumières en Prusse, qui avait accueilli avec enthousiasme le traité d'Emmanuel Kant "Pour la paix perpétuelle", il met ici véritablement en relation la guerre et la politique en développant sa célèbre formule selon laquelle "la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens". Selon lui, la guerre n'est "ni un art, ni une science, mais un acte de la vie sociale". De théories sur le concept de "guerre absolue" ("La guerre est un acte de violence à l'emploi de laquelle il n'existe pas de limites") en réflexions sur la doctrine stratégique ou la guérilla, "De la guerre" sera lu et relu avidement par la plupart des responsables politiques et militaires des 19e et 20e siècles, dont notamment Marx, Engels et Lénine, même si l'enseignement que ces générations ont cru devoir en tirer montrent que son interprétation a donné lieu à de graves contresens, dont le plus éclatant a consisté à faire de lui un précurseur de la guerre totale. Indéniablement, Clausewitz est un belliciste pour qui la guerre est l'épreuve la plus haute et la plus salutaire dans la vie des Etats, et le moyen privilégié de l'affirmation nationale, mais ce bellicisme n'est pas sommaire. Il découle d'une conception nouvelle de la nation, inspirée par la leçon de la défaite d'Iéna qui a failli entraîner la disparition de la Prusse et la transformation de l'Allemagne en satellite de la France.

12/2022

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Sciences politiques

J'aurais voulu être français

Au départ de ce livre, une indignation. Quand, en 2015, les réfugiés du Proche-Orient se sont présentés aux portes de l'Europe, nous avons entendu pour ne pas les accueillir les mêmes arguments que ceux qui furent opposés en son temps au propre père de l'auteur. Guy Sorman se livre ici à un exercice inédit : le tressage serré de l'autobiographie et de l'essai. Fils d'un loueur de chevaux de Varsovie, son père a fui la Pologne en 1916 pour échapper à l'enrôlement dans l'armée russe, puis l'Allemagne en 1933 pour échapper aux hordes nazies, puis Paris en 1940 pour échapper aux Allemands, puis le Lot-et-Garonne en 1942 pour échapper aux gendarmes français : une vie dans le siècle, pourchassé par les séides de Lénine, Hitler et Pétain, à courir plus vite que les idéologies totalitaires. Le fils Guy aussi, à sa manière, rencontre la grande histoire : son cousin Herschel Grunspan (Grynspan) a tué Ernst Von Rath, secrétaire de l'Ambassadeur d'Allemagne à Paris, servant de prétexte au déclenchement le lendemain de la Nuit de Cristal. Il passe son adolescence à Sartrouville où opère le bon docteur Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline ? Le " N " de trop du patronyme Sormann (décret de naturalisation de ses parents en 1947) va-t-il le poursuivre toute son existence, rappelant une Odyssée commencée en 1492, passant par Istanbul, Varsovie, Berlin, Paris, New York ? Ce père voulut être américain mais n'y parvint pas. Le fils, lassé de n'être que français, ou plutôt de découvrir à 46 ans qu'il était demeuré apatride aux yeux de la loi française (pas recensé en 1947, tous ses efforts pour " faire un bon français " : études brillantes, ENA, Légion d'honneur, élu local, épouse et enfants catholiques, cabinet d'Alain Juppé, initiation à la franc-maçonnerie, échoueront devant un fonctionnaire de police de Boulogne-Billancourt au moment de renouveler sa carte d'identité) a opté pour la double nationalité. Il raconte ici avec entrain et cocasserie les épisodes les plus marquants d'une vie à cheval entre deux nations : le plus américain des français et le plus français des américains n'est-il pas le mieux placé pour décrire de l'intérieur ce qui distingue profondément ces deux pays aux prétentions universelles ? Pas seulement la nature de leur vision du capitalisme, mais plus profondément, leurs relations respectives au corps, à l'espace, à la religion, à la charité, à autrui, à la vérité, à la transcendance... Et à l'ego : ses portraits sans concession des grands de ce monde en " pompeux cornichons " réjouiront tous les lecteurs !

10/2016

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Science-fiction

Transfert sur Bouvines

Solène Marchant, une jeune et brillante étudiante de dix-huit ans. A onze ans, elle reçoit son premier ordinateur. A douze ans, elle le relie à la table basse du salon, y ajoute des roues, afin qu'elle glisse automatiquement sous ses pieds quand elle lit, assise sur le canapé. Lorsqu'elle atteint treize ans, tous les pots de fleurs de la maison suivent la marche du soleil. A quatorze ans, c'est elle qui enseigne au club informatique dans son collège. A quinze ans, elle arrondit ses fins de mois en vendant des sites web. A seize ans, elle gagne le concours Lépine international de Paris. A dix-sept, ses parents l'obligent à se concentrer sur son bac. A dix-huit ans, elle entre en classe préparatoire aux grandes écoles. Elle aurait pu n'être qu'une excellente élève, mais, son oncle l'ayant jugée la plus brillante, elle se retrouve toutes les nuits transférée sur "Bouvines", une station spatiale située dans un autre système solaire. Cinq heures de sommeil correspondent à cinq jours passés à plus de vingt années-lumière de la Terre où elle évolue au milieu d'intelligences artificielles et d'extra-terrestres, les "Planètariens". Ce sont ces derniers qui ont construit la machine de "transfert" permettant de synchroniser l'esprit de Solène entre ses deux corps. Solène est là pour aider son oncle. Si le "corps" des I.A. peut durer éternellement, leur esprit finit par être atteint de maladies neurodégénératives, ce qui les rend mortelles et parfois dangereuses. Solène et Jacques doivent alors intervenir car il n'y a pas d'informaticien chez les Planètariens, c'est un métier disparu. Sur Bouvines, pour faire un logiciel, il suffit de le demander à un autre logiciel. Plus personne n'a cette compétence, pas même les I.A. La discipline n'est plus enseignée depuis des siècles. Solène et Jacques sont des médecins pour intelligences artificielles mais, quelques jours après son premier transfert, Jacques est assassiné. Solène va devoir mener l'enquête.

06/2019

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Propriété littéraire et artist

Copiez ce livre. Un manuel sur le droit d'auteur et les communs culturels, par et pour les artistes

Alors que les artistes se débattent face aux évolutions du droit d'auteur et aux complexités de la copie dans leurs pratiques au quotidien, le livre Copy this book d'Eric Schrijver est traduit en français et édité par Les commissaires anonymes. Ce livre adopte une approche à la fois pratique et critique pour guider les lecteurs à travers les différents concepts liés au droit d'auteur et la façon dont ils s'appliquent. Il se présente sous la forme d'un volume découpé en cinq chapitres thématiques, s'appuyant sur des exemples concrets et illustré par des images libres de droits et des créations originales de l'auteur. Copiez ce livre répond à des questions telles que : Comment obtenir des droits d'auteur ? Pour quels types d'oeuvres ? Et pour combien de temps ? Comment le droit d'auteur se transpose-t-il selon les médias ? Et comment intégrer le travail d'autres artistes dans le vôtre ? Copiez ce livre détaille également les concepts de parentalité d'une oeuvre et de création originale qui définissent les systèmes juridiques actuels. Il offre ainsi des outils conceptuels permettant de participer aux débats contemporains concernant la propriété intellectuelle. Au fil du livre, Copiez ce livre présente des situations concrètes : des artistes et designers, concepteurs·ices et créateur·ices confronté·es aux conditions juridiques de leur domaine. Tout en retraçant les gains et les pertes juridiques de multiples créateur·ices connu·es et inconnu·es, il montre aussi comment les considérations juridiques peuvent en retour influencer les processus artistiques et les oeuvres d'art elles-mêmes. Vous découvrirez ainsi comment David Bowie a altéré sa musique pour ne pas fâcher les ayants droit de George Orwell, pourquoi Sherrie Levine a choisi de copier le photographe Ansel Adams, et pourquoi le Wu-Tang Clan a sorti un album en exemplaire unique. Copiez ce livre contribue à politiser l'exposition, la circulation et la commercialisation des oeuvres dans la société pour que les artistes puissent choisir (et non subir) la manière de rendre public leur travail.

05/2023

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Russie

La chute de l'Union soviétique. 1982-1991...2023

L'agonie d'un système, la fin d'un monde. C'est à la mort de Leonid Brejnev, le 10 novembre 1982, que commence la longue agonie de l'URSS. Elle durera près de dix ans, mais il suffira de trois jours entre le 19 et le 22 août 1991 pour que s'effondre totalement l'ensemble du système totalitaire lénino-marxiste et qu'implose le pays, donnant naissance à quinze nouveaux Etats, dont la Fédération de Russie. Depuis la disparition de Staline en 1953, la situation économique en Union soviétique n'a cessé de se dégrader. L'URSS est rongée par le vieillissement de ses dirigeants : dans les années précédant sa mort à soixante-quinze ans, Brejnev, le dernier " tsar communiste ", a déjà été contraint à des reculades humiliantes, en particulier en Afghanistan et en Pologne. Une nouvelle société, des économies parallèles, des contre-cultures et des dissidences que le pouvoir ne peut plus maîtriser se sont développées. Le réformiste Mikhaïl Gorbatchev est finalement élu par le Soviet suprême en 1985. Le 19 août 1991, il est victime d'un putsch. Même si l'action échoue trois jours plus tard, elle précipite la chute du secrétaire général du Parti et celle de l'Union soviétique. En voulant le renverser pour sauver l'URSS, les putschistes ont précipité sa fin. Le régime implose. Les unes après les autres, les républiques proclament leur indépendance. Dans cette nouvelle édition revue et complétée, Andreï Kozovoï replace notamment Gorbatchev dans son contexte, en mettant en évidence son héritage " libéral ", antistalinien, mais aussi ses racines plus conservatrices, et en particulier son héritage " andropovien " - la période 1982-1985 ayant à bien des égards " incubé " la perestroïka des années 1985-1988. Autant de contradictions qui permettent aussi de comprendre les difficultés de transition que va connaître la Russie après 1991 et sa dégradation progressive vers un régime " illibéral ". L'ouvrage de référence.

04/2023

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Histoire internationale

La CNT dans la révolution espagnole. Tome 3

A la demande de la Confederacion Nacional del Trabajo (Confédération nationale du travail), CNT, en exil en France, José Peirats a été chargé de rédiger une histoire de ce mouvement. Une décision courageuse, alors que cette organisation anarchosyndicaliste était fragilisée par une scission en exil et dans l'Espagne franquiste, et que la répression des services secrets franquistes ne ménageaient ni l'une ni l'autre. Le même phénomène touchait plus profondément le PC espagnol, sommé d'appliquer dans ses rangs la politique anti titiste de l'URSS. José Peirats était donc naturellement enclin à adopter un recul critique, tout en expliquant les attitudes et les réactions des dirigeants et des militants de base, leurs évolution, pendant la "révolution espagnole". Révolution encore bannie et/ou calomniée actuellement par certains historiens officiels espagnols et étrangers comme on l'a constaté en 2010 pour la commémoration du centenaire de la fondation de la CNT. José Peirats a recueilli des documents, consulté des protagonistes, puis il a conçu et rédigé son ouvrage entre 1950 et 1953. Comme il le dit lui-même dans les deux introductions respectivement de la première et de la seconde édition, Peirats imaginait pouvoir embrasser en un seul livre tous les aspects de l'histoire de la CNT. Il a finalement achevé trois tomes dont la richesse est triple. D'une par, ils éclairent les événements en séparant les actions spontanées dans un esprit libertaire des travailleurs (comme on le voit à nouveau depuis la Commune de Paris jusqu'à ce début du XXIe) de celle des états-majors syndicaux et politiques. De l'autre, Peirats accompagne cette vision des apparences, par la reproduction de nombreux document qui dévoilent les équivoques et la sottise de la participation des ministres anarchosyndicalistes, tout autant que le détournement de fonds, le vol de la réserve d'or de la Banque d'Espagne, par l'Union soviétique. Les Brigades internationales et leurs actions militaires n'occulteront jamais les meurtres commis par André Marty et les assassinats par le Guépéou, issu de la Tchéka de Lénine, de têtes pensantes critiques du marxisme ou de l'URSS, comme Camillo Berneri et Andrés Nin, etc... Enfin, Peirats prend carrément partie contre le dévoiement de la CNT par ses dirigeants, comme le démontre les titres de plusieurs chapitres. Et il le fait au moment où une partie des responsables est encore en activité dans la CNT en exil. Si l'anarchosyndicalisme officiel n'a toujours pas tiré de bilan des faits de 1936- 1939, Peirats n'a pas hésité à choisir, à dénoncer les "virages dangereux" (cotent-l'écrivait Berneri) et à revendiquer les collectivisations, l'autogestion des travailleurs par eux-mêmes pour changer la société.

01/2020

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Histoire internationale

La CNT dans la révolution espagnole. Tome 2

A la demande de la Confederación National del Trabaja (Confédération nationale du travail), CNT en exil en France, José Peints a été chargé de rédiger une histoire de ce mouvement. Une décision courageuse, alors que cette organisation anarchosyndicaliste était fragilisée par une scission en exil et dans l'Espagne franquiste, et que la répression des services secrets franquistes ne ménageaient ni l'une ni l'autre. Le même phénomène touchait plus profondément le PC espagnol, sommé d'appliquer dans ses rangs la politique anti titiste de l'URSS. José Peirats était donc naturellement enclin à adopter un recul critique, tout en expliquant les attitudes et les réactions des dirigeants et des militants de base, leurs évolution, pendant la "révolution espagnole". Révolution encore bannie et/ou calomniée actuellement par certains historiens officiels espagnols et étrangers comme on l'a constaté en 2010 pour la commémoration du centenaire de la fondation de la CNT. José Peirats a recueilli des documents, consulté des protagonistes, puis il a conçu et rédigé son ouvrage entre 1950 et 1953. Comme il le dit lui-même dans les deux introductions respectivement de la première et de la seconde édition, Peirats imaginait pouvoir embrasser en un seul livre tous les aspects de l'histoire de la CNT. Il a finalement achevé trois tomes dont la richesse est triple. D'une part, ils éclairent les événements en séparant les actions spontanées dans un esprit libertaire des travailleurs (comme on le voit à nouveau depuis la Commune de Paris jusqu'à ce début du XXIe) de celle des états-majors syndicaux et politiques. De l'autre, Peirats accompagne cette vision des apparences, par la reproduction de nombreux documents qui dévoilent les équivoques et la sottise de la participation des ministres anarchosyndicalistes, tout autant que le détournement de fonds, le vol de la réserve d'or de la Banque d'Espagne, par l'Union soviétique. Les Brigades internationales et leurs actions militaires n'occulteront jamais les meurtres commis par André Marty et les assassinats par le Guépéou, issu de la Tcheka de Lénine, de têtes pensantes critiques du marxisme ou de l'URSS, comme Camillo Bemeri et Andrés Nin, etc.. Enfin, Peirats prend carrément parti contre le dévoiement de la CNT par ses dirigeants, comme le démontre les titres de plusieurs chapitres. Et il le fait au moment où une partie des responsables est encore en activité dans la CNT en exil. Si l'anarchosyndicalisme officiel n'a toujours pas tiré de bilan des faits de 1936-1939, Peirats n'a pas hésité à choisir, à dénoncer les "virages dangereux" (comme l'écrivait Berneri) et à revendiquer les collectivisations, l'autogestion des travailleurs par eux-mêmes pour changer la société.

07/2019

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Sciences politiques

Pierre Naville. Biographie d'un révolutionnaire marxiste Tome 1, De la révolution surréaliste à la révolution prolétarienne, 1904-1939

Issu de la haute bourgeoise genevoise et parisienne, Pierre Naville s'engage très tôt dans l'action politique et révolutionnaire. Séduit parle surréalisme, codirecteur avec Benjamin Péret de La Révolution surréaliste, il invite ses nouveaux camarades à se consacrer avant tout à une tâche de démolition du système en place. Découvrant Marx, Hegel, la révolution d'Octobre, Lénine et Léon Trotsky, il rompt avec sa classe d'origine et se tourne vers le jeune Parti communiste naissant. Prenant en charge avec Marcel Fourrier la revue Clarté d'Henri Barbusse de 1926 à 1928, il en fait un outil d'éducation marxiste et pousse le groupe d'André Breton à venir servir la cause du prolétariat à ses côtés. Mesurant les limites doctrinales du communisme aux prises avec l'arbitraire stalinien, il apporte son soutien indéfectible à Léon Trotsky et devient le dirigeant officiel du mouvement oppositionnel en France de 1929 à 1939. Avec une poignée de militants, il alerte l'opinion sur la montée du nazisme en Allemagne, la réaction fasciste en France, démontre la faiblesse du Front populaire trop peu engagé à défendre les intérêts de la classe ouvrière et multiplie les critiques contre le pouvoir soviétique et son despotisme politique. Refusant de cautionner l'orientation préconisée par L. Trotsky d'un rapprochement avec le PSOP de Marceau Pivert, il est exclu de la IV° Internationale en septembre 1939. Prisonnier de guerre puis libéré en 1941, il s'applique durant l'Occupation à réexaminer sa position idéologique à la lumière d'un marxisme critique et moderniste. Sur le plan culturel, il consacre de nombreux ouvrages au behaviorisme, à la philosophie du baron d'Hol-bach et à l'orientation en milieu scolaire. Après 1945, il concilie recherche scientifique et engagement politique. Fondateur avec Georges Friedmann de la sociologie du travail, il met en lumière les formes d'exploitation qui s'abattent sur les salariés aux prises avec le marché libéral. Acteur reconnu de la Nouvelle gauche, tour à tour dirigeant du MSUD, du PSG, de l'UGS et du PSU, il redouble d'efforts pour rassembler les forces communistes et non communistes. Face à un capitalisme d'Etat hautement bureaucratisé, il se place à l'avant garde d'une pensée socialiste, visant à répondre aux aspirations des travailleurs confrontés à la toute puissance du libéralisme, par l'instauration d'une pratique autogestionnaire ambitieuse. Dans le cadre de son Nouveau Léviathan, il plaide sans relâche pour une transformation du mouvement communiste mettant fin à la dictature du parti unique en Union Soviétique afin de renouer avec un internationalisme respectueux des intérêts du peuple de l'Ouest comme de l'Est.

05/2017

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Sciences politiques

Crise de l'ordre et pandémie séculaire

En quel sens peut-on parler de "crise de l'ordre" , en tant que crise de l'équilibre mondial entre les puissances et des institutions et alliances qui le représentent ? La question, c'est la Chine. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale impérialiste, il n'y a jamais eu une puissance ascendante unique, ou du moins qui ne soit pas insérée dans le système d'alliances dominant, ayant une force économique comparable à celle de la première puissance, les Etats-Unis, et voulant accompagner sa montée en puissance par la construction d'une force militaire comparable. [... ] La crise de l'ordre : la crise de l'équilibre entre les puissances, provoquée par le changement colossal des rapports de force entraîné par l'irruption de la Chine. C'est le début d'une nouvelle saison de l'interventionnisme et du capitalisme d'Etat, car il faut répondre aux grands groupes chinois en Europe et aux Etats-Unis, sur le terrain des hautes technologies et de la bataille électrique et numérique. C'est aussi un cycle de réarmement, déclenché par les plans de Pékin pour une force militaire "de classe mondiale" dans les quinze prochaines années et alimenté en conséquence par la réaction des autres puissances. Il y a une conclusion à méditer : un fait crucial est que la crise de l'ordre et ses luttes mondiales ébranlent et mobilisent en même temps l'idéologie dominante. Dans les vieilles puissances, le déclin atlantique a montré la "fragilité" de l'idéologie libérale face au défi de l'Asie ; à Pékin, la bataille pour un nouvel ordre dans lequel la Chine serait reconnue se revêt des mythes nationalistes d'un impérialisme montant. De nouveaux venins de la mobilisation impérialiste se répandent, dans un crescendo quotidien, dans les vieilles et nouvelles puissances. Voilà pourquoi nous avons continué à étudier, ces dernières années, le développement et les contradictions de l'impérialisme unitaire. L'irruption de l'Asie est une confirmation scientifique extraordinaire pour la science marxiste, qui part des thèses de Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste, passe par la stratégie révolutionnaire de Lénine et est restaurée dans les "Thèses de 1957" d'Arrigo Cervetto. Cependant, cette victoire scientifique serait stérile si elle restait repliée sur elle-même, si elle ne devenait pas une arme pour la défense de classe : ces nouveaux venins de l'idéologie dominante doivent être compris pour être combattus. Chaque crise, chaque guerre, chaque collision sociale est devenue le front d'une bataille internationaliste ; récemment, la lutte contre la pandémie séculaire a révélé des énergies inattendues, disponibles à réfléchir sur les contradictions de classe que le virus a également mises à jour.

10/2021

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Littérature étrangère

Qui sait ? Peut-être même que c'est bien...

Le récit limpide, presque consciencieux et documentaire et de la maladie et de la mort de la mère de l’auteur, atteinte d’un cancer du sein à l’âge de 54 ans. Le livre commence par une fin annoncée puis, au compte-rendu de la maladie se mêlent les souvenirs heureux d’une enfance à Berlin-Est dans les années 70-80, dans une famille d’intellectuels dont la mère, magique, documentariste aux studios de films de RDA, est le pilier. A travers une série de tableaux de souvenirs anodins, le récit pudique- que l’humour aussi garde de toute effusion sentimentale-, retrace la vie de la mère dont le père, un scientifique, juif, disparut en 1943 sans laisser de traces, sauf quelques gênes à risques qui expliquent le type particulièrement virulent de cancer du sein dont la mère est atteinte. La quête des origines, dans laquelle le fils a accompagné sa mère, trouve son terme in fine : la communauté juive de Berlin lui refusera une place dans le joli cimetière où elle aimait errer. Mais se dessine, surtout, le portrait d’une femme cultivant de ses ascendances les traditions essentiellement culinaires et dotée d’une joie de vivre qui affecte même sa pensée de la mort : «Qui sait ? Peut-être même que c’est bien… » dit-elle. Le lecteur est ainsi touché tour à tour par l’implacabilité du sort et la sollicitude du jeune homme qui prend en charge la maladie de sa mère tandis que les changements drastiques subis par le pays dans les deux dernières décennies défilent en toile de fond sur un mode proche du très acclamé “Good bye Lenin”. Cette «auto - non fiction» dont la simplicité d’écriture résiste à la gravité du thème, s’inscrit dans la lignée de grands textes comme Le Malheur indifférent de Peter Handke ou Le livre de ma mère d’Albert Cohen.

09/2011

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Histoire du cinéma

Midi-Minuit Fantastique. Volume 4, avec 1 DVD

Mai 1962. Les kiosques à journaux affichent la photo saisissante d'un loup-garou aux prises avec une voluptueuse jeune femme. En lettres noires et rouge sang brille pour la première fois un nom appelé à la postérité : Midi-Minuit Fantastique. Tout au long des Sixties, ces trois mots magiques résonnent comme la plus intense des promesses... Fondée par Michel Caen, Alain Le Bris, Jean-Claude Romer et Jean Boullet, la toute première revue européenne consacrée au cinéma de genre ne se contente pas de défricher un domaine alors méconnu et méprisé. En dix ans d'existence, MMF s'impose comme une publication à la fois ludique et exigeante, foisonnante et avant-gardiste. En un mot : culte. Sa rédaction fédère de brillants spécialistes : Gérard Lenne, Jean-Pierre Bouyxou, Raymond Borde... De prestigieuses plumes d'horizons divers s'invitent dans ses colonnes : Ado Kyrou, Eugène Ionesco, Jean Rollin... Le ton est libertaire, les racines populaires, l'inspiration surréaliste. L'iconographie de sexe et de sang, éminemment évocatrice. Un seul credo : le fantastique est l'autre nom de l'érotisme. MMF saisit en temps réel un age d'or du septième art et accouche d'une subversive "politique des horreurs". La Hammer, le gothique italien, l'épouvante américaine sont à l'honneur. Dracula et Peeping Tom deviennent les héros noirs d'une contre-culture qui annonce mai 1968 et la libération sexuelle. Cinéma bis, cinéma d'auteur, underground, littérature et BD s'entremêlent dans un enthousiasmant maelström pop... Cet ultime volume, dirigé par Michel Caen et Nicolas Stanzick, préfacé par John Landis, regroupe les neuf derniers numéros la revue, depuis le 18/19, en 1967, jusqu'au légendaire 25/26, resté inédit en 1973 et publié ici pour la première fois. Enrichi de photos et de textes inédits, il comporte aussi le DVD Les Frissons de Midi-Minuit - une sélection de huit courts métrages introuvables. Manière de fêter comme il se doit la renaissance d'une revue devenue littéralement mythique.

12/2021

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Littérature française

Henri ou Henry. Le roman de mon père

"Je lui aurais obéi. Je lui ai toujours obéi. Même le soir où on l'a retrouvé allongé sur le tapis chinois de son bureau, le cœur presque arrêté. Le médecin était là avant moi, il m'a chuchoté d'aller lui dire adieu parce qu'il n'arriverait pas vivant à la clinique, il allait mourir dans l'ambulance. Quand je me suis accroupi pour l'embrasser, papa m'a dit de lui servir un whisky sec, bien tassé. Ne fais pas ça, m'a dit maman, tu vas tuer ton père. Je l'ai fait quand même, toujours obéir à papa, j'ai soulevé sa tête pour qu'il soit bien à l'aise pour boire son whisky, qu'il en profite à fond, je n'avais pas lésiné sur la dose, j'ai senti les boucles de sa nuque ma caresser la paume, ça faisait comme un chat un peu lourd et qui semblait avoir froid, je lui ai demandé de ne pas mourir, pas comme ça, pas couché sur le tapis, alors il m'a dit laisse-moi finir ce putain de whisky et tu m'aideras à me relever, ne le bougez surtout pas a dit l'ambulancier, c'est mon père, j'ai dit, j'ai aidé papa à se redresser, à se mettre debout, il ne tenait pas très bien sur ses jambes mais il n'est pas tombé, il s'est appuyé sur moi pour marcher jusqu'à la porte palière où l'attendait la civière pour l'enfourner dans l'ambulance où il devait mourir, et il n'est pas mort, ni dans l'ambulance ni à la clinique, il n'est pas mort ce soir-là, le scotch y fut peut-être pour quelque chose, c'est la preuve en tout cas qu'une fois de plus j'avais bien fait d'obéir à mon père. Et ce livre est tout le contraire, une désobéissance. " Des années et des années après Abraham de Brooklyn et John l'Enfer, Didier Decoin raconte enfin la vie du plus beau de ses héros, Henri Decoin, son père.

05/2006

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Revues de psychanalyse

Les Lettres de la Société de Psychanalyse Freudienne N° 45/2022 : Dolto, clinicienne de génie ; Transitions : passage ou destination ?

Dolto, clinicienne de génie : Françoise Dolto s'est consacrée à la psychanalyse avec les enfants dont elle fut pionnière. De par son originalité, son indépendance et son audace, elle se révèle très vite une clinicienne d'exception notamment dans le champ de la psychose. Elle fait surgir une nouvelle vision de l'enfant, vision dynamique d'un " sujet à part entière ", un être de désir qui exprime et questionne avec ses moyens corporels et langagiers les adultes et le monde qui l'entoure. Elle contribue également activement au renouveau de la psychanalyse, entre autres avec Lacan. Son travail s'articule autour du concept de l'image inconsciente du corps, un axe pivot de sa théorie. Ce dossier s'intéresse à la façon dont elle concevait son travail, ainsi qu'à ses résonances et ses effets notoires dans la clinique d'aujourd'hui. Vie covidienne : transfert(s) et cadre en question(s) : La Société de psychanalyse freudienne organisait en juin 2021 une discussion internationale autour de l'ouvrage Psychanalyse et vie covidienne (dir. H. Levine et A. de Staal) qui regroupe des auteurs de divers courants et propose de saisir à chaud la façon dont la pandémie et les contraintes sanitaires sont venues infléchir la pratique des psychanalystes. Ce dossier consigne une partie de ces discussions qui reflètent une volonté de déconfiner la psychanalyse en prenant le risque d'un débat international sur un sujet encore brûlant, tout en restant ouvert aux préoccupations de chacun et aux antipodes des intentions doctrinaires ou pseudo-consensuelles. Il invite à penser le traumatisme dans un environnement miné par l'inattendu, la surprise et le trouble, tel que les psychanalystes ont appris à le faire pour les séances d'analyse. Transitions : passage ou destination : Pour nourrir les réflexions autour de la question des transgenres, ce dossier propose de croiser les termes du débat actuel avec les notions psychanalytiques qui semblent ne jamais en avoir fait partie, comme les notions de sexualité, de pulsionnel, de fantasme, d'identification, de bisexualité, d'inconscient... La démarche des contributeurs consiste non pas à plaquer celles-ci mais à mieux discerner celles qui ont une pertinence et un tranchant qui pourraient encore être les bienvenus.

07/2022

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Actualité et médias

Anne Sinclair. Une femme dans la tourmente

C’est le roman vrai d’une femme belle, riche et populaire qui, par amour, accepte de passer de la lumière à l’ombre. De voir piétiner ses valeurs et son honneur. Quand ils se rencontrent : Elle est arrivée. Il est arriviste. C’est une riche héritière. Il n’a aucun patrimoine. Elle est discrète. Il est bling-bling. Elle est raffinée. Il est brut de décoffrage. Elle vit sans concessions. Il vit de compromis. Elle est fidèle. Il est jouisseur. Pourtant, il la fascine par son intelligence hors du commun : Cette case en plus qui, pour elle, fait toute la différence. C’est le mariage pathétique de la carpe et du lapin. Après vingt ans d’actes manqués pour lui et d’amour inconditionnel pour elle. D’une incroyable légèreté de l’être du politicien et de la réputation de “Dame de fer” de sa compagne, de cette union improbable va naître une ambition commune : Un projet qui, au fil du temps, prend corps, paraît presque palpable : Devenir, ensemble, les maîtres du monde ou, du moins, de la France. Elle s’y emploie avec ferveur, pendant que lui se la joue Pénélope, détruisant, nuit après nuit, affaire après affaire, la tapisserie qu’elle lui a tissée avec tant de force et tant d’abnégation.  Aujourd’hui, l’honneur perdu d’Anne Sinclair s’efface devant une impérieuse réalité : Il faut sauver le soldat DSK à tout prix. Et quel prix, l’épouse bafouée ne lésine pas sur les moyens ! Celle que ses amis comparent à Antigone, s’y emploie, avec une ardeur qui force l’admiration. “Domi” a failli une fois de plus, certes, mais, malgré tout, il reste son homme, sa chair, son sang. Au-delà de la pipolisation d’un couple qui n’a peut-être pas dit son dernier mot, ce drame du “je t’aime moi non plus” ressemble à s’y méprendre à un feuilleton télévisé. C’est pourquoi il nous interpelle au niveau du vécu, au point même d’en oublier, parfois, qui sont les vraies victimes... 

10/2011

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Sciences politiques

Souvenirs de police. La France des faits divers et du crime vue par des policiers (1800-1939)

Qu'il s'agisse de vol, de crime, de moeurs ou de pouvoir, ce livre rassemble les grands textes des " policiers écrivains ". Policiers, ils ont découvert le corps, traqué l'assassin, livré une tête à trancher à la justice sévère de leur temps ; écrivains, ils ont consigné leurs enquêtes, leurs intuitions, leurs idées. A l'âge de la retraite, ils publient, racontent, revivent les moments forts d'une carrière, non sans se donner le plaisir de régler au passage quelques comptes. Certains, imitant Vidocq, ne font que donner des indications à un " teinturier ", un homme de lettres famélique qui va mettre en forme le récit ; d'autres, comme les commissaires Goron ou Macé, se révèlent de véritables écrivains, des narrateurs efficaces qui ont le sens de l'image et du raccourci saisissant, des stylistes qui savourent la joie de ressusciter en beau français les horreurs de la chronique criminelle. On trouve même quelques versificateurs dans la confrérie, comme Clovis Pierre, " le poète de la Morgue ", et surtout l'énigmatique Ernest Raynaud, auteur aux deux visages : le poète symboliste ami de Verlaine, mais aussi le commissaire de police qui parsème ses récits aigres-doux de citations littéraires et de références classiques. L'écriture, en transformant le policier en témoin, lui ouvre un champ beaucoup plus vaste que le seul angle professionnel. Débarrassé du souci de protéger la société, l'écrivain policier se donne pour horizon une ambition élargie, pour ainsi dire pédagogique et quelquefois encyclopédique : celle de faire comprendre le monde qu'il a traversé, d'expliquer la marche de la police et du crime, non sans entrer dans les mobiles mêmes et les raisons des criminels qu'il a pourchassés. Il en résulte une littérature peu moraliste en définitive, qui décrit la délinquance pour ce qu'elle est, le produit d'une société à un moment du temps. S'il juge, c'est à l'aune de sa propre sensibilité que l'écrivain policier acquitte ou condamne, décernant parfois des éloges paradoxaux à ceux des malfrats qui l'ont marqué. De l'ancien préfet de police craint et respecté – Gisquet, Andrieux, Lépine – jusqu'au petit inspecteur des Moeurs qui se sait l'objet du mépris public, ces Souvenirs de police nous transmettent la mémoire tue des générations d'avant-guerre. De la révolution industrielle à la crise des années 1930, la France a ses zones d'ombre que les autobiographies d'écrivains policiers trouent de leur fanal lumineux, signalant les complaisances et les convoitises de nos arrière-grands-pères, les passions troubles de leurs élites.

11/2016

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Autres

Philosophie N° 154, juin 2022

Ce numéro s'ouvre sur la traduction, par Timothée Moreau, d'un texte de Willard Van Orman Quine intitulé "L'usage et sa place dans la signification" ("Use and its place in meaning") dans la version parue dans le recueil Theories and Things de 1981, et présenté ici par Bruno Leclercq. Quine y explicite les relations entre sens et usage au moyen d'une théorisation de la notion de "signification cognitive". La présentation rédigée par Bruno Leclercq fait le point sur les convergences et les divergences entre les conceptions quinienne et wittgensteinienne du sens comme usage. Il se poursuit avec "L'autre de la justice : Habermas et le défi éthique du postmodernisme", rédigé par Axel Honneth en 1994, présenté es traduit par Emmanuel Levine. Honneth y montre que si les éthiques dites "postmodernes" de Jean-François Lyotard et Stephen White ne dépassent pas le cadre de l'éthique de la discussion, Jacques Derrida a élaboré, à partir de Levinas, un point de vue moral corrigeant et complétant l'idée kantienne d'égalité de traitement. En tension perpétuelle avec les principes habermassiens de justice et de solidarité, la sollicitude (care) prend en compte la singularité et la vulnérabilité des individus exclus de la discussion et révèle la nécessité morale de leur porter une aide unilatérale et illimitée. Dans "Foucault après la révolution. L'universel, le singulier et la légitimité", Daniel Liotta pose la question de savoir quel statut Foucault attribue à la valeur de l'intolérable, tout en soumettant à la critique l'idéal révolutionnaire ; l'analyse des subjectivations et les références au droit, qui constituent deux principes du combat politique et deux figures de l'universalité, semblent permettre de la préciser. Comment la généalogie peut-elle cependant penser la légitimité juridique, et comment celle-ci peut-elle s'articuler à une analyse des subjectivations ? Il s'agit, pour Foucault, de déterminer à la fois une politique indépendante de l'idéal révolutionnaire et une éthique philosophique. Dans "L'esthétique artistique transcende l'esthétique sensible. Sur la phénoménologie de l'art de Henri Maldiney", Charles Bobant tente de démontrer que la phénoménologie maldinéenne de l'art connaît une évolution théorique significative. Alors qu'il soutient dans ses premiers textes que l'art dévoile l'espace du paysage, c'est-à-dire l'étant dissimulé par l'objet, Henri Maldiney défend ensuite la thèse selon laquelle l'art révèle le lieu d'être, ou l'être entendu comme lieu. Après quoi il s'efforce de mettre en évidence le caractère problématique de la thèse de l'art comme ontophanie. D. P.

06/2022

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Sociologie

Tchernychevski et l'âge du réalisme. Essai de sémiotique des comportements

Nikolaï Tchernychevski (1828-1889) est un personnage d'une importance colossale en Russie, encore bien trop méconnu en Occident. Journaliste et critique littéraire, peut-être le plus influent des années 1860, théoricien paradoxal des relations entre l'art et la réalité, activiste politique (aussi bien Dostoïevski qu'Alexandre II le jugeaient à tort responsable de la naissance du mouvement révolutionnaire étudiant), Tchernychevski est resté dans l'histoire comme l'auteur de Que faire ? (1863), roman qui prétendait fournir un "guide dans la vie", sur lequel les jeunes radicaux pourraient modeler leur vie quotidienne, leurs relations personnelles et leurs émotions. La volonté de créer des "hommes nouveaux" et des "femmes nouvelles" pour le nouvel âge révolutionnaire était née. Et Que faire? devint bel et bien un guide de vie, ses situations fictionnelles (mariage et adultère organisés de façon rationnelle, vie en communautés, création d'un corps révolutionnaire parfait) se trouvant mis en application dans la réalité, avec des résultats variables. On trouve de nombreuses allusions implicites et explicites à Que faire ? dans la littérature de l'époque, dans tous les romans de Dostoïevski postérieurs à 1863 et chez Tolstoï (l'intrigue maritale du roman se retrouve sous la forme d'un cauchemar d'Anna Karénine). Plus tard, Lénine déclara que Que faire ? était son livre préféré (et reprit le titre de Tchernychevski pour son propre ouvrage - exposant un programme concret d'action révolutionnaire qui eut bien plus de succès). En 1937, Tchernychevski apparaît sous la forme d'un personnage de fiction dans Le Don de Vladimir Nabokov, écrit dans l'émigration, tentative cette fois-ci pour exorciser ce démon par l'ironie et le ridicule, notamment grâce à une lecture féroce du journal intime de Tchernychevski, publié en Union soviétique dans un tout autre but : développer son culte en le présentant comme un saint Jean-Baptiste, prophète du bolchévisme. L'influence de Tchernychevski dépassa sans l'ombre d'un doute ce que ses actes méritaient, mais le fait est que, amis ou ennemis, contemporains ou auteurs postérieurs, tous y virent une figure d'une importance particulière : un symbole de son époque et un prototype du mouvement révolutionnaire russe naissant. Cette fusion de "la littérature et la réalité", l'un contaminant l'autre, fournit une matière idéale à une étude sémiotique de la culture qui puisse illustrer l'action réciproque de l'auteur en tant qu'homme et de son époque. Dans son ouvrage, Paperno étudie de très près la vie et l'oeuvre de Tchernychevski, et montre comment l'écrivain naît d'un contexte historique spécifique, de préoccupations sociales et psychologiques communes à son milieu et sa génération et des codes littéraires en vigueur. Parmi eux, le passage d'une vision religieuse du monde à l'athéisme et la foi en la science, de la prééminence de l'aristocratie et la noblesse sur la scène culturelle à l'émergence d'intellectuels roturiers au sein des étudiants et des lecteurs de revues, du Romantisme au Réalisme (et à une nouvelle perception des rapports entre l'art et la vie), etc. Au bout du compte, Paperno montre comment l'expérience personnelle de l'auteur se transforme en structure littéraire, donnant naissance à un roman à même d'influer sur la vie émotionnelle et le comportement de lecteurs placés dans la même situation culturelle.

06/2017

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Sociologie politique

Le président est-il devenu fou ?. Le diplomate, le psychanalyste et le chef de l'Etat

Quand Le président T. W. Wilson : portrait psychologique, paraît en 1966, co-signé par le Viennois Sigmund Freud et William Bullitt, un diplomate originaire de Philadelphie, beaucoup crient au faux et mettent en doute la participation du père de la psychanalyse à ce livre entièrement consacré à un chef d'Etat américain. L'ouvrage fait scandale. La polémique enfle puis s'éteint sans que la vérité sur ses auteurs ait été démontrée. Le livre imprimé n'était en fait que l'ombre du manuscrit achevé en 1932. Le texte avait subi de nombreuses amputations et corrections - plus de trois cents - opérées par Bullitt sans l'aval de Freud, décédé depuis presque trente ans. Une fois le diplomate américain disparu à son tour, on crut le manuscrit princeps perdu. Patrick Weil l'a retrouvé. Pour comprendre comment cette oeuvre a été conçue, y mesurer l'apport du père de la psychanalyse et saisir pourquoi elle a été censurée par son co-auteur, il nous faut plonger dans la vie de William Bullitt et le suivre, pas à pas, à travers les méandres de sa carrière diplomatique. D'abord proche conseiller de T. W. Wilson lors de la négociation du traité de Versailles qui devait, selon les voeux même du président américain, mettre fin à toutes les guerres et poser les fondements d'une paix mondiale via la SDN (La société des nations), Bullitt démissionne quand il découvre que le Président s'apprête à signer un traité qui dénature ses promesses, puis témoigne à charge contre lui devant le Sénat et l'opinion publique mondiale en septembre 1919. Quelques mois plus tard, à la grande surprise de Bullitt, Wilson sabote volontairement la ratification du traité... Comment un chef d'Etat peut-il détruire ce pourquoi il s'est battu ? Wilson, victime héroïque des revendications outrancières d'isolationnistes républicains comme l'Histoire l'a retenu ? La cause de son ahurissant retournement est-elle à plutôt à chercher dans la tête même du Président, son inconscient, ses mécanismes psychiques ? Le Président était-il devenu fou ? Bullitt en discute avec Freud, auprès duquel il suit une psychanalyse. C'est à Vienne, en 1930, que naît leur projet d'écrire ensemble un portrait psychologique du président américain. Grâce à Bullitt et Freud, on découvre une autre réalité du Traité de Versailles, un nouveau récit de la période 1936-1940 qui précède l'effondrement de la France. Car quatorze ans après sa fracassante démission de 1919, Bullitt est devenu l'un des grands diplomates de Roosevelt, premier ambassadeur américain en URSS, puis à Paris entre 1936 à 1940. A travers ce témoin privilégié de l'Histoire, on découvre les grands événements internationaux du XXe siècle en compagnie des géants de l'époque : Lénine, Staline, Roosevelt, Herbert Hoover, de Gaulle, Churchill, Tchang Kaï-chek, Léon Blum, Daladier, Jean Monnet et bien sûr Wilson. Et l'on déchire enfin le rideau qui nous obscurcit la vue sur un passé souvent mythifié et mystifié. Quatre-vingt-dix ans après l'achèvement de leur livre commun, l'appel de Bullitt et Freud à reconnaître chez nos dirigeants les symptômes d'une personnalité pathologique avant qu'ils ne nous mènent à des catastrophes résonne de toute sa force.

03/2022

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Littérature étrangère

L'île aux paons

Au milieu de la Havel, cette rivière qui coule à l'ouest de Berlin, se dresse l'île aux Paons. C'est là que les visiteurs qui décident de fouler cette terre pleine de mystères peuvent croiser Marie, la demoiselle du château, née à l'aube du XIXème siècle. Les années passent mais ni Marie ni son frère Christian ne grandissent ; dans l'ombre des hauts fonctionnaires et du jardiner de la cour, ces deux nains vivent au rythme des événements qui touchent le royaume de Prusse. Les guerres napoléoniennes sont terminées, l'île aux Paons est resplendissante. On y cultive des fleurs, des cerises, des fraises, on y entretient une pépinière, et l'on commence à y planter des figuiers et des framboisiers. On installe également une somptueuse palmeraie chauffée, puis une ménagerie. Au gré des expéditions royales et scientifiques, des animaux exotiques débarquent sur l'île ainsi que de nombreuses curiosités : aux paons s'ajoutent des kangourous, des fauves, des pachydermes, des élans, des marmottes, des lamas, mais aussi un géant boiteux et un jeune sauvage des îles Sandwich, l'architecte Schenkel et le paysagiste Lenné, des scientifiques, des artistes qui se mêlent à la faune et la flore. Marie, quant à elle, apprend à vivre malgré les regards étonnés et parfois malveillants des nouveaux venus. Se réfugiant un temps dans une relation incestueuse avec Christian, elle tombe amoureuse de Gustav, le neveu du jardinier de la cour. Leur relation est trop difficile à assumer pour Gustav qui n'a pas le courage d'accepter ses sentiments pour une naine ; mais Marie tombe enceinte. Elle refuse que le père du bébé approche son fils, c'était sans compter sur la méchanceté de Gustav qui revient pour récupérer l'enfant et l'éloigner de sa mère, au moment où l'île - victime de la folie et de l'indifférence cynique de son roi - sombre peu à peu dans le délabrement. Restée seule en ces lieux où ne passent plus que de rares visiteurs, hantée par les souvenirs de son fils disparu et de son frère assassiné, Marie tente alors de faire perdurer le mythe de cette terre fantasque en attendant la mort... C'est avec beaucoup de grâce que Thomas Hettche nous fait découvrir la mystérieuse île aux Paons, ses habitants et les secrets qu'elle protège. D'une plume délicate il donne vie à d'extraordinaires personnages confrontés à la passion, la différence et la violence de l'histoire.

02/2017

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Histoire internationale

Impérialisme, guerre et lutte de classes en Allemagne 1914-1918

Paul Frölich avait conçu ce livre comme la première partie d'une oeuvre plus importante (10 Jahre Krieg und Bürgerkrieg.I. Der Krieg, " Dix ans de guerre et de guerre civile. I. La guerre "), qui aurait dû s'occuper des événements intervenus en Allemagne pendant et après la Première Guerre mondiale. Toutefois, il ne réussit à terminer que le premier volume (Der Krieg, " La guerre ") que nous présentons ici dans sa première édition française. Le livre s'ouvre sur les événements d'août 1914, qui représentent un tournant. Le capitalisme entre dans le XXe siècle ayant épuisé la phase de développement progressif des forces productives et ayant atteint le stade de l'impérialisme. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale transforme les rythmes insouciants de la Belle Epoque en détonations meurtrières. Comme l'écrit Erich Maria Remarque (A l'Ouest, rien de nouveau), " une génération a été détruite par la guerre, même si elle a réussi à échapper aux obus ". Cette guerre représente le commencement dramatique de ce que Lénine appela " l'époque des guerres e des révolutions ". Il ne s'agit plus de guerres bourgeoises pour la formation de marchés, mais de guerres impérialistes pour le partage de marchés et du monde tout entier en sphères d'influence. La lutte de la Bosnie pour son indépendance de l'Autriche, qui constitue le casus belli, ne change pas le caractère essentiellement impérialiste de la guerre. L'impuissance de la bourgeoisie à résoudre les causes de l'instabilité et les conflits de l'époque impérialiste est démontrée par le fait que l'effondrement des deux Empires – l'Ottoman, et l'Austro-hongrois – a ouvert, au carrefour entre Europe, Asie, Afrique, un arc de crise encore existant, allant des Balkans jusqu'au Moyen-Orient. Remarque avait raison : la destruction n'a pas été exclusivement physique. Le conflit emporte comme un ouragan les classes exploitées. D'autant plus que, en quelques jours à peine, l'édifice politique que les travailleurs avaient construit avec leurs luttes, grâce aux efforts et aux sacrifices de beaucoup – l'Internationale socialiste – a fondu comme neige au soleil. Après les grands discours, les affirmations solennelles et les ordres du jour, la plupart des partis socialistes se rangent du côté de leurs bourgeoisies respectives, allant jusqu'à théoriser que l'Internationale doit être considérée comme un instrument pour les périodes de paix, et " suspendue " en temps de guerre. C'est la plus flagrante trahison des aspirations de la classe ouvrière. Selon certaines sources, Lénine lui-même, à l'annonce du vote en faveur des crédits de guerre par la social-démocratie allemande – jusque là point de repère de l'ensemble du prolétariat européen – aurait exprimé son étonnement et son incrédulité. Un grand rendez-vous historique est manqué. Le désarroi des masses est énorme. Les courants internationalistes restent isolés et dans l'impossibilité de renverser la situation. A l'exception de la Russie. En effet, " quelque chose de nouveau " entre en scène " à l'est ". La Révolution d'octobre et les épisodes de fraternisation entre les troupes sur le front oriental deviennent l'exemple à suivre. Ce n'est pas un hasard. L'exception russe était due à la rupture précoce de Lénine et des bolcheviks d'avec les réformistes. Son analyse de l'impérialisme, du social-impérialisme et ses bases sociales dans l'aristocratie ouvrière – corrompue par les miettes de superprofits – explique la dynamique objective de la trahison social-démocrate. Le retard de la rupture avec les réformistes empêche les internationalistes allemands et de l'Europe de l'ouest de suivre l'exemple russe. La révolution reste isolée. Sur le côté oriental, elle accélère objectivement le développement de l'Asie, en amorçant les luttes de libération nationale dans les pays arriérés. Sur le côté occidental, elle ne trouve pas l'alliance naturelle avec le prolétariat le plus important et le plus avancé politiquement du monde : le prolétariat allemand. Pour cette raison, en Occident, la révolution doit reculer devant une contre-révolution interne qui, malheureusement, en vole traîtreusement le langage, les symboles et les drapeaux : le stalinisme. Pendant des décennies, le capitalisme d'Etat oriental se présente comme socialisme voire comme communisme. Mais finalement l'histoire a réclamé des comptes. La " rupture du maillon le plus faible de la chaîne impérialiste " se réfère à l'immense " crise de déséquilibre " représentée par une super-structure encore tsariste du développement capitaliste en Russie. En effet, la social-démocratie n'a même pas essayé de limer le maillon le plus fort, le maillon allemand ; au contraire, elle l'a renforcé, en déployant le prolétariat aux côtés de sa propre bourgeoisie. C'est là l'échec historique du réformisme, un échec qui n'admet pas d'appel. La question historique et politique centrale demeure la trahison de la social-démocratie en 1914. Comment cela a pu se produire ? Quelles en ont été les conditions ? Quelle la dynamique ? Comment peut-elle justifier sa trahison devant les masses ? C'est en répondant à ces questions que le travail de Paul Frölich prend toute son épaisseur. Internationaliste, connu pour sa superbe biographie de Rosa Luxemburg, Frölich nous offre une chronique politique autant sévère que documentée de ces événements. Depuis les causes de la guerre (l'impérialisme, le colonialisme, le militarisme) et les positions internationalistes et antimilitaristes de la IIe Internationale, jusqu'au " triomphe de la folie " déclenché le 28 juin 1914, à Sarajevo, par l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône autrichien, par les nationalistes bosniaques. De la social-démocratie impériale du 4 août (date du premier vote au Reichstag sur les crédits de guerre), à la paix sociale imposée grâce aux syndicats et à la suspension des lois de protection des travailleurs. Sur ce terrain, les dirigeants sociaux-démocrates vont même au-delà des requêtes du patronat, allant jusqu'à abolir les célébrations du Premier mai. Depuis les luttes de classe qui ont eu lieu en dépit de tout cela, au courage de Karl Liebknecht qui, lors du procès politique contre lui, s'érige en juge du gouvernement et de la bourgeoisie allemands. Liebknecht est condamné à quatre ans et un mois de prison et à six ans de privation des droits politiques. Une condamnation qui contribue à faire pousser des ailes aux radicaux de gauche et au groupe Spartakus, malgré l'emprisonnement à plusieurs reprises d'autres dirigeants du calibre de Rosa Luxemburg et Franz Mehring. On en arrive ainsi à la crise finale et aux révoltes de masse, à savoir à la débâcle politique et militaire de l'impérialisme allemand. Dans son travail, l'auteur ne saisit pas toujours entièrement les limites de l'action politique de la gauche social-démocrate (voir chapitre 3, l'allusion à " la grève générale politique de masse ", une thèse chère à Rosa Luxemburg). Dans le même chapitre, Frölich fait référence à la " thèse erronée d'Engels " contre l'insurrection et en faveur d'une action respectueuse des lois. De toute évidence, il ne savait pas que l'introduction de 1895 d'Engels aux Luttes de classe en France de 1848 à 1850, de Marx, avait été grossièrement falsifiée par l'élimination de plusieurs morceaux, et qu'elle avait été publiée à l'époque sous cette forme domestiquée dans le Vorwärts. C'est Karl Kautsky qui avait refusé à Engels la publication du texte complet. Mais, dans l'ensemble, le texte de Frölich est très valable. C'est une fresque fascinante du grand drame historique dans lequel les masses anonymes, trahies et trompées, sont envoyées à l'abattoir. Un massacre que l'auteur estime à hauteur d'environ 35 millions de victimes, en comptant, dans les différents pays, la chute de la natalité, les morts au front et les victimes des famines et des difficultés de toutes sortes à l'intérieur. Nous sommes certains que, en parcourant ces pages, aujourd'hui encore, même le lecteur politiquement engagé et non dépourvu de culture historique sera pris d'étonnement, d'indignation et, peut-être, de colère. C'est bien qu'il en soit ainsi. La force que la social-démocratie allemande aurait pu déployer contre la guerre et contre sa propre bourgeoisie est impressionnante : des centaines de milliers de membres du Parti, quatre millions d'électeurs, 110 représentants au Parlement ainsi que de nombreux journaux ayant une large diffusion parmi le prolétariat, ce à quoi il faut encore ajouter les organisations syndicales et les coopératives. Mais Frölich documente la progressive diffusion – dès avant le déclenchement du conflit – de positions opportunistes, social-impérialistes et colonialistes au sein du Parti et parmi ses cadres syndicaux. Il en analyse aussi ponctuellement les formulations et les prétentions théoriques, souvent basées sur la " défense des intérêts nationaux ". A une époque telle que la nôtre, caractérisées par des processus de renationalisation, par le localisme et le racisme, il s'agit là d'une leçon précieuse. Le bruit de la campagne en faveur de la guerre est assourdissant. Les journaux surchauffent les esprits. La chasse à l'étranger est lancée. Les chants de guerre accompagnent le départ des troupes : " A chaque balle, un Russe / A chaque coup de baïonnette, un Français / A chaque coup de pied, un Britannique ! " Parmi ceux qui vocifèrent, il y a aussi de nombreux travailleurs socialistes, entraînés dans le tourbillon. Une autre leçon à retenir. Le chapitre sur la guerre en tant qu'" affaire " est instructif. " Business as usual ", écrit Frölich au tout début du chapitre. Il explique les diverses méthodes par lesquelles " l'or était distillé à partir du sang humain ". Il documente aussi l'extraordinaire multiplication généralisée des profits, la grande arnaque financière de Daimler Motoren Werke à Stuttgart, les menaces de sabotage de cette même Daimler, les dons intéressés à la Croix-Rouge, les sociétés par actions de la bienfaisance. Parmi les autres exemples, le libéralisme commercial paradoxal et effronté de Thyssen qui, en pleine guerre, vend des boucliers à l'armée allemande à 117 reichsmarks la pièce, et à 68 reichsmarks au gouvernement néerlandais. Les hommes de confiance des grands industriels deviennent les conseillers des bureaux gouvernementaux. Les épisodes d'escroquerie que relate Frölich sont nombreux. Les impôts de guerre se répercutent principalement sur la consommation de masse. Le livre contient beaucoup d'affirmations qui font réfléchir. Rappelons-en deux. " Regardez le monde tel qu'il était avant la guerre, et vous verrez que c'était un monde qui était fait pour la guerre ", écrit Frölich au début du texte. Il parle d'économie mondiale, de concentration du capital, de blocs de puissances, d'armements, de partage des marchés... Si l'on fait une comparaison, comment le monde d'aujourd'hui se présente-t-il ? " Pour nous, aujourd'hui, il est clair que les deux questions que constituaient le maintien de la paix et la révolution, n'en faisaient qu'une. Lutte contre la guerre voulait dire lutte de pouvoir contre la bourgeoisie dans tous les pays, autrement dit lutte révolutionnaire. Aujourd'hui, il est tout aussi clair pour nous que la lutte révolutionnaire présuppose certaines conditions spirituelles, morales et organisationnelles. " Et encore : " Le désarmement était une utopie. A tout moment, il était possible d'en contourner les effets en créant de nouveaux moyens de guerre. " La critique de Frölich à l'égard des positions de Karl Kautsky est ponctuelle. Ce dernier imaginait un capitalisme sans l'impérialisme et sans politique de puissance. Une lutte véritable pour la paix et contre le militarisme n'est possible qu'à la condition d'être une lutte contre le capitalisme. En conclusion de son livre, Frölich affirme qu'il ne voit pas la paix dans l'avenir de l'Europe : " Certains Etats se sont effondrés. Sous les ruines de la guerre mondiale gisent les cendres des vieilles monarchies. Le monde a été partagé de manière différente. La France se considère comme la première puissance du continent européen, les Etats-Unis comme la première puissance du monde. Certains Etats impérialistes ont été détrônés. Les colonies ont fait un grand pas en avant sur la voie de leur libération. L'Allemagne et l'Autriche sont devenues elles-mêmes des colonies. ... Les peuples se sont laissés entraîner au massacre de masse dans le but de renverser le militarisme allemand qui menaçait tout le monde. Ce but "élevé" est atteint, et le monde, plus sinistre que jamais, regorge d'armements. Avant la guerre, les armées comptaient sept millions d'hommes ; elles en comptent onze millions après la guerre. ... On dit que ce sera la dernière guerre. La Société des Nations existe désormais. Les tribunaux d'arbitrage sont mis à contribution. Les peuples sont unis sur le papier par de sacro-saints traités qui n'engagent à rien. En vue de la prochaine guerre, les techniciens et les chimistes se mettent au travail et les Etats s'arment. ... Et pourtant ! La bourgeoisie s'est elle-même porté le coup le plus terrible en déclarant cette guerre. Dans l'immense empire de l'Est, la classe de l'avenir a déjà triomphé. Les vieilles puissances capitalistes sont grosses de la révolution. Et si aujourd'hui la bourgeoisie, dix ans après ce maudit 4 août, cherche encore une fois à prêcher la conciliation des classes en vue de l'extermination des peuples, alors retentira le cri de Karl Liebknecht, répété par des millions de voix : Contre la guerre, révolution ! " Les choses ne sont pas allées comme Frölich l'espérait. L'erreur de 1914-1918, sous d'autres formes, a déjà été répétée en 1939-1945. Elle ne doit plus se répéter. Voilà pourquoi elle doit être connue.

05/2014

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Chine

Origines et defaite de l'internationalisme en Chine 1919-1927. Anthologie

Avec la fin de l'isolement séculaire de l'Empire du Milieu, l'industrie capitaliste moderne s'était développées ur les côtes et le long des grands fleuves. Entrée en contact avec un mode de production supérieur, le mode capitaliste, la structure économique de la Chine était contrainte de se différencier et entrait en crise. L'unité du marché chinois, basée sur une homogénéité du mode de production, se brisait et on voyait se créer toute une série de marchés qui gravitaient autour du commerce des différentes puissances impérialistes. De fait, même si un seul Etat survivait il n'existait plus une Chine, mais plusieurs Chines, où le pouvoir réel était aux mains des seigneurs de la guerre. la première tache de la révolution démocratique-bourgeoise était donc l'unification, le rétablissement de l'unité étatique, et pour ce faire elle devait combattre contre toutes les puissances étrangères qui avaient intérêt à maintenir la division de la Chine, pour pouvoir utiliser chacune sa part de marché. Le développement du capitalisme en Chine avait entraîné le développement du prolétariat moderne ; notre anthologie reconstitue les étapes et les modalités de l'entrée en scène de cette classe ouvrière dans la vie économique, sociale et politique de la Chine entre 1919 et 1927. les bas salaires, les longues heures de travail, les lamentables conditions de sécurité et d'hygiène, les accidents du travail, les maladies professionnelles, les punitions corporelles, tous ces éléments se coalisèrent pour créer une nouvelle force sociale. En juin 1919, la première génération d'ouvriers en Chine entama une nouvelle époque de luttes ouvrières ; avec peu d'expérience historique et sans forte tradition de classe, elle se lança dans des grèves de revendication et dans la bataille politique. Elle n'avait pas encore acquis une conscience de classe, mais la situation dans laquelle elle vivait était plus que mOre pour son action. la spontanéité ouvrière se heurta à la féroce répression du patronat, des seigneurs de la guerre et de la main de fer des puissances impérialistes. Au cours de cette vague de grèves trade-unionistes se formèrent les syndicats modernes en Chine, surtout dans les régions côtières et en Chine centrale. Cette avant-garde fit preuve d'un esprit de sacrifice exceptionnel dans la lutte, mettant à la disposition de internationale son audace, sa vigueur et sa combativité. En plus des syndicats modernes, le premier cycle de luttes ouvrières fut marqué par la naissance du Parti communiste chinois (PCC) en juillet 1921. Dès sa fondation, l'Internationale communiste envoya quelques représentants en Chine pour diriger ses premiers pas. Le 21 janvier 1924, Lénine mourut. Pour le groupe dirigeant de l'IC s'ouvrit une phase de confusion stratégique, qui allait rapidement dégénérer dans la synthèse du capitalisme d'Etat russe, personnifiée par la thèse de Staline de la construction du socialisme dans un seul pays. Pour le jeune parti communiste de Chine, qui n'avait que trois ans d'existence, des années de marche sans boussole commençaient. Dans l'intérêt d'un accord avec les grandes puissances et les étrangers, Tchang Kaï-chek coupa les artères du mouvement révolutionnaire. Détruit et vaincu comme parti ouvrier, le PCC devint l'expression du courant populiste paysan de Mao Zedong. Il a fallu un siècle pour que la Chine réalise sa métamorphose économique et sociale ; pays semi-colonial au début du XXe siècle, pays de jeune capitalisme dans les années 1960, puissance émergente de impérialisme aujourd'hui. L'histoire de la Chine durant les cent dernières années est l'histoire de ce passage. Hier elle subissait invasion des capitaux et des produits bon marché de l'Occident, aujourd'hui elle envahit le globe de ses produits et exporte ses capitaux dans les cinq continents. Hier l'Occident brisa les murailles érigées pour Isoler l'Empire céleste, aujourd'hui c'est l'Occident qui doit faire face à des tentations répétées de protectionnisme contre les exportations modernes de la Chine. Hier la Chine fut une proie de l'impérialisme, aujourd'hui elle réclame sa place à la table du partage du monde. On tente à présent d'ensevelir sous une épaisse couche d'oubli le souvenir du puissant mouvement ouvrier qui secoua les villes chinoises de 1925 à 1927. A l'époque, la classe ouvrière n'avait pas la force du nombre ; aujourd'hui la masse des salariés s'est énormément accrue. Si le développement du capitalisme s'accompagne inévitablement de la lutte économique, ces salariés trouveront dans la meilleure tradition syndicale et politique des premières générations d'ouvriers les raisons d'un engagement internationaliste.

03/2021

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Sciences politiques

Victor Fay (1903-1991). Itinéraire d'un marxiste hétérodoxe au sein du mouvement ouvrier français

Malgré les antagonismes, qui le perturbent, le monde est un, bien que multiple et divers. Il faut s'en accommoder, sans jamais renoncer à l'améliorer, sans jamais désespérer de ses virtualités de progrès. Et en attendant ces progrès souhaitables mais nullement certains, il faut le prendre tel qu'il est avec ses forces et ses faiblesses. Inconnu du grand public, même au sein du milieu universitaire, Ladislas Faygenbaum dit Victor Fay, d'origine polonaise mais naturalisé français, est pour beaucoup de militants et d'historiens du mouvement ouvrier une "légende" . Armand Ajzenberg, éditeur, journaliste et ancien élève de Victor Fay fait de ce dernier un portrait éloquent au soir de sa vie : Imaginez la perplexité, et la curiosité, d'un modeste militant à l'idée de rencontrer une légende [... ] avoir été l'un des fondateurs des Jeunesses Communistes en Pologne dans les années vingt, s'être expatrié en 1925 pour échapper à la prison et devenir, en France et en 1929, responsable de la formation des cadres du PCF, chroniquer à L'Humanité et collaborer avec d'autres publications communistes ... Avoir été l'un des dirigeants actifs lors des grèves du Nord, y découvrir une jeune fille courageuse et combative dénommée Jeanne Vermeersch, et plus tard, être l'agent innocent de sa rencontre avec Maurice Thorez... Avoir formé politiquement une certaine Danielle Casanova mais aussi un certain Jean-Pierre Timbaud ... Avoir découvert, encore, un horticulteur hors du commun : Waldeck Rochet, cela relève de l'histoire et déjà de la légende . Ce portait élogieux témoigne de la sympathie et de l'admiration que suscite Victor Fay, et de l'image que certains de ses contemporains se font du personnage. Cette "légende" du communisme français est aussi un opposant qui participe, au milieu des années 1930, avec André Ferrat et Georges Kagan, à la revue d'opposition Que faire ? , quitte le Parti communiste en 1936, au moment du premier procès de Moscou, pour adhérer à la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) l'année suivante. On le retrouve ensuite résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, entre Marseille, Toulouse et le Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire, rédacteur en chef du journal clandestin L'Appel de la Haute-Loire puis de Lyon Libre, organe du Mouvement de libération nationale, dirigé par son ami André Ferrat. Journaliste politique de profession, il assure jusqu'en 1950 la rédaction de Combat, journal fondé pendant la guerre par des résistants, puis travaille, à partir de 1952, pour la Radiotélévision française (RTF), au service des émissions vers l'étranger. Critique de la politique coloniale de la SFIO, il fait partie de ce courant minoritaire qui fait scission en 1958 pour fonder le Parti socialiste autonome (PSA) qui devient, en 1960, le Parti socialiste unifié (PSU). Engagé dans la construction de ce nouveau parti, il entre en 1964 dans son Bureau national. Après l'arrivée de Charles de Gaulle au pouvoir, il est rapidement interdit d'antenne à la RTF : ses propos dérangeaient. Il demande son renvoi et l'obtient en 1967. De 1968 à 1980, à la retraite, il continue d'écrire et de militer au sein du PSU jusqu'à l'élection de François Mitterrand, en 1981 : il fait alors le choix de rejoindre le nouveau Parti socialiste. Il s'éteint le 29 juin 1991 à Créteil. Victor Fay n'est pas un "désenchanté4" du communisme. Le prologue de ses mémoires, rédigé en 1968, se veut clair : "nul regret, nul désenchantement" , simplement la conscience que le socialisme "tel qu'il est" a détourné les travailleurs de la lutte, que le nom de socialisme a été "galvaudé" par ceux qui s'en réclament. Sa volonté clairement affirmée de poursuivre la lutte pour un socialisme peut être "utopique" mais peurteur d'un "avenir meilleur" , le distingue ainsi de cette frange de la génération de 1917, emportée par le "souffle d'Octobre6" , profondément troublée par l'évolution du régime soviétique après la mort de Lénine, évincée dès les années 1920 au profit d'une génération plus jeune et séduite par la radicalité politique du PCF bolchévisé. Au coeur même de la guerre froide, Fay refuse obstinément "la fausse alternative entre la démocratie bourgeoise et le monolithisme stalinien" pour rechercher, infatigablement, les moyens d'accès à la démocratie directe ouvrière. Victor Fay est un personnage si ce n'est emblématique du moins représentatif des aspirations et des vicissitudes de la gauche française au XXe siècle, à l'époque où "la gauche et le socialisme se vivaient comme des avenirs nécessaires et bientôt victorieux" . Il fait l'expérience des différents conflits qui divisent le mouvement ouvrier et social français et l'empêchent tout le long du siècle de former un bloc uni contre la droite. L'étude de son itinéraire, qui s'inscrit dans l'histoire de la gauche socialiste française, du mouvement communiste international et de ses dissidences, constitue un "indispensable complément de l'analyse des structures sociales et des comportements collectifs" du mouvement ouvrier et social français. L'objectif cet ouvrage, tiré de mon mémoire de Master, n'est pas de faire une biographie de Victor Fay au sens strict mais de rendre compte de la construction des différentes cultures politiques qui composent la gauche française du siècle dernier à travers l'itinéraire politique d'un militant ayant fait successivement l'expérience du Parti communiste, de la SFIO, du PSU et de leurs oppositions. En ce sens, la biographie est capable de montrer la signification historique générale d'une vie individuelle. Il s'agit également de valoriser le fonds d'archives déposé par sa fille à La contemporaine (ex BDIC) qui conserve essentiellement les écrits, publiés ou non, de Fay, des journaux et des revues militantes sur une période allant de 1936 jusqu'aux années 198010. Ce fonds ne comprend que peu de sources concernant les relations familiales et amicales de Fay et les témoignages ou la correspondance datant d'avant 1945 sont rares. La grande majorité de ses archives a été saisie par les nazis à son domicile en 194011. En raison de ces lacunes archivistiques, auxquelles ne remédie que partiellement l'autobiographie de Fay, sa vie privée pendant l'entre-deux-guerres demeure difficilement accessible à l'historien. Son itinéraire de militant communiste, au sein des Jeunesses communistes en Pologne puis à la SFIC en France de 1925 à 1936, est mieux connu, mais les sources demeurent lacunaires. Il est difficile d'inventorier ses écrits durant cette période parce qu'il écrivait sous divers pseudonymes utilisés par d'autres militants. Il figurait sur le fichier "Antifa" sur la base duquel les Allemands ont opéré les premières perquisitions. Créé en 1938, ce fichier recensait des réfugiés fuyant l'Allemagne nazie et des militants antifascistes de différentes nationalités13. Le PCF a par ailleurs cherché à reléguer dans l'ombre cet opposant communiste : sa rupture n'a jamais été officialisée, le parti ayant préféré nier son existence. Ainsi explique-t-il dans ses mémoires : "Du jour au lendemain, mon nom disparut du parti. Je n'existais plus, je n'avais jamais existé". En effet son nom n'apparaît nulle part dans les archives du PCF.

10/2023