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Gabby Dawnay, Mimi Purnell

Extraits

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Contes et nouvelles

Au pays des cigales

LETTRE-PREFACE "Vous m'envoyez de votre beau pays de lumière un livre tout parfumé de thym et de lavande, et vous me priez de lui souhaiter la bienvenue dans notre Paris noir de pluie, où les roses de mai, cette année, n'ont pu fleurir, brûlées par les vents et les gelées. Oui, qu'il soit le bienvenu. Il m'apporte, à moi, ma jeunesse déjà lointaine, les cours du collège d'Aix, que je revois souvent en fermant les yeux, avec leurs gros platanes, leurs vols de moineaux, la terre dure où l'hiver nous battions la semelle, le bassin dans lequel nous pataugions l'été ; il m'apporte mon adolescence, nos grandes courses jusqu'à Sainte- Victoire et au Pilon du Roi, nos premiers vers écrits sous les ombrages des Pinchinats, nos premières amours, le soir, sous les fenêtres des demoiselles, auxquelles nous donnions des sérénades, comme dans Byron et dans Musset. Quand je les ai lus, ces nouvelles et ces contes dorés par le soleil de Provence, il m'a semblé que je redevenais tout petit pour me remettre à grandir. J'avais cet attendrissement des vieilles lettres d'amour retrouvées au fond d'un tiroir. Savez-vous quel rêve je faisais ? Je me voyais au bord de l'Arc, dans un trou de feuilles que je connais bien. Il y a vingt ans que je ne suis allé m'asseoir sur cette berge ; mais elle est restée pour moi avec son printemps éternel, son bouquet de saules, son eau blanche argentant les cailloux, ses terres rouges, en face, allant jusqu'à l'horizon bleu, toutes flambantes de l'incendie de midi. J'étais là, votre livre évoquait ce coin de mystère, où j'ai laissé mon coeur. Et je vous souhaite aussi la bienvenue au nom de notre grand Paris entier, où vous arrivez avec la belle saison tardive, un peu après les hirondelles, un peu avant les roses. Il n'est pas besoin d'avoir laissé son coeur en Provence pour rire et pour pleurer avec vous. Quand le soleil vient, les bras se tendent, on lui ouvre sa demeure, sans l'avoir connu à son berceau ; et c'est le soleil que vous apportez à tous, la jeunesse vaillante, l'enthousiasme et la foi, les premiers récits d'un poète qui sont comme les premières tendresses d'un amant. Soyez sans crainte, les livres les plus chers sont les livres de la vingtième année. Le vôtre a déjà pour lui les femmes qui aiment, les jeunes gens qui espèrent et les vieillards qui se souviennent. Je ne veux point ici faire oeuvre de critique et vous louer en argumentant sur votre talent. Ce rôle de pédant, au milieu de vos fleurs, me paraîtrait bien lourd. Non, je tiens seulement à vous dire toute mon émotion, le charme sous lequel vous m'avez tenu. Imaginez que je sois allé vous voir, près de Marseille, aux Aygalades ou à Montredon, dans un petit jardin rafraîchi par les brises de mer. Je suis un passant, un invité, un ami émerveillé de vous entendre ; et jusqu'au soir nous causons, et je m'en vais, en emportant votre chant de cigale adouci, pareil dans la nuit tiède à un chant de flûte. (...)"

02/2023

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Monographies

L'heure bleue de Peder Severin Kroyer

Le Musée Marmottan Monet offre, du 28 janvier au 25 juillet 2021, la première occasion de découvrir, en France, un ensemble d'oeuvres majeures du peintre danois Peder Severin Kroyer (1851-1909) reproduites dans cet ouvrage. L'exposition est le fruit d'un partenariat scientifique engagé sur trois ans par le musée Marmottan Monet et le musée de Skagen (Skagens Kunstmuseer). Cette collaboration unique, placée sous le Haut Patronage de la Reine Margrethe II, se poursuivra par une exposition "Kroyer et la France" au musée de Skagen, en 2022. Kroyer fut portraitiste, peintre de scènes de genre et paysagiste. Les trois aspects de son oeuvre seront présents dans l'exposition qui permettront de découvrir ses traits, ceux de sa femme - dans le double portrait intime de 1890 du musée de Skagen - et ceux de ses amis. Ses portraits sont souvent intégrés à des paysages - tel le splendide Roses de 1893 du musée de Skagen représentant sa femme lisant sous un immense rosier en fleurs - ou dans des scènes d'intérieur. Ceci nous vaut un de ses tableaux précoces, peint aux Vaux-de-Cernay, Le déjeuner des artistes à Cernay (1879, musée de Skagen) alors que le jeune artiste, élève de Léon Bonnat, à Paris, fréquentait les peintres réalistes réunis autour de Léon Germain Pelouse. Cet attrait porté aux modèles ne se démentit jamais tout au long de la carrière de l'artiste et on le retrouve, après son installation à Skagen au début des années 1880, dans les tableaux que le public parisien a pu découvrir au Salon. Le premier, Pe cheurs de Skagen, Danemark, coucher de soleil (1883, musée de Skagen) exposé en 1884 lui valut d'être distingué par le jury des récompenses du Salon qui lui remit une médaille. Les pêcheurs de Skagen, leurs familles et leurs enfants, lui-même et encore ses amis dans des cadrages inattendus et baignés d'une lumière subtile seront régulièrement les sujets de ses tableaux que les journalistes admireront sur les cimaises parisiennes, tels le célébrissime et attendrissant Jour d'été sur la plage sud de Skagen (1884, Collection Hirschsprung) ou l'étonnant Groupe de pêcheurs sur la plage de Skagen de 1891, généreusement prêté par un collectionneur particulier, et jusqu'à l'infiniment poétique et nostalgique Après-midi d'été sur la plage sud de Skagen (1893, musée de Skagen), double portrait de son épouse et de leur amie, l'artiste Anna Ancher, seules, cheminant sur une étroite bande de sable entre mer et plage qui traverse la toile pour s'élever très haut dans l'horizon. Lors d'une grande exposition danoise au Petit Palais, à Paris, en 1928, un des critiques, évoquant Kroyer, le définit très justement comme un "amant de la lumière" . C'est qu'en effet, toute son oeuvre de paysagiste au Salon fut une longue réflexion sur la couleur claire et le rôle de la lumière - témoignage de son intérêt tant pour le naturalisme que l'impressionnisme -, à tout moment du jour et de l'année. Il sut faire vibrer aux yeux des parisiens qui l'ignoraient, cette "heure bleue" , phénomène météorologique qui précède le crépuscule, qui ne se déploient qu'aux lointains bords de mer septentrionaux mais qui vont se révéler à notre admiration durant quelques mois sur les cimaises du musée Marmottan Monet.

02/2021

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Critique littéraire

Mon Kafka. Kafka, l'unique

"Ce dimanche 19 juillet 1910, j'ai dormi, je me suis réveillé, dormi, réveillé, misérable vie". Franz Kafka, Journal. "J'y songe souvent et, chaque fois," je me demande quand dans ma vie est apparu le Journal. Impossible de dater cette apparition, mais il me semble tout de même que ce fut très tôt, dès mes premières années d'étude, presque à l'âge où Kafka a commencé à l'écrire. Il ne m'a plus quitté. Ce grand livre souffrant, tragique et drôle, n'est pas de ceux qui détruisent, mais de ceux qui sauvent, qui donnent de la force. On y revient, sans cesse. Parcouru par la douleur de l'existence, il est traversé par la lumière. D'une beauté déchirante, il est transpercé par l'échec, par l'angoisse lancinante de l'échec, par le désir de solitude et par le désir de la rencontre, par la nécessité menacée d'écrire et la douleur du corps, du "désespoir que me causent mon corps et l'avenir de ce corps" (1910). "Je suis une fois de plus tiraillé à travers cette fente longue, étroite, terrible, dont, à vrai dire, je ne puis triompher qu'en rêve. A l'état de veille et par la seule force de ma volonté, je n'y parviendrais jamais" (5 décembre 1919). Aujourd'hui je parcours à nouveau le Journal par le biais de cette quête particulière de l'écriture de ses rêves, de ses visions d'avant le sommeil ("mais je n'ai pas dormi du tout") et de l'immédiat après réveil. Franz Kafka écrit comme on dessine - c'est l'écriture la plus proche du dessin que je connaisse. Quelque chose que je n'ai jamais vu ailleurs. Et, dans le Journal, le travail incessant de cette écriture se frayant un chemin par approches successives, cet effort pour aller vers cette vérité dépouillée est incomparable - Kafka dessine. "L'insatisfaction dont une rue offre l'image, chacun lève les pieds pour quitter la place où il se trouve" (21 août 1912). "Tout oublier. Ouvrir la fenêtre. Vider la chambre. Elle est traversée par le vent. On ne voit que le vide, on cherche dans tous les coins et l'on ne se trouve pas" (19 juin 1916). "Vague espoir, vague confiance" (2 novembre 1921). "Cet après-midi, rêve d'une tumeur sur ma joue. Cette frontière oscillant perpétuellement entre la vie ordinaire et une terreur en apparence plus réelle" (22 mars 1922). "Mon travail se clôt, comme peut se fermer une plaie qui n'est pas guérie" (8 mai 1922). La plaie n'est pas et ne peut se guérir, chaque page ouverte du journal l'est sur une douleur et sur un récit mêlé de désespoir et de lumière. Pour moi, les images, ce que j'appelle cette évocation si violente qu'elle s'apparente donc au dessin, se reçoivent de façon viscérale, intense ; elles se ressentent physiquement : ce sont des mots qui agissent sur le corps, qui pénètrent avec toute la force que nécessita leur expulsion. "Mon Kafka" , il est celui de tous et celui singulier de chacun. Marina Tsetaïeva écrivit "Mon Pouchkine" en 1937. Mon titre lui est un évident hommage. Anne Gorouben, Paris, juin 2015 Anne Gorouben est née en 1959 à Paris. A l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, elle suit les cours de Zao Wou Ki. Depuis, elle expose régulièrement ses peintures et ses dessins en France ou à l'étranger. En 2003, elle présente notamment un hommage à Paul Celan au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme à Paris. Son cycle "d'Odessa à Odessa" est exposé dans différents centres d'art en France et en Ukraine. Ses oeuvres sont présentes dans des collections publiques et privées en France et à l'étranger. Elle a publié 100, boulevard du Montparnasse en 2011 aux éditions Le Cahier Dessiné et contribue depuis à la Revue.

10/2015

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Développement personnel - Orie

Les métiers du tourisme

Première destination touristique mondiale, la France offre des opportunités d'emploi aux jeunes diplômés dans le secteur du tourisme : en agences de voyages, chez les tour-opérateurs, en offices de tourisme, dans l'hôtellerie… Parmi les profils les plus recherchés : les spécialistes du web, du marketing et de la gestion. Cette publication présente 31 MÉTIERS. Ils sont classés en 4 familles : ceux qui conçoivent et vendent les voyages (conseiller voyages, chefs de produit...) ; ceux qui accueillent et hébergent (conseiller en séjour en office de tourisme, directeur de club de vacances...) ; ceux qui font découvrir, animent et divertissent (animateur sport et loisirs, guide accompagnateur...) ; et enfin, ceux qui oeuvrent pour le développement et la promotion des offres (animateur numérique de territoire, responsable webmarketing…). Pour être au plus près du réel, des professionnels racontent leur activité au quotidien, évoquent leurs conditions de travail, les débuts dans le métier, leur parcours. Un reportage chez un tour-opérateur spécialisé dans l'offre de séjours pour les jeunes et jeunes adultes met en scène les métiers de l'organisation et de la vente de voyages. Côté ÉTUDES, l'édition 2015 dresse un panorama de l'offre de formation pour chaque famille de métiers et les formations accessibles bac par bac. Sont ensuite présentées les filières d'études spécifiques au secteur : le bac techno hôtellerie, le BTS tourisme et les autres formations de niveau bac + 2 (en commerce, par exemple) ; les cursus universitaires (licences, licences pro, masters en tourisme) ; les écoles spécialisées et les écoles de commerce. Le lecteur retrouvera des réponses aux questions que se posent les élèves sur le profil requis, les spécialisations possibles, les poursuites d'études... Sans oublier les témoignages de jeunes qui évoquent les grandes étapes de leur parcours de formation. Côté EMPLOI, une enquête permet d'appréhender les dernières tendances du recrutement et les compétences attendues par les différents acteurs du secteur. De jeunes professionnels parlent de leur accès à l'emploi et de leurs premiers pas dans une entreprise et dans un bureau d'études. Le GUIDE PRATIQUE donne les coordonnées des formations traitées, ainsi qu'un mode d'emploi des inscriptions, les ressources Onisep, les sites utiles pour aller plus loin et un lexique. Mots clés : Tourisme, voyage, hôtellerie, animateur sport et loisirs, animateur numérique de territoire SOMMAIRE Tourisme Panorama du secteur Reportage à l'UCPA MÉTIERS Les principaux métiers du secteur regroupés en 4 familles Organisation et vente de voyages : chargé de projet tourisme d'affaires, chef de produit, conseiller voyages, directeur d'agence de voyage, yield manager Accueil hébergement : agent d'accueil en office de tourisme, directeur de centre de vacances Accompagnement et animation : accompagnateur de voyage, guide conférencier, animateur nature, animateur sport et loisirs Développement et promotion : animateur numérique de territoire, community manager, directeur d'office de tourisme, responsable manifestation, responsable webmarketing Les conditions de travail : horaires décalés, temps partiels… Dico métiers : 15 autres professions en mini fiches : activité, compétences requises… Organisation et vente de voyages : agent de réservation, attaché commercial, courtier aérien, directeur de zone Accueil hébergement : directeur d'hôtel, hôtesse d'accueil, réceptionniste, responsable hébergement Accompagnement et animation : animateur de l'architecture et du patrimoine, accompagnateur en moyenne montagne, accompagnateur de tourisme équestre, employé de parc de loisirs, chef de plage Développement et promotion : directeur de parc d'attraction, directeur de club de vacances ÉTUDES Les repères Quelles formations pour quels métiers ? Quels profils pour quelles formations ? 5 questions avant de se lancer Les filières Bac techno hôtellerie Diplômes de l'animation BTS DUT Licences professionnelles Licences et masters Écoles de commerce Écoles spécialisées Mon parcours Vers un master ; vers un bachelor ; vers une licence pro EMPLOI Les entreprises du tourisme Les compétences attendues Les tendances du recrutement Mes débuts en office de tourisme Mes débuts en agence de voyage GUIDE PRATIQUE Carte d'identité des filières Inscriptions, les démarches Carnet d'adresses des formations Sites utiles Ressources Onisep Lexique Index

11/2015

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Littérature française

Ceux de la glèbe. Une nouvelle de Camille Lemonnier

Et l'homme parti, elle traînait son ventre dans la maison encore vide d'enfant. C'était la première fois qu'elle sentait remuer en elle la semence d'amour. Ils s'étaient mariés au dernier Saint-André, lui, grand, fort, râblé, le front doux, le geste bourru, le coeur vaillant, toujours à la peine ; elle, petite femme mamelue et saine, largement plantée sur ses pieds. La noce avait duré deux jours, l'un qu'on avait passé chez les parents de Tys, l'autre chez les parents de Ka. Et enfin la troisième nuit, ils avaient couché dans leur maison, deux chambres en bas, le long de la route, et un grenier sous le toit. Puis, le lendemain, un lundi, Tys avait noué dans un drap de serge quatre pains de deux livres ; il avait embrassé sa conjointe sur les joues et dans le cou ; debout sur le seuil, elle l'avait suivi des yeux, marchant à grandes enjambées dans la campagne. Le samedi soir, ensuite, comme elle regardait au loin, une main sur les yeux, elle avait aperçu, par delà les dernières maisons, son homme qui allait à pas rapides ; et un nuage montait droit derrière lui, dans le soleil bas à l'horizon. Et il était resté dans la chaleur de son giron deux nuits et un jour ; et de nouveau, ensuite, il avait tassé ses quatre pains dans le drap de serge ; et il avait marché vers la ville. Il en avait été ainsi de chaque semaine, pendant des mois. Du lundi au jeudi, la fumée de sa pipe cessait d'obscurcir le plafond ; elle regardait dans ses habits pendus au crochet l'homme qu'il y avait laissé en partant ; et en même temps, dolente, les mains sur les genoux, elle le sentait bouger dans son flanc, vivant à travers l'enfant. D'abord cette existence avait pesé lourdement sur Ka ; le vide des longues après-midi, dans le silence des chambres, lui élargissait un trou au coeur, vaste comme les puits ; et tout au fond, toujours une forme vague s'y mouvait comme un mort qui, ressuscité, travaillerait en sa fosse. Même la nuit, en des songes bourrelés, elle distinguait deux mains qui fouillaient la terre, à des profondeurs immenses ; et tout à coup ces mains se levaient avec un geste de détresse, et une montagne croulait ensuite, sous laquelle elle cessait d'apercevoir les mains. Alors elle se réveillait en sursaut, froide de sueur, et jusqu'au matin priait à genoux devant la petite Vierge dont l'image décorait le manteau de l'âtre. Et la journée du lendemain passait sans qu'elle osât mettre le pied dehors, de peur de tomber sur quelqu'un qui, venu de la ville, lui annoncerait son malheur. Les autres femmes lui faisaient envie : elles avaient des hommes, celles-là, qui tout l'an demeuraient dans la maison ; au contraire, le sien gagnait durement son pain en creusant des puits ; de pleines journées, il restait sous la terre, bâtissant ses cuvelages, descendant toujours plus avant, emplissant des seaux qui ensuite remontaient, balancés dans le vide au-dessus de lui ; les épaules mortifiées par les eaux du sous-sol, ayant quelquefois de la boue jusqu'aux reins, avec les parois toutes droites du puits qui, en haut, semblait se rétrécir pour se fermer sur sa tête, il apercevait du ciel seulement une petite tache grise où par moment un visage se penchait et lui parlait ; et sorti des ténèbres, ses douze heures finies, il ne savait pas tout de suite se refaire les yeux à la lumière de la rue.

02/2023

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Littérature française

L'obstination française

Nos aïeux ont vécu le phénomène de la conscience nationale lors de la libération de Paris, le 26 Août 1944. C'est ce qu'avait exprimé le Général de Gaulle en parlant d'un de ces gestes de la France, qui parfois au long des siècles, viennent illuminer notre histoire. Après la guerre 39/45 nait la génération des baby-boomers qui ne laissera rien au hasard du temps. La reconstruction de la France ne fait pas oublier les maladies telles la diphtérie ou la poliomyélite qui touchèrent de nombreux enfants conduisant la médecine à réaliser des avancées notoires. Par la suite et dès le début des années 60, l'état d'esprit des jeunes commençait à profiler le chemin de leurs rêves. Entre leçons et devoirs d'école, la camaraderie devenait une force vive aidée en cela par l'éducation parentale, la musique, les arts et le sport, sans oublier les filles tant il est vrai qu'elles étaient jolies et sexy. Au cours des années 60, les adolescents ont fissuré la chape de plomb des longs silences qui maintenait les tabous de l'époque et qui tomberont les uns après les autres. Magie de l'époque entre combats d'idées, souffles d'émotions et de bonne humeur. Ce fut le cheminement d'une merveilleuse période qui durera près de vingt ans. Les mômes des cités vivaient sous l'influence des tempos rock d'Elvis Presley, Gene Vincent et autres rockers qui précéderont la grande et fabuleuse épopée des groupes pop/rock. Les Beatles, les Stones, mais aussi Bob Dylan, Jimi Hendrix et de nombreux autres groupes enflammèrent les cœurs des adolescents pour atteindre leurs plus grands bonheurs... C'était une manière singulière de passionner les jeunes pour soutenir inexorablement leurs idées de changement. En effet, ce fut les coups de gueule d'une jeunesse exhortant leurs revendications sur une vision plus réformiste de la société française. En Mai 1968, la révolte estudiantine avec la classe ouvrière permettait de gagner de grandes avancées sociales. En 1969, la loi sur la pilule contraceptive fut votée puis, en 1975, le Mouvement de Libération de la Femme (M.L.F) relayé par l'extraordinaire combat de Simone Veil permis de faire voter la loi sur le droit à l'avortement. Cette dernière sera suivie par la loi relative au divorce par consentement mutuel. Même si les plus conservateurs ont critiqué ces avancées sociales, il n'en reste pas moins vrai qu'elles auront marqué notre génération et les suivantes. Depuis cette époque, la France n'a pas connu de périodes aussi déterminantes. En effet, depuis plus de trente ans on assiste à une apathie quasi-générale des différents acteurs de notre société. L'économie française s'abandonne dans un immobilisme récursif. Les investissements et le retour de l'excellence de la recherche devront impérativement accompagner le sursaut français. Sur le plan sociétal, les attentats terroristes aussi surprenants que tragiques ont éveillé des craintes et ranimé la peur de l'autre. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, il aura fallu du temps et ces dramatiques évènements pour que les hommes politiques prennent enfin conscience des dangers de l'extrémisme religieux. Depuis plusieurs décennies l'immigration de masse est refusée par les autres continents. Seule l'Europe a ouvert ses portes faisant abstraction des critères d'assimilation, et, au fil du temps, certaines cités de banlieues se sont dressées comme des zones de non-droit. Les agressions verbales et physiques ont porté et portent encore le poids d'une lourde indifférence. Les attentats terroristes de ces dernières années ont déchiré le cœur des français. Dans ces situations d'insécurité multiples, les citoyens et citoyennes restent inquiets malgré la sérénité convenue des « grands penseurs » qui actionnent à l'envi la sirène de la xénophobie. Depuis trop longtemps les principaux acteurs politiques de la nation, gauche et droite confondues, se sont enlisés dans un profond déni de réalités en laissant bâtir progressivement l'échafaudage du F.N. Or, chacun sait que dans tous les domaines de la vie, l'obstination annihile le plus souvent la part des réalités et, finalement, à trop vouloir minimiser les vagues, la violence d'un tsunami n'est malheureusement pas à exclure...

11/2016

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Poésie

Les litanies de la Madone & autres poèmes spirituels. Edition bilingue français-italien

En ce temps-là, à la fin de xixe siècle, pour l'atteindre, le voyageur descendait à Aquilée, avant d'emprunter de lourds landaus et le vaporino, dans les sinuosités d'un cours d'eau et de canaux à travers la lagune. Alors, au terme d'un itinéraire en soi, isolé du monde, hors du temps et voilé jusqu'au dernier instant, se découvrait l'île de Grado, lambeau de terre et de sable, balayé par les vents, sous le soleil et sur le merveilleux miroir azuré de la mer et du ciel. Là, sur cette île, fille de la jadis puissante Aquilée et mère de Venise, où la vie, depuis des siècles, a ralenti, jusqu'à s'arrêter presque, et où quelques pêcheurs habitent de modestes maisons ou des cabanes de paille ou de roseaux sur des saillies de boues argileuses, les casoni, au milieu de ces visages sur lesquels le dur labeur a gravé rides et sillons de fatigue, d'êtres qui savent à peine lire, d'humbles et d'humiliés à la foi solide, ardente, naît le poète Biagio Marin (1891-1985). De 1912 à sa mort, son oeuvre ne cessera de chanter ce monde. Lumière et voix, luse et vose, de même que la liturgie, les hymnes, les psaumes, écho des patriarches anciens, les chants d'amour et de louange, la récitation du rosaire et les rites ancestraux, parmi lesquels la procession à Barbana, le perdón, fascinent Marin. Ses vers, à de rares exceptions, sont en dialecte de Grado (gradese), un dialecte séculaire, au développement comme à l'arrêt, qui n'est plus le frioulan et pas encore le vénitien. Les consonnes, liquides et douces, y transforment le t italien en d (duto pour tutto), le c en s (baso pour bacio, ou crose pour croce), ou le v en b (bose ou vose pour voce)... Les douleurs se disent duluri et non dolori ; le nid : nío et non nido ; les vents : vinti et non venti... Et de longues voyelles tendent à suspendre tout écoulement. En ce dialecte se donnent les thèmes de Marin : la mer, matricielle (mar, la mer ; mare, la mère), et les bancs de sable (dossi), le soleil (sol) et les nuages (nuòlo), parfois orageux (nenbo), la lumière (luse) et quelques couleurs, où resplendissent le bleu intense de l'azur (selesto ou asuro), le turquin, le rouge, l'or et le blanc, et qui rarement se mélangent, mais sont, d'après Pier Paolo Pasolini, " utilisées "pures", chacune dans sa zone, pour constituer un paysage absolu et complètement poétisé ". Ajoutons-y les bateaux, trabacs, bragozzi et vaporini, quelques gemmes et autant de fleurs, au nombre desquelles la rose, sur le rosier ou dans la roseraie (rosèr), et l'on aura une idée presque complète de ce qui fait le socle de la plupart des poèmes. Certes, Marin a traversé le xxe siècle, en a connu quantité de mouvements, de courants et d'avant-gardes artistiques, en a vécu les barbaries et en a consigné, dans ses carnets, bien des sollicitations, au point selon Carlo Bo de s'identifier avec son époque, mais son oeuvre est restée identique à elle-même, insulaire, d'un seul bloc, de son commencement à sa fin. Immobile, immuable est cette oeuvre, par ses thèmes, brodant sur les mêmes paysages et les mêmes valeurs, sur d'identiques motifs, aussi ténus que les avancées du temps, mais aussi par ses mots invariants, quelques centaines tout au plus, moins d'un millier assurément, et dans sa forme, célébration du quatrain, ce paradigme de l'expression populaire. Une circularité, une permanence en résultent. Aussi la litanie est-elle leur genre, en miroir des siècles et des années aussi inconsistants, interminables, que les heures : le " non-temps " de la mer, du ciel et de la lagune. La langue, anoblie, semble défaire les liens du poème avec l'Histoire, la culture et la vie sociale, mais celles-ci font puissamment retour par le dialecte et par les rites des gens de l'île. " Profonds, les thèmes qui parcourent la poésie de Marin, d'une valeur éternelle pour tous les hommes : la fraîcheur de la nature toujours résurgente, l'affectivité de ses différentes intensités et nuances, le scintillement de l'"occasion" en laquelle semble se manifester un simple prodige et pourtant des plus rares, le ciel et la mer comme réalité, métaphores d'une immanence divine qui se dépasse en halos de transcendance, le murmure des voix de la quotidienneté perçu comme une constante et imperceptible musique ", commente Andrea Zanzotto. Dès lors, le principe de cette oeuvre poétique est le dénuement, l'abrégé des contenus du monde, la réduction de la variété de celui-ci à quelques signes essentiels : rares éléments ou mots, à l'identique, du moins en apparence, comme dans une cérémonie à vif. Le vocabulaire pauvre, choisi, ferait même de Marin, selon Pasolini, un poète pétrarquien, et non dantesque, élargissant dans le champ sémantique et syntaxique, par des combinaisons toujours renouvelées, ce qu'il restreint dans le champ lexical. D'où une conciliation des contraires, et une si chrétienne coïncidence : la pauvreté promet la richesse, l'agrandissement immense, au point de faire de Grado un modèle de l'univers entier, d'une totalité achevée et parfaite. Car Grado et le monde, c'est tout un. Une telle distension imite, " par essentialité " commente encore Pier Paolo Pasolini, le sentiment religieux. En 1949, Marin publie la première édition des Litanies de la Madone, un recueil composé à partir de 1936, et qu'il n'avait pas souhaité rendre public auparavant, pour éviter toute méprise sur sa " laïcité " - à l'instar du Rossignol de l'église catholique de Pasolini. C'est un chant de louange à la mère, la sienne, bien sûr, du nom de Marie, et qui mourut jeune de tuberculose, et les autres qui se sont brûlées au service de Dieu et de leurs prochains. L'image, si humaine, de la Madone, presque adolescente, tendre et proche, dans sa maternité, de la sensibilité populaire, célèbre avec Marin la créativité de Dieu. " Dans l'itération des apostrophes latines, selon la tradition mariale qui résonnait en lui depuis l'enfance, vibrent les anciens rites populaires de l'île de Grado, les prières chorales dans la grande basilique de Sant'Eufemia, le culte de la Madonna delle Grazie, la ritualité séculaire de la procession votive des bateaux de la région à la Madone de Barbana, le rosaire privé des femmes, et lui se distrait en suivant un rayon de soleil ; parmi elles, la grand-mère qui prend soin de lui, orphelin ; et se détache, des années lointaines, l'image de la mère perdue trop vite, lui laissant à peine le souvenir d'un petit visage souriant penché sur lui, avec ses boucles blondes et ses yeux bleus, et l'écho perdu de douces paroles que le temps a consumées ; et un regret sans fin ", écrit Edda Serra, l'éminente spécialiste de l'oeuvre marinien. Pourtant, s'élevant contre l'Eglise, dont il n'accepte ni l'institution, matérialiste, sinon idolâtre, ni la discipline, ni les sacrements, Marin révoque le " sacerdotalisme ", qui serait devenu plus que Dieu, comme dans la légende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski. A l'inverse, dans ses rituels d'identification de soi et du monde, qu'il soit minéral, végétal, animal ou humain, depuis la plus humble amibe et jusqu'à l'être le plus philosophe, le plus poète ou le plus saint, il tend à l'union de l'île et du sujet poétique, résolvant voluptueusement, par un sensualisme chaud, avec ivresse, l'autobiographie dans des paysages, sous la lumière de la Création. Sous une telle lumière, ce que chante la poésie, c'est ce que le philosophe Massimo Cacciari appelle la " liesse ", qui lui confère sa force, et dont les symboles sont le vol, les cieux, les oiseaux et les nuages, la proue du navire menant au loin, le blanc, pour fuir la mort et faire le désespoir léger. Chant du peu de terre, de la ligne incisive qu'est l'horizon marin, de la lagune ouverte, plongée dans le grand silence des cieux, du soleil et de l'orgue des vents invisibles, du vol des nuages, de leur rougeoiement au couchant et de leur dissolution sous l'éclat de Midi, de l'été à l'air chaud et léger, consolant l'âme de sa tristesse et de sa solitude (solitàe), et tendant au néant (ninte) de l'expérience mystique, le creuset ardent de la vie manifesterait alors davantage que la puissance et la gloire de Dieu, son amour, et notre misère si nous nous éloignons de Lui.

10/2020

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Littérature comparée

Revue de littérature comparée N° 377, janvier-mars 2021 : La RLC a 100 ans

Daniel-Henri PAGEAUX, Regards sur cent ans de comparatisme On a souhaité donner d'abord, de façon tout à la fois précise et synthétique, un historique de la RLC, en insistant sur les orientations intellectuelles, voire philosophiques qui ont présidé à sa fondation, puis en donnant un panorama aussi détaillé que possible des questions et des thèmes abordés, en particulier à partir des numéros dits "spéciaux" . En un siècle, la RLC a su tenir, tant au plan national qu'international, un rôle et une fonction de tribune, de lieu permanent d'échanges, de propositions et de réflexions. Bernard FRANCO, Fernand Baldensperger et les premières définitions de la littérature comparée Dans le tout premier article de la Revue de Littérature Comparée publié peu de temps après la fin de la Première Guerre mondiale, Fernand Baldensperger propose une définition de la littérature comparée imprégnée d'un idéal humaniste qui a traversé l'histoire de la discipline. Il la rapproche de la méthode de l'histoire littéraire prônée par Lanson et de l' "histoire comparée des littératures" évoquée par Joseph Texte, dans une relation ambivalente d'opposition avec la méthode des parallèles. Une telle conception est proche des origines romantiques de la discipline, qu'il s'agisse des premières définitions de la littérature comparée chez Ampère ou du relativisme esthétique propre à la critique romantique en général. Mais dans sa volonté d'embrasser les sciences humaines, Baldensperger défend également une conception de la discipline bien plus moderne qu'on ne l'a souvent dit. Francis CLAUDON, Fernand Baldensperger (1871-1958). Retour sur une ambition F. Baldensperger (1871-1958), premier directeur de la RLC, a laissé des mémoires. Une vie parmi d'autres (1940) comporte bien des indications intéressantes. L'expérience de l'étranger s'est faite, pour lui, vers 1880-1890, à Saint- Dié et à Zurich, par et contre l'Allemagne du Reich wilhelminien. D'autre part Baldensperger s'est élevé contre une certaine myopie intellectuelle de l'époque. Sa carrière s'est développée grâce à des appuis politiques (L. Liard, S. Charléty, M. Barrès), ses emplois, (Strasbourg en particulier, au moment de la fondation de la revue) ont été des choix calculés. Sa conception des "interrelations littéraires" s'inscrit dans la tradition historiciste de Taine ; elle diffère, sans l'exclure, de celle, formaliste et esthétisante, de ses contemporains germaniques (Walzel, Jolles). Pierre BRUNEL, Paul Hazard (1878-1944) Trop tôt disparu, Paul Hazard a fait une brillante carrière, qui l'a conduit au Collège de France en 1925 et à l'Académie française en 1940. Originaire du Nord, il a été attiré par l'Italie et il est devenu le maître des études sur les littératures du Midi, mais sans jamais perdre le contact avec ses origines tant comme écrivain que comme comparatiste. Plus jeune que Fernand Baldensperger et à certains égards pouvant être considéré comme son disciple, il a été choisi par lui pour diriger, à sa fondation même en 1921, la Revue de littérature comparée. Elle lui doit beaucoup, même si, très respectueux de celui qui présida à ses destinées de comparatistes, il tendait à s'effacer derrière lui. Il a d'ailleurs, après 1935, assuré une continuité indispensable et, grand voyageur, comme Baldensperger, il s'est comme lui, largement ouvert au monde. Etienne CROSNIER, Paul Hazard, l'amour d'une vie pour les littératures du Nord Né à Noordpeene, près de Dunkerque, Paul Hazard (1878-1944), ancien élève de l'ENS et agrégé de Lettres classiques, est considéré aujourd'hui comme le grand spécialiste de la littérature italienne du XVIIIe siècle. Sa thèse de doctorat, La Révolution française et les lettres italiennes (1789-1815), en est la pierre angulaire. Mais Paul Hazard ne s'est jamais détourné de ses premières amours, les littératures nordiques. Il met ainsi en lumière, dans "L'invasion des littératures du Nord dans l'Italie du XVIIIe siècle" (RLC, 1921), l'influence et la modernité des oeuvres d'Ossian, Shakespeare et Goethe. Avant de nous surprendre avec un essai, Le Charme d'Andersen (1930), qui révèle, au-delà de son attachement aux littératures enfantines, l'humanisme profond de l'enseignant et du chercheur qu'il n'a jamais cessé de manifester dans ses écrits. William MARX, Comparatisme et nationalisme au lendemain de la Grande Guerre Fondée au lendemain de la Première Guerre mondiale dans une Europe saignée et dévastée, la Revue de littérature comparée se donna pour mission d'ouvrir à un "nouvel humanisme" adapté à ce monde sortant à peine des cendres, et susceptible de retarder un feu qui ne demandait qu'à renaître. Or, dans un contexte marqué de nationalismes exacerbés, l'histoire comparée des littératures ne fut pas toujours considérée comme une entreprise neutre et pacifique. La Revue elle-même, qui fut dès le départ traversée de ces tensions, sut toutefois se doter d'un programme théorique suffisamment solide pour s'en délivrer. Yves CHEVREL, Vingt-cinq ans après : le recommencement Durant l'occupation de la France par les nazis, de 1940 à 1945, la direction de la RLC a décidé de ne pas publier la revue. L'année suivante en Grande-Bretagne parait, à Cardiff, une revue qui en assure l'intérim : Comparative Literature Studies. F. Baldensperger y publie, en 1945, un article où il revient sur les débuts de la RLC, en rappelant les espoirs soulevés par la fin de la "Grande Guerre" et en les confrontant aux réalités qui ont suivi. De son côté, J. -M. Carré titre "Recommencement" l'article de tête de la première livraison de la RLC à reparaître en 1946. Les deux articles, de tonalités différentes, manifestent l'un et l'autre la volonté de concevoir la littérature comparée comme une discipline au service d'un humanisme moderne. Véronique GELY, Les "femmes de lettres" dans les quatre premiers numéros de la Revue de littérature comparée La Revue de littérature comparée en 1921 reflète la difficile entrée des femmes dans le champ littéraire, aussi bien comme objets que comme sujets d'étude et d'analyse. Mécènes, étudiantes et chercheuses, les écrivaines sont peu visibles dans les titres des différentes rubriques. Elles sont toutefois bien présentes. La RLC mentionne et commente les travaux de chercheuses qui sont parfois citées comme des autorités. Le phénomène le plus marquant est la référence constante faite à "Madame de Staël" , véritable "mère fondatrice" de la littérature comparée. Jean CANAVAGGIO, Un maître des études hispaniques et sa collaboration en 1921 à la Revue de littérature comparée. Alfred Morel-Fatio (1850-1924) On doit à Alfred Morel-Fatio une brève contribution au premier numéro de la Revue de Littérature comparée. Le présent article, après en avoir résumé le contenu, retrace la carrière du fondateur des études hispaniques en France et s'emploie à montrer comment on peut comprendre qu'il n'ait pas donné une étude plus importante aux deux éditeurs de la revue. Chantal FOUCRIER, De She à L'Atlantide : une polémique questionnée par La Revue de littérature comparée en 1921 On connaît le succès remporté par L'Atlantide, roman que Pierre Benoit fit paraître en 1919 et qui valut à ce dernier l'accusation d'avoir plagié She, récit qu'avait publié Henry Rider Haggard en 1887. L'affaire ayant suscité un procès, la presse se divisa dans d'innombrables articles qui ont contribué à donner à la question judiciaire la portée d'un débat intellectuel. En 1921, la Revue de Littérature Comparée fit état de cette polémique comme point d'appui d'une réflexion sur l'exploitation des sources dans la création littéraire. C'est à ce titre qu'elle intégra l'analyse des deux romans qu'avait rédigée l'angliciste P. -H. Cheffaud à la demande de Pierre Benoit en 1920. Après avoir éclairé le type d'arguments développés dans ce texte-plaidoyer, la présente étude se propose de montrer que celui-ci trouve plusieurs échos dans les problématiques comparatistes du moment, telles que l'influence des oeuvres étrangères comme ferment de l'originalité dans les littératures européennes. Dominique MILLET-GERARD, Claudel - Dante 1921 Cet article étudie l'Ode jubilaire pour le six-centième anniversaire de la mort de Dante, composée par Claudel sur la suggestion de l'italianiste Henry Cochin et publiée dans le Bulletin du jubilé du Comité catholique français. L'Ode est évoquée à deux reprises dans la Revue de littérature comparée de 1921. Doublé - comme dans la Vita Nova - d'un texte en prose explicatif, ce long dithyrambe en vers libres, nourri de citations de Dante, est esentiellement constitué d'une double prosopopée, celle de Béatrice suivant celle de Dante, sur les thèmes de l'exil, de l'amour et de la Joie, ce qui en fait un palimpseste du Soulier de Satin. De fait, l'impact autobiographique de l'Ode apparaît manifestement au regard des Lettres à Ysé contemporaines, et récemment livrées au public. Célébration et comparaison semblent ici céder le pas à une discrète substitution.

08/2021

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Fantasy

Recueils de nouvelles saisonnières Tome 3 : Cueille l'automne

Le vent se lève. D'abord inaudible, il forcit et me balaie le visage, me projetant huit ou neuf feuilles mortes éparses. Quelques clochettes pendues parmi les branches sont bousculées par ses caresses amères, et susurrent leur chatoiement métallique aux Palarbres qui conversent à voix basse. Je me tiens à l'orée du bois, sur les rives de la Clepsydrale qui le bordent. La lune se mire déjà dans ses eaux calmes, si noires qu'on dirait les flots d'encre du Mélanflot. La nuit n'est pas si avancée, et le soleil hésite à disparaître vraiment, à laisser sa place. Drakôn lui a demandé de rester encore un peu, pour magnifier la scène et offrir aux Soeurcières de la Troisième Voie l'intensité dramatique qui leur sied si bien. La lumière est d'or, et les tons sont rouges. Les feuillages brasillants rivalisent de couleurs, veulent afficher du mieux qu'ils le peuvent leur déclaration d'amour à l'automne. C'est bien pour cela que nous sommes toustes ici en cette fin d'après-midi. Pour les célébrations de la Moisson des Mots, comme chaque année dans notre douce Vallée. Aujourd'hui, je tremble de fierté dans tout mon coeur draconique. Les Soeurcières approchent, une à une, menées par maon collègue LAncoLibre, qui tient entre ses bras le produit de la Moisson. Notre assemblée doit communier ensemble autour de ces nouveaux mots. Parmi les silhouettes qui me rejoignent, enveloppées de brumes qui floutent leurs contours et dont elles s'arrachent à chaque pas, dans des volutes enfumées, se trouvent quatre autrices que je connais, et une nouvelle venue. Enfin, pas vraiment. LAncoLibre s'immobilise à mon niveau, me confie son fardeau. J'accueille les Soeurcières. Elles ont la tête baissée, comme l'exige notre rituel. Nous rejoignons une table de pierre emmoussée, au-dessus de laquelle se tendent les premières branches d'ors et de grenats des Palarbres enluminés d'automne. Notre cercle s'étend tout autour de la boîte que j'ai posée sur la pierre. Alors que je prends place en son coeur, la Vallée des Mots m'accompagne de sa grâce, et un rayon de lune s'attache à ma personne draconique, faisant miroiter mes écailles de mille réfractions opalines. J'admire un temps ces cinquante nuances de parme qui me nimbent d'un halo mystique, puis je prends la parole pour performer l'ouverture de la cérémonie. - Nous voici réuni·e·s pour accueillir de nouveaux mots, et glorifier la créativité de la mousse, des champignons et des sporules, des vrilles de cucurbitacées et des feuilles rousses. Ami·e·s, qu'apportez-vous à notre congrégation ?? Qui s'avancera dans la lumière de Drakôn ?? Je me retire, cédant la place à une première ombre, féliforme au demeurant. Lorsqu'elle entre dans la lumière de lune, qui a cessé de me suivre, un flash se produit, et elle paraît dans toute sa vérité. - Je me présente à vous, je suis Qat2kx. Je n'ai du chat que l'apparence, les iris verts et le miaulement déterminé même si faussement plaintif. Je vous emmène... Jodai Tokushu Kanazukai. Elle se tourne vers la table, se penche sur le coffret-aux-mots, qui frémit alors qu'elle s'apprête à l'ouvrir prudemment. Une sombre clarté en jaillit, aux couleurs de l'âme humaine torturée, qui nous parle d'une école, lointaine, perdue dans le bassin lémanique. Le ciel de l'automne se couvre d'images ? : des fuites d'eau, un chat, une directrice manipulatrice qui se délecte continuellement de mets psychiques savoureux, des conversations un rien absurdes... et Salomon, dont j'identifie aisément la pensée machinique. - Merci, Qat2kx, pour ces ... hum ... saveurs incongrues, j'argue. Qui poursuivra la ronde des mots ?? Ah, voilà. Avant même que la lumière de Drakôn ne se saisisse de son ombre, je la reconnais : elle arbore sur sa longue cape brune des motifs de feuilles dorées. Nous avons beaucoup travaillé ensemble récemment. J'apprécie beaucoup Ema, qui vient me rendre visite de temps en temps, quand elle n'a rien à faire à Vilaltierre. - Mais qui êtes-vous ?? Elle marque un temps d'arrêt théâtral, puis se place dans le cercle de lumière que sa consoeur a laissé vide. La lune la révèle toute sourire. - Je me présente à vous à mon tour, je suis Lordesfeuilles. Après ma Deuxième Quête, je me suis donné l'objectif d'une quête troisième. Et voici ma contribution ? : La Préférée. Le coffret-aux-mots crache son texte sans se faire prier, et les images envahissent de nouveau le ciel qui s'assombrit de minute en minute. La première chose que nous découvrons est un carosse. Noir. Des citrouilles énormes. Une bibliothèque pleine de secrets. Un lit à baldaquin. Nous lisons dans ces scènes disparates une sorte d'inquiétude rampante, nous y devinons une situation de sorcellerie ? ; pas de celle que nous pratiquons actuellement, marquée par de bonnes intentions et un rêve commun. - Merci, Lordesfeuilles, pour cette tempête et ces vents d'espoirs. Qui poursuivra la ronde des mots ?? Une ombre leste louvoie parmi nous, et son manteau est de nuit constellée d'écailles rouge passion. Il y a autant du loup que du dragon dans sa démarche, qui me rappelle mon lointain cousin Manidriss. Je ne me suis pas trompé. - Je me présente à vous, je suis Cécilia Perrot Gilbert. Je laisse Aurélie & Yanis se débrouiller seul·e·s un moment, le temps de vous présenter Le Rituel de la Voix. Elle enclenche le mécanisme. Effets son et lumière dans le ciel de la Vallée. Nous voyons une forteresse, des dragons (coucou Mani ? ! ), une guerre qui menace, des animaux parqués comme des marchandises. Puis la nuit éclate et se répand. Nous croyons à la fin du film, mais une tête de louvetelle s'étale devant nos yeux, tout en finesse, tout en sourire, parmi les étoiles. - Merci, Cécilia, pour la vibrante défense de celles et ceux qui ne peuvent dire, merci de porter leur parole. Qui poursuivra la ronde des mots ?? Des particules sablonneuses, comme autant de grains rêveurs, s'agrègent en une forme difficile à définir. Mais je ne suis pas dupe. Je sais qui elle est ? : comment la confondre avec qui que ce soit ?? C'est ma première stagiaire, avec qui nous avons partagé l'encre et les mots de la préface du précédent recueil. Et je ne partage pas l'encre avec n'importe qui ? ! La voilà grandie, maintenant. Autrice parmi nous. - Je me présente à vous, je suis The Dreaminoux. Je dois encore soutenir un rapport de stage, Ed ?? (Elle rit, et son rire a la saveur des embruns.) Trêve de bavardages, voici Depuis les Nuits de Sable. Le coffret-aux-mots s'est enhardi, et les images viennent alors qu'elle ne s'est même pas encore tournée vers lui. Des diapositives. Une fille en regarde une autre dans les yeux. Un bel échange de sourires d'amour. Diapo suivante. La fille est seule et contemple le souvenir enfumé de sa compagne envolée dans les sables du temps. Diapo suivante. Elle rêve. Il y a quelqu'un d'autre avec elle. Que font-iels ?? Diapo suivante. Un temple aux boiseries rouges, qui me rappelle l'ambassade d'Akage. Des reflets dans l'eau. Une prise de conscience. Diapo suivante. Des illusions perdues. La grandeur. La révolte. Des phonèmes volètent dans le ciel, comme la persistance d'un murmure. /amaja ? / - Merci, Dreamy, pour ton combat dans l'arène. Tes pensées sont magnifiques et laisseront leur empreinte dans un sable qui ne s'envolera plus. Porte haut le flambeau ? ! Qui poursuivra la ronde des mots ?? Je reconnais l'odeur de sa prose puissante alors que la dernière ombre s'avance. J'en suis persuadé. Il y a ce petit quelque chose, ces détails ? : une cape qui évoque une forêt printanière, hiatus certain et assumé de sa part. Comme une parcelle de Farasie qui hésiterait encore à hiverner. La lumière de la lune me donne raison. - Je me présente à vous, je suis Emeline Di Sopra. Il y a ici quelque chose qui me pousse à y revenir. Serait-ce la forêt ?? Ces anciens Palarbres, qui me rappellent mon Ariège, ou les Ardennes ?? Je souhaite vous offrir ce soir une Pure Merveille. Ce n'est pas une blague ? ! Elle fait un petit pas de côté, touche le boîtier, qui s'entrouvre pour laisser passer une flopée d'invectives. Puis s'estampe la mer. Déchaînée. Une falaise. Un port bruissant d'émeutes. Des luttes et des femmes qui se soulèvent contre un pouvoir oppressant. On y gueule, on y raconte la Croisée des Chemins et la Sorcière. On y assiste à l'émergence de tout un courant revendicatif. La brume est collante, un peu comme celle qui enveloppe les Palarbres ce soir. Puis le ciel s'embrase ? : une autre révolte, pleine de rage et d'espoirs. - Merci, Line. Puissent tes mots toucher les coeurs endormis afin qu'ils combattent ensemble et rythment de plus beaux avenirs. Il ne reste plus que LAncoLibre. Iel n'est pas silhouette, mais dessin bleu et flou, enfantin, comme une envolée de pieds et de cheveux dans une grande pièce parquetée et jonchée de jouets en bois. Iel entre dans la lumière de Drakôn. Les yeux d'(Hydr@cène) ; s'attachent sur les jeux de la lune sur ses écailles, plus fines que les miennes, qui se moirent de vermeil et de turquoise. - Je vais conclure le rituel, si tu me le permets, Ed. J'acquiesce gravement. C'est ainsi que tout doit se terminer ce soir. - Je me présente à vous, je suis LAncoLibre. Je me joindrai à vos voix avec Comme l'arôme de framboise perdu dans un café noir. La Vallée prête volontiers sa magie à l'instant et répond à LAnco. La mystique boîte s'ouvre pour ne plus jamais se refermer et disparaît de la table de pierre. Les cieux frémissent, sont balayés de tremblements. Une soeur et un frère. La Sagrada Familia. L'avenue Diagonale. Barcelone la belle. Des tanks, de la fumée, du bruit. Des fusils. Du métal. Des espoirs brisés, re-brisés, cassés. Un élan. Des promesses. Du café qui n'est jamais bu. De douces lanternes. Du thé et des framboises. Et Edran et Malek qui naissent sous nos yeux. Axone Zéro qui s'esquisse déjà dans les volutes d'un café oublié. - Merci, LAnco. Concluons toustes ensemble, voulez-vous ?? Suite de la préface sur https : //lezarddesmots. fr/cueille-automne/

12/2023