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Florent Papin

Extraits

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Littérature française

Le Bouquin de Noël

Si chaque année paraissent au moment des fêtes de fin d'année de petits recueils rassemblant quelques contes de Noël, jamais encore il n'a été produit une véritable anthologie rassemblant les récits des plus grands écrivains de tous les temps et de tous les pays. De même, jamais encore il n'a été tenté une explication des thèmes les plus souvent traités dans ces contes, où l'on rencontre des revenants, des spectres, des morts surtout, et particulièrement des morts d'enfants. C'est que le sujet, en vérité, relève plus encore de l'anthropologie et de la mythologie, que de la stricte littérature. Rassemblant ainsi des contes, récits et poèmes, aussi bien français qu'allemands, anglais, américains, scandinaves et russes, espagnols ou italiens, l'ouvrage calque son discours sur le calendrier de la fin d'année, évoquant " la mort de l'année " et sa résurrection au moment du solstice d'hiver. Partant de la Toussaint, que suit l'Avent, il glisse ainsi vers Noël, le jour de l'An et l'Epiphanie, éclosion finale de l'année nouvelle. C'est la raison pour laquelle on trouvera des contes relatifs à saint Nicolas, par le belge Camille Lemonnier, ou à sainte Lucie, par Selma Lagerlöf, ainsi que des textes sur la nuit de la Saint-Sylvestre, par Hoffmann ou Andersen. Mais c'est naturellement Noël même qui a le plus inspiré nos écrivains. Or, soit ils ont écrits dans la tradition, d'origine préchrétienne, ainsi qu'on peut le voir avec d'étranges textes médiévaux, soit ils ont évoqué la Nativité du Christ, substitut chrétien de la lumière recouvrée, soit encore ils ont évoqué la fête, le sapin, la crèche, les lumières, ou bien encore le sentiment toujours émouvant de la fête familiale, prétexte à établir un bilan de vie en cette fin d'année. Il faut attendre le XIXe siècle pour voir la littérature de Noël renouer avec l'esprit du Moyen Age. Grâce au romantisme, l'éclosion littéraire de l'Europe provoqua la résurrection des cultures ancestrales, auxquelles chaque écrivain contribua en fonction de sa nationalité. Certains récits sont aujourd'hui devenus très célèbres, comme le Chant de Noël de Dickens, Les Trois Messes basses de Daudet ou La Petite Fille aux allumettes d'Andersen, mais d'autres, trop méconnus, méritaient d'être redécouverts, et il est de petits bijoux ciselés par l'émotion que l'on peut considérer comme des chefs-d'oeuvre. C'est le cas de la Fleur-de-Blé de Lemonnier, des Sabots du petit Wolff de Coppée ou de La Noël de Marthe d'Anatole Le Braz. Nul doute que le lecteur ne sera remué par de tels contes, quand au contraire il sera certainement étonné par les récits médiévaux comme La Chasse sauvage d'Orderic Vital ou l'anonyme Sire Gauvain et le Chevalier vert, bien éloignés des Noëls chrétiens et du mercantilisme ambiant aujourd'hui. C'est l'âme enfouie de Noël que nous rapportent ces écrivains anciens, relayés au XIXe siècle par Hoffmann, Gogol ou Erckmann-Chatrian. A l'opposé, certains incroyants, comme Louis Mullem, ne se sont pas privés de moquer Noël, ouvrant ainsi la voie à un XXe siècle déchristianisé, parce que matérialiste.

11/2016

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Philosophie

Etre et avoir

A l'entrée dans la préadolescence, la question de l'être et de l'avoir est cruciale. Dis-moi ce que tu as, je te dirai qui tu es. Mais être et avoir ne s'opposent pas toujours : ce que l'on a aide à découvrir ce que l'on est. La nouvelle édition du Goûter philo "Etre et avoir" pour réfléchir d'un point de vue philosophique et exercer son esprit critique sur ce qui définit l'être et l'avoir. La différence entre être et avoir Tout le monde sait faire la différence entre être et avoir, entre ce que l'on est (drôle, casse-pieds...) et ce que l'on a (un pain au chocolat, une moto...). Ce que l'on a, on peut le donner, le jeter, l'enlever, l'écarter, l'éloigner, le prêter, le perdre ; on peut s'en séparer, c'est à l'extérieur de soi. Ce que l'on est, c'est à l'intérieur de soi, on ne peut pas le séparer de soi. Deux notions complémentaires Etre et avoir sont deux notions qui ne s'opposent pas. Elles sont complémentaires. Ce que l'on a aide à découvrir ce que l'on est. Dans ce que l'on a, on a souvent mis de ce que l'on est. Tout ce que l'on a, tout ce que l'on choisit d'avoir, aide à se découvrir. On peut même dire qu'il y a beaucoup d'être dans avoir. Ce que l'on a aide à découvrir qui on est et à construire qui on veut être. Façonner sa personnalité Si on nous demande quelles sont nos habitudes, on peut en faire une longue liste : manger du chocolat, se ronger les ongles, toujours arriver en avance, ne mettre que des casquettes... Toutes ces manières d'être, on peut s'en détacher, les transformer pour construire l'être que l'on veut être, grâce à la conscience. La conscience permet de se rendre compte de ce que l'on fait, de ce que l'on a, de ce que l'on est. Ce petit pas hors de soi permet de prendre du recul et de choisir qui on veut être. Inventer sa vie Chacun est libre d'inventer sa vie. On n'est pas coincé dans un rôle à jouer : de papa, de maman, de boxeuse, d'infirmier, de gentil, de méchante... La vie n'est pas une scène de théâtre où tous les rôles sont distribués à l'avance. On peut s'inventer aujourd'hui, demain, tout au long de sa vie. Ce que l'on est aujourd'hui, on ne l'est jamais tout entier. On a toujours le choix de changer : le choix de l'être que l'on veut avoir. Organiser son goûter philo A la fin de l'ouvrage, un cahier de huit pages permet à l'enfant d'organiser son propre débat philosophique en famille ou entre amis, avec des questions pour nourrir la réflexion et entraîner son esprit critique.

02/2024

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Théâtre - Pièces

La statue de temps

La délicatesse. C'est le mot qui me vient à l'esprit à la lecture des poèmes de Gaëtane de Lansalut. Délicatesse et simplicité. Un univers enveloppant bien que minimaliste. La beauté de l'instant saisi dans sa fugacité. L'harmonie des contraires, puisque la statue évoque l'objet lourdement ancré, tandis que le temps, fugace, est par essence volatile. Les mots de Gaëtane ouvrent nos yeux sur ce monde qui nous entoure, et que nous avons perdu l'habitude de contempler. Pas besoin de chichi : une miette de pain, des flocons de neige, le café du matin, la rosée, le soleil levant, le ciel bleu, un caillou, suffisent à éveiller l'intensité de nos sens. La statue de temps est à l'image de l'autrice : sensible et émouvante, drôle et profonde, idéaliste et réaliste tout à la fois. A travers les lignes se devine la quête de l'Absolu dans les moindres détails du quotidien. Mis en scène au théâtre de Nesle, les poèmes de Gaëtane, subtilement interprétés par la comédienne Bérengère Warluzel et accompagnés à la flûte par Julie Huguet, faisaient l'effet d'un temps comme suspendu. Dans son atmosphère clair obscur, dans son dépouillement, la scène ressemblait à une peinture de Georges de La Tour. Intimistes et vibrants, les tableaux de Gaëtane de Lansalut interrogent la vie en même temps qu'ils la célèbrent, avec amour. Virginie Larousse Rédactrice en chef du Monde des religions. Ce sont des poèmes de jeunesse bien souvent, écrits d'une traite sous une impérieuse inspiration qui me faisait prendre le stylo ou la plume (de l'ordinateur) sans attendre. Un trépignement à écrire. De jour, de nuit. Je me suis toujours demandé dans quel état il fallait être pour écrire. Pour être inspiré(e). Que devenait notre conscience ? Dans quel univers fallait-il être pour succomber aux délices des mots bien souvent au bord de l'intime si ce n'est aux marges de l'indicible. Il est apparu que le temps avait une valeur pondérale dans certains de mes textes. Faisant accroitre leur maturation. Puis un déclic. Des textes nés comme ça. Au fil de l'eau. Au fil du temps. Au gré des rencontres. Ce fut celle avec la flûtiste Julie Huguet au Japon, qui a cru en mes textes et les a proposés à la comédienne Bérengère Warluzel pour en faire un spectacle d'une heure au théâtre de Nesle, les jeudis des mois de février et mars 2019. Avec le soutien du metteur en scène Jean-Daniel Laval. Et un projet est né. Une statue de temps qui veut se promener dans les théâtres, les bibliothèques ou les librairies ou chez les gens, dans leur salon, au gré des rencontres là aussi. Poèmes en prose et morceaux de musique s'intercalent judicieusement pour narrer la vie, sous une forme plutôt introspective, sensible et imagée. Chacun pourra y retrouver le thème du temps qui passe, de la vie allègre qui se déroule inexorablement comme pourrait-on dire un voyage. Ce spectacle s'adresse à toutes et tous. Les poèmes nus peuvent aussi être agencés et mis en scène d'une autre manière, avec une autre musique. Ainsi y a-t-il eu une alliance complice de la musique de Johann Sebastian Bach à la flûte et du texte qui a pu émouvoir. Un spectacle à hauteur d'enfant, contemporain et classique à la fois, qui a eu l'ambition folle de nous faire nous réjouir. Car tout, au fond, est à faire avec amour. Gaëtane de Lansalut

04/2021

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Littérature française

Allégeance Tome 2 : Trouble massacre au couchant

Allégeance - Trouble massacre au couchant [Tome 2] constitue la suite du premier volume Allégeance - L'Esprit Sournois du Hasard. Laure furète en quête d'un nouveau gagne-pain, lorsqu'elle fait connaissance de Karl surgi de nulle part. Un de ces jours ordinaires où l'on découvre plus tard qu'il ne l'était pas. Elle quitte Berlin pour Saratoga, là où se conçoit l'avenir numérique de la planète. Une charmante idylle se noue. Divers incidents l'entacheront pourtant, et la conduiront à des actions aux effets en chaîne aussi démesurés qu'inattendus. Rien ne prédestinait Laure à frôler des fausses barbes. Un univers qui s'exclut des feux de la rampe, évite la vacuité des discours, slalome entre le vrai et le faux, le dit et le non-dit, et agit sur ordre aux frontières du droit, voire très largement au-delà. Un monde obscur, boulimique de cyber-technologies. Des moustaches hybrides version 2. 0 en somme, mais nullement à l'abri d'un grain de sable, fut-il virtuel... Fruit de l'imagination porté par le réel, l'auteur a conçu la trame du roman Allégeance comme un désir de conjurer un futur réputé improbable qui prendrait des allures vraisemblables. Pousser tel ou tel curseur par le biais de l'écriture, puis en évaluer les possibles effets, n'est-ce pas là s'offrir la possibilité de cerner les éventuelles mauvaises graines qui ne demanderaient qu'à germer, puis à dominer. A moins qu'elles ne s'épanouissent déjà et que nous n'en discernions pas encore toutes les formes et l'insidieuse cohérence ?? Comment éviter le pire, même s'il n'est jamais certain ?? Si la littérature a des pouvoirs limités, au moins permet-elle de prolonger des courbes tendancielles, de les tordre ou de les infléchir, et tenter d'y décerner où, potentiellement, elles nous entraîneraient en catimini. Le roman n'est-il pas le bon support pour supputer des situations, y compris les plus absurdes ou les plus dantesques, mais non dépourvues de sens ?? Si nécessaire, n'est-ce pas sa vocation d'oser faire un pas de côté sur un chemin, semble-t-il, tout tracé et sans encombre, afin de creuser des situations concevables dont, justement, il semble particulièrement déraisonnable de penser qu'elles ne le soient pas ?? Pareille démarche n'est-elle pas déontique, alors que la présente période prend tous les atours d'un contexte de ruptures aux composantes disparates, mais convergeant en direction d'horizons très hasardeux ?? Nous connaissons tous à peu près le monde que nous quittons, mais les incertitudes sur les lendemains tenaillent les coeurs et les pressentiments sombres s'emparent des esprits en les noyant de sourdes inquiétudes. Mais, qu'on ne se méprenne pas. Avec Allégeance, Franck Leroy nous invite dans un roman, non dans une sorte de croisade donquichottesque. Un roman aux antipodes des récits prophétiques imprégnés de radicalisme apocalyptique où se colportent gazouillis, médiocres logorrhées ou suites poussiéreuses de petits dogmes aussi faciles à formuler qu'à digérer. Dans Allégeance, les circonstances, les rôles et les scènes attestent d'une parfaite maîtrise du sujet, des lieux et des sphères où l'intrigue se déroule. Confrontés à des événements qui les dépassent, les personnages pilotent leurs affects à vue. Les dialogues de situations ciselés d'une tonalité sonnant juste, peignent les acteurs avec finesse. Avec Allégeance, nous avons là un récit dynamique et harmonieux. Une narration captivante, une succession de chapitres rythmés de rebondissements où s'enchevêtrent cabale, mystère, passion et tragédie. Ce qui n'était qu'un projet voici quatre-cinq ans est bouclé. Il est finalisé par cet ouvrage d'un total de près de mille pages, édité en trois volumes pour en faciliter l'accès. Le premier paraîtra au cours du printemps. Les autres seront diffusés dans l'année. Une pré-édition des trois tomes est d'ores et déjà disponible pour la presse.

11/2023

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Europe

Dictionnaire amoureux de l'Ukraine

Un Dictionnaire amoureux qui nous immerge dans l'âme de l'Ukraine (histoire, littérature, poésie, musique, peinture, géographie, gastronomie...) par Tetiana Andrushchuk, violoniste ukrainienne qui fut professeur au Conservatoire national supérieur de Kiev et Danièle Georget, auteure et rédactrice en chef adjointe à Paris Match. " Nous sommes un peuple de 42 millions d'habitants sur un territoire plus vaste que la France ou qui l'était, jusqu'à ce que la presqu'île de Crimée lui soit arrachée. Notre civilisation est plus ancienne que celle de la Russie, nos liens avec la France remontent au Moyen Age. L'Ukraine était un royaume avec Kiev pour capitale quand Moscou n'était qu'un bourg au milieu de nulle part. Pendant plus de trois siècles, nous sommes passés pour la province d'un empire qui nous avait pris jusqu'à notre nom. Mais lorsque les murailles de l'Union soviétique sont tombées, notre " terre qui n'est pas la nôtre " comme l'écrivait le poète, s'est réveillée. Enfin, elle allait pouvoir choisir son destin et cesser de suivre celui imposé par les autocrates de l'Est. Vingt-deux ans plus tard, Vladimir Poutine a cru pouvoir mettre un terme à cette " récréation ". Au nom d'un génocide, sorti de son imagination, contre les russophones, il a cru que ses soldats seraient accueillis avec le pain et le sel. Pour annexer l'Ukraine, il suffisait de cent cinquante mille hommes et d'un déluge de bombes. Ecrase-t-on une idée avec un marteau ? Je suis née à Kiev. Mon père est mort pendant la Seconde Guerre mondiale. Il portait l'uniforme soviétique, comme près de sept millions de soldats ukrainiens. Près de la moitié ont été tués. Violoniste, professeur au Conservatoire national supérieur de Kiev, j'ai reçu, à Moscou, les conseils du meilleur des hommes, un des rares violonistes dont les Français connaissaient le nom : David Oïstrak, né en Ukraine où il a étudié et commencé sa carrière. Et j'ai aimé de toute mon âme d'artiste la culture ukrainienne, de Chevtchenko, notre Hugo, à Silvestrov, comme j'ai aimé la culture russe, de Tchaïkovski à Tolstoï et Dostoïevski. Dans l'après-guerre, ma mère qui avait été chanteuse à l'opéra de Kiev, voulut me faire apprendre le français... " A quoi cela lui servira-t-il ? " lui demandait-on. Personne ne pouvait alors quitter l'Union soviétique. J'aimerais aujourd'hui raconter aux Français pourquoi notre identité n'est pas une invention de Maïdan, et pourquoi les Ukrainiens, tenaces, têtus, courageux, à l'image du boxeur Klitchko, montagne des rings qu'aucun coup ne parvenait à ébranler, font envers et contre tout, et depuis si longtemps, le choix de l'Europe et de la démocratie. Une nation est, comme un diamant, composée de milles facettes, si scintillantes que parfois elles nous aveuglent. Nous sommes le passé, le présent, les vivants et les morts, l'histoire et la géographie, la poésie, les oeufs peints de Pâques, les chemises brodées, le bortsch. Et la passion. La Russie, si prompte à renouer avec ses vieux démons, nous accuse du crime de fascisme : mais qui se trompe d'époque ? Aux femmes qui ont accouché sous les bombardements, à ceux qui se sont terrés dans leurs caves, à ceux qui ont passé leur rage en fabriquant des " cocktails ukrainiens ", à ceux qui tiraient les missiles stinger, à ceux qui distribuaient la nourriture dans les supermarchés, à ceux qui posaient les garrots, à ceux qui les fabriquaient, au sniper qui abattit le général Tchétchène, à tous ceux qui se sont battus, à ceux qui ont attendu. Et même à ceux qui doutent encore que l'Ukraine existe, je dédie ce livre. "

05/2022

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Littérature française

Ceux de la glèbe. Une nouvelle de Camille Lemonnier

Et l'homme parti, elle traînait son ventre dans la maison encore vide d'enfant. C'était la première fois qu'elle sentait remuer en elle la semence d'amour. Ils s'étaient mariés au dernier Saint-André, lui, grand, fort, râblé, le front doux, le geste bourru, le coeur vaillant, toujours à la peine ; elle, petite femme mamelue et saine, largement plantée sur ses pieds. La noce avait duré deux jours, l'un qu'on avait passé chez les parents de Tys, l'autre chez les parents de Ka. Et enfin la troisième nuit, ils avaient couché dans leur maison, deux chambres en bas, le long de la route, et un grenier sous le toit. Puis, le lendemain, un lundi, Tys avait noué dans un drap de serge quatre pains de deux livres ; il avait embrassé sa conjointe sur les joues et dans le cou ; debout sur le seuil, elle l'avait suivi des yeux, marchant à grandes enjambées dans la campagne. Le samedi soir, ensuite, comme elle regardait au loin, une main sur les yeux, elle avait aperçu, par delà les dernières maisons, son homme qui allait à pas rapides ; et un nuage montait droit derrière lui, dans le soleil bas à l'horizon. Et il était resté dans la chaleur de son giron deux nuits et un jour ; et de nouveau, ensuite, il avait tassé ses quatre pains dans le drap de serge ; et il avait marché vers la ville. Il en avait été ainsi de chaque semaine, pendant des mois. Du lundi au jeudi, la fumée de sa pipe cessait d'obscurcir le plafond ; elle regardait dans ses habits pendus au crochet l'homme qu'il y avait laissé en partant ; et en même temps, dolente, les mains sur les genoux, elle le sentait bouger dans son flanc, vivant à travers l'enfant. D'abord cette existence avait pesé lourdement sur Ka ; le vide des longues après-midi, dans le silence des chambres, lui élargissait un trou au coeur, vaste comme les puits ; et tout au fond, toujours une forme vague s'y mouvait comme un mort qui, ressuscité, travaillerait en sa fosse. Même la nuit, en des songes bourrelés, elle distinguait deux mains qui fouillaient la terre, à des profondeurs immenses ; et tout à coup ces mains se levaient avec un geste de détresse, et une montagne croulait ensuite, sous laquelle elle cessait d'apercevoir les mains. Alors elle se réveillait en sursaut, froide de sueur, et jusqu'au matin priait à genoux devant la petite Vierge dont l'image décorait le manteau de l'âtre. Et la journée du lendemain passait sans qu'elle osât mettre le pied dehors, de peur de tomber sur quelqu'un qui, venu de la ville, lui annoncerait son malheur. Les autres femmes lui faisaient envie : elles avaient des hommes, celles-là, qui tout l'an demeuraient dans la maison ; au contraire, le sien gagnait durement son pain en creusant des puits ; de pleines journées, il restait sous la terre, bâtissant ses cuvelages, descendant toujours plus avant, emplissant des seaux qui ensuite remontaient, balancés dans le vide au-dessus de lui ; les épaules mortifiées par les eaux du sous-sol, ayant quelquefois de la boue jusqu'aux reins, avec les parois toutes droites du puits qui, en haut, semblait se rétrécir pour se fermer sur sa tête, il apercevait du ciel seulement une petite tache grise où par moment un visage se penchait et lui parlait ; et sorti des ténèbres, ses douze heures finies, il ne savait pas tout de suite se refaire les yeux à la lumière de la rue.

02/2023

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Littérature française

L'esprit sournois du hasard Tome 1 : Allégeance

Laure furète en quête d'un nouveau gagne-pain, lorsqu'elle fait connaissance de Karl surgi de nulle part. Un de ces jours ordinaires où l'on découvre plus tard qu'il ne l'était pas. Elle quitte Berlin pour Saratoga, là où se conçoit l'avenir numérique de la planète. Une charmante idylle se noue. Divers incidents l'entacheront pourtant, et la conduiront à des actions aux effets en chaîne aussi démesurés qu'inattendus. Rien ne prédestinait Laure à frôler des fausses barbes. Un univers qui s'exclut des feux de la rampe, évite la vacuité des discours, slalome entre le vrai et le faux, le dit et le non-dit, et agit sur ordre aux frontières du droit, voire très largement au-delà. Un monde obscur, boulimique de cyber-technologies. Des moustaches hybrides version 2. 0 en somme, mais nullement à l'abri d'un grain de sable, fut-il virtuel... Fruit de l'imagination porté par le réel, l'auteur a conçu la trame du roman Allégeance comme un désir de conjurer un futur réputé improbable qui prendrait des allures vraisemblables. Pousser tel ou tel curseur par le biais de l'écriture, puis en évaluer les possibles effets, n'est-ce pas là s'offrir la possibilité de cerner les éventuelles mauvaises graines qui ne demanderaient qu'à germer, puis à dominer. A moins qu'elles ne s'épanouissent déjà et que nous n'en discernions pas encore toutes les formes et l'insidieuse cohérence ?? Comment éviter le pire, même s'il n'est jamais certain ?? Si la littérature a des pouvoirs limités, au moins permet-elle de prolonger des courbes tendancielles, de les tordre ou de les infléchir, et tenter d'y décerner où, potentiellement, elles nous entraîneraient en catimini. Le roman n'est-il pas le bon support pour supputer des situations, y compris les plus absurdes ou les plus dantesques, mais non dépourvues de sens ?? Si nécessaire, n'est-ce pas sa vocation d'oser faire un pas de côté sur un chemin, semble-t-il, tout tracé et sans encombre, afin de creuser des situations concevables dont, justement, il semble particulièrement déraisonnable de penser qu'elles ne le soient pas ?? Pareille démarche n'est-elle pas déontique, alors que la présente période prend tous les atours d'un contexte de ruptures aux composantes disparates, mais convergeant en direction d'horizons très hasardeux ?? Nous connaissons tous à peu près le monde que nous quittons, mais les incertitudes sur les lendemains tenaillent les coeurs et les pressentiments sombres s'emparent des esprits en les noyant de sourdes inquiétudes. Mais, qu'on ne se méprenne pas. Avec Allégeance, Franck Leroy nous invite dans un roman, non dans une sorte de croisade donquichottesque. Un roman aux antipodes des récits prophétiques imprégnés de radicalisme apocalyptique où se colportent gazouillis, médiocres logorrhées ou suites poussiéreuses de petits dogmes aussi faciles à formuler qu'à digérer. Dans Allégeance, les circonstances, les rôles et les scènes attestent d'une parfaite maîtrise du sujet, des lieux et des sphères où l'intrigue se déroule. Confrontés à des événements qui les dépassent, les personnages pilotent leurs affects à vue. Les dialogues de situations ciselés d'une tonalité sonnant juste, peignent les acteurs avec finesse. Avec Allégeance, nous avons là un récit dynamique et harmonieux. Une narration captivante, une succession de chapitres rythmés de rebondissements où s'enchevêtrent cabale, mystère, passion et tragédie. Ce qui n'était qu'un projet voici quatre-cinq ans est bouclé. Il est finalisé par cet ouvrage d'un total de près de mille pages, édité en trois volumes pour en faciliter l'accès. Le premier paraîtra au cours du printemps. Les autres seront diffusés dans l'année. Une pré-édition des trois tomes est d'ores et déjà disponible pour la presse.

06/2023

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Littérature comparée

Revue de littérature comparée N° 375, juillet-septembre 2020

Neus ROTGER : Le roman comme théorie de l'histoire : théories de l'écriture historique en France au XVIIe siècle (en anglais) Cet article traite de la relation entre l'historiographie et le roman dans la France moderne. Il remet en cause la vision établie qui minore le rôle du roman dans le débat historiographique du dix-septième siècle et avance au contraire que la fiction en prose a joué un rôle important dans la configuration des paramètres théoriques de l'histoire (de la même manière que nous savons comment l'écriture de l'histoire détermine les origines du roman). L'examen d'une série de traités d'épistémologie de l'histoire, allant de Sorel à La Mothe Le Vayer, à Le Moyne, Saint-Réal, Saint-Evremond et Rapin permet de montrer comment le roman participe au processus de réhabilitation d'une discipline en crise. François GENTON : Gellert en France : une bibliographie et quelques réflexions Que reste-t-il de l'oeuvre de Christian Fürchtegott Gellert en France et en français ? Aucun des livres de cet auteur n'est disponible sur le marché du livre en France. Aucune traduction n'a été publiée en France depuis la moitié du XIXe siècle. Ce texte tente de faire le bilan des traductions françaises d'oeuvres intégrales de Gellert ou d'extraits tirés de ses oeuvres et esquisse une description de l'importance en français et en France de cet auteur et de son oeuvre. Ignacio RAMOS-GAY : "An Ingrained Antipathy" : Traduire et adapter le théâtre français en Angleterre, du pillage à la suprématie culturelle (1843-1886) L'objectif de cet article est d'analyser la pratique de la traduction et de l'adaptation d'oeuvres françaises pour la scène londonienne pendant près d'un demi-siècle de la période victorienne (1843-1886). A partir des témoignages de dramaturges, de critiques, d'acteurs et de chroniques journalistiques, il est possible d'observer comment le recours au matériel étranger est conçu, dans un premier temps, comme un exemple de pillage intellectuel qui affaiblit la construction de l'identité nationale autour de l'art dramatique. Dans un deuxième temps, au fil du siècle, ce "vol" ou "pillage" sera conçu en termes positifs, laissant place à une "renaissance" de l'art dramatique britannique. Dans les deux cas, le fondement de l'activité créatrice dans les oeuvres créées en France confirmera ce que certains critiques ont appelé la suprématie culturelle française au XIXe siècle. Aurore TURBIAU : Traversées québécoises en littérature féministe : influences états-uniennes et françaises. Cet article propose d'étudier la manière dont la littérature féministe québécoise s'est constituée, dans les années 1970, en relation avec les productions théoriques et littéraires françaises et américaines. Les Québécoises voyagent aux Etats-Unis et se nourrissent de ce qu'elles y apprennent ; les essais militants les intéressent, ceux de K. Millett, S. Firestone, B. Friedan ; mais le rapport d'influence avec les Etats-uniennes est unilatéral, les Etats-uniennes se souciant assez peu de ce qui se passe au Québec. En revanche, on peut parler de vrais échanges entre féministes françaises et québécoises ; elles partagent essais historiques et féministes, textes psychanalytiques ou littéraires ; elles participent aux mêmes revues et se retrouvent dans des congrès internationaux. Ainsi, au moment des années 1970, on peut parler de "traversées québécoises" : même si la littérature féministe québécoise ne s'est jamais placée en situation de dépendance par rapport aux créations états-uniennes et françaises, elle les a visitées pour en tirer de quoi se construire elle-même, avec ou sans leur participation active. Victor TOUBERT : La bibliothèque inquiète : représentation des bibliothèques chez W. G. Sebald et Pierre Michon Cet article propose de revenir sur la notion de "fantastique de bibliothèque" avancée par Michel Foucault pour étudier les rapports entre savoirs et littérature. Les représentations des bibliothèques chez W. G. Sebald et Pierre Michon semblent en effet ne pas pleinement correspondre au rapport fantastique avec le savoir dont Flaubert était, pour Foucault, le principal représentant. L'étude de ces représentations permet alors de comprendre certaines évolutions des rapports entre les écrivains et les savoirs : construits sur des usages originaux de l'intertextualité, ces représentations comportent une charge ironique et critique, et illustrent un rapport inquiet au savoir.

02/2021

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Santé, diététique, beauté

Le nouveau guide des additifs

Voici le premier guide sur les additifs basé sur la science, pas les rumeurs alarmistes. Vous saurez en quelques secondes si un aliment peut être acheté sans inquiétude. Vous découvrirez ce que cachent réellement les codes ou les noms compliqués qui figurent sur les emballages : des additifs sans risque comme le E 330 ou le E 920, ou plus problématiques comme le E 250 ou le E 621. Comment les auteurs ont procédé Pour classer les 338 additifs autorisés, Anne-Laure Denans, docteur en pharmacie, nutritionniste, et les journalistes scientifiques de LaNutrition.fr ont examiné plus de 200 études scientifiques et toxicologiques et défini 4 catégories : ? rouge : additif qu'il vaut mieux éviter ? orange : à éviter dans des circonstances précises ? gris : additif douteux ? vert : additif qui ne pose pas de problèmes Avec, pour chaque additif : les aliments dans lesquels on le trouve, la dose à ne pas dépasser et s'il vaut mieux l'éviter chez l'enfant ou en cas d'allergie, diabète, maladie rénale, prédisposition au cancer, risque cardio-vasculaire... Et les références des études consultées. Les enseignements du livre 1 additif sur 4 pose problème : ce guide signale donc 90 additifs qu'il vaut mieux éviter de consommer régulièrement ou à dose élevée, car ils pourraient entraîner des problèmes qui ont été identifiés dans des études expérimentales (in vitro, chez l'animal) ou chez l'homme, comme par exemple : des troubles du comportement ; des atteintes cellulaires ; une altération de la flore intestinale. Parmi les substances suspectes : Colorants : très présents dans les confiseries et les aliments pour enfants, plusieurs sont soupçonnés de favoriser l'hyperactivité et les troubles du comportement. Phosphates : ils ont envahi les rayons, des plats préparés aux fromages. Emulsifiants : ces substances qu'on trouve dans les plats préparés, le pain industriel, etc... perturbent la flore intestinale. Nitrites : ces conservateurs présents dans la plupart des charcuteries donnent naissance dans certaines conditions à des nitrosamines cancérogènes. Parmi les révélations de ce livre Les 7 colorants soupçonnés de favoriser l'hyperactivité Pourquoi les additifs au phosphate sont sur la sellette Comment les émulsifiants peuvent perturber la flore intestinale 7 édulcorants à éviter en cas de sucre sanguin élevé Les astuces des industriels pour faire accepter leurs produits L'exemple des produits minceurs : 0% de graisse, mais chargés d'additifs Prenez les yaourts et desserts allégés. En débarrassant le yaourt de ses matières grasses, il perd de son onctuosité. Pour leurrer nos papilles, les fabricants jonglent avec les épaississants et les gélifiants (yaourts 0 % aux fruits). Pour qu'il soit " sans sucre ajouté " tout en ayant un goût sucré, ils font appel à un mélange d'édulcorants. Résultat : des produits qui peuvent contenir jusqu'à 8 additifs ! Les additifs répondent aux besoins des industriels, pas des consommateurs La présence d'additifs dans un produit signale qu'il s'agit d'un aliment ultra transformé. " L'usage des additifs, explique le Pr Jean-François Narbonne dans sa préface, s'est généralisé après la Seconde Guerre mondiale de pair avec la transformation, toujours plus poussée, des aliments. " : Déconstruction, réassemblage entraînant une dégradation des textures et des saveurs, qu'il faut bien compenser ; Recherche de la plus longue conservation possible ; Recherche du coût minimum : les additifs permettent de réduire les quantités d'ingrédients naturels plus onéreux. " Ainsi tout un arsenal chimique appartenant à des familles chimiques diverses, a été mis à la disposition de l'industrie agroalimentaire, écrit le Pr Narbonne, qu'il s'agisse de colorants, de conservateurs, d'antioxydants, d'agents de texture, d'antiagglomérants, d'exhausteurs de goûts ou d'édulcorants. " Une collecte minutieuse des données L'équipe de journalistes scientifiques de LaNutrition.fr, déjà à l'origine du guide de référence Le Bon Choix au supermarché, a réuni pendant plusieurs mois les données scientifiques et toxicologiques sur les additifs, sous la direction d'Anne-Laure Denans, docteur en pharmacie, spécialiste de nutrition. Un travail de synthèse et de vulgarisation sans précédent. Toutes les études consultées (près de 200) sont référencées. Ce guide se distingue donc des autres ouvrages sur le marché, anciens, souvent basés sur des anecdotes invérifiables, des expériences "personnelles", des données douteuses et des rumeurs alarmistes. Le Nouveau guide des additifs est préfacé par le Professeur Jean-François Narbonne, toxicologue, ancien expert auprès de l'ANSES.

03/2017

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Thrillers

Allégeance Tome 3 : Double jeu aux limites obscures

Allégeance - Double jeu aux limites obscures [Tome 3] constitue la suite et fin du roman Allégeance [ tome 1 - L'Esprit Sournois du Hasard et Tome 2 - Trouble massacre au couchant] . Laure furète en quête d'un nouveau gagne-pain, lorsqu'elle fait connaissance de Karl surgi de nulle part. Un de ces jours ordinaires où l'on découvre plus tard qu'il ne l'était pas. Elle quitte Berlin pour Saratoga, là où se conçoit l'avenir numérique de la planète. Une charmante idylle se noue. Divers incidents l'entacheront pourtant, et la conduiront à des actions aux effets en chaîne aussi démesurés qu'inattendus. Rien ne prédestinait Laure à frôler des fausses barbes. Un univers qui s'exclut des feux de la rampe, évite la vacuité des discours, slalome entre le vrai et le faux, le dit et le non-dit, et agit sur ordre aux frontières du droit, voire très largement au-delà. Un monde obscur, boulimique de cyber-technologies. Des moustaches hybrides version 2. 0 en somme, mais nullement à l'abri d'un grain de sable, fut-il virtuel... Fruit de l'imagination porté par le réel, l'auteur a conçu la trame du roman Allégeance comme un désir de conjurer un futur réputé improbable qui prendrait des allures vraisemblables. Pousser tel ou tel curseur par le biais de l'écriture, puis en évaluer les possibles effets, n'est-ce pas là s'offrir la possibilité de cerner les éventuelles mauvaises graines qui ne demanderaient qu'à germer, puis à dominer. A moins qu'elles ne s'épanouissent déjà et que nous n'en discernions pas encore toutes les formes et l'insidieuse cohérence ?? Comment éviter le pire, même s'il n'est jamais certain ?? Si la littérature a des pouvoirs limités, au moins permet-elle de prolonger des courbes tendancielles, de les tordre ou de les infléchir, et tenter d'y décerner où, potentiellement, elles nous entraîneraient en catimini. Le roman n'est-il pas le bon support pour supputer des situations, y compris les plus absurdes ou les plus dantesques, mais non dépourvues de sens ?? Si nécessaire, n'est-ce pas sa vocation d'oser faire un pas de côté sur un chemin, semble-t-il, tout tracé et sans encombre, afin de creuser des situations concevables dont, justement, il semble particulièrement déraisonnable de penser qu'elles ne le soient pas ?? Pareille démarche n'est-elle pas déontique, alors que la présente période prend tous les atours d'un contexte de ruptures aux composantes disparates, mais convergeant en direction d'horizons très hasardeux ?? Nous connaissons tous à peu près le monde que nous quittons, mais les incertitudes sur les lendemains tenaillent les coeurs et les pressentiments sombres s'emparent des esprits en les noyant de sourdes inquiétudes. Mais, qu'on ne se méprenne pas. Avec Allégeance, Franck Leroy nous invite dans un roman, non dans une sorte de croisade donquichottesque. Un roman aux antipodes des récits prophétiques imprégnés de radicalisme apocalyptique où se colportent gazouillis, médiocres logorrhées ou suites poussiéreuses de petits dogmes aussi faciles à formuler qu'à digérer. Dans Allégeance, les circonstances, les rôles et les scènes attestent d'une parfaite maîtrise du sujet, des lieux et des sphères où l'intrigue se déroule. Confrontés à des événements qui les dépassent, les personnages pilotent leurs affects à vue. Les dialogues de situations ciselés d'une tonalité sonnant juste, peignent les acteurs avec finesse. Avec Allégeance, nous avons là un récit dynamique et harmonieux. Une narration captivante, une succession de chapitres rythmés de rebondissements où s'enchevêtrent cabale, mystère, passion et tragédie. Ce qui n'était qu'un projet voici quatre-cinq ans est bouclé. Il est finalisé par cet ouvrage d'un total de près de mille pages, édité en trois volumes pour en faciliter l'accès. Le premier paraîtra au cours du printemps. Les autres seront diffusés dans l'année. Une pré-édition des trois tomes est d'ores et déjà disponible pour la presse.

02/2024

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Essais - Témoignages

L'art de tremper. Manuel à l'usage des Français et des étrangers qui trempent

Tremper serait-il une spécificité française de l'art de se mettre à table pour le petit déjeuner, le goûter ou le souper ? Que signifient " tremper sa chemise ", " tremper la soupe ", un acier " trempé ", prendre une " trempe " ? Exercice littéraire jubilatoire, foisonnement baroque sur un geste quotidien, un presque rien appétissant où les mots se savourent. " Alors que nous quittions la cuisine, George posa sa dernière question : - ; Is there any book about dipping ? Qu'il ne se soit pas exprimé en français, langue qu'il parle couramment, donnait du poids à sa parole. Je répondis "Non, il n'existe pas de livre sur le trempage' et décidai d'en écrire un. " Dès cet extrait reproduit en quatrième de couverture, le ton est donné : l'auteur a pris beaucoup de plaisir à composer cet essai original. Les problématiques de l'acte de tremper surgissent dès le début de l'ouvrage en un faisceau de questions : " Trempe-t-on différemment à Paris, en province, à l'étranger ? Assembler, est-ce cuisiner ? Tremper, est-ce de la gastronomie ? Existe-t-il des recettes de trempage ? Si vous êtes insensible à ces questions et les considérez futiles, vous ne tremperez jamais. " " Cette pratique humaine et quotidienne concerne davantage les collations que les repas ; les trempeurs exercent le matin au petit-déjeuner et au goûter vers dix-sept heures. " De quoi est donc fait ce petit ouvrage en forme de digressions, dans une pâte quasi mangeable tant sa forme incite à le saisir comme une tartine ? De mots solubles dans des boissons chaudes ou froides ? Tremper serait-il une spécificité française de l'art de se mettre à table pour le petit déjeuner, le goûter ou le souper ? Moins franchement pour le déjeuner ou le dîner. Café, madeleine, soupe. Que signifient des expressions comme " tremper sa chemise ", " tremper la soupe ", un acier " trempé ", prendre une " trempe ", etc. L'auteur nous entraîne dans un voyage étymologique et s'interroge sur un mot qui s'est forgé au cours des siècles. Tantôt invitation à la juste mesure : tremper pourrait signifier tempérer, tantôt affirmation virile (un caractère bien trempé), le mot a évolué dans son sens et son genre, passant du féminin au masculin. " Dans ce dictionnaire, les records de solidité et de liquidité appartiennent pour un extrême à " Acier trempé " (quoi de plus solide ? ) et pour l'autre à " Tremper son vin, par exemple avec de l'eau ", car rien de plus liquide que le trempage d'un liquide dans un autre ". " Le plus dérangeant pour un non-Français, même francophone, restant l'expression " Tremper sa soupe ", qui consiste à verser du bouillon sur des tranches de pain ; c'est alors le liquide qui est plongé dans le solide et non l'inverse ". Est ce une réponse à Perec qui s'interroge malicieusement sur cette expression dans son Je me souviens ? Le texte vante les mérites des matières : de la baguette à la biscotte et n'hésite pas à philosopher sur le boudoir. Le style est vif. Parlant des croissants, Roy les qualifie d'un trait : " droit au beurre ou arqué ordinaire " ; " le chocolat fait penser à un marigot exotique, dont la tartine serait le crocodile ". Sur la madeleine de Proust (rien ne lui échappe), l'auteur considère l'art du repêchage des miettes et on pourra se reporter au passage de La Recherche concernant l'effritement de la madeleine. C'est un exercice littéraire jubilatoire, foisonnement baroque sur un geste quotidien, un presque rien appétissant où les mots se savourent et qui fait appel à tous les sens : la vue (cf. " le contrôle optique ! "), le goût, l'odorat, le toucher et l'ouïe. " Son ouïe enregistre le ruissellement en cascade dans le récipient. Son toucher identifie la température, brûlante, tiède ou glacée. Son odorat décèle l'arôme du café, le fumet du chocolat, la vapeur du thé, le parfum du vin, l'odeur de la soupe. Enfin sa vue autorise l'imaginaire, car semblable à la Pierre de Rêve du lettré chinois, chaque liquide libère les mondes engloutis. " Subtil, l'auteur esquisse une anthropologie de l'acte de tremper (dont il rappelle l'anagramme : " permet ") comme un fait social total et un marqueur de distinction. Ainsi le trempage se différencie du sauçage (acte pour lequel le trempeur " a pied " dans un récipient de faible profondeur). S'il évoque la mouillette, c'est pour la mettre entre parenthèses car n'est pas tartine qui veut et la coque de l'oeuf n'a " pas de bol ". Sucré, salé ou sacré, l'art du trempage appelle une observation fine et ne peut être assimilé sans une technique classificatoire pouvant aller jusqu'à l'esquisse typologique. Certains barèmes sont appliqués : pas de véritable trempage si l'action se fait au bout d'une pique (comme dans la fondue, mêmes les croûtons ou les morceaux de viande sont bel et bien immergés). Le livre se poursuit par des conseils à un jeune public de trempeurs et un cours serré d'apprentissage auprès des jeunes publics. Le livre est enfin et surtout un pastiche de ce que serait une publication universitaire et académique et il en a pourtant la teneur. Très réussi l'exercice tord le texte sur lui-même et se retourne sur plusieurs registres jusqu'à plus soif. Le jeu s'arrête ainsi comme dans un générique (de faim ? ) avec des acteurs qu'on sait proches de l'auteur et qu'on imagine attablés autour de lui pour des séances en forme de leçons. Défense et illustration de l'art de tremper à la française - l'auteur est aussi architecte et collectionneur - et il se dévoile dans une pseudo intimité comme grand amateur des manières de faire et comme grand gourmand. Joyeuse dissertation sur l'origine et l'art de goûter, ce petit livre malheureusement inclassable mais très classieux se déguste du bout des doigts comme un mets précieux. Les chapitres : George O. / Quid ? / Supports / Stabilisateurs / Garnitures / Liquides / Récipients / Invitation au trempage / Basse école / Haute école / Le trempage pour tous / Happy épilogue.

08/2023

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Actualité politique internatio

Au coeur de la troisième guerre mondiale

La croyance en l'avènement de "la mondialisation heureuse" (Alain Minc) et de "la Fin de l'Histoire" (Francis Fukuyama) était omniprésente en octobre 2002 quand j'ai publié "La Troisième Guerre mondiale a commencé" . Aujourd'hui, c'est au contraire cette dernière qui est au centre des préoccupations. Une crise économique et financière à venir qui sera pire que celle de 1929 La mondialisation hyperfinanciarisée enclenchée dans les années 1980 a été jalonnée d'un crescendo de crises issues de l'éclatement de bulles financières, dont celui de 2008. Elles ont résulté de la surchauffe de la "planche à billets" par les banques centrales accompagnée d'endettements publics et privés abyssaux. Ce mécanisme infernal a été accentué par l'épidémie de covid. Il ira jusqu'à l'éclatement de bulle de trop, qui effondrera le système financier international. Conséquence : la "weimarisation" des économies (hyperinflation par dépréciation des monnaies). En effet, les banques centrales sont désormais confrontées à la quadrature du cercle. Pour essayer d'enrayer l'inflation, elles augmentent leurs taux d'intérêt. En vain. Résultat : la stagflation, c'est-à-dire l'inflation et, en même temps, la stagnation de la croissance quand ce n'est pas la récession. La croissance de la masse monétaire et du surendettement se poursuivra jusqu'au collapsus mondial : cracks boursier et obligataire, faillites de banques en série. C'est dans cette perspective que la Russie et la Chine notamment accumulent depuis des années des stocks d'or destinés à garantir leurs monnaies. Car cette crise financière majeure bouleversera l'ordre monétaire international, aux dépens du dollar (perdant son rôle de monnaie de réserve mondiale) et de l'euro. Il y eut la crise de 1929. Celle qui vient risque d'être pire, car la mondialisation a supprimé les cloisons plus ou moins étanches qui séparaient les grandes aires économiques à l'époque. Déjà, on voit que s'accentue la paupérisation des classes moyennes occidentales déclenchée par la mondialisation à partir des années 1980. La perte de valeur du mark sous la République de Weimar a laissé l'image de consommateurs achetant leur pain avec une brouette de billets. Le grand collapsus financier à venir pourrait ressusciter ce genre de scène dans les pays développés. La situation sera encore pire dans les pays en voie de développement dont la plupart sont déjà dans une situation précaire. Séismes politiques et géopolitiques La crise économique et financière provoquera des séismes politiques et géopolitiques. Le fondamentalisme et le terrorisme islamistes progressent en certaines parties du monde. Comme Daech en Irak et en Syrie, malgré sa défaite militaire de la fin des années 2010. Retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, réislamisation accélérée de la Turquie sous la férule d'Erdogan, contamination de l'Afrique sub-saharienne et de l'Afrique de l'Ouest par les filiales d'Al Qaida et de Daech, ramifications de ces organisations en Asie (Afghanistan, Philippines, Indonésie...), prévalence des partis islamistes au Pakistan... Face à Europe, l'Afrique du nord est elle-même concernée. La Libye est devenue un chaudron islamiste depuis la mort de Kadhafi, la Tunisie le devient depuis la chute de Benali, le maréchal Al-Sissi maintient la marmite islamiste égyptienne sous un couvercle prêt à sauter. Le collapsus économique et financier mondial (avec son cortège de misère, de famines et d'épidémies) ouvrira des boulevards aux islamistes pour s'emparer d'appareils d'Etat bancales pour la plupart, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. La Troisième Guerre mondiale On assiste au retour des guerres interétatiques. Aujourd'hui, c'est la guerre Otan-Russie en Ukraine, donc sur le sol européen. Les Etats-Unis la pilotent dans le but d'affaiblir la Russie, qu'ils ambitionnent de disloquer pour la vassaliser et encercler la Chine. Car demain, ce sera la guerre entre les Etats-Unis et la Chine, probablement déclenchée par la pomme de discorde qu'est Taïwan. Les deux géants s'y préparent : course frénétique aux armements, découplage progressif des deux économies, embargo américain sur les puces électroniques à destination de la Chine... En effet, les Etats-Unis n'accepteront pas de laisser la Chine leur ravir la première place dans l'économie mondiale sans utiliser contre elle leur gigantesque appareil militaire, financé par un budget annuel de plus de 700 milliards de dollars. Certains hauts dirigeants américains ne s'en cachent même pas. Par le jeu des alliances, la guerre Etats-Unis-Chine s'étendra à l'ensemble du monde, en un cocktail d'affrontements civils et internationaux et de terrorisme. Avec en toile de fond la crise économique et financière mondiale génératrice de pénuries. Donc de fanatismes en tous genres. A la faveur de la guerre en Ukraine, les Etats-Unis ont plus que jamais enfermé les pays européens dans l'OTAN. Ces derniers sont donc enrôlés à l'avance dans leur future guerre avec la Chine. Refusant que Pékin, en envahissant Taïwan, contrôle la jugulaire maritime qu'est la mer de Chine pour l'Asie du Nord Est, le Japon sera aux côtés des Etats-Unis. Il est lui aussi engagé dans une course aux armements. L'Australie et la Nouvelle Zélande sont des alliées inconditionnelles de Washington. L'Inde, géant rival de la Chine en Asie, sera elle aussi du côté américain. En face, le Pakistan musulman, viscéralement opposé à l'Inde, sera aux côtes de la Chine. Quant à l'Iran, hostile aux Etats-Unis et à Israël et dès aujourd'hui parvenu au seuil nucléaire, il sera allié de la Chine. La Russie sera dans le camp chinois, puisque l'Occident l'y a rejetée. La Turquie, devenue un Etat phare de l'Islam, attaquera l'Europe du Sud dont la France. Elle entraînera à sa suite quelques Etats d'Afrique du Nord et du Moyen Orient tombés aux mains des islamistes radicaux, qui offriront à leur jeunesse confrontée à la misère un dérivatif dans des razzias sur cette Europe tant convoitée. Une Europe qui aura fort à faire, entre les menaces à ses frontières et la cinquième colonne islamiste pilotée surtout par la Turquie à l'intérieur de ses territoires. La France sera appelée à jouer un rôle central dans cette configuration européenne.

02/2024