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Lysistrata tragédie

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Littérature française

Oeuvres complètes. Volume 23, Romans Tome 5 (1917-1921)

Les années sombres de la Grande Guerre se reflètent dans l’oeuvre romanesque de Ramuz : la proximité de cette tragédie collective modifie en profondeur le regard de l’écrivain. La critique est unanime à reconnaître dans Le Règne de l’esprit malin, paru dans les Cahiers vaudois en 1917, un tournant : Ramuz y abandonne les intrigues articulées autour d’un personnage-héros au profit d’un tissage de plusieurs trajectoires, affectées par un événement d’ampleur métaphysique. Roman « mystique », donc, puisqu’il donne à voir l’éternelle lutte du bien et du mal, et que le poète y cherche, par l’écriture, à rendre visible le surnaturel. Au diabolique Branchu qui, dans Le Règne de l’esprit malin, perturbe la quiétude villageoise, s’oppose la pure Marie Grin de La Guérison des maladies. Publié en 1917 dans les Cahiers vaudois, ce « mystère » lémanique met en scène un groupe de marginaux touchés par la grâce de cette jeune thaumaturge, dans une petite société fermée qui aspire à l’ordre bourgeois des bien-pensants. Paul Claudel, enthousiaste, souligne le paradoxe de ce « livre chrétien » où on ne « trouve pas une seule phrase qui parle de Dieu ». Dans Les Signes parmi nous, Ramuz agence en 1919, toujours à l’enseigne des Cahiers vaudois, une série de morceaux qui forment un « tableau » de l’atmosphère morose caractérisant la fin de la Première Guerre mondiale. Les catastrophes réelles (grippe espagnole, grève ouvrière, orages destructeurs) annonceraient-elles l’Apocalypse ? Si Caille, le colporteur biblique, incarne la face sombre d’un protestantisme sectaire, ce sont finalement les amoureux qui triomphent, témoins de l’éternel « recommencement » de la vie. Au début des années 1920, Ramuz met en chantier divers projets qui n’aboutissent pas. Seul « Travail dans les gravières » nous a semblé suffisamment achevé pour être publié. Dans ce roman inédit daté des premiers mois de 1921, l’écrivain concentre sa réflexion sur le destin d’un personnage qui illustre à l’extrême la condition de l’homme abandonné à lui-même. Le récit est représentatif de la production de cette période : audacieuse dans le style, exploratoire dans les formes narratives, philosophique quant au contenu. Ce volume contient Le Règne de l’esprit malin, La Guérison des maladies, Les Signes parmi nous et « Travail dans les gravières ». Le disque qui l’accompagne comprend une reproduction du manuscrit de « Travail dans les gravières » avec sa transcription en regard, les cinq versions du Règne de l’esprit malin (préoriginale de 1914, 1917, 1922, 1937, 1941), les trois versions de La Guérison des maladies (1917,1924, 1941) et les trois versions des Signes parmi nous (1919, 1931, 1941), qu’un logiciel permet de comparer.

09/2012

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Sciences politiques

Tchad : démocratie, crimes, tortures et mensonges d'Etat. Autopsie d'un assassinat annoncé le 3 février 1999, programmé et exécuté le 3 février 2008

Au cours de ses études en France, le Député Ngarlejy Yorongar a eu l'occasion d'avoir, en 1976, un collègue de stage à la préfecture de l'Oise (Beauvais) venant de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA). Celui-ci deviendra, plus tard, le Premier Ministre de France. Tout comme 1978-1979, il fut le condisciple de l'Université de Paris X Nanterre de M. Paul Stéphane Nicolas Sarkozy De Nagy-Bosca élu Président de la République Française. Agé de 60 ans, le Député Ngarlejy Yorongar a échappé plusieurs fois à la mort par tortures et notamment par balle au cimetière de Ngonbah à N'Djaména où les tueurs à gages d'Idris Déby l'ont conduit dans le dessein de l'exécuter froidement dans la nuit du 21 au 22 févier 2008 après l'avoir kidnappé, le 3 février 2008 à son domicile. Après avoir tiré deux balles dans la direction de sa tête dans le but de la broyer afin de le rendre méconnaissable. Le laissant pour mort, ils s'en sont allés tombaux ouverts vers N'Djaména avec la certitude d'avoir accompli leur sale besogne. Le Député Ngarlejy Yorongar s'est relevé et a pris la direction de Kousséri jusqu'à Maroua pour finir à Yaoundé où le gouvernement français l'a contacté pour lui proposer l'asile politique qu'il a poliment décliné, estimant que sa place est au Tchad pour continuer son combat. Accompagné par la Sénatrice française, l'Honorable Alima Boumediene-Thierry, membre du comité français de l'Union Interparlementaire de Genève, le Député Ngarlejy Yorongar est arrivé, en décembre 2008, à N'Djaména. Etant tombé, entre-temps, gravement malade, il s'est vu refuser le visa d'entrée en France où l'attendait son médecin du Centre Primo Lévi spécialisé en soins et soutien aux personnes victimes de la torture politique et physique. Condamné ainsi à une mort certaine, il est toutefois évacué par trois médecins à une clinique de Bruxelles où l'Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) a confirmé une thrombose dans son cerveau et un traumatisme au cou, thrombose et traumatisme consécutifs aux coups de crosse qu'il a reçus à la tête. Le Député Ngarlejy Yorongar que ses fans appellent affectueusement " Député des 301 puits de pétrole ou Cabri mort, etc. " raconte ici avec force les détails de son enlèvement, le 3 février 2008, par la garde présidentielle, sa séquestration dans une des prisons secrètes sise dans le jardin privé d'Idriss Déby à Farcha ; la mort d'Ibni Oumar Mahamat Saleh, les atroces tortures subies par Lol Mahamat. Choua, ancien chef de l'Etat du Tchad, le rôle de M. Bruno Foucher, Ambassadeur de France au Tchad et celui du dispositif militaire français Epervier dans cette tragédie.

05/2010

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Histoire internationale

Ma très grande mélancolie arabe. Un siècle au Proche-Orient

Dans ce livre, il y a des ruines et des martyrs, des vestiges, des temples, des sanctuaires, des portiques, il y a des tombes, des cercueils, des mausolées, des cimetières, des épitaphes. Il y a des sépultures mythiques et des fosses communes. Il y a des résistants tués, des révoltés abattus, des leaders assassinés, des enfants massacrés, des nationalistes pendus. Il y a des prophètes, des dieux, des vierges, des archanges, il y a des victimes et des assassins. Il y a aussi des citadelles, des basiliques, des mosquées, des dômes, des minarets, des miradors, des barbelés, des carcasses d'hôtels, de cinémas, des camps et des prisons. Et des détenus, des captifs, des séquestrés, des torturés. Il y a des condamnés à mort. Il y a des miliciens et des dictateurs, des fidayins et des moudjahidins, une infirmière kamikaze, une miss Univers et un prince rouge, des émirs, des sultans, des pachas, des califes, des patriarches et des poètes. Il y a le style, la flamme, la passion, l'idéal, la cause. Il y a Septembre noir et la bataille de Karbala, la corniche de Beyrouth et le discours d'Alexandrie, la tête de Jean-Baptiste et celle de l'imam Hussein, la fiancée de Naplouse et l'artificier de la Casbah, la prisonnière de Khiam et la dactylo d'Alger, les Boeing de la Pan Am et l'automobile du roi d'Irak, le minaret de Jésus et le rocher de Mahomet. Il y a aussi un imam disparu, un cheikh caché et un mufti éliminé. Il y a des keffiehs, des treillis, des lunettes noires, des turbans, des sahariennes, des drapeaux, des journaux, des slogans. Il y a des rois déchus, des présidents pendus, des colonels égorgés, des régents mutilés, des journalistes éliminés. Des shahs d'Iran et des rois du Hejaz, des sultans fatimides, des monarques hachémites, des khédives et des astres de l'Orient. Il y a des jacarandas, des palmiers, des grenadiers, des frangipaniers et des lauriers en fleurs. Il y a la plume, le mot, le verbe, l'éloquence, il y a le discours et le slogan, l'étendard et le combat, et il y a des attentats, des processions, des funérailles, des cortèges, des pleurs. Et aussi des colonnes, des chapiteaux, des gisants, des sarcophages. Des tombeaux phéniciens, des nécropoles romaines, des pyramides égyptiennes. Il y a des blasts d'explosions. Il y a du sang, des soupirs, des larmes, de la poussière, de la fumée, des bris de verre, des décombres, la désolation, l'exil, l'agonie, la tragédie, le deuil. Des couronnes, des fleurs, des rubans, des chants, des youyous. C'est une danse macabre. Il y a un siècle au Proche-Orient.

10/2017

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Biographies

Nous nous retrouverons un jour. Catastrophe aérienne à Bahreïn

Une série de signes annonciateurs d’une tragédie

Août 1946. Le paquebot Chantilly reprend ses rotations sur l’Extrême-Orient. Pour ce premier voyage, il achemine, dans le cadre des rapatriements sanitaires d’après-guerre, des Malgaches et des Asiatiques en plus des passagers qui tentent l’aventure Indochinoise. Un petit groupe d’Indochinois sera suspecté de tentative de sabotage.

Juin 1950. La ligne aérienne Saigon-Paris est l’une des plus sûres de l’Extrême-Orient. Pourtant, plusieurs événements vont venir perturber une organisation jusqu’ici sans faille et conduiront à la double catastrophe aérienne de Bahreïn, restée sans précédent dans l’histoire de l’aviation commerciale.

Les protagonistes : Annick Audierne épouse Clochec (1922-1950), la tante de l’auteur et Jean son mari (1921-1950).

Source : Au décès de sa grand-mère, l’auteur découvre les lettres que sa fille lui écrivait, tous les quinze jours, de Saïgon, entre 1946 et 1950. Cette mémoire familiale, d’une tante qu’il n’a pas connue, lui a donné l’envie de reconstituer les derniers instants d’un couple qui était tout proche de réaliser un grand rêve.

Résumé : Annick Clochec a 28 ans quand, en août 1946, elle embarque à Marseille à bord du paquebot des Messageries Maritimes « Chantilly », pour rejoindre son mari à Saïgon. Incidents techniques à répétition et tentatives de sabotage vont retarder considérablement la marche du navire. À l’escale de Tamatave et après un arrêt technique d’un mois, le navire n’aura pas l’autorisation de poursuivre sa route vers Saïgon et devra revenir, avec ses passagers, à Marseille. Avec ses passagers, mais sans son capitaine hospitalisé à Tamatave. C’est sur un navire-hôpital Britannique, à destination de la Corée, que les passagers du Chantilly seront transférés, à Port Soudan. Pendant ce retour, on apprendra le décès du Capitaine sans que la cause en soit vraiment élucidée. Maladie ? Suicide ?

Après quatre années passées à Saïgon, Annick et Jean Clochec rentrent en France pour des vacances. Ils ont choisi le plus beau, le plus rapide, le plus prestigieux des avions, le « Constellation ». Mais ce jeune couple va être confronté à des circonstances, toutes plus invraisemblables les unes que les autres, qui trouveront leur épilogue lors de la catastrophe aérienne de Bahreïn en juin 1950 où ils disparaîtront tous les deux. À deux jours d’intervalle, au même endroit, à la même heure, deux avions identiques de la compagnie Air France avec des pilotes chevronnés vont s’abîmer en mer. Le bilan est effroyable, 86 victimes et 19 rescapés dont les témoignages sont poignants. Sabotage ? Problèmes mécaniques ? Problème météo ? Erreur humaine ? Toutes les hypothèses sont analysées de manière critique.

10/2022

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Bretagne

Contes et nouvelles du pont pissette

Contes et nouvelles, contes ou nouvelles ? La frontière n'est pas nette. Un seul impératif les gou­verne : ils doivent être brefs, pour pouvoir être lus d'un coup, dans une salle d'attente, ou entre deux stations de métro. C'est le format de ces vingt Contes et Nouvelles du Pont Pissette, écrits entre fé­vrier et juillet 2017. Bien qu'ils doivent leur titre à une célèbre passerelle quimpéroise, ainsi nom­mée en référence à un défunt édicule, seulement cinq d'entre eux ont un lien direct avec Quimper. Les autres, s'évadant du pont Pissette, embarquent le lecteur dans un tour de Bretagne à sensation, via Plomelin (Le match), Pont-l'Abbé (Trépas), Douarnenez et le Raz de Sein (Qui voit Ouessant), Boston et Brest (La Marseillaise), Huelgoat (Arlette), Silfiac et Séglien (Jeu de vilains), le camp de concentration de Neuengamme ? en rapport avec la Bretagne ? (Typhus) etc. Même lorsqu'ils s'ap­puient sur des faits réels, sont bien documentés et donnent aux personnages et aux lieux leurs noms véritables, ces contes et nouvelles ne visent pas la vérité historique. L'ima­ginaire les habite aussi ; l'approche, le style, le ton, sont littéraires : ce sont des oeuvres de fiction. Mystères de Quimper : à la lueur des becs de gaz, le fourgon de la guillotine entre en gare, arrimé sur un wagon-plateforme. Deux chevaux hissent la machine jusqu'à la Place Mesgloaguen : à l'aube, un homme va mourir. Au manoir de Kerlagatu, un duel à l'épée échappe à ses arbitres. Un funeste voyageur, arrivé dans la nuit, se répand sur la ville. Mystères d'autres lieux de Bretagne : la charrette de l'Ankou traverse Pont-l'Abbé ; une tragédie se joue la nuit, dans le Raz de Sein ; un lion sème la terreur du côté de Treffiagat ; un Lancaster de la RAF, chargé de bombes incendiaires, s'abat sur la Feuillée ; des marins dansent la gavotte sur le port de Guilvinec ; l'étudiant Arthur écrit à son père, médecin à Lamballe ; la laïcité reçoit le baptême à Landudal ? Tandis que l'eau coule sous le pont Pissette au rythme des marées, sous la garde de la dame-pipi, Tarzan brûle dans les chaudières de la préfecture, les serpents-minute tombent des arbres dans la jungle de Cochin­chine, et le SS Fiekers, alias Bel Ami, joue de son gummi et fait tirer dans le tas. Pépé, dans son pantalon garance, charge à la baïonnette contre un nid de mitrailleuses, le lieutenant Jim Europe dé­barque en jazz sur les quais de l'arsenal de Brest, et tout cela vous tombe dessus sans crier gare. On pourrait lire ces Contes et nouvelles du pont Pissette à voix haute, mais peut-être pas toutes aux enfants, avant de les coucher.

03/2021

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Romans graphiques

La divine comédie d'Oscar Wilde

Le 30 novembre 1900, Oscar Wilde meurt, à 46 ans seulement, dans une chambre miteuse d'un petit hôtel rue des Beaux-Arts à Paris. Il avait été emprisonné cinq ans plus tôt pour homosexualité, et l'intégralité de ses biens avaient été saisis. Après deux ans de travaux forcés, une fois libéré, il avait quitté l'Angleterre pour Paris, sous une fausse identité, où il a vite sombré dans la déchéance. Démuni, alcoolique, il n'a plus écrit une seule ligne. Antithèse de cette fin de vie misérable, l'existence du dramaturge et poète irlandais a été conçue comme une oeuvre d'art. Il considérait en effet sa vie comme le lieu de son génie, tandis que son oeuvre n'était que celui de son talent. Wilde a toujours aimé se regarder dans le miroir de La Divine Comédie, jusqu'à en comparer des passages à des épisodes de sa propre vie. Sa mort, image du drame implacable d'un homme ayant tout eu et tout perdu d'un coup, n'est en outre pas sans rappeler le huitième cercle de l'Enfer de Dante, le Malebolge. Sous le pinceau virtuose de Javier de Isusi, dans une ambiance crépusculaire rehaussée par de superbes lavis sépia, se déroule l'inexorable descente aux enfers d'Oscar Wilde : dans les méandres de nuits parisiennes, entre alcool, voyous et prostitués, ou lors de rencontres avec Gide, Toulouse-Lautrec, les frères Machado et les rares amis qui ne l'avaient pas abandonné. Le récit de la chute du poète s'interrompt parfois pour donner voix et corps aux autres protagonistes de la tragédie qui se joue, à travers de brefs entretiens imaginaires délivrant anecdotes et impressions personnelles. Javier de Isusi ne se borne donc pas au rôle de biographe scrupuleux à l'ouverture de son petit théâtre sur la scène duquel défilent les trois dernières années de la vie d'Oscar Wilde. Il se pose en investigateur, interrogeant l'homme et l'oeuvre. Qui était cet écrivain déchu qui, quelques années plus tôt, outrait les conformistes avec ses phrases assassines et ses élégants paradoxes ? Le personnage Wilde avait-il fini par engloutir son créateur ? Pour quelles raisons avait-il cessé d'écrire à sa sortie de prison ? Tentant d'éclaircir ces quelques mystères, Javier de Isusi fait petit à petit tomber le masque du poète. Il dresse un portrait d'homme sans filtre tout en livrant un récit passionnant sur l'art et la vie, la morale et le plaisir, l'être et le paraître. Le 22 octobre 2020, Javier de Isusi s'est vu décerner le prestigieux Premio Nacional del Cómic, sous le parrainage du ministère de la Culture espagnol, pour La Divine Comédie d'Oscar Wilde.

04/2021

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Théâtre

Salomé. Une pièce de théâtre de Oscar Wilde

Salomé est une tragédie d'Oscar Wilde dont la version originale de 1891 est en français. Une traduction en anglais a suivi trois ans plus tard. La pièce, en un acte, repose sur l'épisode biblique de Salomé1, belle-fille du tétrarque de Galilée Hérode Antipas, qui, à la consternation de son beau-père, mais au grand plaisir de sa mère Hérodiade, demande qu'on lui apporte la tête de Iokanaan (Jean le Baptiste) sur un plateau d'argent comme récompense pour avoir exécuté la danse des sept voiles. Versions et premières Wilde écrivit cette pièce à Paris, où il s'était retiré après avoir achevé L'Eventail de Lady Windermere. Il la dédia à Pierre Louÿs, qui apporta quelques corrections au texte mais n'intervint que très peu. Séduite par le rôle-titre, Sarah Bernhardt décida de l'interpréter elle-même, et les répétitions commencèrent au Palace Theatre de Londres. Ces répétitions durent toutefois s'interrompre lorsque la censure du Lord Chamberlain eut interdit Salomé au motif qu'il était illégal de représenter sur scène des personnages bibliques. Indigné, Wilde envisagea de renoncer à sa nationalité britannique et de devenir français afin de ne plus avoir à subir de telles restrictions. Le texte de la pièce fut publié pour la première fois en français en 1893. Dans un article intitulé "The Censure and Salomé" , publié dans la Pall Mall Gazette du 29 juin 1892, interrogé sur la raison pour laquelle il avait écrit Salomé en français, Wilde déclare : "I have one instrument that I know I can command, and that is the English language. There was another instrument to which I had listened all my life, and I wanted once to touch this new instrument to see whether I could make any beautiful thing out of it. Of course, there are modes of expression that a Frenchman of letters would not have used, but they give a certain relief or color to the play. A great deal of the curious effect that Maeterlinck produces comes from the fact that he, a Flamand by grace, writes in an alien language. The same thing is true of Rossetti, who, though he wrote in English, was essentially Latin in temperament". 3, a La traduction en anglais parut en 1894 chez les éditeurs Charles Elkin Mathews & John Lane, avec des illustrations dues à Aubrey Beardsley. Sur la page de dédicace, Wilde indique comme traducteur lord Alfred Douglas. En fait, Wilde s'était querellé avec lui au sujet de la traduction, peu satisfait de ce travail dont "le résultat fut décevant4" . Il semble que le texte anglais soit l'oeuvre de Wilde lui-même, qui s'est fondé sur ce qu'avait fait Alfred Douglas.

02/2023

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Littérature française

Paris

"La province fournit Paris en combustibles : je décidai donc de m'y brûler, et pas simplement les ailes. Je n'avais pas d'ailes de toute façon. Je n'avais rien, à part cent francs en poche et la chance, grâce à un gardien de nuit complaisant, de pouvoir dormir dans les travées de la bibliothèque du centre Beaubourg, parmi les livres. Du coup j'ai lu. A l'aube, je quittais les lieux, allant traîner mes drôles de guêtres dans les rues. Je n'avais aucune connaissance, pas vraiment d'amis, zéro petite amie. Je n'avais que moi, la solitude qui pesait sur moi, et ce ciel grand cendre au-dessus de ma tête. Je me nourrissais de grec-frites. J'ai fini par rencontrer des gens. Roger Knobelspiess, ex-lieutenant de Mesrine, m'a prêté un minuscule gourbi. J'ai vécu dans un squat. J'allais bien, je ne me plaignais jamais : j'étais heureux car je savais que vingt-cinq ans était un âge inventé pour cette misère marrante, cette mélancolie spéciale, cette errance pathétique. Je me regardais en train d'être ce que je voulais devenir, ou plutôt, je m'observais en train de devenir ce que je voulais être. Paris, c'était l'édition : j'allais donc tout donner pour faire mon trou, me faire un nom, devenir célèbre - ou finir dans le caniveau, sous la pluie battante, m'enrhumer, et mourir. J'ai surjoué tout ça, avec un zest de romantisme béat, assez content de ma condition, fier de n'être rien et de vouloir beaucoup. J'ai tapé à des portes. Des gens ont été méchants. J'ai insisté. D'autres ont été gentils. Paris est une galerie de leurs portraits, mâtinée d'épisodes de galériens. J'ai beaucoup arpenté, beaucoup marché, beaucoup espéré, énormément souffert mais je dois dire que jamais je ne me suis ennuyé. Des instants de tragédie ? Il y en eut ; des scènes de comédie : plus encore. Vous allez me suivre ici en train de réussir et de rater, en train de séduire et d'échouer, en train de m'introduire dans cocktails et de m'y faire éjecter, en train de gagner un peu d'argent et d'en perdre beaucoup, en train de me faire quelques amis et de me fâcher avec eux, en train de rire souvent et de pleurer parfois. En train, surtout, d'oublier en moi le provincial, ce qui est toujours une erreur et mène droit au ridicule. Un Rastignac de plus parmi les pots d'échappements. Des débuts dans la vie ? Non : un commencement dans la carrière. Sauf que je n'ai jamais fait carrière dans quoi que ce soit. Voilà en tout cas, chers amis, comment tout a commencé". Y. M

08/2022

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Code pénal

Le déni du viol. Essai de justice narrative

Un essai qui dit la puissance mobilisatrice du récit, source essentielle et nécessaire d'un Droit vivant. Depuis #MeToo, une nouvelle sensibilité centrée sur la femme, son histoire, son corps et ses droits s'est imposée. Les souffrances privées se sont invitées dans l'espace public et nous interpellent en toute légitimité, revendiquant une place dans une mémoire partagée qu'il revient au Droit d'instituer. Toutes ces femmes viennent dire haut et fort que cette violence intime ne peut plus être masquée par les mots du Droit. Mais comment une scène pénale pourra un jour réparer une commotion psychique aussi intime ? Une scène de procès est le miroir d'une société démocratique, au terme de laquelle la parole doit faire oeuvre de reconnaissance. Pour le juge, l'enjeu d'un débat contradictoire est d'établir les faits objectifs dans un temps et un espace délimité. Sa démarche relève d'une grammaire juridique en opposition avec " la grammaire de l'action militante ". Autrement dit, vu de près, un procès est une bataille du langage. Il ne s'agit pas de combattre une loi, mais une culture, un vocabulaire, une manière de penser. Son enjeu est de remettre sans cesse des mots justes sur des actes. Face à une justice hors d'atteinte et inadéquate, la plainte se constitue dans un récit porté devant son lectorat. La démarche de Vanessa Springora, par exemple, est comparable à celle des héroïnes de la tragédie grecque (Antigone ou Electre) interdites de parole sur l'agora et qui se placent sur la scène pour se faire entendre. Sources agissantes d'un droit vivant, ces récits de justice font partie de notre culture, au même titre que la littérature et la peinture. Fiction, témoignage ou expérience, ils donnent la mesure de la détresse extrême qui emporte ces figures féminines. C'est là, dans des arènes discursives parallèles, que sont nommées pour la première fois le viol conjugal, le harcèlement sexuel au travail ou les discriminations sexuelles à l'emploi - soit autant de situations vécues au quotidien par les femmes dans un espace privé qui jusque-là n'avaient pas de vocabulaire capable de les identifier, de les contester publiquement ou de les politiser, ni les moyens qu'ont aujourd'hui les réseaux numériques pour porter cette contestation dans un espace public élargi. Car ces voix singulières doivent se faire entendre dans l'espace public. C'est la condition pour qu'une société accède à une nouvelle conscience d'elle-même. Au terme d'un essai entre littérature et droit, entre la cause des femmes et leur plainte en justice, entre le cri de colère et le langage du droit, entre l'urgence d'une réponse et les pesanteurs institutionnelles, Denis Salas montre comment la chair émotionnelle du témoignage redonne un contenu aux mots du Droit.

06/2023

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Littérature française

Boza !

Le périple bouleversant d'un adolescent migrant à la conquête de sa liberté. Enfant de Bonaloka, un bidonville de la banlieue de Douala au Cameroun, Petit Wat est un jeune homme haut en couleurs, qui fait les quatre cents coups avec ses copains de quartier. Mais le jour où ses parents ne peuvent plus payer sa scolarité, ses perspectives s'écroulent. Sans avenir chez lui, il décide de partir et de prendre la route de l'Europe pour accomplir ses rêves, malgré la douloureuse séparation et les pleurs de son frère. Avec un petit sac troué, une paire de Converse rose et une immense foi en lui-même, Petit Wat découvre la réalité de cette route migratoire avec ses yeux d'adolescent. Il tremble à chaque contrôle, effrayé par les frontières, tandis que les convoyeurs payent les policiers pour passer. Abandonné par un passeur aux portes du Niger, il doit affronter seul ghettos et déserts. Face aux violences et horreurs, il peut compter sur les mains tendues d'inconnus qui l'aident à traverser ces épreuves. Leurs mots, leur courage et leurs prières redonnent de l'humanité à une route qui en manque tant. Arrivé au Maroc, Petit Wat entre rapidement en forêt. Des centaines de jeunes déshérités se regroupent au Gourougou et s'organisent pour affronter le " monstre à trois-têtes " : des barrières massives séparant l'Afrique de l'Europe. Peuvent-ils vraiment vaincre le monstre et faire boza, soit passer en Europe ? Et de l'autre côté, quel sort les attend ? Dans Boza ! , Ulrich Cabrel et Etienne Chambron proposent un nouveau regard sur les réalités migratoires, sans cliché ni bien-pensance. L'entrain et la verve des personnages contrastent avec les enfers qu'ils traversent, offrant à ce texte initiatique une tonalité inattendue. Roman d'aventures du réel, il décrit pourtant l'une des plus violentes tragédies de notre époque. Ce roman présente la singularité d'avoir été co-écrit par un jeune expatrié et son hébergeur solidaire en Bretagne. Il parle de l'accueil et de l'intégration, il en est aussi un résultat - une rencontre des mots et des visions du monde. C'est pour mieux se connaître et se comprendre que Ulrich Cabrel confie à Etienne Chambron le " roman de sa vie ". Ses expressions désopilantes et son regard épicé sur la société française font rire et réfléchir.

02/2020

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Littérature étrangère

Le temps des vrais bonheurs

Aruna, une jeune femme d'origine bengali, vient de décider de quitter Londres, ainsi que son mari, et de rentrer à Singapour. Le déclencheur ? Les vers d'un poète bengali : "Il est temps de cesser le combat et de rentrer à la maison". Son combat, c'était vivre à cent à l'heure, refuser son traitement médical pour troubles psychologiques, et boire, fumer, faire l'amour sont devenus ses addictions, plus douces que d'autres par le passé. Désormais, cesser de se battre et rentrer. Trouver l'apaisement, même si c'est un peu vivre à moitié. Et rentrer, même s'il est toujours plus facile de fuir. Hari Hassan est en fin de vie à l'hôpital de Kuala Lumpur. Immobilisé sur son lit, il dépend des infirmières pour tout, et souhaiterait qu'on le laisse partir. Lourd de remords, Hassan se souvient. De la guerre fratricide et de la partition entre l'Inde et le Pakistan. De la seule femme qu'il ait jamais aimée, avec laquelle il n'a pu se marier : il n'a jamais su ce qu'était devenue leur fille, qui devait être adoptée. Alors que lui-même a épousé plus tard une femme qu'il n'aimait pas, et dont il a eu un fils, Jazz. Hassan trouve qu'il est temps de cesser le combat et de rentrer à la maison, lui aussi : faire la paix, que son fils Jazz lui pardonne et le laisse partir. Jazz vit à Singapour. Travail logement partenaire : il peut cocher chaque case, et aurait donc tout pour être heureux ? Mais il n'a pas oublié Aruna, son double, sa soeur, sa petite amie, son amie pour la vie. Inséparables depuis leurs douze ans jusqu'à ce qu'elle disparaisse du jour au lendemain, deux ans plus tôt. Jazz a toujours su qu'elle finirait par rentrer chez elle. Mais sait-elle seulement où c'est, chez elle ? En trois jours et trois nuits, les tragédies ordinaires se nouent et se dénouent, comme si l'on retournait une boule à neige sur chaque métropole, faisant tourbillonner les regrets et les espoirs au milieu des préoccupations quotidiennes. Jusqu'à ce que la neige se dépose, et que l'on puisse décider de garder une chance de goûter au bonheur, et de vivre.

06/2014

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Littérature française

Mille et un bébés. Mes histoires extraordinaires de maternité

On ne compte plus celles qui ont franchi le seuil de son cabinet. Obstétricien et gynécologue, spécialiste de la procréation médicalement assistée (PMA) de renommée internationale, le Professeur François Olivennes redonne chaque jour espoir à des femmes et des couples infertiles. Et souvent bien plus que l'espoir : une chance de devenir parents. Parmi ses patientes, certaines l'ont particulièrement marqué, par leur originalité, leur opiniâtreté, leurs folles requêtes, aussi... Cet ouvrage relate quelques-unes des situations les plus mémorables auxquelles il a eu affaire : ainsi cette célèbre actrice américaine demandant au Pr Olivennes de la suivre dans le plus grand secret ; ou bien cette belle-mère qui vient le soudoyer pour que le premier de ses fils donne son sperme en lieu et place du second ; ou encore ce couple, elle quarantenaire et lui presque le double, qui vient évaluer ses chances d'enfanter... Il faut aussi répondre à la détresse - une grossesse désirée après la perte d'un enfant - ; à l'urgence - avant qu'un conjoint ne soit emporté par la maladie. Il est d'ailleurs souvent question de détresse et d'urgence dans le cabinet de François Olivennes : passés 37 ans, les femmes voient leur fécondité brutalement chuter, quant aux hommes, ils sont de plus en plus nombreux à avoir des problèmes de fertilité... Il y a aussi ces refus que le médecin doit opposer à d'improbables exigences qui portent atteinte à la loi ou au bien-être de l'enfant... Et bien sûr les questions éthiques auxquelles il se heurte, face au handicap, à la précarité ou à l'orientation sexuelle de certains patients : qui faut-il aider, et au nom de quoi renoncerait-on à le faire ? Mais ce livre dit avant tout la force du désir, la confiance nécessaire, et au milieu de trajectoires parfois douloureuses, la beauté, la cocasserie et la joie d'un métier. En effet, si les échecs et certaines tragédies le marquent profondément, quoi de plus heureux et valorisant pour un praticien consulté comme un sorcier de la vie que d'annoncer à une de ses patientes qu'elle est enfin enceinte ? Riche d'une expérience de plus de trente ans, il nous livre ici ses souvenirs les plus marquants dans un livre tendre, drôle, léger et instructif.

10/2022

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Régionalisme

Une saison de vent. Contes et légendes, poèmes et récits de Maurienne et d'ailleurs

Cet ouvrage que vous vous apprêtez à découvrir est un livre d'art... Enfanté, non pas créé, mais de même nature que le désir de l'auteur qui l'a porté en elle pendant des années, il est le fruit du labeur de l'éditeur qui l'a tout amoureusement confectionné dans les marmites de l'imprimerie afin qu'il apparaisse aux yeux de tous comme un objet d'art. Car l'écrivain, le poète, le conteur, le chanteur, mais aussi le peintre, le sculpteur, le photographe... et combien d'autres talents encore ? qui l'a réalisé est un artiste total. Magie des mots ; enchantement du regard posé sur les choses et sur les gens; alchimie du cœur ! Telles sont les solutions (comme diraient les chimistes) que Rosine Perrier applique avec sa conscience de femme du XXe siècle aux problèmes que se pose tout être humain depuis les origines de notre commune humanité. Depuis qu'il y a Histoire. Inséparable de sa personnalité, riche, tendue, ouverte, généreuse, l'art de Rosine Perrier se fait multiple, vise tous azimuts, pour transformer les plaies ouvertes ou (mal) refermées, les silences et les souffrances, en or pur du langage salvateur. Nous l'avons déjà tous et toutes lue quand elle portait à bout de bras les témoignages des enfants martyrs de la Maurienne déchirée par les tragédies de la seconde guerre mondiale (J'appartiens au silence - Maurienne, vallée rebelle et vallée martyre). Les peurs et les angoisses qu'elle rapporte dans ce nouveau livre sont bien les mêmes si elles s'originent dans le patrimoine ancestral des Mauriennais, le fond du temps d'une vallée... Et il n'est pas si difficile d'établir des rapprochements entre les loups du Moyen Âge, les ours de la forêt profonde et les loups d'aujourd'hui, l'ours sanguinaire rodant autour de nos cités... Quant à l'esprit malin si redouté par nos grands-mères, qui ne le suit à la trace des Aiguilles d'Arves à Biograd ? Pourtant n'allez surtout pas croire que ce livre voluptueux, autant par la tendresse des peintures que par la douceur des mots n'est que méphistophélique. Il reste des voix d'amour et de passage, beaucoup de contes et de légendes et pour finir la complainte du petit ramoneur. L'ÉDITEUR

07/2002

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Critique littéraire

Erich Maria Remarque. Le dernier romantique

La première biographie publiée en français d'Erich Maria Remarque, l'un des plus célèbres écrivains allemands. Ni inutilement érudite, ni romancée, mais rigoureusement documentée et ne négligeant aucun aspect important de l'existence, le sobre compte rendu des faits qu'elle propose ne rend que plus saisissante l'étonnante vie de l'auteur de A l'Ouest rien de nouveau. Ecrivain d'abord haï par les nationalistes et les militaristes de son pays dans l'après première guerre mondiale, puis contraint à l'exil par le régime nazi dont il fut l'un des ennemis personnels, il demeura calomnié jusqu'à la fin de sa vie par ses compatriotes pour avoir osé évoquer leur sort sans l'avoir partagé, jalousé et méprisé par ses pairs, tout en restant peut-être l'auteur le plus lu de la seconde moitié du vingtième siècle et celui dont Hollywood adapta quasiment toute l'ouvre, avec plusieurs films mémorables. La biographie de Hilton Tims éclaire de manière remarquable, en la révélant à nu sans l'appauvrir, la trajectoire de cet auteur qui fut confronté directement, et qui s'opposa viscéralement, aux deux tragédies que furent la Grande Guerre et le nazisme, qui lia son destin à certaines des femmes les plus flamboyantes, émouvantes et célèbres de son époque, Marlène Dietrich en tête, qui ne cessa de s'attacher à l'écriture d'une ouvre montrant le problème des existences jetées dans la violence de l'histoire et sur le développement de laquelle la gloire immédiate jeta un manteau d'ombre. De la boue des tranchées aux lumières d'Hollywood, de la pauvreté et de l'anonymat au succès mondial, du désir sans joie à la quête de la femme sublime, du goût inapaisable du bonheur, de la légèreté et de la beauté à l'horreur du totalitarisme, de la solidarité avec les victimes à la détresse personnelle de l'exil et de la dépression, les tourments dont l'existence et l'écriture d'Erich Maria Remarque furent constamment hantées et brisées firent naître en lui une conscience existentielle, politique et éthique singulière dont les réponses furent le témoignage, l'art et l'amour. La vie exceptionnelle d'un homme dont l'ouvre fut de résistance à l'idéologie et d'affirmation de la valeur de la vie humaine.

06/2014

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Histoire de France

Le crime d'aimer. Les enfants du STO

Combien de prisonniers et de requis du travail français, pris au piège de l'amour, furent expédiés en camp de concentration tandis que les femmes allemandes, coupable d'avoir avec eux " souillé la race ", moururent à Ravensbrück ? La France a fourni au IIIe Reich, avec la Russie et la Pologne, le plus gros contingent de travailleurs. Contraints et forcés par les lois de Vichy imposées par l'occupant, prés de deux millions de prisonniers de guerre français - les KG - et un million de requis du travail - les STO - ont travaillé dans les usines, les ateliers et les fermes du Grana Reich. Dès 1940, la Gestapo promulgua un décret selon lequel " les prisonniers de la guerre français pris à des relations sexuelles avec des jeunes femmes allemandes devaient être punis de mort, de même que les prisonniers polonais ". Les peines qui furent infligées aux KG ou aux STO équivalaient souvent à la mort. Les femmes allemandes prises en faute suite à des dénonciations et des commérages subirent de interrogatoires musclés. Parfois tondues et exhibées dans les rues sous l'oeil vigilant de la Gestapo, elles finirent souvent leurs jours en camp de concentration. Même certaines mères parvinrent à fuir ou à se cacher avec leur bébé, la majorité des enfant de ces couples infortunés furent voués à l'éducation nationale-socialiste s'ils avaient l'air " aryen ", ou discrètement éliminés. Beaucoup de jeunes requis du travail et des prisonniers français, coupés de leur patrie, astreints à des travaux épuisants et sauver dangereux ont malgré tout trouvé le réconfort auprès de femmes du pays ennemies. Leurs amours furent une autre façon de dire " non " à Hitler. Aujourd'hui, des milliers d'enfants et de petits-enfants d'anciens KG et STO vivent en Allemagne et, pour un petit nombre, en France. Comme pour son précédent livre Enfants maudits, consacré aux enfants nés de liaisons clandestines entre de jeune appelés de la Wehrmacht et des femmes françaises, Jean-Paul Picaper donne ici la parole à ces enfants d'outre-Rhin. Le Crime d'aimer raconte leur calvaire dans l'univers démentiel de la dictature hitlérienne : des tragédies, quelques petits bonheurs, mais surtout des vies dévastées. Au regard des centaines de dossiers et d'archives inédite du IIIe Reich qu'il a étudiés, l'auteur nous fait découvrir des aventures humaines bouleversantes qui balisent les lourdes pages de l'histoire de la Seconde Guerre mondial.

04/2005

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Critique littéraire

Aguets. Journal 1988

"Cette fois nous n'avons plus le prétexte de Rome, de l'Italie, du voyage, du spectacle du monde : el viajo que narro es... autour de ma chambre, comme dit Carlos Argentino Daneri, l'admirable et ridicule poète, Second Prix National de Littérature, que Borges met cruellement en scène dans son Aleph. Et les aguets dont il est ici question sont bien souvent déçus, fatalement. Peuvent-ils offrir autre chose, dès lors, qu'une décevante lecture ? Pertinente inquiétude, certes, si je puis me permettre. Tandis que, d'un autre côté... , comme dit cette fois Laforgue, qu'en serait-il, je vous prie, d'une lecture qui ne serait pas décevante ? La littérature - nous n'y prétendons pas tout à fait, mais tout de même - la littérature ne commence-t-elle pas à la phrase qui ne fait pas absolument son travail, qui ne dit pas exactement ce qu'on s'attendrait à ce qu'elle dît, qui ne donne pas ce qu'on a payé pour qu'elle nous fasse entendre ? Et le comble de la forme journal, d'autre part, son essence, sa fin, son fin des fins, ne serait-ce pas de montrer un homme qui tiendrait avec une si maniaque assiduité son journal qu'il ne pourrait plus avoir d'autre activité journalière que celle-là, puisqu'elle lui prendrait tout son temps ? J'écris que j'écris Aguets, voilà quoi. Si notre scribe avait une existence palpitante, au contraire, s'il faisait tous les matins la révolution, l'après-midi la guerre, le soir l'amour et la nuit la critique de la Raison pure, non sans déjeuner entre temps avec Gorbatchev, goûter avec le prétendant au trône de Moldavie pour finalement dîner avec Arielle Dombasle, ou Marie-France Garaud, voire Bertrand Poirot-Delpech, ou l'inverse, je ne sais plus, il se ferait la part trop belle, à mon avis, et ce ne serait plus de jeu, vraiment. Ici rien de tel, rassurez-vous. Rien dans les mains, rien dans les poches (encore que...). Lisez Aguets, je ne saurais trop vous le conseiller : on s'y tient les côtes de bout en bout. C'est un bloc de pur glamour. Et l'on reste pantois de voir l'univers entier avec ses plages, ses bars, ses basiliques, ses cuisines, ses critiques littéraires, ses tragédies et ses beaux promenoirs, tenir à l'aise dans une si mince plaquette".

11/1990

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Théâtre - Pièces

Théâtre. 2011-2017

Tristesse et joie dans la vie des girafes Girafe est une petite fille de 9 ans. C'est sa mère qui lui a donné ce nom, car elle est grande. Un peu sur le modèle de Candide, elle va de rencontre en rencontre, en traversant une Lisbonne dévastée par la crise économique. Elle est accompagnée par son ours en peluche suicidaire : Judy Garland. Trois doigts au-dessus du genou Tiago Rodrigues a écrit Trois doigts au-dessous du genou à partir des archives de la censure, particulièrement hostile au théâtre, qui a sévi au Portugal pendant la dictature fasciste (1928-1974). Cette pièce, qui compte des extraits des plus beaux textes du patrimoine mondial, se présente comme une revanche sur l'histoire, un pied-de-nez aux censeurs transformés, malgré eux, en auteurs dramatiques. Entre les lignes Entre les lignes est une pièce courte, un monologue, centré sur le rapport entre un auteur de théâtre et son interprète. C'est le récit d'une expérience ratée, d'une série d'incidents. Un texte que l'acteur aurait dû interpréter seul sur scène, mais dont il a manqué toutes les échéances pour de mystérieuses raisons. L'acteur devient alors le personnage principal de sa propre fiction et part à la recherche de solutions pour réaliser ce spectacle, en s'engouffrant dans une espèce de labyrinthe initiatique aussi fantastique que poétique. Antoine et Cléopâtre A travers leurs corps et leur douce complicité, tout est histoire de projection. Obsédée, minutieuse, Cléopâtre décrit Antoine. Et vice versa. On imagine. Lui plonge à travers elle, il voit le monde par ses yeux. Et vice versa. Sur les murs, à travers des mobiles couleur désert et ciel, leurs ombres prennent corps tandis que le récit se déploie : Rome, l'Egypte, la guerre, l'amour, le déshonneur, la mort bientôt. Bovary Bovary est une adaptation libre du procès intenté à Gustave Flaubert en 1857. Cette pièce fait référence au réquisitoire et à la plaidoirie du jugement, ainsi qu'au roman Madame Bovary et à la correspondance de l'auteur avec Elisa Schlesinger. Iphigénie, Agamemnon, Electre Tiago Rodrigues s'empare de trois tragédies grecques majeures pour en filtrer une interprétation inconnue. Dans cette réécriture du mythe, le dramaturge lisboète se demande quelle pourrait être la destinée d'Iphigénie si les hommes - qui décident de son sort - n'étaient pas soumis à l'autorité des dieux ?

03/2023

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Art contemporain

Monuments de silence. Réappropriations mémorielles dans l’art contemporain

Bunkers de la seconde guerre mondiale désaffectés sur les plages normandes, statues de l'ère soviétique déboulonnés, monuments coloniaux relégués dans l'oubli ; étranges silhouettes, à la fois familières et distantes. Qui décide du paysage mémoriel, de la représentation de la mémoire collective ? Dans Monuments de silence, Anne Bernou interroge et documente la mouvance de la mémoire et la réappropriation par des artistes contemporains de monuments publics du passé, aujourd'hui désinvestis, oubliés ou détruits. De Jochen Gerz et son travail autour des monuments aux morts à la falsification volontaire de la mémoire de Christian Boltanski, des captations de la falaise des Bouddhas géants de Bâmiyân détruits par les talibans de Pascal Convert aux déclinaisons de bunkers opérées par Raphaël Denis, d'Amina Menia et son utilisation des archives des monuments algériens à la réflexion de Thu Van Tran autour des origines et de l'exil, des statues de l'ex-monde soviétique mises en scène par Emilija Skarnulyte aux installations autour de la fragmentation et de l'oubli de Marianne Mispelaëre, plusieurs générations d'artistes figurent dans cet ouvrage, des plus connus aux plus émergents, chacun se penchant à sa façon sur la question de la mouvance de la mémoire et de l'identité ; préfigurant pour certains d'entre eux les mouvements sociaux qui ont surgi aux Etats-Unis notamment, avec le mouvement Black Lives Matters. Chacun sonde, détourne et réactive, avec son langage artistique propre, les tragédies du XXe siècle, le passé colonial, les dominations politiques, et les autoritarismes mémoriels dont la trace parfois monumentale s'impose dans l'espace public. Cette diversité des approches par des artistes qui se confrontent au passé européen plutôt que de l'oblitérer, démontre l'infini registre des regards et des compréhensions, reliant la dimension intime à la dimension historique, dans une réactivation de la mémoire collective génératrice de présent réconcilié. Cet ouvrage porte sur le travail des artistes Mathieu Kleyebe Abonnenc, Niels Ackermann, Sammy Baloji, Joachim Bandau, Guillaume Barborini, Christian Boltanski, Pascal Convert, Sylvain Couzinet-Jacques, Nicolas Daubanes, Raphaël Denis, Leo Fabrizio, Jochen Gerz, Felix Gonzalez-Torres, Marie Havel, Kiluanji Kia Henda, Elizaveta Konovalova, Vladimir Kozin, Roland Anton Laub, Amina Menia, Marianne Mispelaëre, Yan Morvan, Tania Mouraud, Ciprian Muresan, Deimantas Narkevicius, näutil, Mathieu Pernot, Anne Reijniers & Rob Jacobs, Emilija Skarnulyte, Thu-Van Tran, Paul Virilio, VOID (Arnaud Eeckhout & Mauro Vitturini)

03/2023

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Architecture

Le Visiteur N° 29, avril 2024 : Le rêve européen. Edition bilingue français-anglais

Thème de ce numéro : Le rêve européen. Nos rues et nos places, nos habitations et nos monuments racontent une manière d'habiter le monde. De Paris à Budapest, de Barcelone à Berlin en passant par Rome, se profile le visage incertain d'une civilisation, construite autour de la raison, des sciences et des techniques. Thème de ce numéro : Le rêve européen. Nos rues et nos places, nos habitations et nos monuments racontent une manière d'habiter le monde. De Paris à Budapest, de Barcelone à Berlin en passant par Rome, se profile le visage incertain d'une civilisation, construite autour de la raison, des sciences et des techniques. Conquis sur le terrain des empires et des guerres, ce "nous " cherche encore ce qui le fait. Il ne saurait être défini essentiellement par des traités et une libre circulation des biens, des services et des individus : il y manque une ambition culturelle, de quoi engager une idée de l'autre, du partage, de l'Etat, de la nature, du pouvoir et des institutions, bref, un ensemble de concepts en prise avec un cadre bâti, qui tantôt les représente, tantôt leur résiste. S'il existe un dénominateur commun des grandes cités européennes, que signifie-t-il et comment se reconnaissent des parentés ? Quel rapport au passé, à la modernité et à l'universalité entretient-on dans les arts ? Comment le projet architectural et urbain peut-il entretenir le cosmopolitisme sans céder à une mondialisation uniformisante ? Comment saura-t-il défendre la singularité des lieux sans donner prise aux replis identitaires ? D'ailleurs, l'architecture et les usages qu'elle abrite peuvent-ils aider à situer les bornes du Vieux Continent, quelque part entre l'Atlantique et l'Asie ? Quel est le poids de la géographie dans la représentation des sociétés à l'heure de la virtualisation des échanges ? Ce qui divisait l'Europe jadis peine à devenir ce qui l'unit aujourd'hui, si l'on fait exception des tragédies. Les mythes restent fidèles aux nations. Or il y a bien un miracle européen, qui n'a rien à envier au rêve américain : il y aurait une manière de partager, de célébrer, de gouverner, de s'opposer et de tolérer qui nous caractérise et nous offre peut-être les moyens de vaincre les dangers politiques, sociétaux et écologiques de demain.

04/2024

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Littérature française

Sulak

Comme le dira plus tard le commissaire Georges Moréas, en d'autres circonstances, Bruno Sulak aurait pu devenir un des meilleurs flics de France. Mais le hasard a fait de lui un braqueur, sans doute le plus audacieux et le plus fascinant de son époque. Après avoir grandi à Marseille et brièvement fréquenté quelques voyous, Bruno intègre l'armée. Doté d'une mémoire prodigieuse, doué dans toutes les disciplines, il est rattrapé par un vol de motocyclette commis à l'adolescence. On le chasse sans le moindre égard. Il rejoint alors la Légion, comme son père. Sportif émérite, il s'entraîne au parachutisme, et bat le record de chute libre. Mais on lui refuse l'homologation de son exploit, à moins de s'engager pour 5 ans de plus. Une injustice qui le pousse à faire le mur pour aller passer le week-end en famille. Pendant son absence, l'ordre est donné à son régiment d'embarquer pour le Zaïre et ce qui n'était qu'une escapade devient une désertion. Il ne peut plus rentrer et bascule alors dans la délinquance. Avec son fidèle complice Drago, il se lance alors dans le braquage de supermarchés, rencontre la belle Thalie, une jeune fille de bonne famille qui va participer à certains vols à main armée, au volant de la Simca que Bruno utilise comme une signature à chacun de ses hold-up. Incarcéré une première fois, il étudie l'anglais et le droit, puis s'évade au nez et à la barbe des gardiens. Il s'attaque à des bijouteries, se présente chez Cartier en tenue de tennisman, une raquette à la main, profite d'une visite officielle d'Helmut Khol pour aller cambrioler un joailler parisien dans un quartier truffé de policiers... Adepte de la non-violence, il n'a jamais blessé personne, avait toujours deux balles à blanc dans son revolver au cas où on le forcerait à tirer. Généreux, épris de liberté, révolté par l'injustice, il se tint jusqu'au bout à son code d'honneur et ne dénonça jamais ses complices. Mais sa dernière incarcération à Fleury-Mérogis lui fut fatale : son ultime tentative d'évasion tourna à la tragédie et suscite encore la polémique. Il fallait toute l'ironie et le second degré de Philippe Jaenada pour trouver la bonne distance vis-à-vis de ce personnage magnifique. Construit sous forme d'anecdotes croisées, son récit nous permet de suivre en simultané l'évolution des personnages clefs qui vont s'associer à Sulak. Avec son humour pince-sans-rire et son style inimitable (usage immodéré des parenthèses, digressions en chaîne), Jaenada imagine ce que la vie de Sulak aurait pu être si tel ou tel événement ne s'était produit, montrant par là les hasards qui président au destin d'un homme. D'une grande tendresse à l'égard de son personnage, il dresse le portrait d'un homme intègre et retrace avec nostalgie cette époque où les gangsters avaient encore du panache.

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Thrillers

Brouillards

HUGO BOLOREN A NEW YORK PAR L'AUTEUR DE TERRA NULLIUS, PRIX LE POINT DU POLAR EUROPEEN 2022 Marcel Marchand, excentrique espion des services secrets français, est assassiné par des agents de la CIA dans l'immense réserve d'accessoires d'un célèbre théâtre de New York : le Edmond Theater. Avant de mourir, il a eu le temps de dissimuler, dans le fatras de décors et accessoires de scène, un mystérieux objet que la CIA comme la DGSE veulent récupérer. Suspectant que l'identité de nombre de leurs agents est tombée entre les mains des renseignements américains à cause de cet espion décédé soupçonné de trahison, les services secrets français veulent envoyer un inconnu hors du circuit pour récupérer l'objet caché. Or, Marchand a eu le temps de griffonner un nom avant de pousser son dernier soupir : "Boloren" . Comme le nom de cet ancien flic, Hugo Boloren, qui s'ennuie dans sa formation de zythologue ("c'est comme oenologue mais pour la bière") dans un petit village de montagne. Le colonel Grosset, haut gradé de la DGSE et cousin de l'ancien commissaire d'Hugo Boloren, va donc le convaincre de partir à New York, de s'infiltrer dans le Edmond Theater, d'identifier et de récupérer l'objet caché. A son arrivée, Hugo va découvrir le monde étrange de ce théâtre de Broadway dirigé par une équipe de Français aux nombreux secrets... L'intransigeant Felix, le gardien trisomique de la réserve d'accessoires, un directeur exhibitionniste, une régisseuse qui ressemble à Mary Poppins, un éclairagiste aveugle, un perroquet alcoolique, une vieille actrice qui a perdu la tête, un janitor de Harlem qui parle français avec l'accent d'un lord anglais, sans compter Clara Colombo, l'agent de la DGSE à peine majeure qui veille sur Hugo de loin, et Germain Jary, l'ancien consul qui tire les ficelles dans l'ombre... Toute cette petite foule évoluant dans un New York plongé dans une brume inquiétante et tenace dont on murmure qu'elle ne serait pas totalement naturelle. Et même si le colonel Grosset lui rappelle que sa mission se limite à retrouver l'objet caché et le rapporter en France, la petite bille qu'Hugo a dans la tête lui souffle de regarder plus loin. Qu'est-ce qu'un agent de la DGSE faisait dans le sous-sol de ce théâtre ? Pourquoi tout le monde est intéressé par cette montagne d'accessoires poussiéreux ? Est-ce vraiment un agent de la CIA qui a assassiné Marcel Marchand ? Pourquoi a-t-il écrit ce nom de "Boloren" avant de mourir ? Hugo va avancer à tâtons dans le brouillard de son enquête, dans le brouillard de sa vie personnelle et dans le brouillard de la ville de New York... Alors qu'au milieu de ces brouillards, la tragédie re, prête à frapper Hugo Boloren de plein fouet.

04/2023

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Pléiades

Oeuvres

Germaine de Staël a pour père Jacques Necker, ministre de Louis XVI, et pour mère Suzanne Curchod, qui tient un salon dont Diderot et Buffon sont les habitués. Elle accède dès son plus jeune âge au monde des Lettres, à celui des idées, au "monde" tout court. "Condamnée à la célébrité sans pouvoir être connue", elle entend être jugée sur ses écrits. Son premier ouvrage significatif est consacré à Rousseau. Elle est d'une certaine manière la fille des Lumières et de la Révolution. Elle deviendra, de son vivant, la femme la plus célèbre d'Europe. La destinée des femmes - en particulier la question de leur liberté - est au coeur de son oeuvre. Au tournant du siècle (1800), on lit dans De la littérature que l'ordre social est "tout entier armé contre une femme qui veut s'élever à la hauteur de la réputation des hommes". Cela se vérifiera. Le livre, ambitieux, se propose de "caractériser l'esprit général de chaque littérature dans ses rapports avec la religion, les moeurs et le gouvernement". La seconde partie est consacrée à "l'état actuel des Lumières en France". Le Premier Consul préfère entendre parler du siècle de Louis XIV. Il n'aura de cesse d'éloigner Staël et de l'empêcher de (lui) nuire. Elle met en pratique ses idées sur le roman avec Delphine (1802), que l'on citera, avec La Nouvelle Héloïse et Werther, parmi les modèles du roman moderne. La forme épistolaire rassure le public, mais le texte est un véritable terrain d'exploration psychologique. L'héroïne appartient à la même génération que l'auteur, partage ses espérances, doit comme elle faire son deuil de la société idéale à laquelle elle aspirait. L'amour est peut-être le "seul sentiment qui puisse dédommager les femmes des peines que la nature et la société leur impose" , mais que valent les sentiments face à l'opinion publique ? Comme Staël, comme bientôt Corinne, Delphine détonne dans une société qui préfère l'hypocrisie à l'enthousiasme. Le livre connaît un immense succès. La manière dont il aborde les questions politiques et sociales - émigration, religion, divorce - n'a rien pour plaire en haut lieu. Trop anticatholique, trop anglophile, trop révolutionnaire : Germaine de Staël devra désormais se tenir à plus de quarante lieues de Paris. Elle va se consoler en Allemagne, découvre l'appel de l'Italie, publie en 1807 son second roman, Corinne ou l'Italie. Corinne, une poétesse anglo-italienne, ne se conforme pas au modèle féminin en vigueur dans la société. Eperdument amoureuse d'Oswald, un Ecossais mélancolique assujetti aux lois patriarcales, elle lui sacrifie ses talents littéraires. D'aucuns verront dans cette tragédie d'une artiste géniale et insoumise, mais victime de l'amour, une autobiographie déguisée de la romancière, dont Benjamin Constant, qui savait de quoi il parlait, disait qu'elle avait un "esprit d'homme, avec le désir d'être aimée comme une femme".

04/2017

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Afrique sub-saharienne

Il pleut des mains sur le Congo. Léopold II ou le crime de masse occulté

L'évocation bouleversante de l'un des plus grands massacres de l'histoire. " Le plus grand crime de tous les temps ", écrit Arthur Conan Doyle en 1909... à l'orée du siècle le plus meurtrier de l'histoire humaine. Pourquoi tous ces morts, au beau milieu de l'Afrique coloniale ? Pourquoi cet oubli, complètement incompréhensible ? Pourquoi ce silence, que rien ou si peu ne vient troubler ? Et que sait-on au juste de cette histoire, de l'esclavage d'alors et des exécuteurs des basses oeuvres ? Pourquoi toutes ces mains coupées, sinistrement immortalisées par des clichés ? L'appât du caoutchouc fut-il l'une des causes de cette tragédie ? Pour celui qui s'intéresse aux affaires du monde, à sa mémoire collective, de tels mystères n'ont pas encore reçu de réponses satisfaisantes. Pourtant, ce fait historique s'est déroulé au vu et au su de tous, décidé en plein coeur de l'Europe consciente, documentée, active. Tout a été écrit, lu, dénoncé, prouvé, argumenté. A aucun moment, il n'a été possible de l'ignorer, même par courtoisie. Mais comme par un enchantement diabolique, les morts du Congo, victimes de l'hypocrite, cupide et immoral Léopold II roi des Belges (qui s'octroie alors - ; à titre privé et toute honte bue ! - ; un Etat indépendant presque aussi grand que l'Europe) ont disparu sans laisser de traces. Ils se sont littéralement volatilisés. Pas une ligne dans les livres d'histoire. Aucun souvenir dans la mémoire des peuples. Pas ou si peu de résurgences en ces temps de repentance sinon quelques jets de peinture couleur sang sur la statue équestre de l'impérial prédateur. On parle aujourd'hui de dix millions de morts (dont ceux - ; très nombreux - ; emportés par le choléra) et disparus entre 1885 et 1908, soit le tiers ou la moitié de la population concernée. Sans compter les mutilés (on coupait les mains des récalcitrants) impossibles à dénombrer. Dix millions, victimes de la cupidité d'un seul mégalomane, attiré par l'appât du caoutchouc naturel... A-t-on déjà vu cela en notre époque où pourtant les exemples abondent ? Pour répondre à ce mystère qui a disparu des forges de la conscience collective, sont convoqués ici ceux qui se sont exprimés précisément sur ce sujet inouï au moment même où les faits se déroulaient : Stanley l'explorateur, Roger Casement, Joseph Conrad, Edmund D. Morel, Mark Twain, Savorgnan de Brazza, Conan Doyle, André Gide, le révérend américain Williams, Jules Marchal (le diplomate belge qui a tout reconstitué au péril de sa carrière), et l'historien américain Adam Hochschild... Chacun à sa manière, ils ont rendu compte de ces tristes événements avec exactitude. S'y joignent plus discrètement les écrivains d'aujourd'hui, Eric Vuillard, Patrick Deville, Mario Vargas Llosa ou David van Reybrouck, parlant crument d'" immonde saloperie "... Autant de témoignages pour définitivement ne jamais oublier.

05/2022

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Littérature étrangère

Manège

Manège est un petit bijou, une oeuvre d’une efficacité et d’une simplicité prodigieuse, un récit qu’on engloutit d’une traite avec passion. Il nous raconte une enquête policière et littéraire autour d’un supposé accident : l’incendie qui vient interrompre abruptement la fête du quatre-vingt- huitième anniversaire d’un patriarche local, don Guido Carrión, et l’exhibition de plus beaux chevaux andalous de son haras. Après l’incendie, le corps de Douro II, l’étalon aux cent mille dollars, l’un des animaux préférés de don Guido, est retrouvé carbonisé au fond des écuries du domaine de la famille Carrión, le domaine Palo Verde, une superbe propriété dans l’arrière-pays de la côte pacifique du Guatemala. Un avocat et un écrivain, qui ont assisté à la découverte du cadavre, vont mener l’enquête sur cet « accident » et au cours de leurs recherches, comme dans les meilleures tragédies grecques, ils vont nous montrer la face cachée d’une famille et d’un pays rongés par la violence et par le mal. Mais, comme toujours, l’essentiel est ailleurs, car, en réalité, ce roman est censé ne pas exister : l’avocat voudrais pousser l’écrivain à écrire un livre sur cette affaire, mais celui-ci, après avoir risqué sa vie à plusieurs reprises au cours de l’enquête, décide de ne pas l’écrire car il serait trop dangereux de le faire. Nous avons donc devant nous un objet paradoxal : un roman qui ne sera jamais écrit, ou qui n’a jamais été écrit, ou encore, qui ne peut plus être écrit aujourd’hui au Guatemala ou en Amérique latine… Avec Manège, Rodrigo Rey Rosa atteint dans son oeuvre un niveau de réalisme sans précédent, qui ne doit rien au sang versé dans chaque chapitre. Plus subtile, la violence est partout, comme l’air que l’on respire, et elle devient de fait l’une des formes de la respiration naturelle du récit. Elle ne trouve plus d’explication ni de justification sociale ou politique : les riches et les pauvres, les jeunes et les anciens, les délinquants et les hommes les plus honnêtes, tous habitent désormais la maison de la violence avec un naturel que le roman nous fait sentir au plus profond de nous-mêmes. C’est pourquoi, à la fin, tout reste ouvert et la vie continue… dans la violence, bien entendu. Un roman remarquable, sobrement et efficacement raconté avec une prose agile, toujours colorée d’un certain charme exotique.

09/2012

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Photographie

Guerre de 14-18

Il est difficile de concevoir aujourd'hui ce qu'a pu représenter dans l'inconscient et l'imaginaire collectif des peuples belligérants la vision des premières photographies de la Grande Guerre. Devenue presque banale à nos yeux, car outrageusement diffusée, l'exposition à l'iconographie de la guerre est, au début du XXe siècle, une expérience traumatisante. A l'héroïsme du récit officiel des dépêches, aux communiqués des états-majors exaltant les vertus du courage et du patriotisme, elle oppose la vérité crue du sang versé, l'horreur des corps mutilés, l'effroyable condition des hommes embourbés dans la fange et transis de froid, la souffrance quotidienne du poilu, les champs de ruines à perte de vue... Si elle n'est pas le premier théâtre d'opérations militaires ayant donné lieu à des photographies, la guerre de 14-18 marque un basculement dans l'histoire du médium : c'est à l'occasion de ce conflit mondialisé que la photographie s'installe définitivement comme une source d'information, de documentation et de témoignage incontournable. Dévoilant les faits bruts, le visage des acteurs, les paysages et les lieux, elle "révèle" concrètement les différents aspects de la réalité de la guerre et détisse la perception imaginaire des combats et des situations. Même si les scènes du front les plus spectaculaires sont souvent des reconstitutions l'âpreté des batailles et la lourdeur du matériel de prise de vue ne permettant pas une saisie sur le vif, la "vérité" du cliché impose désormais son évidence. Dès l'appel à la mobilisation générale d'août 1914, les "reportages" photographiques, publiés par Excelsior, L'Illustration, Sur le vif et l'ensemble de la presse européenne, se multiplient dans des proportions inédites... Phénomènes de masse, la production et la diffusion d'images consacrées à la guerre ne cessent de croître et de se diversifier durant les années de conflit. Le statut, la pluralité (photographes de presse, amateurs, services photographiques des armées, simples soldats, anonymes) et le nombre des opérateurs sont à la mesure de la profusion incalculable d'images qui constitue la mémoire visuelle universelle de ce drame. Edité à l'occasion de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, ce nouveau titre de la collection "Photo Poche Histoire" se veut un recueil d'images emblématiques volontairement puisées à des sources internationales de ce qui fut une des plus grandes tragédies de l'ère moderne, ainsi qu'une méditation sur l'histoire des hommes confrontée à l'expérience de la photographie.

08/2014

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Critique littéraire

Avec une légère intimité. Le concert d'une vie au coeur du siècle

Madeleine Lioux est née dans la musique. Ses parents, mélomanes tous les deux, avaient toujours imaginé pour elle un avenir de concertiste. Elle-même ne pouvait rêver mieux et s'apprêtait à suivre le chemin exigeant de l'artiste. Mais le destin allait en décider autrement. C'est par la musique qu'elle rencontre Roland Malraux, qui, assistant un soir à l'un de ses concerts, n'a pu l'oublier. Rencontre fulgurante et décisive. Le temps passé avec Roland sera magique, mais bref. Bientôt le drame frappe. Résistant de la première heure, Roland est capturé par la Gestapo, alors que, mariée depuis un peu plus d'un an, Madeleine attend leur premier enfant. Elle ne le reverra plus ; il ne connaîtra jamais son fils. Son beau-frère, l'écrivain André Malraux, le demi-frère aîné de Roland, vient de son côté de perdre la mère de ses deux jeunes garçons, Josette Clotis. Il propose à Madeleine de partager une maison. Graduellement, l'arrangement se mue en sentiments. Deux ans plus tard Madeleine et André se marient. De toutes les femmes dans la vie d'André Malraux, Madeleine, la plus discrète, est sans aucun doute celle qui, pendant plus de vingt ans, a partagé les moments les plus marquants de la vie de l'homme de lettres devenu ministre, celle qui a été à ses côtés dans les plus grands triomphes comme dans les pires épreuves. C'est elle qui l'accompagne dans tous les voyages officiels, du Japon en Chine, en Egypte, en Amérique latine, et surtout aux Etats-Unis où une magnifique entente s'établira vite entre les couples Malraux et Kennedy. C'est à New York qu'elle reprendra le fil de sa vie de musicienne, quand, quelques années plus tard, après une série de tragédies qui auront endeuillé leur entente, Madeleine et André se sépareront. Elle travaillera aux côtés du brillant chorégraphe Georges Balanchine et du grand Isaac Stern. Plus tard, c'est le Japon qui la réclamera. De ce récit fascinant, qui mêle histoire, art, politique et culture, ressort le portrait d'une femme "belle, pure, éternelle", comme le lui disait son amie Jackie Kennedy, et d'un être qui a su faire du don de soi un des plus beaux arts. Cet ouvrage, enrichi de nombreux documents d'époque issus des archives personnelles de la famille Malraux et de très beaux fac-similés, dresse aussi le portrait d'un siècle passionnant, dont Madeleine ressuscite pour nous le parfum.

10/2012

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Sciences historiques

La saga des épaves de la Côte d'Albâtre. Tome 4

Depuis janvier 2000, le GRIEME et ses "Présidents" explorent inlassablement fonds - sous marins, bibliothèques, archives, et musées tout en "flirtant" avec le monde des "gens de mer". Alors que tourne le manège du temps, au fur et à mesure de leur parution, les Sagas redonnent vies aux "personnes ordinaires" qui s'animent au gré des pages tournées. Ce tome 4 est une nouvelle escale dans le long voyage de l'histoire des fortunes de mer... Histoire de bateaux, de marins et de nau- frages... 3 août 1914 - 11 novembre 1918, deux dates qui résument à elles seules la "première guerre totale" que connaîtra l'humanité. Si le théâtre principal de ce conflit fut l'Europe, des combats se déroulèrent également au sein de l'Empire Ottoman, en Afrique noire et aux confins du Pacifique. Une grande partie du monde s'embrasa, la guerre devint mondiale. Les taxis de la Marne, Verdun, la Bataille de la Somme, le Chemin des Dames résonnent comme autant de lieux de mémoire où la terre porte encore les stigmates des violents combats auxquels se livrèrent les belligérants, ennemis sur le front, mais unis dans la souffrance. Si, dans l'imagerie populaire, le "Poilu des tranchées", symbolise la "Der des Ders", il est néanmoins un aspect plus méconnu de ce conflit, à savoir "la guerre sur mer", que le GRIEME vous invite à découvrir dans ce quatrième volet de "La Saga des Epaves de la Côte d'Albâtre". Environ 150 navires seront victimes des sous-marins allemands dans la zone côtière seino-marine, entre Le Havre et Le Tréport. Ainsi, le tome IV de la "Saga" pose un regard d'un siècle à l'autre et vous convie à une incursion dans le passé et vous invite à vivre l'instant décisif où le destin des hommes bascule vers la souffrance et l'infortune ! Dans ce quatrième opuscule, découvrez une mise en page modifiée, une iconographie plus conséquente et toujours de nombreux dessins "originaux". Enfin, ultime nouveauté, la possibilité de poursuivre l'histoire au-delà du livre et d'accéder à des supports multimédias complémentaires et évolutifs tels que vidéos et photographies grâce aux "flash-codes" que vous trouverez sur certaines pages de l'ouvrage. Comme disait Saint Augustin, "La mémoire est le présent du passé". Ce nouvel épisode réveille le regard du présent sur les événements du passé qui hantent encore les familles des victimes de ces tragédies. Au-delà du récit de plongée, le souvenir se mue en un devoir de mémoire, un dernier hommage rendu à ces marins anonymes disparu à cause de la folie meurtrière des hommes.

06/2017

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Critique littéraire

Un été avec Homère

L'Iliade est le récit de la guerre de Troie. L'Odyssée raconte le retour d'Ulysse en son royaume d'Ithaque. L'un décrit la guerre, l'autre la restauration de l'ordre. Tous deux dessinent les contours de la condition humaine. A Troie, c'est la ruée des masses enragées, manipulées par les dieux. Dans l'Odyssée on découvre Ulysse, circulant entre les îles, et découvrant soudain la possibilité d'échapper à la prédestination. Entre les deux poèmes se joue ainsi une très violente oscillation : malédiction de la guerre ici, possibilité d'une île là-bas, temps des héros de côté là, aventure intérieure de ce côté ci. Ces textes ont cristallisé des mythes qui se répandaient par le truchement des aèdes dans les populations des royaumes mycéniens et de la Grèce archaïque il y a 2500 ans. Ils nous semblent étranges, parfois monstrueux. Ils sont peuplés de créatures hideuses, de magiciennes belles comme la mort, d'armées en déroute, d'amis intransigeants, d'épouses sacrificielles et de guerriers furieux. Les tempêtes se lèvent, les murailles s'écroulent, les dieux font l'amour, les reines sanglotent, les soldats sèchent leurs larmes sur des tuniques en sang, les hommes s'étripent et une scène tendre interrompt le massacre pour nous rappeler que les caresses arrêtent la vengeance. Préparons nous : nous passerons des fleuves et des champs de bataille, nous serons jetés dans la mêlée, conviés à l'assemblée des dieux, nous essuierons des tempêtes et des averses de lumière, nous serons nimbés de brumes, pénétrerons dans des alcôves, visiterons des îles, prendrons pied sur des récifs. Parfois, des hommes mordront la poussière, à mort. D'autres seront sauvés. Toujours les dieux veilleront. Et toujours le soleil ruissellera et révèlera la beauté mêlée à la tragédie. Des hommes se démèneront pour mener leurs entreprises mais derrière chacun d'eux, un dieu veillera et jouera son jeu. L'Homme sera-t-il libre de ses choix ou devra-t-il obéir à son destin ? Est-il un pauvre pion ou une créature souveraine ? Les poèmes auront pour décor des îles, des caps et des royaumes dont un géographe, Victor Bérard, effectua dans les années 1920 une très précise localisation. La Mare Nostrum est ce haut lieu d'où a jailli l'une des sources de notre Europe, qui est la fille d'Athènes autant que de Jérusalem. Mais une question nous taraude. D'où viennent exactement ces chants, surgis des profondeurs, explosant dans l'éternité ? Et pourquoi conservent-ils à nos oreilles cette incomparable familiarité ? Comment expliquer qu'un récit de 2500 ans d'âge, résonne à nos oreilles avec un lustre neuf, un pétillement aussi frais que le ressac d'une calanque ? Pourquoi ces vers paraissent-ils avoir été écrits pas plus tard qu'aujourd'hui, par un très vieux poète à la jeunesse immortelle, pour nous apprendre de quoi seront fait nos lendemains ? En termes moins lyriques (Homère est le seul maître en la matière) d'où provient la fraîcheur de ce texte ? Pourquoi ces dieux et ces héros semblent malgré la terreur qu'ils inspirent et le mystère qui les nimbe, des êtres si amicaux ?

04/2018

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Photographie

Sarajevo. Ma ville, mon destin

"C'est l'histoire d'un pays, d'une ville, de ses habitants, d'un homme. Le pays n'existe plus : c'était la Yougoslavie. La ville a été blessée à jamais : c'est Sarajevo. Ses habitants, en grande partie, ne sont plus les mêmes, certains tués, d'autres partis. L'homme est vivant mais blessé, lui aussi, pour la vie. Il se souvient, et ces photos sont comme les cicatrices indélébiles de ce souvenir. Aussi indélébiles que celle de la balle qui l'a frappé au menton, un jour comme les autres, parmi les mille trois cent quatre-vingt-quinze jours qu'a duré le siège." Ainsi l'écrivain François Maspero évoque-t-il l'exceptionnel travail que le photographe Milomir Kovacevic a consacré à son pays, devenu aujourd'hui Bosnie-Herzégovine, et à sa ville emblématique, Sarajevo. Né à Cajnice en 1961, Milomir Kovacevic, qui a commencé dès l'âge de dix-sept ans la pratique de la photographie, est en quelque sorte le chroniqueur infatigable et passionné de Sarajevo. Il a commencé à en arpenter les rues, armé de son premier Nikon, alors qu'il était étudiant, parcourant une ville "qui vibrait de la beauté de ses habitants", cherchant à la saisir dans sa diversité et son étonnante vitalité. Devenu photographe de presse, il a connu et documenté ce qu'il définit lui-même comme les trois époques d'une ville dont la traversée du XXe siècle s'apparente à une page emblématique de l'histoire contemporaine. Elle commence par le Sarajevo d'avant 1990, qu'il décrit comme une ville paisible, capitale culturelle et ouverte d'une Yougoslavie où le régime du maréchal Tito distend partiellement un rideau de fer qui ceinture l'Est de l'Europe. La fraternité et le désir d'avenir, symbolisés par l'hommage aux héros et l'enthousiasme des pionniers, ne connaissaient pas alors le poison des nationalismes particuliers. Le 6 avril 1992, l'édification des premières barricades marque le début de l'effroyable siège de la ville qui, quatre années durant, va révéler à l'Europe sa fragilité et au monde l'impuissance de sa solidarité. Plongé au coeur du drame, Milomir Kovacevic fait de son appareil "un bouclier et une épée", parcourant la ville sur laquelle s'abattent les premiers obus. L'assassinat de son propre père achève de briser "l'irréel de cette tragédie" et fait de sa quête photographique "un besoin", une nécessité irrépressible de "garder la trace et de faire de l'enfer sarajévien un document visuel qui accompagnera avec pudeur et discrétion le quotidien des habitants, leur rendant ne serait-ce qu'un peu de leur fierté". Vient enfin le temps de la paix, plus exactement celui de l'après-guerre. Milomir Kovacevic sait mieux que quiconque le poids des souvenirs hantés, des blessures traumatisantes, des reconstructions fragiles, qu'il saisit dans la pudeur de leur manifestation. Installé à Paris, il entreprend de faire découvrir au monde, à travers expositions et publications, l'horreur d'un conflit dont l'histoire n'a pas fini de s'écrire, tout en poursuivant une recherche sur la mémoire des disparus et la vie solidaire des exilés dispersés.

11/2012

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Beaux arts

Pérégrinations. Paysages entre nature et histoire

Cet ouvrage a reçu 3 prix consécutifs : le Prix de l'Académie ds Beaux-Arts-Prix Bernier 2018, le Prix Vitale et Arnold Blokh 2018 et le Prix Pierre Daix 2018. Le paysage n'existe que dans l'oeil de celui qui le regarde. Il faut donc suivre les pas de l'homme en marche si l'on veut comprendre comment notre rapport au monde et à l'histoire se dessine : par la confrontation de l'individu et de la nature. Car le paysage, c'est la nature éprouvée : nature traversée, nature possédée, nature sublimée, nature terrifiante, nature qui échappe à qui tente de la conquérir. L'artiste qui s'adonne au genre du paysage nous offre bien plus qu'une simple représentation de morceaux de nature. Il se fait archéologue, scrutant comme dans un livre le sol où affleure la mémoire de l'histoire humaine, sous forme de traces. Ecrire l'histoire du paysage à l'époque contemporaine c'est aussi faire le constat d'une relève : celle qui voit, à partir du début du XIXe siècle, la peinture de paysage se substituer progressivement à la peinture d'histoire afin de porter le grand récit de l'humanité dans ses tentatives de connaître et de façonner le monde. Un genre s'épuise, un autre s'épanouit afin d'explorer d'autres formes de représentation, et d'interrogations. Lorsque le sculpteur français David d'Angers, contemplant La Mer de Glace dans l'atelier de Caspar David Friedrich, à Dresde, dit que le peintre est l'inventeur d'un genre nouveau, "la tragédie du paysage" , c'est cela qu'il désigne. Cette manière, qui va traverser toute la période contemporaine, de faire du paysage le lieu de l'enfouissement et de l'émergence de l'histoire. Parce que l'histoire devient un présent qui saute à la gorge - révolutions, guerres, massacres, génocides -, les artistes se tournent de façon privilégiée vers le paysage comme une forme capable d'accueillir l'innommable en son sein et d'exprimer ce qui aveugle, terrifie, ou fascine. Peintres, dessinateurs, photographes, de Goya à Sophie Ristelhueber, d'Otto Dix à Zoran Music et Anselm Kiefer, vont s'affronter au paysage comme à ce lieu où peut se manifester l'inquiétude de l'homme face à l'histoire. Mais aussi son désir, ses croyances, et sa liberté. Ce sont les étapes de cette aventure de l'homme au monde que nous suivons dans cet ouvrage : paysages de ruines, paysages en guerre, paysages où l'on foule une histoire oscillant entre affleurement et invisibilité, paysages qui nous confrontent à l'indifférence du monde, sont quelques-uns des thèmes qui racontent les pérégrinations inquiètes de l'homme contemporain marchant dans le monde à la recherche de sa propre trace. C'est enfin une méditation personnelle sur la nécessité qu'éprouvent tant d'artistes, aujourd'hui, d'avoir recours au paysage pour affronter ce que le XX° siècle nous a légué de plus terrible : l'anéantissement sans traces. Le paysage s'impose comme l'une des formes majeures, pudique et émouvante, de l'histoire contemporaine.

11/2017