Recherche

travailleurs domicile Gallimard

Extraits

ActuaLitté

Travail social

L'amour en partage  . Les professionnels auprès des personnes agées au secours du lien social

La période pandémique dont on ne connaît pas la fin a mis à mal, d'une part, l'expression des sentiments comme les échanges amoureux dans leur diversité physico-psychique et, d'autre part, la restitution comme le partage de l'amour reçu aux parents âgés qu'ils soient hébergés en institutions (Ehpad) ou résidant à leur domicile. Les liens entre les générations souffrent également des mesures de distanciation et parents, grands-parents, petits-enfants se savent plus trop quelle démarche adopter pour retrouver les gestes et les marques d'un partage, d'une communion affective d'un passé pourtant proche, mais qui semble suspendu à une échéance encore indéterminée. Par ailleurs, les confinements ont mis les couples face à de nouvelles situations, les obligeant à réinventer des pratiques éprouvées voire routinières, mais désormais exposées à des effets secondaires pesant sur leur quotidien, souvent dans des espaces plus ou moins réduits ; dans tous les cas et en grande majorité, non initialement prévus pour une vie à deux ou plus, en continue. Comme le notent G. Ribes et M. Veluire, (2019) " Chez les couples vieillissants, dans un contexte de réorganisation domestique qui ne laisse pas suffisamment d'espace intime à chacun, peut naître un sentiment d'enfermement, d'envahissement, d'intrusion, voire un rejet de l'autre. Les remparts spontanés (travail, enfants) créant des espaces/temps différents et nourrissant les membres du couple ne sont plus présents. Chacun se retrouve sous le regard de l'autre, et peut se sentir observé, scruté au quotidien, y compris dans ce qui n'est pas fait, dans ce qui aurait dû l'être, dans ce qui devrait être ". Paradoxalement, ce contexte anxiogène, à tout le moins démoralisant, tant l'avenir semble s'assombrir, se traduit par une augmentation du besoin d'être aimé et de partager, d'être reconnu et reçu par des proches ou encore de créer de nouvelles relations avec les perspectives imaginaires qu'elles supposent depuis toujours. Les situations de crise ont, de tous temps, fait ressurgir d'un quotidien parfois lénifiant souvent rassurant, ce besoin d'amour comme celui lié à la nécessité de se sentir exister. Personnes âgées, parents, enfants, petits-enfants, mais aussi amants, aidants... chacun est à la recherche de cet échange des sens et des ressentis fondateurs du lien social, du lien physique/sexuel, du lien sensoriel qui nous unit à l'autre, aux autres dans leur diversité et nous amène à exister et à partager notre besoin d'amour. Les professionnels du secteur, comme acteurs du quotidien mais également comme intermédiaires recherchés par les familles mises dans l'impossibilité de voir leurs proches âgés n'échappent pas à ces épreuves comme à ces bouleversements ; ceci tant dans leur vie personnelle que dans leur vie au contact des patients âgés et de leur famille pris dans la nasse de la pandémie et de ses effets induits en terme de contraintes, d'impossibilités à faire, de réduction des espaces de liberté etc... Vaste thème s'il en est et pourtant si précieux et essentiel, si révélateur de nos joies et de nos faiblesses, de nos attentes comme de nos terreurs. Pour le traiter, les auteurs pressentis ont eu toute l'amplitude de se prononcer avec lyrisme, poésie ou empathie sur la question ; ceci sans se limiter à ces approches qui excluraient le cynisme voire la dérision provoqués par l'expérience de la vie. Sur un thème de réflexion qui englobe les joies et les peines vécues tout au long de nos existences, il y avait de quoi s'épancher plus largement sur les objets " amour " d'une part et " partage " d'autre part. Ainsi, chaque auteur a été appelé à s'exprimer sur son ressenti au regard de son expérience professionnelle comme de son vécu personnel à propos de sujets qui habitent le genre humain depuis le début des temps et qui font de nous tous, des quêteurs éperdus d'amour et de partage.

11/2022

ActuaLitté

Critique littéraire

The Big Sea. Une autobiographie

" La littérature est une grande mer où nagent toutes sortes de poissons. J'y ai jeté mes filets. Et je continue de pêcher. " Ecrite en 1940, publiée par Seghers en 1947, l'autobiographie du grand poète noir américain Langston Hughes est à redécouvrir, en même temps que son auteur, un écrivain majeur et méconnu en France. Comme premier écrivain noir américain à vivre de sa plume, Langston Hugues a joué un rôle fondamental dans l'histoire de la culture au nouveau monde. En France, Pierre Seghers a publié ses mémoires en 1947, sans grand succès, ni postérité. Pourtant, The Big Sea est oeuvre littéraire de grande qualité, pleine de style, de vie, de vérité, d'humour. C'est aussi un document exceptionnel, sur la jeunesse mouvementée d'un grand écrivain, sur le sort des noirs américains au début du siècle dernier, sur les " Roaring Twenties ", la " Black Renaissance "... Un récit d'apprentissage attachant, un croisement picaresque entre Fitzgerald, Baldwin et Fante... Evénement éditorial lors de sa parution et désormais considéré comme un classique aux USA, cet ouvrage est un trésor oublié du catalogue Seghers. Né dans le Missouri en 1902, Langston Hughes a mené une vie aventureuse. Une enfance itinérante : il est écartelé entre sa mère, femme lettrée, mais toujours en quête de menues tâches pour survivre et de ce fait amenée à changer sans cesse de domicile comme d'Etat (avant sa douzième année, Langston a déjà parcouru une grande partie du territoire américain, du Kansas au Nevada, de l'Illinois au Colorado...), et son père, qui a fui les USA pour le Mexique afin de monter des affaires sans avoir souffrir de discrimination raciale. Après quelques temps passés à ses côtés au Mexique (le jeune Langston sera professeur d'anglais dans une école pour jeunes filles), il obtiendra que son père lui finance des études à l'Université de Columbia (NYC). Et s'essaiera avec succès à la poésie, bientôt publié dans des revues. Mais le goût de l'aventure et le besoin d'indépendance le pousseront à tout abandonner. Il enchaine les petits métiers : garçon de courses chez un chapelier, groom, employé chez un maraîcher, chez un fleuriste, sans jamais cesser d'écrire. Enfin, il embarque sur un vieux rafiot ancré sur l'Hudson river. Ainsi commence une vie de bourlingue qui le conduira sillonner le monde comme matelot a bord de navires de commerce naviguant entre l'Europe et l'Afrique... Les deux étapes les plus marquantes de cet Odyssée juvénile seront Paris et Harlem. Vivre dans la capitale française était un rêve. Ce sera aussi une dure réalité. Cuisinier, garçon, portier de nuit dans les restaurants ou les boîtes de Pigalle tenus par des Noirs Américains, il côtoie la misère, mais aussi les musiciens, les danseuses, les noceurs... Paris est alors le centre du monde. Les péripéties d'un voyage en Italie l'obligeront à regagner les Etats-Unis. Et ce sera sa chance. Jeune auteur plein de promesses, il se retrouve à Harlem quand le jazz et la culture noire deviennent l'attraction majeure du pays et que les blancs les plus riches et célèbres de New York et du monde se ruent au coeur de la cité noire, pour s'y enivrer dans les clubs, et s'y laisser inspirer... En compagnie de quelques-uns, intellectuels noirs, il participera, à travers revues et publications diverses, à ce mouvement qui portera le nom de " Renaissance de Harlem ". Et toujours l'écriture, de poésies, nouvelles, romans, articles. Le rêve de la Renaissance noire prendra fin avec la crise de 1929, mais le jeune poète aventurier sera alors devenu Langston Hughes.

ActuaLitté

Musique, danse

Jean-Pierre Danel. Guitar Hero made in France

Guitariste virtuose et producteur musical indépendant numéro 1 en France : le parcours phénomène d'un musicien autodidacte. Jean-Pierre Danel est un cas d'école. Unique guitariste instrumental à connaître un véritable succès commercial en France (son album Guitar Connection fut numéro 1 du Top 50, et il a reçu de nombreux autres disques d'or et platine, réalisant les plus grosses ventes d'enregistrements à la guitare de l'histoire du disque dans l'Hexagone), il est entré au hit-parade de plus d'une soixantaine de pays, dont les Etats-Unis. Respecté pour le son, le phrasé complexe et la très grande finesse d'expression de son jeu, il est adoubé par ses pairs, et ceux-ci le rejoignent régulièrement en duos : Brian May de Queen, Hank Marvin des Shadows, Andy Powell de Wishbone Ash, les grands guitaristes Albert Lee et Scott Henderson, ou, en France, Louis Bertignac, Laurent Voulzy, Paul Personne, Michael Jones, Axel Bauer, Jean-Félix Lalanne et beaucoup d'autres… Danel Jr (il est le fils du créateur des Neiges du Kilimandjaro, Pascal Danel) est aussi devenu, via sa société créée à l'âge de 20 ans, le plus jeune, puis le premier producteur indépendant en France, récompensé en 2014 par un multidisque de diamant pour 23,3 millions de disques vendus. Il a reçu à ce jour, pour ses multiples productions, 198 disques d'or et platine. Dans le véritable travail d'investigation qu'est cette biographie, vous découvrirez les sources et les méthodes d'une réussite exemplaire et le profil hors norme de ce musicien issu d'une famille aux multiples personnalités, et au profil atypique : ami intime de François Mitterrand, végétarien depuis l'âge de 5 ans, collectionneur de voitures rares, self-made-man - sa vie personnelle est, elle aussi, spectaculaire. Fin lettré, il a publié une vingtaine de livres, dont deux biographies consacrées à Sacha Guitry, qui font partie du programme de l'étude du français aux universités américaines de Harvard, Stanford, Berkeley et Princeton. Il a également consacré un ouvrage à la Fender Stratocaster, dont il possède l'une des plus belles collections européennes, où figure Miss Daisy, une guitare exceptionnelle de 1954, parmi les plus rares du monde. Découvrez comment cet autodidacte, surdoué de la guitare, travailleur acharné aux capacités peu communes, a bâti un parcours remarquable et l'un des plus beaux CV de l'industrie musicale. Une minutieuse enquête, incluant les témoignages de plusieurs dizaines de personnalités du monde de la musique (Laurent Voulzy, Brian May (Queen), Michael Jones, Hank Marvin (The Shadows), et de nombreux autres artistes, journalistes, présidents de majors du disque, le président de la Sacem, les directions de médias nationaux, chaînes de télévision, de radio, attachés de presse, etc.), des dizaines d'extraits d'articles de presse français et internationaux, des extraits d'interviews radio et télévisées. Retrouvez également une analyse de son jeu de guitariste, appuyée des témoignages des plus grands spécialistes de la guitare en France, un survol de ses nombreux duos, sa discographie et un important cahier-photos. Un Guitar Hero made in France, résumé par le journaliste, grand spécialiste hexagonal de la guitare, Christian Séguret : "Il est l'un des rares musiciens de chez nous (avec Django Reinhardt et Marcel Dadi) à avoir fait de l'instrument un objet de rêve grand public, et à susciter des centaines de vocations".

02/2020

ActuaLitté

Histoire internationale

Mballo Dia Thiam - L'indomptable combattant du SUTSAS. Biographie

C'est l'histoire et la trajectoire d'un homme. Cette histoire et cette trajectoire épousent celles du plus grand syndicat de la santé du Sénégal mais aussi celles de celui qui en a tenu le gouvernail ces dernières années, contre vents et marée. Nous sommes au début des années 1980. Léopold Sudar Senghor, frappé par l'usure du pouvoir, cède les rênes du pays à son dauphin Abdou Diouf. Celui-ci tente une ouverture démocratique en suscitant le multipartisme intégral. Pour autant, le pays n'en mène pas large. La culture de Parti unique reste tenace, le monde syndical est sous la coupe de la CNTS, prolongement du Parti au pouvoir, chantre de la Participation Responsable, sorte de syndicalisme caviar, cautère sur une jambe de bois qui préfère le conformisme à la confrontation. Les leaders de ce syndicalisme sont généralement des cadors du parti au pouvoir. C'est à fleurets mouchetés que les acquis du peuple laborieux se décident. Il s'agit davantage d'un cimetière des revendications des masses laborieuses. Le monde de la santé (...) est un exemple saisissant et pathétique, de ce que précarité veut dire. Parmi les mieux instruits, les agents de la santé sont paradoxalement frappés d'une indécente indigence. On eût dit que cette noblesse faisait en même temps office de caste d'Intouchables. En effet, après avoir fait menacer son fond de culotte d'escarres, l'infirmier ne touche pas plus de 58 000 FCFA et le médecin et son Bac + 8 ne voit inscrire sur son bulletin de salaire qu'un net de 70 000 FCFA. Mais ces agents si différents des autres font face à un dilemme : se syndiquer, faire grève, faire planer sur les populations la menace d'un mal qui s'aggrave, d'un handicap irréversible, de la survenue de l'irréparable parce qua un moment, l'urgence est suspendue sur un piquet de grève ; ou se mettre, contre vents et marée, debout devant des autorités qui ne connaissent que le rapport de force, pour préserver leur dignité, s'assurer (.. j le minimum pour vivre décemment. Ils sont nombreux, à l'aube de ces années 1980 à choisir le second terme de l'alternative. Mballo Dia Thiam, en poste à Ziguinchor fait déjà office, avec d'autres, de pionnier et de chef de file de ce Germinal des damnés de la souffrance humaine. Réunions syndicales, prises de paroles devant des militants parfois sceptiques, souvent déterminés, nuits blanches, privations, désinformation, intimidations, tentatives de corruption n'y feront rien. Aux quatre coins du Sénégal, les sections s'organisent fédérant le Professeur Agrégé de Médecine, l'infirmier, le travailleur social et le manoeuvre. Le SUTSAS obtient son récépissé en 1982. Les fers de lance ont pour nom Bakhao Seck, Awa Marie Coll Seck, Salif Guindo, Fangaly Diouf, Mballo Dia Thiam, Abdel Kader Badji. Le SUTSAS se lance alors dans sa première grève qui marquera les annales du mouvement syndical du pays. Tous les corps de métier de la santé y prirent part et toute la pyramide sanitaire s'en trouvàt ébranlée. Cet ouvrage remarquablement écrit par une des plus belles plumes sénégalaises du moment raconte avec l'art sublime du conteur ce qu'a été le SUTSAS mais aussi les mutations récentes et profondes de la vie syndicale et politique sénégalaises.

10/2019

ActuaLitté

Histoire internationale

Impérialisme, guerre et lutte de classes en Allemagne 1914-1918

Paul Frölich avait conçu ce livre comme la première partie d'une oeuvre plus importante (10 Jahre Krieg und Bürgerkrieg.I. Der Krieg, " Dix ans de guerre et de guerre civile. I. La guerre "), qui aurait dû s'occuper des événements intervenus en Allemagne pendant et après la Première Guerre mondiale. Toutefois, il ne réussit à terminer que le premier volume (Der Krieg, " La guerre ") que nous présentons ici dans sa première édition française. Le livre s'ouvre sur les événements d'août 1914, qui représentent un tournant. Le capitalisme entre dans le XXe siècle ayant épuisé la phase de développement progressif des forces productives et ayant atteint le stade de l'impérialisme. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale transforme les rythmes insouciants de la Belle Epoque en détonations meurtrières. Comme l'écrit Erich Maria Remarque (A l'Ouest, rien de nouveau), " une génération a été détruite par la guerre, même si elle a réussi à échapper aux obus ". Cette guerre représente le commencement dramatique de ce que Lénine appela " l'époque des guerres e des révolutions ". Il ne s'agit plus de guerres bourgeoises pour la formation de marchés, mais de guerres impérialistes pour le partage de marchés et du monde tout entier en sphères d'influence. La lutte de la Bosnie pour son indépendance de l'Autriche, qui constitue le casus belli, ne change pas le caractère essentiellement impérialiste de la guerre. L'impuissance de la bourgeoisie à résoudre les causes de l'instabilité et les conflits de l'époque impérialiste est démontrée par le fait que l'effondrement des deux Empires – l'Ottoman, et l'Austro-hongrois – a ouvert, au carrefour entre Europe, Asie, Afrique, un arc de crise encore existant, allant des Balkans jusqu'au Moyen-Orient. Remarque avait raison : la destruction n'a pas été exclusivement physique. Le conflit emporte comme un ouragan les classes exploitées. D'autant plus que, en quelques jours à peine, l'édifice politique que les travailleurs avaient construit avec leurs luttes, grâce aux efforts et aux sacrifices de beaucoup – l'Internationale socialiste – a fondu comme neige au soleil. Après les grands discours, les affirmations solennelles et les ordres du jour, la plupart des partis socialistes se rangent du côté de leurs bourgeoisies respectives, allant jusqu'à théoriser que l'Internationale doit être considérée comme un instrument pour les périodes de paix, et " suspendue " en temps de guerre. C'est la plus flagrante trahison des aspirations de la classe ouvrière. Selon certaines sources, Lénine lui-même, à l'annonce du vote en faveur des crédits de guerre par la social-démocratie allemande – jusque là point de repère de l'ensemble du prolétariat européen – aurait exprimé son étonnement et son incrédulité. Un grand rendez-vous historique est manqué. Le désarroi des masses est énorme. Les courants internationalistes restent isolés et dans l'impossibilité de renverser la situation. A l'exception de la Russie. En effet, " quelque chose de nouveau " entre en scène " à l'est ". La Révolution d'octobre et les épisodes de fraternisation entre les troupes sur le front oriental deviennent l'exemple à suivre. Ce n'est pas un hasard. L'exception russe était due à la rupture précoce de Lénine et des bolcheviks d'avec les réformistes. Son analyse de l'impérialisme, du social-impérialisme et ses bases sociales dans l'aristocratie ouvrière – corrompue par les miettes de superprofits – explique la dynamique objective de la trahison social-démocrate. Le retard de la rupture avec les réformistes empêche les internationalistes allemands et de l'Europe de l'ouest de suivre l'exemple russe. La révolution reste isolée. Sur le côté oriental, elle accélère objectivement le développement de l'Asie, en amorçant les luttes de libération nationale dans les pays arriérés. Sur le côté occidental, elle ne trouve pas l'alliance naturelle avec le prolétariat le plus important et le plus avancé politiquement du monde : le prolétariat allemand. Pour cette raison, en Occident, la révolution doit reculer devant une contre-révolution interne qui, malheureusement, en vole traîtreusement le langage, les symboles et les drapeaux : le stalinisme. Pendant des décennies, le capitalisme d'Etat oriental se présente comme socialisme voire comme communisme. Mais finalement l'histoire a réclamé des comptes. La " rupture du maillon le plus faible de la chaîne impérialiste " se réfère à l'immense " crise de déséquilibre " représentée par une super-structure encore tsariste du développement capitaliste en Russie. En effet, la social-démocratie n'a même pas essayé de limer le maillon le plus fort, le maillon allemand ; au contraire, elle l'a renforcé, en déployant le prolétariat aux côtés de sa propre bourgeoisie. C'est là l'échec historique du réformisme, un échec qui n'admet pas d'appel. La question historique et politique centrale demeure la trahison de la social-démocratie en 1914. Comment cela a pu se produire ? Quelles en ont été les conditions ? Quelle la dynamique ? Comment peut-elle justifier sa trahison devant les masses ? C'est en répondant à ces questions que le travail de Paul Frölich prend toute son épaisseur. Internationaliste, connu pour sa superbe biographie de Rosa Luxemburg, Frölich nous offre une chronique politique autant sévère que documentée de ces événements. Depuis les causes de la guerre (l'impérialisme, le colonialisme, le militarisme) et les positions internationalistes et antimilitaristes de la IIe Internationale, jusqu'au " triomphe de la folie " déclenché le 28 juin 1914, à Sarajevo, par l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône autrichien, par les nationalistes bosniaques. De la social-démocratie impériale du 4 août (date du premier vote au Reichstag sur les crédits de guerre), à la paix sociale imposée grâce aux syndicats et à la suspension des lois de protection des travailleurs. Sur ce terrain, les dirigeants sociaux-démocrates vont même au-delà des requêtes du patronat, allant jusqu'à abolir les célébrations du Premier mai. Depuis les luttes de classe qui ont eu lieu en dépit de tout cela, au courage de Karl Liebknecht qui, lors du procès politique contre lui, s'érige en juge du gouvernement et de la bourgeoisie allemands. Liebknecht est condamné à quatre ans et un mois de prison et à six ans de privation des droits politiques. Une condamnation qui contribue à faire pousser des ailes aux radicaux de gauche et au groupe Spartakus, malgré l'emprisonnement à plusieurs reprises d'autres dirigeants du calibre de Rosa Luxemburg et Franz Mehring. On en arrive ainsi à la crise finale et aux révoltes de masse, à savoir à la débâcle politique et militaire de l'impérialisme allemand. Dans son travail, l'auteur ne saisit pas toujours entièrement les limites de l'action politique de la gauche social-démocrate (voir chapitre 3, l'allusion à " la grève générale politique de masse ", une thèse chère à Rosa Luxemburg). Dans le même chapitre, Frölich fait référence à la " thèse erronée d'Engels " contre l'insurrection et en faveur d'une action respectueuse des lois. De toute évidence, il ne savait pas que l'introduction de 1895 d'Engels aux Luttes de classe en France de 1848 à 1850, de Marx, avait été grossièrement falsifiée par l'élimination de plusieurs morceaux, et qu'elle avait été publiée à l'époque sous cette forme domestiquée dans le Vorwärts. C'est Karl Kautsky qui avait refusé à Engels la publication du texte complet. Mais, dans l'ensemble, le texte de Frölich est très valable. C'est une fresque fascinante du grand drame historique dans lequel les masses anonymes, trahies et trompées, sont envoyées à l'abattoir. Un massacre que l'auteur estime à hauteur d'environ 35 millions de victimes, en comptant, dans les différents pays, la chute de la natalité, les morts au front et les victimes des famines et des difficultés de toutes sortes à l'intérieur. Nous sommes certains que, en parcourant ces pages, aujourd'hui encore, même le lecteur politiquement engagé et non dépourvu de culture historique sera pris d'étonnement, d'indignation et, peut-être, de colère. C'est bien qu'il en soit ainsi. La force que la social-démocratie allemande aurait pu déployer contre la guerre et contre sa propre bourgeoisie est impressionnante : des centaines de milliers de membres du Parti, quatre millions d'électeurs, 110 représentants au Parlement ainsi que de nombreux journaux ayant une large diffusion parmi le prolétariat, ce à quoi il faut encore ajouter les organisations syndicales et les coopératives. Mais Frölich documente la progressive diffusion – dès avant le déclenchement du conflit – de positions opportunistes, social-impérialistes et colonialistes au sein du Parti et parmi ses cadres syndicaux. Il en analyse aussi ponctuellement les formulations et les prétentions théoriques, souvent basées sur la " défense des intérêts nationaux ". A une époque telle que la nôtre, caractérisées par des processus de renationalisation, par le localisme et le racisme, il s'agit là d'une leçon précieuse. Le bruit de la campagne en faveur de la guerre est assourdissant. Les journaux surchauffent les esprits. La chasse à l'étranger est lancée. Les chants de guerre accompagnent le départ des troupes : " A chaque balle, un Russe / A chaque coup de baïonnette, un Français / A chaque coup de pied, un Britannique ! " Parmi ceux qui vocifèrent, il y a aussi de nombreux travailleurs socialistes, entraînés dans le tourbillon. Une autre leçon à retenir. Le chapitre sur la guerre en tant qu'" affaire " est instructif. " Business as usual ", écrit Frölich au tout début du chapitre. Il explique les diverses méthodes par lesquelles " l'or était distillé à partir du sang humain ". Il documente aussi l'extraordinaire multiplication généralisée des profits, la grande arnaque financière de Daimler Motoren Werke à Stuttgart, les menaces de sabotage de cette même Daimler, les dons intéressés à la Croix-Rouge, les sociétés par actions de la bienfaisance. Parmi les autres exemples, le libéralisme commercial paradoxal et effronté de Thyssen qui, en pleine guerre, vend des boucliers à l'armée allemande à 117 reichsmarks la pièce, et à 68 reichsmarks au gouvernement néerlandais. Les hommes de confiance des grands industriels deviennent les conseillers des bureaux gouvernementaux. Les épisodes d'escroquerie que relate Frölich sont nombreux. Les impôts de guerre se répercutent principalement sur la consommation de masse. Le livre contient beaucoup d'affirmations qui font réfléchir. Rappelons-en deux. " Regardez le monde tel qu'il était avant la guerre, et vous verrez que c'était un monde qui était fait pour la guerre ", écrit Frölich au début du texte. Il parle d'économie mondiale, de concentration du capital, de blocs de puissances, d'armements, de partage des marchés... Si l'on fait une comparaison, comment le monde d'aujourd'hui se présente-t-il ? " Pour nous, aujourd'hui, il est clair que les deux questions que constituaient le maintien de la paix et la révolution, n'en faisaient qu'une. Lutte contre la guerre voulait dire lutte de pouvoir contre la bourgeoisie dans tous les pays, autrement dit lutte révolutionnaire. Aujourd'hui, il est tout aussi clair pour nous que la lutte révolutionnaire présuppose certaines conditions spirituelles, morales et organisationnelles. " Et encore : " Le désarmement était une utopie. A tout moment, il était possible d'en contourner les effets en créant de nouveaux moyens de guerre. " La critique de Frölich à l'égard des positions de Karl Kautsky est ponctuelle. Ce dernier imaginait un capitalisme sans l'impérialisme et sans politique de puissance. Une lutte véritable pour la paix et contre le militarisme n'est possible qu'à la condition d'être une lutte contre le capitalisme. En conclusion de son livre, Frölich affirme qu'il ne voit pas la paix dans l'avenir de l'Europe : " Certains Etats se sont effondrés. Sous les ruines de la guerre mondiale gisent les cendres des vieilles monarchies. Le monde a été partagé de manière différente. La France se considère comme la première puissance du continent européen, les Etats-Unis comme la première puissance du monde. Certains Etats impérialistes ont été détrônés. Les colonies ont fait un grand pas en avant sur la voie de leur libération. L'Allemagne et l'Autriche sont devenues elles-mêmes des colonies. ... Les peuples se sont laissés entraîner au massacre de masse dans le but de renverser le militarisme allemand qui menaçait tout le monde. Ce but "élevé" est atteint, et le monde, plus sinistre que jamais, regorge d'armements. Avant la guerre, les armées comptaient sept millions d'hommes ; elles en comptent onze millions après la guerre. ... On dit que ce sera la dernière guerre. La Société des Nations existe désormais. Les tribunaux d'arbitrage sont mis à contribution. Les peuples sont unis sur le papier par de sacro-saints traités qui n'engagent à rien. En vue de la prochaine guerre, les techniciens et les chimistes se mettent au travail et les Etats s'arment. ... Et pourtant ! La bourgeoisie s'est elle-même porté le coup le plus terrible en déclarant cette guerre. Dans l'immense empire de l'Est, la classe de l'avenir a déjà triomphé. Les vieilles puissances capitalistes sont grosses de la révolution. Et si aujourd'hui la bourgeoisie, dix ans après ce maudit 4 août, cherche encore une fois à prêcher la conciliation des classes en vue de l'extermination des peuples, alors retentira le cri de Karl Liebknecht, répété par des millions de voix : Contre la guerre, révolution ! " Les choses ne sont pas allées comme Frölich l'espérait. L'erreur de 1914-1918, sous d'autres formes, a déjà été répétée en 1939-1945. Elle ne doit plus se répéter. Voilà pourquoi elle doit être connue.

05/2014

ActuaLitté

Thèmes photo

The Americans I Met

The Americans I Met est un projet combinant photographie et histoire orale. Il rassemble des portraits et des conversations réalisés au fil de rencontres que le photographe Viktor Hübner a vécues lors d'une série de voyages en auto-stop à travers les Etats-Unis. Avec seulement son appareil photo, un enregistreur audio et quelques provisions, il a parcouru 41 Etats et plus de 25 000 km de 2017 à 2019. Tout au long de ses voyages, Viktor Hübner a privilégié les rencontres fortuites et s'est appuyé quotidiennement sur l'hospitalité des personnes qu'il a croisées. Voyageur étranger, il est devenu le témoin oculaire de la vie pratique et spirituelle de nombreux Américains, et le porteur de nombreuses confidences. Ce livre se concentre sur les personnes que Viktor a rencontrées lors de ses voyages, leurs paroles, leurs expériences et, par extension, l'ère Trump dans laquelle elles ont vécu. The Americans I Met, de Viktor Hübner. Le titre est peut-être trop modeste pour l'ampleur du projet et l'ambition qui le sous-tend. Hübner a absorbé et actualisé stylistiquement le travail de photographe comme Stephen Shore, Mitch Epstein, Walker Evans et même Robert Franck, ou de confrères allemands comme Thomas Struth, qui s'est rendu au Yosemite et à El Capitan pour nous montrer la file de voitures garées et de touristes prêts à "cliquer". Mais Hübner a également utilisé les codes de l'art conceptuel et de la performance. Il a établi des règles, mis en place un système, l'a laissé fonctionner et est allé là où le processus l'a mené. Pas de voitures de location, pas d'hôtels, pas de transports publics, pas de réservations sur Internet, pas de relations sexuelles avec les personnes qu'il a rencontrées, juste assez d'argent pour la nourriture et les films et être ouvert à ce que les gens rencontrés avaient à lui dire. Cela semblait risqué, 16 000 miles parcourus entre 2017 et 2019 sous la présidence Trump, lorsque les "guerres culturelles" sont devenues un cri de guerre et que la notion selon laquelle les hautes clôtures font les bons voisins est devenue plus qu'une métaphore. Hübner est l'opposé de Robert Frank. Là où Frank cherchait le thème et le motif, avec des nuances de menace et de révélation, Hübner cherche l'anomalie et l'apparition - l'inexplicabilité soudaine. Il est ouvert à l'absurde, alors que Frank ne l'a jamais été. Cette vision est équilibrée - ou plutôt augmentée - par de nombreux portraits attentifs, où le jugement est mis de côté. La notion de portrait photographique a fait long feu. Mais dans ce livre, les portraits jouent un rôle clé. Ils ralentissent le rythme du voyage et déplacent l'attention des événements vers les personnes, des stéréotypes vers les individus. Tyler, de l'Oregon, vêtu d'une toge héroïque ; Robert, Paris et leur fille de la tribu Nez Perce, allongés ensemble dans une unité de protection ; une coupe de cheveux à domicile avec les Kirkpatricks dans les grands espaces de l'Ouest - ces portraits capturent un sentiment d'humanité, des personnes qui respirent en dehors du cadre. Peut-être les Américains ont-ils vraiment une vie intérieure. Pourtant, la question demeure : qu'a découvert Hübner au cours de ses voyages ? Est-ce simplement ce qu'il a apporté avec lui, les mythes, les icônes de la culture pop, la couverture médiatique sensationnelle et le scepticisme européen à l'égard d'une nation trop puissante pour son propre bien ? D'après ce qu'il a reproduit de ses conversations - lecture essentielle pour les photographies de ce livre - elles semblent confirmer tout ce que l'on pouvait déjà imaginer. Les Américains ont profondément peur, voire se méfient les uns des autres et ils sont armés. Comme Tocqueville l'avait compris il y a bien longtemps, les Américains sont prêts à se méfier - des autres Américains ! Mais si Hübner n'avait découvert que cela, il aurait mis fin à ses voyages bien plus tôt. Ce qui l'a poussé à continuer, c'est une autre chose qui a également émerveillé Tocqueville : l'ouverture et la générosité face à une personne totalement inconnue, l'étranger.

11/2022

ActuaLitté

Théâtre

Les deux bourreaux ; Fando et Lis ; Lulù ; Ne donnez pas de pommes aux vaches ; Aristides ; De souffle et d'oubli

Dans ce volume, nous sommes heureux d'accueillir deux textes de Fernando Arrabal, notre auteur invité qu'on retrouvera dans un prochain volume et de vous faire découvrir des écritures et des thèmes à la fois neufs et militants pour lesquels le théâtre et la dérision sont le lieu idéal. La pièce autobiographique de Fernando Arrabal, les Deux Bourreaux nous plonge dans l'univers concentrationnaire contemporain. L'Etat policier s'est installé dans tous les domiciles. Françoise est sa complice ; elle a dénoncé son mari. Maurice, l'un des deux fils, l'accuse. L'élimination brutale du Père aliène le fils qui, privé de la force morale que lui donnait son identification à cette figure idéale, n'a plus le courage nécessaire pour devenir un adulte, un homme libre. A la fin, il rejoint son frère dans l'obéissance respectueuse de l'ordre, représenté par la mère, à qui il demande pardon. Fando et Lis contient l'absurde et la férocité que l'on retrouve dans l'oeuvre de Fernando Arrabal, l'un de nos plus grands auteurs contemporains. Lis, la femme à la voiture d'enfant et Fando, l'homme qui la conduit croisent sur la route trois hommes un peu étranges en route pour la même quête :Tai, ville extraordinaire, paradis terrestre resté inaccessible. Mais leur voyage les ramène toujours au même endroit ... En chemin, on découvre leur univers où se mêlent naïveté et cruauté, émerveillement et sadisme. En quête d'un monde meilleur, ils avancent entre rêve et cauchemar. Vision surréaliste de la nature humaine où l'innocence côtoie la violence, où la beauté émerge de la brutalité, ce spectacle est une incursion poétique dans l'inconscient. Lulù d'Ana Harcha Cortés nous vient du Chili et a été découverte par Le Théâtre des Chimères de Biarritz. " Elle" parle, déroule des moments de vie qu'elle organise comme des plages musicales. Sorte de mélopée sur laquelle se règlerait la respiration, ou qui la réglerait. Une grande économie de ponctuation confère de la fluidité à des récits originaux, inattendus, sans liens apparents les uns avec les autres. Et, une belle langue, directe et rythmée. Avec Ne donnez pas de pommes aux vaches de Bernard Da costa, on retrouve une écriture toujours corrosive et tendre dans deux " comi-drames " où un univers bousculé est ponctué par la présence d'un spectateur privilégié, le patron du café tabac ; il est un peu l'oeil de la " France profonde ", et assure, le lien entre les divers épisodes. Musique et lumière jouent aussi leur propre partition. Aristides de Béatrice Hammer se passe de nos jours : deux colocataires (Blanche, une romancière, et Arnaud, un comédien) traversent des difficultés dans leur métier. Arnaud suggère à Blanche de s'essayer à l'écriture dramatique, en concevant une pièce dans laquelle il jouerait le rôle d'Aristides de Sousa Mendes, ce consul du Portugal à Bordeaux qui a sauvé 35 000 personnes en désobéissant aux ordres de Salazar. Blanche, trouvant l'idée trop convenue, refuse. Un peu plus tard, un personnage habillé à l'ancienne, qui ressemble étrangement au Consul, lui rend visite. Il lui demande de l'aider à recouvrer la mémoire... De souffle et d'oubli de Sophie Thomas est la chronique d'une " après catastrophe " peut-être plus proche de nous qu'on ne le pense... Rodéric, seigneur déchu et colérique, sa maîtresse Zénobie et le fidèle Fernand, vivent reclus dans un domaine cerné par des ombres. Suspendu au souffle de l'invisible petite Lili, la fille de Rodéric, chacun tente de survivre dans ce no man's land, habité par le souvenir de jours plus fastes... Jusqu'à ce qu'un étranger se présente à la porte.

02/2010

ActuaLitté

Notions

L'incommensurable, l'inouï, la vraie vie

L'incommensurable, l'inouï et la vraie vie Présentation L'incommensurable, l'inouï, la vraie vie sont les titres d'ouvrages de François Jullien. Ce sont trois concepts qui forment un triangle isocèle dont l'incommensurable et l'inouï sont les deux angles de base et la vraie vie le sommet. L'incommensurable dit la fêlure qui se découvre en beaucoup de points de notre expérience : tout n'y est pas bord-à-bord ou de plain-pied. Comme dans les nombres incommensurables, un hiatus y subsiste qu'on peut vouloir boucher mais qui ne se réduit pas. L'incommensurable dit simplement que cela n'entre pas dans la commune mesure que constitue l'ordre des nombres. Ainsi entre le plaisir et la jouissance, qu'on dit pourtant synonymes : le premier laisse mesurer sa satisfaction, l'autre a versé dans l'oubli de toute satisfaction. Il y a de l'incommensurable également entre la relation sociale et la relation intime : on fait un saut irrésorbable de l'une à l'autre. Parce qu'elle est irréductible, cette fêlure d'incommensurable ouvre un infini dans l'expérience. L'infini n'est donc pas seulement aux extrémités de l'expérience (l'infiniment grand ou l'infiniment petit), comme on se le représente d'ordinaire. Il se découvre au coeur de l'expérience un infini irréductible qu'on ne peut éliminer : notre existence est traversée de ces fêlures d'infini. Ces ressources d'incommensurable sont à détecter, mais à garder comme des ruptures, sans vouloir les boucher par autre chose, par du Sens et de l'idéologie. En regard de l'incommensurable, l'inouï dit, non la fêlure, mais le débordement de notre expérience. L'inouï est ce qui reste à la lisière et que d'ordinaire on n'entend pas. Car l'expérience ne devient " expérience " qu'en se rangeant dans des cadres déjà constitués : elle laisse donc échapper ce qui n'y trouve pas d'emblée sa place et qui par-là demeure " in-ouï ". Cet inouï n'est pas pour autant l'extraordinaire ou l'exceptionnel avec lesquels on le confond, car il peut être au contraire le plus ordinaire. L'inouï, autrement dit, est plutôt l'autre nom du " réel ", mais du réel auquel on n'accède pas parce qu'on ne peut le ranger dans l'expérience balisée ; et c'est pourquoi on le projette par commodité à l'extrémité de notre expérience et qu'on en fait de l' " extraordinaire " ou de l' " insolite ", comme le fait dans sa définition le dictionnaire pour nous en débarrasser. Que l'inouï puisse être le plus ordinaire, se vérifie d'ailleurs le plus simplement : vivre est de tout le plus inouï. Nous ne cessons de vivre, mais sans nous rendre compte de l'inouï de vivre, parce que vivre ne se laisse pas enfermer dans les cadres et les cases de notre expérience. Aussi faut-il fêler ces cadres figés de notre expérience pour pouvoir en déborder et commencer d'en entendre l'inouï. Tel est donc l'inintégrable qui relie l'incommensurable et l'inouï et les instaure en vis-à-vis. C'est pourquoi aussi, fêlure et débordement allant de pair, il faut fêler notre langage ordinaire pour le faire déborder dans sa capacité de dire, comme notre vie dans sa capacité d'exister, et pouvoir y dire l'inouï - ce que fait la poésie. Comme l'in-commensurable, comme l'in-ouï, la " vraie vie " est également un concept à entendre en creux, de façon négative ou plutôt nég-active, même s'il s'affirme en plénitude. Car le concept de vraie vie n'énonce pas quelque vérité sur la vie ni n'indexe la vie sur une vérité, mais fait ressortir ce qui est l'opposé de la " non-vie ", de la vie qui " ne vit pas ", de la vie qui n'est pas " une vie ", qui n'est au fond qu'une apparence de vie. Sa logique n'est pas celle de la fêlure comme l'incommensurable ou du débordement comme l'inouï, mais elle est celle du dé-couvrement : retirer ce qui masque la capacité de la vie à vivre et qui l'étiole. La vraie vie, autrement dit, se révèle quand s'y dégage ce qui recouvre l'expérience de la vie au point qu'on n'en perçoit plus ni l'incommensurable ni l'inouï. C'est pourquoi le concept de vraie vie est l'aboutissement des deux autres comme à leur départ, à la fois leur horizon et leur condition. Auteurs Jean-Pierre Bompied, enseignant de philosophie, a publié récemment Penser par écart, le chantier conceptuel de François Jullien, Descartes& Ce, 2019. Linda Branco, artiste (art souterrain et art collaboratif), anime l'association Décoïncidences Pascal David, philosophe, a publié de nombreux ouvrages, Penser la Chine, interroger la philosophie avec François Jullien, Hermann, 2016 Alain Douchevsky, philosophe, collabore à la revue Approches Patrick Hochart enseigne la philosophie à l'UniversitéParisVII-Paris Diderot Etienne Klein, physicien, philosophe des sciences, a publié de nombreux ouvrages et récemment Le goût du vrai, Gallimard, 2020 François L'Yvonnet, philosophe, éditeur (Editions de l'Herne), a publié récemment François Jullien, une aventure qui a dérangé la philosophie, Grasset, 2020 François Jullien, philosophe, a commencé son travail en Chine avant de déployer sa puissance conceptuelle et sa singularité dans de multiples domaines. Il est l'un des penseurs contemporains les plus traduits dans le monde.

01/2023

ActuaLitté

Irlande

Irlande

DUBLIN Et ses six cents pubs, rendez-vous de la bohème où la bière a la couleur de l'encre. CONNEMARA : la région la plus âpre et la plus romantique du pays. CASHEL : Sur une éminence stratégique. L'acropole de l'Irlande. LE BURREN : Un impressionnant plateau karstique au nord du Comté de Clare. ILES D'ARAN : Inishmore, Inishman, Inisheer, véritables " vaisseaux de pierre " ennoblis de puissants forts. RING OF KERRY : Célèbre route panoramique qui longe une côte découpée et dentelée à l'infini. CHAUSSEE DES GEANTS : Merveille des merveilles que ce berceau de basalte d'un géant légendaire. MEGALITHES : Ils sont plus d'un millier, esseulés ou regroupés en immenses nécropoles. ENLUMINURES : Dans les scriptoria naquit le Livre de Kells " le plus beau livre du monde ". PRATIQUE : VOUS AVEZ DIT PRATIQUE : Mille et un détails utiles. Une sélection d'hôtels et de restaurants.

12/1949

ActuaLitté

Sciences historiques

Une breve histoire de la communaute chinoise de france

Avant-propos Le 27 janvier 2014 marqua le 50ème anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques officielles entre la République populaire de Chine et la République française. Il y a 50 ans, le Président français de l'époque, le Général Charles de Gaulle, dans un geste d'une audace visionnaire, décida de faire de la France le premier grand pays occidental à reconnaître la Chine. L'évènement, une fois annoncé, provoqua un séisme dans la communauté internationale. La nouvelle fut accueillie avec une joie immense par les Chinois de France. Il est difficile de mesurer aujourd'hui à quel point, pour l'ancienne génération de Huaqiao, isolés dans un pays sans relation formelle avec la Chine, ce changement fut porteur de grandes espérances. A cette époque, la communauté chinoise de France comprenait moins de 10 000 personnes ; aujourd'hui elle dépasse les 500 000. Durant ces cinquante dernières années, à travers triomphes et vicissitudes, bouleversements historiques et changements plus graduels, le parcours de la communauté a esquissé une grande fresque de l'histoire contemporaine. Des sources fiables indiquent que trois cent ans se sont écoulés depuis l'installation du premier Chinois en France. Au cours de cette longue période, chaque immigrant est généralement passé par les mêmes étapes : le saut dans l'inconnu, les doutes, les tâtonnements, puis, progressivement, l'adaptation au nouvel environnement, la subsistance, parfois l'entrée dans les affaires, et enfin l'épanouissement. Il essaye de bâtir des relations cordiales avec la communauté locale et, en même temps qu'il se construit sa vie, n'oublie pas de contribuer à la société. Au cours des cinquante dernières années, malgré la croissance exponentielle de leur nombre, les Huaqiao de l'hexagone ont réussi à se faire accepter par la société française parce qu'ils respectent les lois, ne recherchent pas les affrontements inutiles et sont capables de vivre en harmonie avec les autres dans ce beau pays qu'est la France. Aucune discussion des rapports franco-chinois n'est complète sans mentionner le sort des 140 000 travailleurs chinois venus épauler les Français pendant la Première Guerre Mondiale. Bon nombre d'entre eux y ont sacrifié leur vie et reposent désormais en terre française. La guerre terminée, plus de deux mille d'entre eux décidèrent de rester, une majorité fondant des familles avec des Françaises, mais aussi avec une partie menant une vie précaire, condamnés au célibat et à la pauvreté. Cette première génération d'immigrants a forgé l'amitié entre les deux pays et posé les bases de la communauté chinoise en France. Cette rétrospective des relations franco-chinoises et des générations de Huaqiao ayant vécu en France présente non seulement un intérêt historique, mais, plus encore, est d'actualité et possède une importance pratique. Nous, Chinois de France, espérons de tout coeur cimenter l'amitié entre les deux peuples avec ce livre, non seulement pour nous aujourd'hui, mais plus encore pour les générations futures. La globalisation est en marche, et dans le village global, les peuples se rapprochent sans cesse. Les échanges entre les pays, entre les populations, vont en se fluidifiant. A l'avenir de plus en plus d'habitants d'un pays partiront dans un autre, pour y travailler et y vivre. Beaucoup ne se contenteront pas seulement d'y séjourner, mais voudront y faire leur vie. Dans ce cas, il ne leur faudra pas oublier d'assumer les devoirs et responsabilités qui vont de pair avec les opportunités qui leur sont offertes. En cette deuxième décennie du 21ème siècle, la taille de la communauté chinoise en France est relativement stable, et à court terme on peut penser qu'elle ne changera guère. Pour des raisons pratiques de plus en plus de Huaqiao choisissent de prendre la nationalité française ; pour ceux de la deuxième ou troisième génération, la question ne se pose quasiment pas. Il y a donc de moins en moins de Huaqiao et de plus en plus de Huaren. Mais qu'ils soient Huaren or Huaqiao, dans leurs veines coule le sang du peuple chinois, et ils puiseront toujours leurs racines dans les immenses étendues de la Chine. Interrogés sur leur sentiment d'appartenance, de nombreux Huayi expriment leur conviction profonde quand ils répondent : "J'aime la France, et j'aime aussi la Chine", ou alors "J'aime la Chine, et j'aime aussi la France. " Pour les Chinois de France, il est clair que la France est déjà une seconde patrie. De nos jours, l'intégration est un sujet qui revient souvent dans les conversations entre membres de la communauté. S'intégrer, respecter les lois, vivre en harmonie avec la population locale, telles sont les actions qui garantiront à la communauté sa prospérité sur le long terme. Ce n'est qu'à ces conditions que la communauté pourra, en même temps qu'elle se développe, contribuer à la société française dans son ensemble, et servir d' "ambassadeurs informels" dans le développement des liens culturels et économiques entre la France et la Chine. L'Histoire, lanterne éclairant le futur, ne doit pas être oubliée. Pour l'ancienne génération, il ne faut pas oublier le long chemin parcouru depuis 300 ans, avec ses déboires et ses triomphes ; pour la nouvelle génération, il faut comprendre comment leurs parents sont venus s'intégrer dans la société française. Publié pour coïncider avec le 50ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, nous voudrions que cet ouvrage, résultat de longues années de recherches documentaires et d'interviews avec des acteurs des évènements décrits, soit notre façon de célébrer ce jour extraordinaire. Dû aux contraintes de temps et aux informations qui nous auraient échappées, il est inévitable que ce livre contienne des inexactitudes. Nous serons reconnaissants aux lecteurs de nous écrire pour nous les signaler, ou juste pour nous donner leur avis.

08/2015

ActuaLitté

Romans historiques

Les aventures de Jack Aubrey Tome 5

Dernier volume de la saga maritime de Patrick O'Brian, que le film Master and Commander avec Russel Crowe fit connaître à un large public. Comprend les titres : Le Commodore, Le Blocus de la Sibérie, Les Cent jours, Pavillon amiral et le début d'un titre inédit, le vingt-et-unième, Le Voyage inachevé de Jack Aubrey. Préface de Dominique Le Brun, écrivain de Marine. DERNIER VOLUME DE LA SAGA JACK AUBREY : Jack Aubrey et Stephen Maturin sillonnent l'Atlantique et la Méditerranée à bord de la bonne vieille frégate la Surprise et d'une fine goélette, le Ringle. Dans le cadre du blocus continental, de la fin de l'Empire et de la lutte contre l'esclavagisme, nos héros affrontent les courants et la houle qui sévissent à la pointe de la Bretagne, apprécient le charme des escales à Funchal et Gibraltar, subissent tour à tour les touffeurs du golfe de Guinée et les rigueurs de la Patagonie. Quand ils se sont rencontrés, dans Maître à bord, Jack Aubrey était un jeune officier de la Royal Navy et Stephen Maturin un scientifique sans le sou. Le premier aspire maintenant à hisser son pavillon d'amiral, et le second est devenu un discret mais puissant personnage du gouvernement britannique... Fin des aventures de Jack Aubrey, qui ont marqué des millions de lecteurs de par le monde et avec lesquelles Patrick O'Brian a inscrit pour toujours son nom dans la légende des mers. Le Commodore Pour Jack, nommé commodore, les retrouvailles familiales sont l'occasion de manifestations de joie, mais il en va tout autrement pour Stephen : sa petite fille semble avoir sombré dans l'autisme et son épouse, incapable de faire face à cette épreuve, a abandonné le domicile conjugal. Mais le rugissement de la houle - ou des canons ! - n'est jamais très loin... Aubrey et Maturin, de nouveau envoyés en mission, retrouvent le pont d'un navire, leur véritable univers. Si le golfe de Guinée, avec ses marais fétides, est leur objectif assigné, il ne s'agit que d'une ruse. En réalité, leur destination n'est autre que l'Irlande toute proche. L'Irlande catholique, durement opprimée par l'occupant anglais et agitée de ferments de révolte dont Napoléon, l'ogre corse, rêve de profiter en mettant sur pied une invasion... Le Blocus de la Sibérie Jack, devenu " seigneur du manoir " après le décès de son père, doit défendre âprement ses terres contre la convoitise des voisins qui, s'ils n'ont pas ses glorieux états de service, ont su se doter de solides appuis politiques et d'amitiés en haut lieu. Le retour à la mer compensera-t-il ces tracas ? L'hiver est rude, le blocus de Brest par la Navy difficile à tenir, l'amiral de la flotte considérant en outre Jack comme un dangereux rival. Pour couronner le tout, Sophie Aubrey découvre les preuves d'une infidélité commise jadis par son époux et y réagit avec violence. Cette période délicate est encore assombrie par la hantise de Jack, qui craint fort que la paix qui s'annonce ne mette fin à son ascension et lui interdise à tout jamais d'atteindre le grade tant convoité d'amiral d'active. Heureusement, Stephen Maturin garde dans sa manche un atout qui peut changer la donne. Les Cent jours Branle-bas de combat ! Napoléon s'est échappé de l'île d'Elbe ! La Royal Navy rassemble ses forces, et le moral de Jack Aubrey remonte en flèche. Nommé commodore, avec une escadre sous ses ordres, Jack multiplie les actions, coule, brûle ou détruit les navires que l'on construit pour Napoléon sur les rives de l'Adriatique, et s'efforce d'empêcher l'intervention d'une force de mercenaires musulmans qui doivent entraver les mouvements des armées alliées, unies pour écraser définitivement l'ogre corse. Il est aidé par Stephen Maturin, qui applique à sa mission secrète toute l'acuité de son esprit, en dépit du profond chagrin où l'a plongé la mort de son épouse. Pavillon amiral Après sa défaite à Waterloo, Napoléon rend définitivement les armes et prend la route de l'exil. La guerre de l'Angleterre contre la France s'achève. Pour un homme d'action comme Jack Aubrey, cette situation est plus angoissante que réjouissante, car la paix revenue risque fort de sonner le glas de son ambition de toujours : envoyer son pavillon bleu d'amiral au mât d'artimon. Pis-aller : il va enfin pouvoir mener à bien la mission préparée par Stephen Maturin et si longtemps retardée par les événements en Europe : se rendre au Chili pour soutenir le nouvel Etat, récemment séparé de l'ex-suzerain espagnol, et y former sa jeune marine. La Surprise fait donc voile à travers l'Atlantique... et c'est alors que les ennuis commencent : collision en pleine mer, désertions en série, rien ne semble devoir être épargné à Aubrey, qui voit la perspective du pavillon amiral s'éloigner à l'horizon. Le destin s'acharnerait-il sur " Jack la Chance " ? Le Voyage inachevé de Jack Aubrey Trois chapitres inédits en français du dernier volume des aventures de Jack Aubrey auquel travaillait Patrick O'Brian avant de mourir en 2000. UN CLASSIQUE DE LA LITTERATURE MARITIME : Découvrez la nouvelle édition des Aventures de Jack Aubrey. Ces romans historiques vous plongeront dans un univers maritime à l'époque des guerres napoléoniennes. Maître à bord est le premier tome de la saga maritime de Patrick O'Brian, que le film Master and Commander avec Russell Crowe fit connaître à un large public. Ce volume comprend les romans suivants : Le Commodore, Le Blocus de la Sibérie, Les Cent jours, Pavillon amiral et le début d'un titre inédit, le vingt-et-unième, Le Voyage inachevé de Jack Aubrey. Ce livre d'aventure a été préfacé par l'écrivain Dominique Le Brun. Plongez dans un roman historique passionnant et dépaysant. Les Aventures de Jack Aubrey est un livre d'aventure de Patrick O'Brian présenté et préfacé par Dominique Le Brun. PATRICK O'BRIAN, UN ECRIVAIN MARQUE PAR LA MER : Né en 1914 en Irlande, Patrick O'Brian est mort le 2 janvier 2000. Après avoir écrit de nombreux poèmes, nouvelles et romans et traduit en français de grands auteurs (Simone de Beauvoir, Joseph Kessel, Louis Aragon ...), il inaugure en 1969, avec Maître à bord, une remarquable saga maritime qui fait référence. Ce livre d'aventure est préfacé par Dominique Le Brun, écrivain et journaliste, passionné de navigation et de voyages. Il est membre des écrivains de Marine et invité permanent de l'Académie de Marine.

04/2024

ActuaLitté

Gestion des ressources humaine

Un compromis salarial en crise. Que reste-t-il à négocier dans les entreprises ?

Présentation des auteurs François Alfandari est docteur en science politique, membre du laboratoire Triangle, ses travaux portent sur l'étude du syndicalisme et des relations professionnelles, ainsi que sur l'engagement et les mobilisations collectives. Il a récemment publié " Transmettre un syndicalisme politique. La CGT dans un hôpital psychiatrique publicA ", La nouvelle revue du travail, 22, 2023 et a participé avec le Collectif Mosaïc à la direction d'un ouvrage méthodologique, Enquêter sur les relations professionnelles, ENS Editions, 2023. Sophie Béroud est professeure de science politique à l'Université Lyon 2, membre de Triangle. Ses travaux de recherche portent sur les transformations contemporaines du syndicalisme, les conflits du travail et les formes de mobilisation des travailleurs précaires. Parmi ses publications récentesA : A En luttesA ! Les possibles d'un syndicalisme de contestation, Paris, Raisons d'agir, 2021 (avec Martin Thibault)A ; A Sur le terrain avec les Gilets jaunesA : approche interdisciplinaire du mouvement en France et en Belgique, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 2022 (co-direction avec Anne Dufresne, Corinne Gobin et Marc Zune). Chloé Biaggi, docteure en sociologie (ENS de Paris), est actuellement chercheuse postdoctorante au LABERS (Université de Bretagne Occidentale). Ses travaux s'inscrivent dans le domaine de la sociologie du travail et des relations professionnelles. Sa thèse porte sur la gestion du fait syndical et des conflits au travail par les directions d'entreprises. Elle a récemment publié " Une négociation sans contrepartie ? Ethnographie d'un usage patronal de la négociation collective dans une filiale industrielle " (Socio-économie du travail, 2021) et " "J'en peux plus... j'arrête". Les ressorts de la (dé)mobilisation professionnelle d'un DRH" (La Nouvelle Revue du Travail, 2021). Charles Chamarre (ex-Berthonneau) est docteur en sociologie rattaché au Laboratoire d'Economie et de Sociologie du Travail (LEST). Il a réalisé sa thèse sur les formes d'engagement syndical dans des secteurs précaires et a publié plusieurs articles issus de cette recherche, dont " Un syndicalisme bridé. Expériences ordinaires de délégué·es dans des mondes du travail précairesA ", paru dans la revue Sociologie du Travail en décembre 2022. Il travaille aujourd'hui comme consultant en santé, sécurité et conditions de travail pour les CSE au sein du cabinet 3E Acante. Baptiste Giraud est maître de conférences en science politique à l'Université d'Aix-Marseille et chercheur au Laboratoire d'Economie et de Sociologie du Travail (LEST). Ses recherches portent sur les recompositions des conflits du travail, du syndicalisme et des relations professionnelles. Il est notamment le co-auteur du manuel Sociologie politique du syndicalisme (Armand Colin, 2018), avec Sophie Béroud et Karel Yon. Il a récemment aussi co-dirigé l'ouvrage collectif Le travail syndical en actes. Faire adhérer, mobiliser, représenter (Editions du Septentrion, 2020) avec Yolaine Gassier. Tristan Haute est maître de conférences en science politique à l'Université de Lille et chercheur au CERAPS. Ses recherches portent sur le vote, dans le champ politique et dans le champ professionnel, ainsi que sur la participation des salariés en entreprise (syndicalisation, recours à la grève...) ou encore sur les attitudes des salariés à l'égard des syndicats. Parmi ses publications récentesA : " Diversité et évolutions des attitudes des salariés à l'égard des syndicats en France ", Travail et Emploi, 2021/1, n°164-165, p. A 137-160A ; avec Pierre Blavier et Etienne Penissat, " Du vote professionnel à la grève : les inégalités de participation en entreprise ", Revue française de science politique, 2020/3-4, n°70, p. A 443-467. David Sanson Après un doctorat en sociologie, David Sanson est actuellement professeur adjoint (eq. MCF) à l'Université du Québec à Montréal. Prenant appui sur une ethnographie longitudinale réalisée au sein de collectifs ouvriers et militants d'une grande entreprise française, sa thèse explore les effets politiques du néo-management, en étudiant tout particulièrement les dynamiques inégalitaires et les mécanismes d'aliénation que l'appareillage gestionnaire contemporain produit auprès des classes populaires. Ses travaux actuels développent une approche critique des pratiques managériales hégémoniques, attentive aux multiples rapports de domination, aux dynamiques de relations professionnelles (coopérations, conflits, négociations) et aux pratiques de résistances des salarié. e. s en organisation. Camille Signoretto est maîtresse de conférences en sciences économique à l'Université Paris Cité, chercheuse au laboratoire Dynamiques sociales et recomposition des espaces (Ladyss), et également membre affiliée au CEET-Cnam et associée au LEST. Economiste du travail, ses travaux de recherche portent sur les relations de travail et d'emploi, et plus particulièrement leurs évolutions dans un contexte de changements socio-productifs et de réformes législatives qui ont marqué le monde du travail ces dernières décennies. Elle a récemment dirigé un numéro spécial de la revue Socio-économie du travail s'intitulant " Le "dialogue social" en pratiques et en contextesA " (n°10, 2021-2)A ; ou encore publié avec Aurélie Peyrin et Philippe Méhaut " Flexibilité et transformation des relations d'emploiA : une segmentation des pratiques de gestion de la main-d'oeuvre ", dans Relations industrielles / Industrial Relations, 77(4), 2022. Argumentaire de présentation de l'ouvrage Au terme d'une trentaine d'années de réformes ininterrompues des règles du dialogue social, parachevées par les ordonnances Travail de 2017, la négociation collective d'entreprise s'est imposée comme le nouveau pilier du système des relations professionnelles. En lien avec les politiques de flexibilisation du marché du travail, le dialogue social en entreprise est légitimé comme le moyen de concilier de façon plus équilibrée et efficace les impératifs de compétitivité des entreprises avec la défense des intérêts des salariés. L'institutionnalisation accrue du dialogue social en entreprise comme son éloge politique apparaissent pourtant en fort décalage avec la fragilisation importante de la capacité effective des salariés et de leurs représentants à peser sur la répartition de la valeur et les règles du rapport salarial. Les syndicats ont en effet beaucoup perdu de leur ancrage militant dans un système productif profondément bouleversé, marqué par la précarisation de la condition salariale et le " despotisme du marchéA " qu'impose la financiarisation de l'économie. Le tissu productif français n'en reste pas moins composé de modèles socio-productifs distincts, tant du point de vue des types de marché des entreprises, du profil de leur main d'oeuvre, des modalités de leur encadrement que de la présence syndicale. Combinant analyse statistique et enquêtes de terrain, cet ouvrage collectif montre comment s'articulent dans ces différents contextes socio-productifs les formes de la domination patronale, de conflictualité au travail et de pratiques du dialogue social. Ce faisant, il donne à voir selon quelles modalités différentes se reconfigurent, sous l'effet des transformations du capitalisme et des réformes néo-libérales, les usages des dispositifs du dialogue social en entreprise, les logiques de construction du compromis salarial et la capacité des salariés et de leurs représentants à le négocier. Points forts de l'ouvrage : Revisiter les transformations du dialogue social par le croisement de plusieurs traditions d'étude et l'articulation de plusieurs méthodes de recherche Cet ouvrage réconcilie en effet deux traditions de recherche qui ont jusqu'alors eu tenance à se tourner le dosA : l'analyse socio-économique des modèles productifs d'un côté, la sociologie des relations professionnelles de l'autre. Le croisement de ces approches ouvre une perspective originale pour apporter à l'analyse des modèles productifs une plus grande attention aux dimensions politiques des rapports de domination et des logiques du compromis salarial qui les caractérisent. Il permet en retour d'apporter un regard renouvelé sur les dynamiques de recompositions des relations professionnelles et des pratiques du dialogue social en lien avec la transformation du capitalisme. L'ouvrage s'appuie en outre sur une pluralité de méthode, en articulant l'exploitation des données statistiques de l'enquête REPONSE avec des enquêtes de terrain en entreprise. 2 - Penser ensemble les transformations les logiques de domination du capitalisme et les recompositions des pratiques de dialogue social Alors que la sociologie des relations professionnelles a eu tendance à étudier les logiques de fonctionnement des dispositifs institutionnels de la négociation collective comme s'ils fonctionnaient de manière autonome, le décloisonnement théorique opéré dans cette recherche vise au contraire à montrer qu'une approche par les contextes socio-productifs, attentive à la manière différente dont se configurent les rapports de domination et de résistance au travail, permet de mieux rendre compte de la dynamique différente des conflits et des négociations qui se jouent dans les espaces de la représentation du personnel. Cette perspective donne en particulier la possibilité de mieux cerner comment s'articuler la variété des formes de capitalisme (capitalisme familial, capitalisme administré, capitalisme financier) qui composent le modèle productif français, la dynamique des conflits et des usages des dispositifs du dialogue social en entreprise, et les logiques des compromis salariaux qu'ils servent à construire. Cet ouvrage est ainsi tout à la fois une contribution à l'analyse des transformations du modèle productif capitaliste français et des recompositions des rapports de domination et de compromis qu'ils rendent possible. 3 - Un regard original sur les métamorphoses du syndicalisme En raison de l'érosion de ses effectifs, le syndicalisme français est souvent associé à l'image d'un monde en crise et son utilité régulièrement questionnée. L'ouvrage s'attache à cet égard à éviter un double écueilA : celui d'une vision enchantée du dialogue social d'un côté, celui d'une vision trop unilatérale du déclin de l'influence syndicale. Si l'enquête montre effectivement combien le syndicalisme est mis à l'épreuve par les transformations du capitalisme dans sa capacité à organiser les salariés et défendre leurs intérêts, elle montre cependant aussi d'abord que, loin d'être uniformément affaiblie, leur capacité d'agir reste très dépendante et variable en fonction des contextes socio-productifs de leur ancrage. Elle montre aussi les organisations syndicales restent pourvoyeuses de ressources qui expliquent leur capacité beaucoup plus grande que les élus du personnel non syndiqués à tenir leur rôle de façon autonome des directions et à prendre en charge la défense des intérêts des salariés. 4 - Une enquête élargie aux représentants du personnel non syndiqués La comparaison entre élus du personnel non syndiqués et syndiqués constitue une autre grande originalité du dispositif d'enquête. Alors que les premiers constituent un angle mort de la sociologie des relations professionnelles, ils sont en effet au contraire partie intégrante de notre recherche. Cela permet de mieux mettre en lumière la variété des conditions de formation des instances représentatives du personnel et des modalités d'engagement possibles dans des mandats de représentants des salariés. Ce détour apparaît d'autant plus nécessaire que les nouvelles règles de la négociation collective ont ouvert la possibilité aux directions d'entreprise d'engager des négociations avec des représentants du personnel non syndiqués, majoritairement présents dans les petites entreprises. Notre enquête permet ainsi d'apporter un éclairage sur les contraintes singulières qui déterminent les modalités d'appropriation des dispositifs de la négociation collective et du dialogue social dans les petites entreprises familiales notamment. 5 - Eclairer les modalités d'intégration du dialogue social dans les politiques de domination patronale Attentif à la structure organisationnelle et sociale des usages des dispositifs de la représentation du personnel, cet ouvrage est enfin une contribution à l'analyse de la variété des significations et des pratiques que recouvre le concept flou de " dialogue socialA " dans les stratégies des directions des entreprises. Si elles s'articulent dans certains contextes à la recherche de compromis avec les représentants syndicaux, elle s'arrime au contraire dans d'autres au maintien de stratégies de répression anti-syndicale. Cette enquête documente de ce point de vue la manière dont les recompositions des modalités d'organisation du travail, des politiques managériales de gestion du personnel et les modalités d'appropriation des dispositifs du dialogue social par les directions d'entreprise varient ensemble. Elle apporte ainsi un éclairage sur la façon dont les formes de la domination patronale se différencient et se reconfigurent en s'articulant autour de trois types d'usages des dispositifs de la représentation du personnel, selon qu'ils sont réinvesties dans une simple logique de légalisation des relations professionnelles, comme un instrument de management des relations avec les syndicats ou bien utilisés de manière plus offensive pour refonder le rapport salarial.

10/2023

ActuaLitté

Critique littéraire

Études anglaises - N°1/2014

Claire Vial : Clothing the debate : textiles, text-isles and the economy of gift-giving in four Middle English Breton lays Textiles, both as clothes and elements of the codified knightly costume, play a major structuring role in the Breton lays. Whether embodied in recurring poetic motives or staged in descriptive pauses, these text-isles, or recognisable textual islands, contribute to the spiralling aesthetic of the Breton lays with issues of their own, involving narrative and character development, processes of social signposting and potential theatricality. Pièces d'étoffes, vêtements, éléments du costume chevaleresque... sont dotés d'une fonction structurante majeure dans les lais bretons en moyen-anglais. Sous la forme de motifs poétiques itératifs ou de pauses descriptives singulières, ces îlots textuels récurrents participent de l'esthétique en spirale caractéristique des lais anglais, qu'ils enrichissent de problématiques qui leur sont propres, liées au développement des personnages et de l'intrigue, à l'affichage du statut social et aux effets de théâtralité. Denis LAGAE-DEVOLDERE : "Nothing of what is writ" (4. 2. 199) : silenced texts in Measure for Measure Focussing on an aspect often neglected by critics, this paper suggests a word-by-word exploration into the trajectory of the various written texts, letters or "writs" in Measure for Measure. With the New Historicism notion of negotiable, volatile authority/auctoriality, this is an attempt at probing into the political and dramatic consequences of the letter-writing activity and its implications on the ever slippery notion of truth. Such "writs" are turned into instruments of manipulation, and deceit, which defy reason, and call for what one could call blind faith, from both the characters on stage and the off-stage audience. En s'intéressant à un aspect souvent négligé par la critique, cet article propose une analyse détaillée de la trajectoire des messages écrits dans Measure for Measure. Il examine les conséquences dramatiques et politiques de l'activité d'écriture frénétique, notamment celle du Duc Vincentio, producteur de textes à la fois vrais et faux, lus ou tus, à suivre à la lettre ou à lire à l'envers. On verra ainsi comment Shakespeare utilise la chose écrite et l'événement d'écriture pour en faire un signifiant dramatique qui est bien plus qu'un procédé? : par-delà les notions d'autorité et d'auctorialité ainsi mises à mal, les textes de Measure for Measure interrogent le concept de connaissance et celui de vérité, explicitement décliné dans sa version plurielle, et invitent les personnages comme les spectateurs à un acte de foi dramatique. Guyonne Leduc : The dramatic import of letters within letters in Frances Burney's Evelina (1778) That no attention has been paid to the rather numerous letters within letters in this epistolary novel might seem surprising for any critic studying Evelina. Yet a careful reading of those letters within letters, that seem to pass unnoticed in a novel where sight is the most important of the five senses and where the (mis) interpretation of signs is central, proves rewarding if only from a dramatic viewpoint. Indeed, some of those (enclosed, copied, mentioned, commented upon, etc.) letters within the letters collected by the "editor" trigger not just one of the two plots (the quest for Evelina's name and, at least, social identity) but also changes in geographical places, new turns in the two plots (the second one being the love plot), a comic episode, etc. If some of them thwart the reader's expectations, all of them make it possible to approach one of the key issues broached in the novel. Les lettres dans les lettres, pourtant assez nombreuses dans ce roman épistolaire, n'ont pas retenu l'attention, ce qui peut paraître étonnant pour quiconque étudie Evelina. Pourtant, une lecture minutieuse de ces lettres dans les lettres, qui semblent passer inaperçues dans un roman où la vue est le plus important des cinq sens et où l'interprétation (erronée) des signes est centrale, s'avère fructueuse, ne serait-ce que du point de vue dramatique. En effet, quelques-unes de ces lettres (incluses, recopiées, mentionnées, commentées, etc.) dans les lettres collationnées par l' "éditeur" déclenchent, non seulement l'un des deux intrigues (la quête du nom et de l'identité, au moins sociale, d'Evelina), mais aussi des changements géographiques, des tournants dans les deux intrigues (la seconde étant l'intrigue amoureuse), un épisode comique, etc. Si certaines déçoivent les attentes du lecteur, toutes permettent d'aborder l'une des questions-clés traitées dans le roman. Jean-François BAILLON : Tableaux vivants, still lives : tracing Terence Davies in The House of Mirth (2000) This article attempts to trace the presence of Terence Davies as author of The House of Mirth through three distinct but concurrent strategies. First, the recurrent use of symmetrical patterns at every level appears to link the film to Davies's previous output and signals the presence of a mega-narrator. Secondly, the structuring reference to classical Hollywood melodrama can be referred both to Davies's previous films and to his own personal taste. It is also a way for him to claim his attitude to the source material as fundamentally cinematic. Lastly, self-referential scenes at key moments in the narrative foreground the nature of the film as artefact. Cet article tente de repérer les traces de la présence de l'auteur Terence Davies dans The House of Mirth au moyen de trois procédures distinctes mais convergentes. D'abord, l'usage récurrent de figures symétriques à tous les niveaux relie le film à la production antérieure de Davies et signale la présence d'un méga-narrateur. Ensuite, la référence structurante au mélodrame hollywoodien classique renvoie aussi bien aux films précédents de Davies qu'à son propre goût personnel. C'est aussi pour lui un moyen de revendiquer l'essence profondément cinématographique de son attitude envers le texte-source. Enfin, quelques scènes autoréférentielles situées à des moments clés du récit mettent en avant la nature du film comme artifice. Antoine CAZE : Helen in Egypt et Trilogy : les écritures de guerre de H. D. Toute l'oeuvre de H. D. s'enracine dans l'expérience de la guerre. Cet article ­s'attache à montrer comment cette condition première de l'écriture conduisit la poète américaine à inscrire les grandes séquences poétiques que sont Helen in Egypt et Trilogy dans l'intervalle qui à la fois relie et sépare les modes épique et lyrique. En dépit de l'ordre de composition de ces deux recueils - le premier étant postérieur de dix ans au second - la récriture du mythe qu'est Helen in Egypt, transposant l'épopée sur un mode lyrique, est ici envisagée comme le creuset dans lequel se forge l'écriture de Trilogy : événement traumatique à maints égards pour H. D. , la guerre dont se nourrit son imaginaire ne peut en effet être abordée qu'à rebours du temps, dans une logique de l'après-coup (Nachträglichkeit) que rejoue ici la relation entre mythe antique et histoire contemporaine. La voix à la fois transpersonnelle et intime que crée H. D. dans Trilogy - celle d'une "communauté lyrique" - peut alors être comprise comme la tentative d'une médiation qui lui permettrait d'articuler le trauma. H. D. 's entire oeuvre is premised upon the experience of the war. In this article, I attempt to show that such a seminal condition for her writing led H. D. to pitch the tone of her war-related poetic sequences-Helen in Egypt and Trilogy-in the middle ground between the epic and the lyric. In spite of the chronological order of composition of these two books, the first written some ten years after the second, I contend that H. D. 's re-writing of the Helen story, transposing it from the epic to the lyric, can be understood as the crucible in which the materials for Trilogy are melted. For indeed, H. D. can deal with the traumatic event of the war, which so deeply affected her imagination, only by going against the current of time, according to a logic of the aftershock (Nachträglichkeit) which is structurally implicit in the way she intertwines Greek myth with twentieth-century history. The poetic persona which H. D. creates as a speaker in Trilogy, both transpersonal and intimate, may thus be seen as an attempt on her part to mediate and articulate trauma. Yves FIGUEIREDO : De Mount Auburn à Central Park : aux origines du park movement Le park movement américain a été très largement étudié et historicisé depuis les années 1970, mais ses origines ont fait l'objet de peu d'études. Il serait le produit de l'action combinée de trois facteurs : urbanisation et industrialisation, développement du tourisme et des loisirs, renouveau du regard sur la nature. Cet article examine les limites de ces interprétations sur la période précédant immédiatement la création des premiers parcs et étudie l'apport des cimetières paysagers au développement du park movement. The American park movement has been extensively studied and historicized since the beginning of the 1970s, but its origins have been little documented or analyzed. It is understood as resulting from the combined action of three factors : urbanization and industrialization, development of tourism and leisure, evolving perceptions of nature. This paper examines the limits of such interpretations on the period immediately preceding the foundation of the first parks and studies the contribution of rural cemeteries to the park movement. Andrew DIAMOND : Cutting through the "Fog of War" : World War II and the fracturing of the New Deal order in the urban North While the New Deal created a new relationship between ordinary citizens and the federal government with its work relief programs, welfare system, and laws protecting organized labor, this relationship began to sour in a northern wartime context marked by massive black migration, widespread racial conflict, and increasingly militant civil rights organizations. Pressured by black mobilization and the outbreak of violent civil disorders in major war production centers between 1941 and 1943, federal, state, and city authorities moved to create a range of race relations organizations devoted to fighting racial discrimination and fostering interracial cooperation. These organizations, some which were of a quasi-official nature, quickly became fixtures on the local political scene, playing active roles in countering the campaigns of whites to keep blacks out of their neighborhoods and to retain the privileges of whiteness at work. What follows constitutes an attempt to understand how white residents and workers perceived and responded to these new race relations organizations. I will argue that in the eyes of average white residents and workers whose interests seemed to run up against them, the proliferation of these organizations worked to recast the role of the state from protector of the working man to protector of black rights, thereby fracturing the young New Deal order. Le New Deal a mis en place une nouvelle relation entre les citoyens ordinaires et le gouvernement fédéral grâce à ses programmes de création d'emplois, son système d'assistance sociale et ses lois protégeant les droits des ouvriers. Mais cette relation commença à se détériorer dans le contexte de la mobilisation du Nord pour la guerre, caractérisé par une migration massive des Noirs, des conflits raciaux fréquents et des organisations noires de droits civiques de plus en plus militantes. Sous la pression des organisations de défense des droits civiques et des troubles violents qui éclatèrent dans les grands centres de production militaire entre 1941 et 1943, les autorités fédérales, ainsi que celles des Etats et des municipalités créèrent toute une série d'organisations chargées de lutter contre la discrimination raciale et de promouvoir la coopération interraciale. Ces organisations, dont certaines étaient quasi-officielles, devinrent rapidement des éléments essentiels de la scène politique locale, et jouèrent un rôle actif pour contrer les campagnes des Blancs visant à maintenir les Noirs en dehors de leurs quartiers et à conserver sur leur lieu de travail les privilèges attachés à la peau blanche. Cet article essaie de comprendre comment les habitants et les ouvriers blancs des villes du Nord ont perçu ces nouvelles organisations chargées des relations interraciales. Il défend l'idée selon laquelle, aux yeux des habitants et ouvriers blancs ordinaires dont les intérêts se heurtaient aux objectifs de ces organisations, leur prolifération a contribué à transformer leur vision du rôle de l'Etat du protecteur du travailleur en protecteur des droits des noirs.

05/2014

ActuaLitté

Généralités

La Méditerranée occidentale : Histoire, enjeux et perspectives

Cet ouvrage consacré au Maghreb et au partenariat avec les pays de l'arc latin de la Méditerranée est publié au plus fort d'une actualité marquée, d'une part, par l'existence d'une crise aiguë du couple algéro-marocain qui était envisagé comme le moteur d'une construction maghrébine, et d'autre part, d'une marginalisation de la Méditerranée occidentale dans la géopolitique mondiale que traduit ce conflit majeur opposant l'Europe et les Etats-Unis à la Russie. Ce paradoxe qui incite au désenchantement, n'est-il pas aussi le moment privilégié pour repenser et agir afin de réaliser un regroupement régional et promouvoir des formes de partenariat et de coopération entre les pays méditerranéens. Autrement dit, la crise géopolitique ne donnerait-elle pas l'opportunité aux pays du Maghreb de repenser leurs alliances, de mieux défendre leurs intérêts communs, et contribuer ainsi à mettre en oeuvre un nouvel ordre politique et économique plus propice au progrès et au développement de leurs peuples. Il s'agira pour eux de se hisser à la hauteur des nouveaux enjeux provoqués par les recompositions géopolitiques en cours et de dépasser des situations jugées aujourd'hui indépassables. Ce livre posthume de Noureddine ABDI qui est l'aboutissement de longues années de travail offre des matériaux précieux dans l'édification de ce projet maghrébin " sans cesse recommencéA " et/ou contrarié, car soumis aux aléas politique, à des conjonctures économiques internes et à des alliances économiques ou politiques contraires à la vocation unitaire du Maghreb. Avant d'entrer dans le coeur d'un sujet -le Maghreb et subsidiairement ses rapports avec la Méditerranée occidentale- qui fut dès les années 1980 au centre de sa réflexion et de ses recherches, un mot pour évoquer une dette personnelle qui nous avons contractée auprès de N. Abdi. Engageant au milieu des années 1970, une carrière de chercheur en économie agricole et rurale, parmi mes premières lectures figuraient en bonne place les articles que N. Abdi avait publié dans des revues (la Revue Algérienne ou d'autres revue étrangères). Il fut pour moi, l'un des premiers chercheur algérien (aux côtés de nos aînés que furent Tami Tidafi, Hamid Aït-Amara ou Claudine Chaulet) qui ont contribué à nourrir nos connaissances, et à nous initier aux questions agraires et paysannes. Celles-ci avaient occupé son activité intellectuelle tout au long de la période qui va du milieu des années 1950 à la fin des années 1970. L'autobiographie qui figure à la fin de l'ouvrage apporte des éclairages intéressants et nouveaux sur les contextes politiques et économiques de cette époque. Elle nous livre un témoignage inédit sur les conditions concrètes d'émergence de l'autogestion agricole en Algérie, les obstacles rencontrés et les luttes d'influence exercées au sein de l'appareil d'Etat, les motifs de son engagement auprès des ouvriers de l'autogestion ou les attributaires d'une réforme agraire qu'il avait appelé de tous ses voeux. Si le récit autobiographique, rédigé avec une modestie qui impressionnait les personnes qui l'ont côtoyé, évoque assez clairement l'engagement politique et syndical de l'auteur dans la lutte de libération nationale, elle témoigne aussi de son attachement émouvant à sa terre - et de ses lieux- d'origine, décrit les premiers pas de l'Etat algérien dès l'indépendance en mettant l'accent sur difficultés dans la construction de ses institutions nationales. Au cours de la période qui va suivre, celle qui commence dans les années 1980, N. Abdi va élargir la perspective en traitant essentiellement de la construction maghrébine, et focalise sa pensée sur " les perspectives d'un avenir régional communA ". Appartenant dorénavant aux deux rives de la Méditerranée (un entre-deux dont il faisait l'expérience), il fonde son engagement personnel à penser également le rapprochement des pays du Maghreb avec les pays méditerranéens de l'arc latin. Les processus de renforcement des unions régionales face à une mondialisation en marche, l'essor d'une coopération adaptée à leur échelle font aussi l'objet de ses préoccupations intellectuelles. Ces formes de coopération et de regroupement régional sont pensées comme " le meilleur moyen de peser dans les relations internationalesA ". Ces nouvelles recherches que l'auteur engage baliseront un parcours personnel et professionnel au sein d'institutions tels l'Institut d'Etudes du Développement Economique et Social (IEDES), le CNRS français, la Maison des Sciences de l'Homme ou de laboratoires de recherche de l'Université Paris VII. Abdi se dépensera avec énergie pour animer des forums, des débats ou des rencontres scientifiques réunissant des dizaines de chercheurs appartenant aux deux rives. Tous les travaux et toutes les contributions que N. Abdi signale dans cet ouvrage, sont les produits intellectuels de ces multiples activités ; elles ont fait l'objet de publications thématiques dans des revues, des compte-rendu de séminaires ou des ouvrages collectifs. Les sources d'inspiration les plus marquantes de ce parcours professionnel sont évoquées. Il y a en premier lieu l'auteur maghrébin par excellence que fut Ibn Khaldoun dont il est fait souvent référence dans ses travaux, mais aussi d'autres auteursA ; le marocain A. Khatibi, et le tunisien A. Meddeb- passeurs et penseurs comme lui de l'altérité- qui partageaient avec lui, une confiance dans la construction de ce " lieu de symbiose " qu'est selon lui le Maghreb. Il n'a cessé d'entretenir un dialogue ininterrompu, et jusqu'à leur disparition prématurée, avec ces deux auteurs qui cultivaient, selon son expression, une " maghrébinité commune ". Cet " entre-deuxA ", position qu'il assumait pleinement, et les liens socioculturels qui le rattachait aux deux rives de la Méditerranée, l'ont naturellement conduit à plaider pour un rapprochementA ; celui-ci qui se nourrissait d'échanges intellectuels avec d'autres auteurs (J. Berque ou P. Vieille) à la sensibilité méditerranéenne tout aussi affirmée que la sienne. Ce n'est, écrit-il " qu'en restituant parmi les autres dimensions du Maghreb, celle qu'il partage avec l'Europe latine, qu'on parviendra à saisir les réalités maghrébines telles qu'elles sont perçues par les Maghrébins eux-mêmes et plus particulièrement la société civile, de façon à que ce Maghreb réel puisse constituer notre véritable horizon de pensée ". Cette vision généreuse d'ouverture vers la méditerranée occidentale l'empêchera d'examiner les distances prises avec la rive sud, l'Europe méridionale préférant de fait coopérer avec les nouveaux pays (ex PECO) admis dans l'Union européenne. Elle est également silencieuse sur les approches nationales que chacun des pays du Maghreb engage avec les pays de l'Union européenne Aucune coordination n'est réalisée dans la mise en oeuvre des rapports politiques et économiques et politiques. A titre d'exemple, les accords d'association sont signés séparément et leurs évaluations -qui font ressortir des tendances à l'accentuation des asymétries économiques défavorables aux 3 pays du Maghreb- n'ont pas permis les rapprochements concertations pourtant nécessaires. L'engagement politique de l'auteur pour " féconder un Maghreb des citoyensA " est un engagement actif résolument orienté vers des processus de création et de production de richesses " au plan intérieurA ", et impulsé " au plan extérieurA " par " un esprit d'ouverture et de partenariatA ". Il s'agit, nous dit-il, " de dégager les perspectives d'un avenir régional commun pour qu'il soit davantage maîtrisé que subi, c'est-à-dire qu'il prenne la forme d'un essor autonome plutôt que celle d'un moindre développement et d'une dépendance accrue ". Empruntant à l'auteur des " AndalousiesA ", la formule de J. Berque, N. Abdi appelle lui également à des " Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous les décombres amoncelés et l'inlassable espérance ". L'approche généreuse et profondément universaliste que N. Abdi adopte, reprend une idée empreinte d'humanisme, de cet autre penseur de la Méditerranée, Paul Valéry, qui concevait la Méditerranée comme un " dispositif à faire de la civilisationA ". La méditerranéïté, écrit-il, est ainsi intimement liée au processus de construction maghrébine, elle en est l'un des principes fondateurs, tout comme à l'inverse, " la maghrébinité en est tributaire ". Ces affirmations s'appuient sur une réflexion critique qui intègre l'analyse de la longue durée, et où N. Abdi expose avec lucidité le cheminement du projet politique de construction d'un Maghreb " lequel est en permanence fait et défait par les pouvoirs en place ", ce qui témoigne d'un clivage -qu'il subissait lui-même sur le plan politique nous dit-il-, et " qui se creusait entre le Maroc et l'Algérie proches l'un de l'autre ". Sa réflexion sur la vocation unitaire dans le Maghreb s'appuie sur l'examen minutieux desA critères à la fois socio-historiques et politiques, et en particulier la dimension ethno-culturelle de la région. Le Maghreb écrit-il " constitue un sujet historique ", en particulier dans les phases conflictuelles et de résistances. Il rappelle que l'Etoile Nord-Africaine qui fut créée à Paris en 1927, et qui traduira les premiers pas du nationalisme algérien, " vise à construire l'unité du MaghrebA ", " à ressusciter une unité ancienne que l'histoire a enregistrée et dont elle a témoignéA ". Il s'attache avec obstination à retracer le cheminement de l'idée maghrébine dans un passé plus proche de nous, en examinant les faits qui participent au développement de ce " sujet historique " dans les phases conflictuellesA ; ceux des années 1930 (de la création de l'Etoile Nord-Africaine à l'Association des Etudiants Musulmans Nord-Africains (AEMNA), ceux de la deuxième guerre mondiale, avec le mouvement syndical animé par le tunisien F. Hachad). Il traque enfin cette solidarité maghrébine partagée par les mouvements de libération nationale dans les années 1950. Il remarque bien que la proclamation de la construction du Maghreb à Tanger, en août 1959, et sa relance le 17 février 1989, n'empêche pas cet ensemble d'être toujours aussi divisé, notamment par une frontière algéro-marocaine fermée. Ce constat établi, l'incite naturellement à analyser, au-delà de la question du Sahara occidental, les raisons socio-politiques et économiques qui font ce Maghreb " écarteléA ". Ces discordes sont à rechercher, nous dit-il, dans la nature de régimes peu disposés à " concéder la moindre parcelle de leurA pouvoir dansA le cadre d'une unification du MaghrebA ", mais aussi dans l'état de sociétés politiques ou de sociétés civiles peu mobilisées par l'idée maghrébine. Ces questionnements de l'auteur ne le détournent pas de l'exercice de recension des éléments qui peuvent constituer les moyens de dépassement de ces situations de fait. Cette dernière posture illustre assez parfaitement l'optimisme raisonné de N. Abdi dans l'affirmation d'une maghrébinité possible et souhaitable pour l'avenir des peuples de la région. Elle le conduit à analyse avec rigueur les facteurs favorables à une intégration maghrébine, ou de ce que les prospectivistes appelleraient " les signaux faiblesA " favorables à une construction maghrébine. Les facteurs religieux et culturels d'abord, où N. Abdi qui, tout en attirant l'attention sur le recours vain à une " retraditionnalisationA " du fonds culturel et religieux de la région, invite, à mobiliser et/ou revivifier un fonds religieux et culturel maghrébin " avec ses institutions et ses références ancestrales propresA ". Il y a ensuite des facteurs sociaux avec " les passerellesA " que représentent les diasporas du Maghreb. C'est, nous dit-il, au sein de l'immigration que l'on rencontre " cette maghrébinité radicale ". Cette dernière ressource, facteur puissant d'intégration, est représentée par les populations originaires du Maghreb. Ces dernières font la découverte dans les sociétés d'accueil " de leur sentiment d'une appartenance commune ", de cette " identité partagée " et qui prennent " conscience de ce qui les unitA ". Après tout, s'interroge-t-il, " si nous considérons le fait que l'affirmation de l'indépendance du Maghreb a commencé à l'extérieur pendant l'entre-deux-guerres, pourquoi n'en serait-il pas de même du mouvement de reconstruction du MaghrebA "A ? Et Abdi d'explorer enfin les conditions économiques propices à l'intégration. L'existence d'un large marché fort de millions de consommateurs " qui aurait pour effet d'augmenter de 2 points le taux de croissance de la régionA ", le développement des infrastructures de transport (autoroute Trans maghrébine dont l'essentiel des tronçons sont déjà réalisés à l'intérieur de chacun des pays), l'énergie (électricité et gaz), de même que l'irruption dans l'espace économique, souvent appuyée par le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC), de " nouveaux acteurs de l'intégration socio-économique du MaghrebA ", que sont les entrepreneurs et chefs de PME. Les facteurs d'intégration sont à cultiver au sein des communautés universitaires où " l'intelligentsia maghrébine devrait, où qu'elle se trouve, jouer un rôle moteur dans le cadre d'échanges et de collaborationsA "A ; dans les milieux d'affaires ensuite où la promotion d'une intégration peut être entreprise par des agents qui se situent au sommet de l'économie maghrébine. Le futur du Maghreb ne peut être toutefois pensé sans ce couple algéro-marocain qui est appelé à jouer un rôle décisif dans une construction maghrébine fondée sur " une réelle émancipation et un vrai progrès pour toutes ses populationsA ". " Ce qui importe le plus, nous dit-il, c'est avant tout de cultiver et de développer la maghrébinité au travers de relations maghrébines les plus favorables à l'épanouissement de l'homme ". Reprenant l'une desA premières propositions de KHATIBI formulé sur les relations de voisinage, il nous invite " à se regarder en face ", A à " construire un espace vie qui soit communA ", et à " aller vers le risque partagé avec l'autre, les autresA ". Une pensée généreusement humaine, anti bureaucratique par nature, s'appuyant sur une mobilisation citoyenne constitue le fil conducteur de ses analyses du Maghreb. C'est la même pensée que l'on retrouve dans ses travaux de jeunesse portant sur la construction du Maghreb conduites par le syndicaliste tunisien F. Hached, où dans le rôle joué par l'UGTA et la Fédération des travailleurs de la terre dans l'autogestion agricole algérienne. Les " constructions bureaucratiquesA " et les " approches technocratiquesA " seront en permanence vigoureusement dénoncées par N. Abdi. Ces approches dessaisissent, affirme-t-il, les acteurs sociaux, les producteurs ou les créateurs de richesses de leurs pouvoirs et freinent, nous dit-il le mouvement d'émancipation sociale, soit de la paysannerie du temps de l'autogestion agricole, soit les sociétés civiles et politiques dans la construction du Maghreb. Nous le répétons, la vision du Maghreb que propose N. Abdi est inséparable de son itinéraire de vie et de la fidélité à ses engagements politiques et syndicaux qu'il évoque. L'exil qu'il a choisi dès 1973, va le conforter dans un statut de chercheur qu'il n'aura jamais abandonnéA ; ce statut l'autorisait à exercer ses activités avec une liberté d'esprit à laquelle il était profondément attaché. S'il a inauguré un champs d'étude dans les années 1960-70 passionnant pour ma génération (celui des questions agraire et paysannes), il nous offre avec cet ouvrage posthume, un chantier de travail que l'on découvre avec un réel plaisir intellectuel et où l'érudition de l'auteur laisse aussi place à l'émotion suscitée par cette quête absolu d'un idéal de progrès et d'émancipation pour les peuples du Maghreb, cette quête de méditerranéïté faite de paix et de coopération à laquelle il rêvait. La lecture de ce livre nous laisse toutefois un grand regret. Celui de n'avoir pas croisé l'homme, celui de n'avoir pas échangé sur son expérience dans un domaine qui nous est cher à tous les deux, celui de la paysannerie qui fut son premier domaine de recherche ; mais au-delà, de cet intérêt tout personnel, la frustration de n'avoir pas eu l'occasion de dialoguer sur cette passion qu'il entretenait et cette cause qu'il défendait avec déterminationA A : celle du "Maghreb des peuples et des citoyensA ", dont il portait l'idée avec une conviction admirable. Omar Bessaoud, économiste agricole, professeur associé au CIHEAM-Montpellier. Montpellier, le 2 juin 2022.

10/2022