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Guendalina Litta

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Sciences politiques

Le monde multipolaire 1990-1995

"Le monde multipolaire" : voilà une définition simple et efficace, riche de contenu stratégique. Il est en effet clair, désormais, que la scène internationale n'est plus occupée par un acteur unique, ni deux, ni même un petit nombre. Les puissances protagonistes se bousculent. Bon nombre sont des "parvenues", certaines sont d'ex-colonies, mais leur force démographique et économique leur permet sans conteste de prétendre au titre de puissances émergentes : la discussion autour de l'éventualité que la crise asiatique déclenche une déflation mondiale tourne autour de la tenue du yuan chinois. A supposer qu'il ait jamais existé, le partage du monde entre les Etats-Unis et l'URSS n'est plus qu'un souvenir. Cette vision multipolaire du monde d'aujourd'hui imprègne tous les articles de politique internationale qu'Arrigo Cervetto a publiés dans Lotta Communista, depuis "Bipolarisme et multipolarisme dans le monde d'après-Yalta" (janvier 1990), jusqu'au "Mythe de la classe moyenne en Asie" (février 1995), dernière contribution de l'auteur achevée quelques heures avant sa disparition soudaine. Si ces articles sont aujourd'hui présentés au lecteur de langue française, c'est que nous sommes convaincus qu'ils offrent non seulement une analyse ponctuelle des relations internationales et de leur évolution tumultueuse dans la première moitié des années quatre-vingt-dix, mais surtout un ensemble de réflexions stratégiques qui s'appuient sur l'observation de la fin du "siècle de la longue guerre" pour éclairer les tendances du nouveau millénaire. La réalité actuelle du monde multipolaire est à replacer dans une perspective historique et politique. Le multipolarisme ne peut être le résultat imprévisible d'une mutation génétique soudaine dans les rapports de puissance. Une réinterprétation du passé s'impose, tout au moins du demi-siècle qui vient de s'écouler. Combien de multipolarismes couvaient déjà sous les cendres (et la fumée idéologique) de la "guerre froide" bipolaire ? Quelle part de calcul, ou de fausseté, y avait-il dans bien des interprétations courantes des décennies passées ? L'école marxiste peut marquer un point en sa faveur dans le bilan de fin de siècle. Le multipolarisme, en effet, ne peut être défini comme une phase déterminée des rapports de puissance ; il est une caractéristique intrinsèque du système des Etats à l'époque de l'impérialisme. Le développement capitaliste inégal, nous explique Cervetto, "... se traduit par l'impossibilité d'assurer sur le long terme la stabilité de deux blocs que deux superpuissances ont congelés, par le déclin de certaines puissances et par l'ascension d'autres. Le développement inégal crée une dynamique de pluralité de puissances, qui elle-même conduit à une pluralité de pôles".

05/1998

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Philosophie N° 154, juin 2022

Ce numéro s'ouvre sur la traduction, par Timothée Moreau, d'un texte de Willard Van Orman Quine intitulé "L'usage et sa place dans la signification" ("Use and its place in meaning") dans la version parue dans le recueil Theories and Things de 1981, et présenté ici par Bruno Leclercq. Quine y explicite les relations entre sens et usage au moyen d'une théorisation de la notion de "signification cognitive". La présentation rédigée par Bruno Leclercq fait le point sur les convergences et les divergences entre les conceptions quinienne et wittgensteinienne du sens comme usage. Il se poursuit avec "L'autre de la justice : Habermas et le défi éthique du postmodernisme", rédigé par Axel Honneth en 1994, présenté es traduit par Emmanuel Levine. Honneth y montre que si les éthiques dites "postmodernes" de Jean-François Lyotard et Stephen White ne dépassent pas le cadre de l'éthique de la discussion, Jacques Derrida a élaboré, à partir de Levinas, un point de vue moral corrigeant et complétant l'idée kantienne d'égalité de traitement. En tension perpétuelle avec les principes habermassiens de justice et de solidarité, la sollicitude (care) prend en compte la singularité et la vulnérabilité des individus exclus de la discussion et révèle la nécessité morale de leur porter une aide unilatérale et illimitée. Dans "Foucault après la révolution. L'universel, le singulier et la légitimité", Daniel Liotta pose la question de savoir quel statut Foucault attribue à la valeur de l'intolérable, tout en soumettant à la critique l'idéal révolutionnaire ; l'analyse des subjectivations et les références au droit, qui constituent deux principes du combat politique et deux figures de l'universalité, semblent permettre de la préciser. Comment la généalogie peut-elle cependant penser la légitimité juridique, et comment celle-ci peut-elle s'articuler à une analyse des subjectivations ? Il s'agit, pour Foucault, de déterminer à la fois une politique indépendante de l'idéal révolutionnaire et une éthique philosophique. Dans "L'esthétique artistique transcende l'esthétique sensible. Sur la phénoménologie de l'art de Henri Maldiney", Charles Bobant tente de démontrer que la phénoménologie maldinéenne de l'art connaît une évolution théorique significative. Alors qu'il soutient dans ses premiers textes que l'art dévoile l'espace du paysage, c'est-à-dire l'étant dissimulé par l'objet, Henri Maldiney défend ensuite la thèse selon laquelle l'art révèle le lieu d'être, ou l'être entendu comme lieu. Après quoi il s'efforce de mettre en évidence le caractère problématique de la thèse de l'art comme ontophanie. D. P.

06/2022

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Beaux arts

Surréalismus N° 7, hiver/printemps 2021 : Le surréalisme aux USA

Cette septième livraison de Surréalismus vous offre une maquette renouvelée, des rubriques repensées. L'objectif : laisser davantage de place aux œuvres et rendre les textes plus accessibles. Côté éditorial, quatre séquences jalonnent votre lecture : L’actualité dans la presse, les livres et les DVD, avec un hommage posthume à notre ami, grand poète, éditeur et incomparable défenseur du surréalisme Jean-Michel Goutier. Nous remercions chaleureusement Giovanna Goutier pour son aide. Les grands entretiens autour des expositions s’ouvrent avec Yolande Rasle et Renaud Faroux pour le Centenaire du P.C.F. à l'Espace Niemeyer, à Paris, au printemps prochain. Giovanni Lista raconte De Chirico à l’Orangerie. Sophie Krebs et Marion Brauner évoquent, chacune à sa manière, Victor Brauner au Musée d'Art Moderne de Paris. En instance d’ouverture, un projet autour de la naissance du surréalisme, mis en chantier par deux jeunes conservateurs de la BnF, Bérénice Stoll et Olivier Wagner. Didier Ottinger s’enthousiasme pour la période Renoir du peintre René Magritte qui ouvrira ses portes à l'Orangerie au printemps prochain. Une rencontre magnifique (bien qu’à distance) avec Sarah Meister, conservatrice au MoMA où elle nous initie au Fotoclubismo. Anne Yanover nous parle de l'amitié de Paul Eluard et Pablo Picasso au musée de Saint-Denis. Laurence Imbernon présente Hayter et l'atelier du monde bientôt visible au musée des beaux-arts de Rennes. Le dossier U.S.A. nous entraîne, pour cette première incursion, vers les contrées du nord-est des États-Unis. La couverture et un portfolio de douze pages sont consacrés à Alfred Stieglitz, inventeur de la photographie d'art, extraordinaire précurseur du surréalisme aux Etats-Unis et grand ami de Marcel Duchamp. Suit un long entretien avec Fabrice Maze, réalisateur du film-documentaire dédié à la peintre américaine Kay Sage. C'est aussi l'occasion de faire un point sur la collection Phares créée par la fille d'André Breton et de Jacqueline Lamba, Aube Breton-Elléouët. On vous plonge dans l'univers onirique d'Edgar Allan Poe avec The Raven (Le Corbeau) dans sa version d'origine en anglais illustrée par Gustave Doré, puis dans la traduction française de Charles Baudelaire avec notre choix de gravures d'Odilon Redon. Christophe Dauphin nous initie à l'œuvre de Philip Lamantia, poète et acteur important de la Beat Generation qui fit le lien entre le surréalisme et la contre-culture américaine. Pour clore la séquence : un entretien avec Alain Sayag sur Man Ray et la mode et un clin d’œil sur la grande exposition Alexander Calder programmée au MoMA. Le calendrier international des expositions liées au surréalisme se regarde dans une actualité bouleversée. Il est remis à jour régulièrement sur notre site www.surrealismus.fr (rubrique : + de surréalisme, sous-rubrique : calendrier).

12/2020

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Ethnologie et anthropologie

Inde - Chine - Mexique. Philosophie de l'histoire

L'ouvrage présente des textes majeurs de Carlo Cattaneo (1801-1969) : six articles diversement monographiques, sous deux guises essentielles - l'étude monographique proprement dite, aux accents totalement inédits, de trois pays lointains d'une part, envisagés dans la perception conjointe de leur histoire, de leur culture, de leur économie et de leur droit ; et d'autre part, la conception de la philosophie de l'histoire et de l'homme lui-même qui soutient une telle étude. En 1993, dans l'une de ses dernières leçons devant ses étudiants en architecture, Giancarlo De Carlo leur conseillait vivement de faire quelques lectures décisives s'ils voulaient apprendre à connaître le paysage et le territoire, les questions à leur poser, les enseignements à tirer de leur histoire ; parmi elles, essentielle à ses yeux, celle de Cattaneo, India Messico Cina, " un très beau livre, peut-être un peu difficile à trouver [G. De Carlo songeait à la seule édition indépendante de ces trois textes, celle de Bompiani en 1942], où il parle précisément de la formation du paysage et du rapport entre le paysage et les économies des différents pays " (G. De Carlo, La città e il territorio, Macerata, Quodlibet, 2019, p. 43). C'est bien cela en effet qu'apprendront les étudiants en parcourant cette histoire incarnée de trois pays, reconstituée dans un dessein d'ensemble qu'il importe de méditer aujourd'hui ; et ce n'est pas sans raison que G. De Carlo se tournait vers Cattaneo : soucieux d'ouvrir les étudiants à une approche pluridisciplinaire de l'architecture, il était naturel qu'il retrouvât le rédacteur du Politecnico, à l'inlassable curiosité s'impatientant de frontières trop étroites. " Notre culture ", écrivait-il, " et pas seulement la culture architecturale, a été mutilée par le phénomène de la spécialisation : pour aller plus vite, pour résoudre des problèmes quantitatifs, pour accroître l'efficacité, on se concentre à chaque fois sur une petite partie du monde, en croyant qu'on retrouvera dans un second temps une vision d'ensemble. Mais cela s'est rarement produit, parce que la distorsion congénitale de la spécialisation fait qu'en se concentrant sur un point, elle perd le sens de la raison pour laquelle ce point existe " (ibid.). Cattaneo fournira l'antidote parfait aux risques qui inquiétaient l'architecte. En ce sens, Il Politecnico, la revue qu'il fonda en 1839, et en laquelle on a vu " le plus beau périodique de culture et de sciences que l'Europe ait eu à cette époque " (Elio Vittorini), sera, en certains domaines, le laboratoire le plus vivant de la pensée du XIXe siècle, et en d'autres, la chambre d'enregistrement la plus fidèle des innovations et des avancées qui s'y produisirent. C'est à cette revue que sont empruntés la majorité des textes que présente ce volume. Il y a cependant une grande cohérence dans la diversité même des intérêts de Cattaneo. Elle se retrouve jusque dans ses pages les moins liées en apparence à la philosophie de l'histoire qu'il développe, et dont ce recueil voudrait être la manifestation à la fois théorique (les Considérations ou les pages sur Vico) et appliquée (les monographies sur l'Inde, la Chine, le Mexique, et pour joindre pour ainsi dire les deux approches, celle sur les " types humains ", admirable leçon disqualifiant à la fois le racisme et, à l'avance, l'" antiracisme ", comme autant de manquement et à la pensée et à la réalité mêmes). Une diversité, donc, mais exigeante et orientée, aimantée par l'idée d'une commune dignité du genre humain ayant à méditer sur sa propre histoire et à se demander à lui-même le développement le plus harmonieux. On trouvera ici des formules décisives de cet humanisme scientifique, tout ensemble rêveur et curieux de tout, inventif et fervent ; partout règne la même attention à l'unité du genre humain, une unité incarnée, diverse, étrange parfois, mais toujours féconde et pour la pensée, et pour le projet politique, caressé en sous-main, d'un fédéralisme des nations gouverné par la foi dans le développement harmonieux des sciences, des cultures, des civilisations. Ainsi dans son De bello nelle arti ornamentali, " Du beau dans les arts décoratifs ", si éloigné que paraisse un tel texte des études à la fois historiques, géographiques, économiques, culturelles, juridiques, que parvient à mener Cattaneo dans les monographies de pays ou les études plus proprement philosophiques réunies ici, on retrouve, en peu de mots, le fond essentiel de ses convictions, qui peuvent emprunter toutes les voies - philosophique, " sociologique " avant la lettre, esthétique, etc. - pour se dire : " Il n'y a pas de raison qu'un pont de fer, dans sa gracilité apparente, ne puisse devenir aussi élégant qu'un arc massif en marbre. Il n'y a pas de raison qu'une pesante locomotive ne puisse recevoir de telles proportions formelles que les spectateurs ajoutent l'admiration pour sa beauté sévère à l'étonnement que leur inspire sa redoutable efficacité " ; il faut " accepter les cadeaux de tous les siècles et de toutes les nations, en faisant, comme disait, non sans grâce, Annibal Caro, non gerbe de toute herbe, mais guirlande de toutes fleurs [... ] De même, quand on a appris la grammaire d'une langue, on peut rencontrer le même assemblage de formes mentales dans celle d'une autre ; et à la fin, dans la contrariété babélienne des paroles humaines, on voit paraître un même tronc revêtu d'un feuillage différent " (Scritti letterari, artistici, linguistici e vari, a ura di A. Bertani, Florence, Le Monnier, vol. I, pp. 135-137). C'est à cet ouverture admirative et raisonnée sur la diversité du monde que Cattaneo nous convie. Les pages que nous réunissons donnent un premier aperçu de cet art du regard, de l'attention et de la pensée.

11/2021