Sylvie Callet

Hildegarde de Bingen , je n’ai pas pris le temps de faire des recherches sur le net pour m’en assurer, fut réellement une sainte du XIe siècle qui rédigea une encyclopédie nommée Physica. Permettez alors que je m’adresse aux végétaux amorphes que sont les étudiants en lettres, en général, et ceux qui font leurs humanités en particulier (bien qu’ils ignorent totalement ce que cela signifie). Physica n’a rien à voir avec un groupe de cette musique dépravée que vous nommez Tektonik. En grec, phûsis signifie la nature. Donc Physica, ce sont les choses de la nature, quoi. Pardonnez-moi, je vieillis, je ne supporte plus les jeunes…

Et puisque l’on s’entretenait de plantes, Hildegarde en avait découvert une fameuse. Non, Victor, elle ne se fume pas, n’insiste pas. En fait, nombre de laboratoires pharmaceutiques aimeraient mettre la main dessus, et sur ses molécules plus précisément. Les labos, et d’autres, hein. Il leur faut donc mettre la main en premier lieu sur le livre Physica d’Hildegarde. Et pour ce faire, d’ailleurs, on n’hésite pas une seconde à assassiner violemment des bibliothécaires… Américaines, certes, mais tout de même.

Laurette, elle, travaille au Museum d’histoire naturelle de Paris. Dans sa prochaine exposition, elle brûle de révéler au public l’existence de cette plante, certes, mais surtout de pouvoir en exposer un spécimen. La voici donc empêtrée dans une affaire de botanique et de rangement alphabétique. Car Hildegarde, comme si elle l’avait senti, a planqué les références de ses plantes dans les méandres d’un idiome complexe : la lingua ignota. Même à l’attention des non-latinistes, je n’ose traduire.

Retrouver l’exemplaire du Physica sera essentiel, mais ce dernier aura pas mal bourlingué depuis sa rédaction, se passant de mains en mains, parcourant l’Europe, et finalement pour peu que l’on sache où il se terre, il manquerait justement les passages qui suscitent tant d’enthousiasme. C’est que le marché du livre ancien draine son lot de crapules prêtes à toutes les basses pour s’emparer d’une denrée précieuse.

Aussi, au fil de son enquête à la façon de Miss Marple, elle côtoiera plusieurs personnages historiques qui ont croisé le chemin d’Hildegarde, ou de son livre. Elle parcourt les siècles, suivant un fil d’Ariane ténu et fragile, pour retrouver enfin le saint Graal botanique. Point commun à chacun ? Un goût prononcé pour la classification, le rangement et la mise au point d’une méthode de classement qui élabore finalement les fondements d’une science de l’information et de la documentation.

Or, tout cela est beau, se dit Dieu, mais franchement, n’est pas un peu cantonné aux spécialistes. Eh, bien, Seigneur, je trouve que vous jugez un peu à l’emporte-pièce. D’abord, ce roman est tout bonnement passionnant. Et ce n’est rien de le dire. Si son thème peut rebuter de prime abord, il faut au contraire passer outre et se lancer aux côtés de Laurette, à corps perdu, dans une aventure riche et dynamique. Quoiqu’un peu à l’eau de rose, de temps en temps. Désolé Sylvie, mais comprends ma position d’homme, c’est vrai que cette liaison, même justifiée et intégrée à ton histoire, elle est vécue un peu gnangnan…

Pour autant, Seigneur, vous n’avez pas tout à fait tort. En ce sens que le livre devient épuisant de par cet aller-retour permanent entre passé et présent. La foule d’information provenant du passé, et chargée d’illustrer le présent devient un peu écrasante, et l’on décroche – particulièrement le passage en Belgique, vraiment peu passionnant – sans une volonté de fer. Ou des insomnies chroniques. La table des matières est un roman épuisant. On en sort ravi et séduit pas ce style peu commun, autant que vidé de son énergie par le tour de force qu’il représente.

L’intrigue se poursuit avec son accumulation de détails, d’indices, qui nous poussent à spéculer sur les intentions de tel ou tel, les implications de l’un ou l’autre qui croiseraient les intérêts d’untel… Bref, on suit, non sans peine parfois, mais on palpite.

Après… je ne cache pas qu’en dépit de toutes ses qualités, le roman offre une accroche prenante, mais réclame une attention régulière. Et surtout, de ne pas s’arrêter en plein milieu d’un passage rétrospectif, et de reprendre trop longtemps après, sous peine de se refaire ledit passage. Comme la plume agile nous séduit, on se laisse porter. Et l’on parcourt nous aussi les jardins où l’on dénichera la plante mystique qui offre l’immortalité…

D’ailleurs, je vais m’acheter une pelle de ce pas.

La collection encyclopédique pour les jeunes enfants à partir de 4 ans, propose cette fois un grand voyage autour du monde, sous la plume de , avec Manon et Lucas, deux explorateurs très curieux, avides de tout connaître.

Ainsi de la découverte de la planète Terre vue du ciel, à l'incursion en Europe,  avec un arrêt en France, puis un saut en Amérique, dans les forêts tropicales, un survol de l'Asie et de ses mégalopoles, le voyage se poursuit jusqu'en Afrique et en Océanie et offre au lecteur, un aperçu ludique et instructif du monde qui nous environne. Sans se prendre au sérieux, cet atlas animé répond aux questions des enfants, des plus ordinaires et classiques aux plus surprenantes et amusantes avec une concision intéressante, accessible et cependant bien documentée.

Et parce que les Kididoc sont d'abord conçus pour éveiller en amusant, le livre regorge de doubles pages à déplier, de cartons à rabattre, d'enveloppes à ouvrir, de mini-livres à parcourir, d'énigmes à résoudre, de rubriques "cherche et trouve".

Autant de jeux et d'activités interactives qui dynamisent la lecture, attisent la soif de connaissance et font de l'ouvrage un document bien vivant à parcourir et à re-parcourir plusieurs fois, avec à chaque fois, de nouvelles découvertes et de nouveaux amusements.

Autant de pages et d'indices pour apprendre quel âge a la terre, combien de langues sont parlées dans le monde, quel est le plus long fleuve d'Europe, ce qu'est le Mont Saint-Michel, quelle est la ville la plus en hauteur, ce qu'est la Mecque, où se trouve la plus haute tour du monde, d'où vient le chocolat ? etc.  Les parents trouveront ainsi de nombreuses réponses aux questions de leurs enfants et suivront avec délice les illustrations colorées et joyeuses de Didier Balicevic.

De plus, en fin de volume, un grand poster avec d'un côté les drapeaux et de l'autre une carte du monde et un quizz récapitulatif complèteront cette lecture plaisir, cette invitation au voyage et à l'ouverture sur le monde.

Enfin, dans un souci d'exactitude, toutes les cartes de l'ouvrage ont été relues par un professeur d'histoire-géographie, Patrick Marques.

Pour les inconditionnels de la collection, un grand livre-jeu pour partir à la découverte des aliments paraît simultanément (le grand livre-jeu des gourmands).

De la même manière, l'enfant se promène dans un grand magasin, identifie les légumes, découvre les nutriments et leur rôle dans l'organisme, apprend à concevoir des menus équilibrés et à cuisiner avec, en prime, un petit cahier de recettes à expérimenter avec un adulte et un jeu de l'oie pour aborder la notion de "bien manger".  Une belle mise en appétit.

Adèle tient le café du village. Dans ce hameau du bout du monde, qui fait face aux vents et à l'océan, le « Tablier à pois » est toujours ouvert ; c'est le centre du village, le lieu de vie où tout le monde se retrouve et où l'on peut faire ses courses le mercredi, jour où Lucas, l'épicier, apporte son petit étal. Adèle est toujours vive et pétillante... sauf les jours de pluie. Là, elle reste seule chez elle, déprimée et malheureuse. Mais un mercredi, après le départ de tous les clients, elle trouve deux jolies bottes de pluie roses, juste à sa pointure, qui semblent oubliées là. La semaine suivante, c'est un imperméable délicatement cintré. Puis un adorable parapluie rose à pois. Toutes ces affaires semblent lui être destinées. Mais par qui ? Pourquoi ?

Pour son premier livre, nous offre une histoire d'amour pleine de grâce et de tendresse. Dès la première page de l'album, il n'y a aucun doute sur le dénouement, mais comment résister à cette histoire pleine de bons sentiments qui ne sombre jamais dans la mièvrerie ? On se sent tellement bien dans cette ambiance feutrée où il fait bon vivre.

Les illustrations de Rose à petits pois sont largement à la hauteur du texte. Que de délicatesse et de poésie, là aussi. Avec ses tons pastel, Geneviève Godbout crée une atmosphère chaleureuse qui nous plonge dans un monde emprunt d'une douce nostalgie.

En espérant que ces deux jeunes femmes de talent continueront leur collaboration pour nous faire à nouveau rêver.

Il est des attachements qui parfois nous surprennent, inattendus mais réjouissants. Le livre de en est un. Assez fort d’ailleurs pour qu’on ait envie de le défendre et surtout de le partager. Aussi ne vous fiez pas au genre, celui de l’autofiction, ni au sujet, la maladie de Crohn (inflammation chronique incurable de l'appareil digestif, "une gastro-entérite qui ne s'arrête jamais") ; dépassez tout apriori car il suffit de lire quelques pages pour pénétrer avec naturel et engouement une histoire pourtant très personnelle et intime et se sentir immédiatement concerné, associé, intégré.

Une démarche particulière mais tellement  sincère, une construction originale et limpide, une écriture accessible, vraie et sans ambages séduisent d’emblée et apportent à l’histoire une tonalité authentique, sensible et réaliste, à la fois crûe, cruelle et en même temps pleine de chaleur, de tendresse, de légèreté. Si appropriée et de ce fait, percutante et bouleversante. Mais sans excès. Parfaitement ajustée à Pauline, le personnage essentiel de cette histoire.

"Pauline Zarka, son visage de squaw, ses seins moulés dans une combinaison pantalon en stretch imprimé peau de python."

Car, c’est un portrait de femme étonnant et puissamment romanesque qui illumine les pages de ce récit, traverse l’existence de la narratrice-auteure, avec pour toile de fond, la maladie de Crohn.  Un subtil enchevêtrement d’histoires, habilement construit où se partagent des moments de vie, douloureux et joyeux, présents et passés, à Paris, au Brésil ou en Inde à Auroville ;  où l’évolution de la maladie et les différentes étapes de l’écriture du livre sont les repères chronologiques discrets mais structurants d’instants éparpillés, précieux et vifs.

" Qui va utiliser qui ? Je vais me servir de sa vie, me servir dans sa vie, pour écrire mon livre".

Encouragée par son éditeur, Sylvie Perez répond à  la demande de son ami Pauline ("épuisée de souffrir") d’écrire un livre sur elle et sur la maladie qui l’empoisonne depuis plus de trente-cinq ans, la maladie de Crohn. Sans détours, avec la volonté de ne rien falsifier, ni de la difficulté d’écrire, ni de la difficulté de s’exposer, ni de celle de se livrer intimement au lecteur, l’auteure raconte au plus près son amie, son entourage et la maladie, féroce, agressive et progressivement invalidante qui façonne sa manière de vivre, explosive et combative à la fois, pleine de défiance.

Ainsi, page après page, le lecteur alterne entre le récit de la vie de l’auteure et celui de Pauline, toutes deux imprégnées de culture juive et de Tunisie, le plonge dans des souvenirs de jeunesse, des soirées entre copines, des séjours hospitaliers, des essais thérapeutiques inédits, des voyages spirituels "pseudo-curatifs", des histoires d’amants, des précisions historiques,  des préoccupations d’écriture, toujours ou presque avec une vitalité et une légèreté ardentes  même lors des situations les plus désespérées ou les plus dégradantes.

Ce livre frappe par son énergie, est à l’image de son personnage, brûlant et fort, toujours en lutte et en même temps parfaitement lucide.  Jamais narcissique. Une leçon de vie impressionnante racontée avec bienveillance et sans voyeurisme ;  une expérience littéraire aboutie et finement perceptible, au sein desquelles le lecteur trouve  naturellement sa place, incessible et précieuse.

  Ce livre a SA raison d’être, plus que bien d'autres !  Aussi, ne passez pas à côté.

Aujourd'hui, c'est samedi : Ada est grognon. Elle déteste les samedis. Et pour cause : elle a ballet. Or elle a horreur du ballet. Son justaucorps est trop serré, son tutu la démange, en voiture elle a mal au cœur, les arabesques c'est grotesque… Bref, elle exècre la danse !

Contrainte par Mademoiselle Delapointe, elle se lance dans une pirouette, une pirouette endiablée faite de poum, bang, zou, tchac… et qui la guide jusqu'à un drôle de type qui porte une espèce de pyjama. Et lui, contrairement à Mademoiselle Delapointe et aux camarades de ballet d'Ada, il a l'air de trouver fabuleuses ses gesticulations. Et si Ada était faite pour le karaté et non pour la danse ?

C'est bien connu : les petites filles veulent faire de la danse et les petits garçons du karaté. Mais si certaines petites filles préféraient le karaté, et certains petits garçons la danse ? Pourquoi la société impose-t-elle presque systématiquement cette répartition, sans tenir compte de l'envie profonde des enfants ? pose la question dans un album plein d'humour, qui fait de la pauvre Ada une petite grincheuse, alors que ce n'est qu'une enfant qui subit les convenances d'une société arc-boutée sur des stéréotypes.

Ada la grincheuse en tutu, un album aux illustrations simples et efficaces, pour faire réfléchir les parents et amuser les enfants.

C'est l'histoire d'un flamant rose. Il est beau et majestueux, mais seul. Jusqu'à ce qu'une petite fille arrive. Affublée d'un maillot de bain rose, d'un bonnet de bain et de palmes, elle se met à singer le flamant, qui la snobe ostensiblement.

Un peu maladroite, la fillette finit par tomber. L'animal se moque ; vexée, elle boude. Le flamand va alors vers elle et les deux solos deviennent un duo. Le couple ainsi formé se lance alors, plein de joie, dans un magnifique ballet.

nous raconte une histoire toute simple, pleine de grâce et d'élégance. Dans un univers entièrement rose, un majestueux flamant se voit confronté à une petite fille ronde et pataude qui veut lui ressembler. Mais, grâce à la danse, les dissemblances vont s'atténuer progressivement jusqu'à atteindre l'harmonie, source de joie et de plénitude.

Une économie de couleurs, très peu de texte, quelques rabats qui brisent la simplicité de cet album sobre : Molly Idle nous offre un livre d'une grande beauté. Une célébration de l'amitié belle et tendre.

Sylvie, à presque 16 ans, est en rupture totale avec sa famille. Elle se réfugie dans son monde et passe le plus clair de son temps à lire ou à rêver.
Thomas, lui à presque 18 ans, s'entend très bien avec son père mais tente de trouver sa place dans la société et de comprendre le monde qui l'entoure.
Sylvie habite en France, Thomas à Berlin. Leurs pères sont amis. La jeune fille ira donc passer l'été chez Thomas pour se changer un peu les idées.
Nous sommes en 1973.
Roman historique et roman d'initiation, est double. Il nous entraîne dans les profondeurs de la société berlinoise des années 70 et nous montre à quoi pouvait ressembler une ville coupée en deux par un mur. Loin des clichés, le personnage de Thomas se fait guide et fait découvrir à son amie Sylvie, tout ce qui a pu faire de cette ville un endroit à part. Elle se retrouve face à une jeunesse qui parle politique, révolte, théâtre alternatif, occupation américaine, nazisme. Elle traverse le mur aussi, et rencontre des habitants de Berlin Est entre satisfaction du aux conditions de vie et regrets quant à la diminution de leurs libertés et les inégalités crées.

Mais Berlin 73 est aussi un roman sur l'adolescence, ses angoisses, ses frayeurs, ses complexes et ses espoirs. Et c'est là tout l'intérêt du roman : faire découvrir une réalité historique mais aussi des sentiments universels. L'éveil de Sylvie au monde qui l'entoure est très moderne, seuls les acteurs et les conditions ont changés.
Marie-Florence Ehret signe donc un très joli roman, plein de douceur, d'émotion et d'humanité qui permet de parcourir une page d'Histoire en compagnie de personnages attachants.

Leïla Pelfresne

Ricky, Sylvie, Najib, Lopez, Claveline. Destins croisés au département français de Constantine entre 1960 et 1962. Ils jurent fidélité à l'amour, à la liberté de l'Algérie, à la justice qui défend les colons. Mauvaise mélodie. Ricky «Drums», membre d'un groupe des «Fury's», est envoyé sous les drapeaux défendre la patrie française. Sylvie, folle amoureuse de son musicien, pose ses valises et sa machine à écrire en Algérie française afin de le suivre Un coup du sort la mettra sur le chemin de l'inspecteur Lopez, en soif de vérité, qui se laissera tourner la tête par la belle, tandis que le crime profite lâchement des événements politiques. Claveline, résidant au tabac-journaux, voit en Sylvie le passeport vers une nouvelle vie loin des affrontements des Indépendantistes qui repoussent les français hors de leurs terres. Najib, le jeune boiteux orphelin, a tourné le dos aux «résistants» afin de s'attirer les faveurs des colons, prévoyant une fuite prochaine vers la France avec sa Claveline, près des joies insouciantes du rock'n roll. Une nouvel air, un nouveau souffle, une autre vie.

est une œuvre chorale, une chroniquede personnages que la guerre rassemble dans tous les sens du terme. Il est vrai qu'il est difficile de prime abord de se sentir concerné par le Saint Tropez des années 60. Cependant, lorsque l'ensemble des « acteurs» se retrouve progressivement poussés vers les mêmes lieux, le drame s'installe, les mailles se resserrent... Nullement plongé dans un pathos déprimant, préfère raconter la guerre d'Algérie vue par le prisme de ces adolescents encore plein de vie, de rêves et d'espoir. Certains moments sont inoubliables, notamment le concert improvisé avec Ricky «Drums» et ses Harki rythmant son twist de youyou. Les lecteurs adolescents se sentiront probablement décalés avec cette jeunesse d'un autre temps mais ce n'en est pas moins intéressant. Le style d'écriture extrêmement travaillé réservera d'office cette œuvre à un bon lectorat toutefois.