Contes et les gens d’aujourd’hui. Le Petit Chaperon rouge et le Petit Poucet

Ce petit album, à partir de 4 ans, est un enchantement. Poétique et magique, proche de l'imagerie des contes populaires, il est capable d'enchanter les enfants et de ravir simultanément le lecteur adulte.

 Avec beaucoup de délicatesse et de raffinement, une infinie douceur, l'histoire, toute simple, se déroule sans grand tapage, tel un murmure, et s'accompagne d'illustrations magnifiques réalisées au fusain, à la fois sensibles et très évocatrices d'une ambiance intimiste et chaleureuse. Immergé au cœur de l'hiver blanc, le lecteur croit entendre les pas feutrés s'enfoncer dans la neige, le silence résonner, perçoit la chaleur des intérieurs confinés et confortables et s'émerveille des paysages sublimés par cette impression de pureté éclatante, si féérique.

Réalisée par une jeune auteure japonaise, diplômée de l'université des Beaux-Arts de Musashino, l'histoire semble s'inspirer du conte populaire Le Petit Chaperon Rouge mais le transfigure rapidement, lui ôte tout effet de peur.

La jeune Kikko décide de traverser la forêt enneigée pour rejoindre son père, parti chez la grand-mère de bon matin en oubliant le gâteau qui lui était destiné. En chemin, elle rencontre un ours, puis une brebis et se retrouve alors attablée dans une grande maison autour de nombreux animaux de la forêt, venus là pour un goûter. Avec bienveillance, elle est accueillie, conviée à partager les douceurs de la table.

Ce livre est une invitation au partage, à l'amitié, à la générosité, à l'émerveillement. Il enveloppe le lecteur dans un cocon extrêmement doux, apporte du réconfort, par les mots comme par le graphisme. Les personnages ont des formes arrondies sécurisantes et chaleureuses, à l'image des jouets en peluches.

Le noir et blanc n'est jamais sombre, offre aux dessins une certaine profondeur et de la pureté. Ici pas d'artifice ni de mensonge. Et lorsque, ça et là, quelques touches colorées jaillissent, le livre éclate de vie et d'émotion.

Il est comme une  caresse apaisante,  propice au sommeil et aux rêves merveilleux.

Chut ! Votre enfant s'est endormi.

Cet album existe aussi en grand format.

En France, le personnage du Petit Chaperon rouge nous est, à tous, très familier. En Chine, ceux de Shen-Long le dragon et de Sun Wu-Kong le singe (et en France aussi pour ce dernier, car pour les inconditionnels de Dragon Ball, Sun Wu-Kong est le fameux « Son Gokû » du célèbre manga d'Akira Toriyama) le sont aussi. L'auteur écrit un conte mélangé en réunissant ces trois personnages traditionnels. L'histoire commence ainsi : la célèbre grand-mère du Petit Chaperon Rouge (qui, dans ce livre, par chance, ne sera pas boulottée par le loup) se fait conteuse et raconte à sa petite-fille l'histoire d'un dragon aux écailles arc-en-ciel qui fait « tomber la pluie en marchant sur les nuages ». Ce qui tombe plutôt bien car le Petit Chaperon Rouge vit justement dans un pays en proie à la sécheresse…Elle décide alors de partir à la recherche de ce dragon qui pourrait bien l'aider à sauver son pays… 

Dans Chaperon Rouge et le Dragon de Chine, les illustrations hautes en couleurs de Joel Cimarron nous captivent et animent un récit qui nous emporte dans un voyage à travers le temps et les différentes cultures. Pour autant, il est bien dommage que ce voyage ait été parfois trop rapide, le texte péchant dans les moments de transitions qui sont souvent brutaux. En effet, certaines scènes auraient méritées d'être davantage détaillées et la psychologie des personnages un peu plus profonde.

Adèle tient le café du village. Dans ce hameau du bout du monde, qui fait face aux vents et à l'océan, le « Tablier à pois » est toujours ouvert ; c'est le centre du village, le lieu de vie où tout le monde se retrouve et où l'on peut faire ses courses le mercredi, jour où Lucas, l'épicier, apporte son petit étal. Adèle est toujours vive et pétillante... sauf les jours de pluie. Là, elle reste seule chez elle, déprimée et malheureuse. Mais un mercredi, après le départ de tous les clients, elle trouve deux jolies bottes de pluie roses, juste à sa pointure, qui semblent oubliées là. La semaine suivante, c'est un imperméable délicatement cintré. Puis un adorable parapluie rose à pois. Toutes ces affaires semblent lui être destinées. Mais par qui ? Pourquoi ?

Pour son premier livre, nous offre une histoire d'amour pleine de grâce et de tendresse. Dès la première page de l'album, il n'y a aucun doute sur le dénouement, mais comment résister à cette histoire pleine de bons sentiments qui ne sombre jamais dans la mièvrerie ? On se sent tellement bien dans cette ambiance feutrée où il fait bon vivre.

Les illustrations de Rose à petits pois sont largement à la hauteur du texte. Que de délicatesse et de poésie, là aussi. Avec ses tons pastel, Geneviève Godbout crée une atmosphère chaleureuse qui nous plonge dans un monde emprunt d'une douce nostalgie.

En espérant que ces deux jeunes femmes de talent continueront leur collaboration pour nous faire à nouveau rêver.

Pas facile d'être une grande dame. Pas facile non plus d'être un petit monsieur. Et pas facile pour la grande dame et le petit monsieur de se parler. Pourtant, ils peuvent s'aimer !
L'histoire est très simple et chaque double page est un régal pour les yeux et les oreilles. Les sonorités chantent aux oreilles, les mots riment, les vers coulent et le charme opère. Quant aux illustrations, elles bouleversent et transcendent les habitudes : les jeux avec la mise en page sont nombreux, provoquant des lectures de l'image originales et passionnantes. Les couleurs alternent, les choix graphiques aussi, pour notre plus grand plaisir. L'attention est retenue sur des détails ou sur de gros éléments, et le jeu sur la typographie intègre habilement le texte à l'image.
Une fois que la dernière page de est tournée, une seule envie nous oppresse : recommencer cet instant poétique et graphique en le relisant.

Certainement la grande majorité d'entre vous l'on déjà lu, c'est une sorte de passage obligé à un moment donné de notre vie, où l'on à tous eu, un jour, à répondre à cette question : « T'as lu ? »
Alors, Oui. Non. Peut-être ? C'est quoi ça, un gâteau sec et rond avec du chocolat dedans ? non, non rien à voir…
Bref, pour les trois dernières réponses, j'ai la solution !
Tout l'été dans la revue Télérama, vous avez peut-être pu lire cette nouvelle version du Petit Prince recréée à l'occasion par le dessinateur Joann Sfar, et là, vient de paraître l'album intégral aux éditions Gallimard Jeunesse.
Alors c'est vrai, que par rapport aux dessins de Saint-Exupéry que nous connaissons bien, la version de Sfar peut surprendre et même parfois choquer les plus puristes. Mais elle n'en est pas moins intéressante…

Joann Sfar à qui nous devons pour les adultes des b.d à succès comme le fantastique « Chat du Rabbin » et pour les enfants la série « Petit Vampire », sert cette histoire du Petit Prince avec un regard neuf et dont la partie onirique ne fait pas défaut à l'édition originale.
Grâce à Joann Sfar, ce sont de nouvelles images qui viennent se former devant nos yeux. Ainsi, le businessman devient sous le crayon du dessinateur une sorte de robot extraterrestre, la fleur est une mini jeune femme qui se pavane dans une rose et le petit prince, lui-même, a les yeux énormes, éternellement surpris, un peu comme un personnage de manga…
{tab=Page 2}Le texte qui peut paraître « bizarre » pour certains enfants qui le lisent, trouve ici, peut-être, grâce aux dessins les explications que les grands pourraient comprendre plus facilement. Ce « Petit Prince », nouvelle version, est un ovni dans la bande dessinée et l'est certainement peut-être autant qu'au moment, où en 1946, le livre est paru…
C'est donc un nouvel indispensable dans chaque bonne bibliothèque personnelle qui se respecte…

Voici un tailleur qui invite à dîner un gentil bossu. Manque de bol, le bossu mange une arrête, s'étouffe et meurt illico! C'est la panique chez le petit tailleur: pour ne pas être accusé d'assassinat, il faut se débarrasser du cadavre et que ça saute! Le petit tailleur file donc déposer le cadavre chez le médecin en le faisant passer pour un malade. Et, malheureusement, le médecin fait tomber le bossu dans les escaliers! C'est la panique: il ne faut pas que le médecin soit accusé d'être un criminel! Le médecin décide donc de poser le corps chez le marchand voisin qui, croyant avoir affaire à un voleur, frappe le bossu. Malheur! Il faut se débarrasser du cadavre!

Le pauvre bossu est bringuebalé de foyers en foyers! Qu'il est drôle de voir tous les habitants croire être coupable de meurtre. Mais la malhonnêteté et le manque de courage ne sont jamais une solution. Mieux vaut dire la vérité!

Avec de Sabine du Faÿ, merveilleux conte des Mille et Une Nuits, nous rions à chaque page tant les situations et les quiproquos produisent des gags invraisemblables. En plus, les peintures des illustrations reproduisent bien l'ambiance des contes orientaux, enivrant le lecteur pour longtemps de la magie de cette histoire.

A quelques centimètres du nouvel album de Titeuf se trouve, dans le rayon des romans jeunesse, une sorte de cousin à lui qui s'appelle Gustave !
Et Gustave, c'est un garçon d'une dizaine d'années qui, un peu comme dans un journal intime, nous raconte son quotidien et celui de ses proches… du moins ce qu'il peut en comprendre !
Primo, Gustave, il déteste son prénom alors on le surnomme Gus… mais c'est vrai que lui, il aurait adoré se faire appeler Brad ou Bob ! C'est quand même plus classe, non ?
Et secondo, entre l'école et la maison, on va rencontrer pléthore de personnages : son frère, Romain, qui porte des jeans slim taille « ultra basse » où on dirait un peu qu'il a fait dans son pantalon ; sa sœur Delphine qui pleure toutes les larmes de son corps quand par malheur extrême elle vient de casser son Ipod Nano ou bien… ou bien encore Ryan dit « Le Taureau », en classe de CM2 et dont le grand jeu est de courir partout pour renverser les petits de C.P. !

Alors Gus, il a un regard acerbe sur la société dans laquelle nous vivons et il ne comprend pas pourquoi, par exemple, les vieux clochards dans la rue ne touchent pas de retraite, pourquoi les filles font « tout le temps des histoires » à propos des garçons…
Avec un langage actuel à la fois extrêmement drôle et totalement impertinent, va faire mourir de rire tous les jeunes lecteurs à partir de 10-11 ans…
Bon, certes, tous les mots qu'on pourra trouver dans ce livre ne sont pas forcément à répéter. Mais l'histoire est vraiment très très drôle. Ces tranches de vies présentées par l'auteure Claudine Desmarteau sont, oui, des stéréotypes de jeunes, mais c'est tellement hilarant que l'on se laisse prendre au jeu facilement et l'on en redemande avec le plus grand plaisir. Je pense même que les parents vont adorer...

Voilà une histoire totalement irrésistible, drôle et ravissante. est un petit livre naïf très attachant qui parle d'amour. Christo nous raconte les contrariétés sentimentales d'un petit pois, amoureux fou d'un grand haricot. Mais la spontanéité, la persévérance et les effusions n'y changent rien: le grand haricot reste aussi froid qu'une soupe de concombre devant les assauts du petit pois. Jusqu'à ce que ce dernier lui fasse présent d'une pièce d'or... L'avidité et la cupidité de Grand Haricot font comprendre à Petit Pois que ce n'est pas ça, le véritable amour. Heureusement, une jolie carotte sincère et douce va déclarer sa flamme à notre Petit Pois, touché et conquis. Grand haricot se sent bien bête, tout seul. Mais qui sait: en étant à son tour doux et gentil, il trouvera peut-être sa garniture...

Petit Pois et Grand Haricot est une histoire végétarienne très tendre qui séduira jusqu'aux vrais carnivores. Le récit est joli, fluide, piquant et très bien servi par les illustrations acidulées et toutes en rondeurs qu'a mijotées Sandrine Gambart. Avec des effets d'impressions, des mots mis en couleurs et des petites annotations partout, on dévore avec gourmandise ce joli conte de légumes. Et on en redemanderait du rabe! Une vraie recette, en somme, pour faire pousser l'imagination des plus petits qui verront désormais dans une boite de petits pois-carottes un tas d'histoires d'amour.

Il était une fois un , mais qui écrivait beaucoup. Des amis, il n'en avait pas vraiment: il était sans cesse en mouvement au fil des déménagements. Des amours, il en a eu, qui restaient tus. Mais ce petit garçon écrivait. Il écrivait ses amours, ses colères, ses amis et ses ennemis. Ses joies et ses peines emplissaient les feuilles de papier, les coins déchirés et les dessins collectionnés. Gardés dans une valise, ces secrets restaient enfouis... jusqu'à ce que la valise craque sous le poids des papiers. La tristesse, trop présente, déborda.

Très poétiques, les phrases écrites par le petit garçon qui ne souriait jamais se lisent dans tous les sens et se trouvent sur les détails des illustrations. Le texte de Fabienne Jonca qui les accompagnent fait résonner autrement ces mots gribouillés et l'émotion nait naturellement. En regardant ces images pleine de subtilités à interpréter et en lisant le texte, vous pouvez vous retrouver et découvrir autrement le monde qui nous entoure.

Les enquêtes policières, c'est bien, mais parfois un peu compliqué et ennuyeux... Dorothy Howell a trouvé la solution : elle y a ajouté une héroïne complètement loufoque ! Haley Randolf est ce qu'on appelle une « accro » du shopping. Mais attention, pas n'importe quoi : une accro aux sacs à main de luxe. Alors, pour éponger son découvert bancaire, en plus de son job dans une grande entreprise, elle travaille le soir chez Holt, une grande surface qu'elle déteste au plus haut point.

Comme elle le dit elle-même volontiers, Haley serait prête à tuer pour un Vuitton ou un Chanel. Oui, mais voila : un de ses supérieurs est assassiné dans la réserve de Holt, pleine de sacs à main. Haley est la coupable idéale, d'autant plus que c'est elle qui a découvert le corps...

Au début de , Haley est un peu agaçante, et l'histoire a du mal à démarrer. Mais au bout de quelques chapitres, l'humour débarque et amène avec lui ses amis les sourires ! Face à l'enquête de la police qui n'avance pas et son renvoi de son « bon job », Haley décide de prendre les choses en main. Et c'est parti pour une enquête d'un genre un peu particulier, entre gaffes, péripéties, garçons et bien sûr... les sacs à main !

(Delcourt) est bien sympathique. Il est issu d'un blog (un tumblr pour être techno-spécifique) où la Californienne Liz Climo met en scène des animaux divers et variés, et d'autres créatures telles que momies ou machines à laver, affligées de divers tracas. 

chronique BD avec BDfugue

Façon de s'abstraire de son boulot de tous les jours, qui n'est pas banal pour autant : un travail dont vous voyez l'aboutissement dans la série animée "Les Simpson", où elle est en charge des story-boards depuis une dizaine d'années ! Son album, découpé par saisons, présente sur chaque page un simple dessin, ou des strips plus ou moins développés. 

Le ton est humoristique, mais plus varié qu'on peut le penser si l'on s'arrête à la couverture ou que l'on se contente de feuilleter quelques pages. Le trait de Liz Climo est plein de fraîcheur et d'expressivité, ses couleurs douces et délicates, toutes ces qualités mises au service d'un univers trop trop mignon !!! Mais pas mièvre, bien au contraire... 

Sous son aspect de livre pour enfants, Le petit monde de Liz offre plusieurs niveaux de lecture. Assurément, certains gags à caractère familial sont charmants. Juste charmants. Les jeux du papa dinosaure et de son fils, qui reviennent à intervalles réguliers, ne peuvent que rappeler des situations vécues par tout père de famille. C'est naïf et gentil tout plein, ce qui n'est déjà pas si mal. Mais beaucoup d'autres strips sont futés et visuellement percutants, ce qui est remarquable au regard de la simplicité du graphisme. Et certains sont même carrément loufoques !!! 

On y voit des animaux qui, tels des humains moyens, parlent, mangent ou boivent. Ils draguent leurs congénères, organisent des soirées déguisées, élèvent leurs enfants et jouent au bord de la mer ou ailleurs. Tout ça un peu laborieusement, et en ratant souvent leur but. Il y a des jeux de mots un peu foireux et beaucoup de dialogues complètement décalés, parce que sortant de la bouche - pardon, de la gueule ou du bec ! -  d'animaux de toutes espèces. 

Le petit monde de Liz

sur BDfugue.com

En quelque sorte, on s'aventure dans l'envers du décor des livres pour enfants, une sorte d'univers fictif où les comédiens à poils et à plumes interprétant ces histoires destinées à un jeune public ont une vie privée fort proche de la nôtre. J'ose une hypothèse : Liz Climo connaît et aime Gary Larson, et lui rend hommage dans son livre. 

Ah, Gary Larson !!! Il y a une vingtaine d'années, ses albums et ceux de Glen Baxter sont enfin commodément disponibles en France, et traduits aussi bien que possible : je découvre alors les oeuvres de ces maîtres du "nonsense" avec délectation. L'anglais Baxter est un de ces excentriques que le Royaume-Uni semble fabriquer à la chaîne, lorgnant vers Magritte ou Érik Satie en ornant ses petits tableaux faussement banals de sous-titres absurdissimes. 

Mais j'avoue ma préférence pour l'américain Larson, plus grinçant et dont le dessin me fait mourir de rire. Que ses fans me le permettent : Liz Climo se hisse à sa hauteur plus d'une fois !

Certes, avec plus de tendresse et moins de noirceur, mais qu'ils fassent le test d'ouvrir Le petit monde de Liz à certaines pages, une bonne surprise les y attend !!!

On peut aussi retrouver le Tumblr de Liz Climo

L'humour, décliné sous toutes ses formes, chez BDfugue

J'entends d'ici les récriminations : « Quoi !? Encore une BD qui parle de problèmes médicaux ? c'est bon, on a donné. » Je peux comprendre la lassitude de certains lecteurs et pourtant, une fois de plus, la mise en mots et en images d'une expérience de vie particulièrement éprouvante fait un bien fou à la lecture. Dans «», Fabien Toulmé, dont c'est la première bande dessinée, raconte comment il est devenu papa d'une petite fille trisomique et à quel point il a eu du mal à accepter le handicap de sa petit Julia.

Honnêteté viscérale

Ce qui emporte l'adhésion du lecteur, très rapidement, c'est la franchise de l'auteur. Dès les premières planches, on découvre un narrateur mal à l'aise avec le handicap, dans l'enfance comme dans l'âge adulte. Il déjà papa d'une petite fille, mais il n'imaginerait jamais de vivre avec un enfant différent, comme ceux qu'il croise parfois en rue. Jusqu'ici, il a mené se vie en traçant sa propre voie. Il est devenu ingénieur un peu par accident, parce qu'il aimait voyager ; a habité sur plusieurs continents parce qu'il avait envie de bouger ; a du mal à savoir ce qu'il veut vraiment et ce qui le rend heureux. On dirait qu'il sait surtout ce qu'il ne veut pas. À commencer par une petite fille handicapée.

Pour meilleure preuve, tout au long de la grossesse de sa femme, il s'inquiète, pose des questions et vérifie que tout se passe le plus « normalement possible ». Or tout s'annonce pour le mieux, même au moment de l'accouchement. « Rien d'inquiétant », répètent les médecins, jusqu'à ce que les angoisses du père se révèlent fondées. Julia est bien porteuse d'un chromosome de trop sur la vingt et unième paire. Commence alors un long parcours à la fois médical et intérieur pour que le père accepte la différence de sa fille et pour que les parents découvrent comment fournir à la petite Julia un environnement qui lui permette de s'épanouir au mieux.

La trisomie en bichromie

Pour illustrer son histoire, Fabien Toulmé choisit la sobriété. Le son dessin est sobre, concentrant l'image sur les bâtiments (Toulmé est ingénieur civil et urbaniste de formation, ça se sent) et les personnages, mais le dessinateur se permet le luxe de rendre le regard de son alter ego de papier parfaitement impénétrable. Dans la plupart des cases, ce sont les lunettes qui occultent ses yeux ; dans les autres, ceux-ci sont réduits à de simples points noirs. L'expression passe par ailleurs : par la position des corps, la forme de la bouche, les larmes parfois... Mais on rit aussi, tout au long de ces planches, car le couple formé par Fabien et Patricia est lucide et plein d'autodérision. On ne peut pas en dire autant de tous les professionnels de la santé qui croisent leur route, mais ces rencontres sont précisément le prétexte pour décompresser par la suite.

Si la sobriété du dessin ne fait pas de doute, la mise en couleurs, elle aussi, joue sur la simplicité. Chaque chapitre est colorisé par deux encrages, le noir et une couleur distincte pour chaque volet, déclinée en trois ou quatre nuances plus ou moins foncées. Cela suffit amplement. Cette économie de moyens n'est pas sans rappeler celle de Sattouf pour raconter son enfance ou de Guy Delisle pour ses aventures aux quatre coins du monde. Ce premier album de Toulmé est d'ailleurs à ranger dans l'ombre de ces deux géants. Il partage avec eux un sens de l'humour omniprésent et une belle attention aux émotions, même si ce ne sont pas toujours les plus nobles...

De l'émotion, mais pas que...

Grâce à un sens de la narration déjà très assuré, Toulmé trouve un équilibre très efficace entre la narration en voix off et les scènes dialoguées, les dessins d'illustration et les scènes racontées. Le résultat indéniable est que le livre nous touche, il donne envie de rencontrer cette petite Julia, de serrer très fort ses parents et de regarder le monde avec une plus grande bienveillance. D'ouvrir les yeux sur le handicap plutôt que de détourner le regard. Pari gagné, donc.