Vestine, une légende noire
« Personnellement, j'ai une quinzaine de stigmates. Le mot me va mieux. Stigmate c'est plus énergique que cicatrice. » Dès les premières pages de ce petit livre vert et rose, le ton est donné : l'héroïne, Mukagatare, rebaptisée , n'est pas une pleurnicheuse. Elle l'affirme et s'affirme, au fil des mots simples qui tissent une histoire de sang et de peur. Celle des massacres de 1994 au Rwanda. Elle nous dit la fuite, le cœur qui cogne, la fièvre qui ronge, la langue hutu interdite, les mensonges des adultes, l'oubli volontaire – « Il ne faut pas se poser de questions quand on court. Ni regarder en arrière. » Elle nous dit la mort sur la route, les corps qui s'abattent comme des herbes fauchées. Elle nous dit l'indicible, , elle qui a choisi ce prénom français pour « être une souriante et gaie, capable de combattre la peur qui se cache partout, dans les hommes et les cases, dans les questions qui n'ont pas de réponse, dans les silences qui se gonflent de mots interdits. »
L'horreur est sans larmes. Pleurer est notre affaire, nous qui compatissons sans toujours savoir ce que ce mot signifie, nous qui lisons ce livre fulgurant, tendu comme un arc entre l'histoire de Mukagatare / Vestine et la nôtre. Vestine marche, pleure, rit : emboîtons-lui le pas.
30/03/2010 - 10:51