Un grand nombre de personnes soulignent aujourd'hui l'importance de la formation de la conscience éthique dans l'éducation ; et tous les éducateurs savent combien cet apprentissage est difficile. On pourrait dire l'inverse à propos de la formation esthétique : peu de personnes sont convaincues de sa nécessité, et beaucoup méconnaissent ses difficultés. Entre éthique et esthétique, les ponts ne sont pas faits. En ce qui concerne le théâtre, le vieux paradoxe de Diderot y a contribué : le talent du comédien c'est celui de la simulation, autrement dit, l'art du mensonge. Comment croire alors que le théâtre puisse développer le sens moral d'un enfant ? En réalité, la scène -comme toute véritable expérience artistique-n'interpelle pas d'abord l'enfant au niveau moral, mais au niveau ontologique : elle lui permet de vivre une expérience d'être en se donnant. "Le tout du comédien, c'est de se donner" aimait à dire Jacques Copeau. Le vrai paradoxe du théâtre est peut-être là : la scène n'est pas un lieu où l'on apprend à "faire semblant", mais un lieu de rencontre, où l'on découvre qui l'on est en prenant le risque de se donner tel que l'on est : "Moi je fais du théâtre pour communiquer avec le monde entier" écrit Clara, 10 ans.
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