« Tout est déterminé par des forces sur lesquelles nous n’exerçons aucun contrôle. Ceci vaut pour l’insecte autant que pour l’étoile. Les êtres humains, les légumes, la poussière cosmique — nous dansons tous au son d’une musique mystérieuse, jouée à distance par un flûtiste invisible. »
ALBERT EINSTEIN
Personne n’est capable d’entendre l’ultime soupir d’une fleur qui se fane, pas plus qu’il n’est possible d’entendre le frisson de la descente d’un rideau de flocons sur une masse de neige déjà posée là, installée — structure éphémère.
Il y a des bruits, des sons, que nous ne sommes pas en mesure d’entendre, et cependant ils existent. Il y a, de la même façon, des formes et des couleurs que nous ne sommes pas capables de voir, et cependant elles existent.
Seul le vent sait quelle feuille tombera la première.
Personne n’est capable de prédire pourquoi et comment un instant peut transformer une vie. Il y a une somme incalculable d’imprévisibilités dans une existence et dont les conséquences ne deviennent intelligibles que lorsque l’événement a eu lieu — parfois bien longtemps après. Comme Schindler, je crois qu’il n’y a qu’une seule chose dont nous devrions être certains : la sensation qu’autour de nous, avant ou après, en dedans ou en dehors, en dessus ou en dessous, il y a un élément inconnu sur lequel nous n’avons aucune prise, aucun contrôle, mais dont nous pouvons imaginer qu’il en exerce un sur nous. C’est l’élément inconnu qui m’intéresse.
Mieux que Schindler encore, Einstein a proposé la plus juste définition de cet indéfinissable avec la phrase qui sert d’exergue à ce roman : « Tout est déterminé par des forces sur lesquelles nous n’exerçons aucun contrôle. Ceci vaut pour l’insecte autant que pour l’étoile. Les êtres humains, les légumes, la poussière cosmique — nous dansons tous au son d’une musique mystérieuse, jouée à distance par un flûtiste invisible. »
Le flûtiste invisible a joué sa musique mystérieuse dans les trois séquences de ce livre. Hemingway écrivait à propos de l’un de ses textes : « Si le lecteur le souhaite, ce livre peut être tenu pour une œuvre d’imagination. »
BYE BYE BLACKBIRD
1
Je marchais le long de la rue de Sèvres, tournant le dos au carrefour Sèvres-Babylone-Raspail, en direction de Duroc et d’Edgar-Quinet.
L’air était sec, il faisait entre 19 et 21 degrés, ce qui, à Paris, constitue une très bonne température, pourvu que l’excès d’oxyde d’azote ne vienne détériorer votre respiration et instiller la bronchiolite dans l’organisme des milliers de bébés que les mères promènent dans leur poussette.
On ne sait jamais pourquoi une chanson plutôt qu’une autre vient surgir du fond de votre vécu, jusqu’au premier niveau de la mémoire — pourquoi celle-ci plutôt qu’une autre ? Je m’étais mis à siffloter un air ancien de jazz, que j’avais toujours aimé, une chanson de Ray Henderson et Mort Dixon, datant de 1926 : Bye Bye Blackbird.
Extraits
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