Where is it now, the glory and the dream ?
William Wordsworth
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Start !
IL y a toujours un commencement.
Un jour, tu te réveilles à côté de quelqu’un dont tu te fiches totalement, tu te fourres les doigts dans le nez, ils en ressortent rouges et blancs, et c’est là que te reviennent en mémoire, tout en même temps, le nom de ta mère, celui de ton fils et le titre d’une chanson. Alors tu te dis : c’est bon, ça suffit.
Il y a aussi une fin. Et au milieu, il y a une histoire.
Ça se passe toujours comme ça.
The Great Pretender
Lord I’ve been trying to be what I should
Lord I’ve been trying to do what I should
But each time it gets a little harder
I feel the pain
But I’ll try again
« Try again »
Big Star (Bell/Chilton)
1
Johnny Thunders
1989
« VOUS commencez quand ?
– Bientôt.
– C’est quand, bientôt ? »
Bonne question.
Tabuwe est grand et beau. Mi-homme, mi-panthère. Noirs tous les deux. Il shoote dans un ballon contre les immeubles bordant les rues et les avenues. Ça fait plus d’une heure qu’il est là. La balle rebondit sur le mur avant de revenir au milieu de la chaussée. Parfois, ce sont les piétons, amusés, qui lui renvoient le ballon. À mesure que la lumière du jour baisse, les voitures qui arrivent se mettent à le klaxonner. Tabuwe semble s’en foutre. Personne ne sait ce qui se passe. Ni le noir, ni sa tunique pourpre, ni son jean vert, ni ses pieds nus, pas plus que l’air animal et vicieux qu’on voit sur son visage. Mais Tabuwe sait parfaitement où il va, ce qu’il a l’intention de faire et, d’une façon plus confuse, comment y parvenir.
Il emprunte le paseo de Pujades. D’un côté, le Palais de justice et les tribunaux, avec leurs voitures de la Guardia Urbana. Il a de la chance : il y a un match de foot à la télé et les véhicules ne bougeront pas. De l’autre, le parc de la Ciudadela, avec son zoo, ses barques, ses chemins de terre. Il prend le paseo Picasso. Son ballon rebondit maintenant sur de vieux immeubles, des arches et des fenêtres aveugles qui en leur temps ont cherché à ressembler à des bateaux avec leurs hublots.
Au Mágic, le concert n’a toujours pas commencé. Quarante-cinq minutes de retard. Mr Frankie/Francis – svelte, élégant, les yeux brillants soulignés au crayon bleu, deux anneaux en or à une oreille, chaussures en cuir, pantalon noir et chemise rouge – sort sa queue. Sans les mains : comme les champions. Au début, ça lui fait mal quand il pisse. Francis se souvient de ces toilettes. Au début des années 1980, il s’est mis à fréquenter les festivals rockabilly et à écouter du doo-wop dans ces chiottes où, à ce qu’on disait, on trouvait la meilleure acoustique de la ville. À l’époque, la vie était évidente et divertissante. Lui, tellement honnête dans ses mensonges, son folklore, ses redingotes édouardiennes ridicules, ses creepers et ses plans cul un peu partout. Des tatouages minables, des cheveux pleins de gomina, des coiffures bricolées à la maison, et ses doigts toujours fourrés entre les vinyles d’occasion de chez Edison’s. Nen, Liz, Álex et Juanjo, Paula, Miquel et Lola. Les amis du quartier, les enfants, les copines, les racailles déséquilibrées, les abrutis inconscients qui ont découvert le punk, l’argent et l’héroïne sur le tard, mais qui ont quand même fini par prendre leur ticket pour le train fantôme.
Extraits
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