#Roman francophone

Eloge historique et philosophique de mon ami

Bernardin de Saint-Pierre

Le chien serait-il notre seul véritable ami ? Telle est la question que pose ce petit texte savoureux, dans cette parodie impertinente des éloges académiques. L'homme des Lumières s'y joue avec bonheur de nos préjugés. Si ce texte est unique dans l'oeuvre de son auteur par le sel de son ironie, il n'en esquisse pas moins sa préoccupation essentielle : remettre l'humain au coeur de la nature en retrouvant nos liens avec les animaux. Car Bernardin de Saint-Pierre est aussi l'un des inventeurs de l'idée de science de la vie et le premier penseur visionnaire des l'écosystème, c'est-à-dire des "harmonies" et équilibres fondamentaux de la nature. C'est déjà, en creux, tout l'enjeu de cet "éloge" cocasse et attendrissant du "meilleur ami de l'homme".

Par Bernardin de Saint-Pierre
Chez Rivages

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Editeur

Rivages

Genre

Littérature française (poches)

 

 

 

 

 

Préface

 

 

Dans un coin du Jardin des Plantes, le promeneur attentif découvre une statue inattendue : celle de Bernardin de Saint-Pierre. Pourquoi un écrivain sentimental dans ce lieu dévolu aux sciences ? Que vient faire l’auteur de Paul et Virginie dans cette arche de Noé en pleine ville ?

C’est que Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) dont nous célébrons cette année le bicentenaire de la disparition, ne peut pas être cantonné à la peinture des passions naissantes ni au pathos de l’exotisme. Sa personnalité intellectuelle, certes originale et fantasque, fut d’une grande étendue et d’une grande richesse. Son Voyage à l’Île de France (1773) recueillait déjà nombre d’observations stimulantes, de la zoologie à la botanique, en passant par la critique sociale : on y trouve les pages les plus fortes et les plus belles jamais écrites contre l’esclavage. La tradition veut que l’on raille les « causes finales » qu’il croyait voir partout, parfois sans grand discernement, dans le vaste massif de ses Études de la nature (1784). Certes, mais dans cette vraie fausse naïveté s’accroît déjà une idée visionnaire de l’écologie, de l’écosystème et des équilibres fondamentaux, ce que l’écrivain a nommé, dans son langage poétique, les « harmonies de la nature ». Bernardin de Saint-Pierre tâtonne indubitablement, mais son effort pour promouvoir une autre conception du savoir que celle qui règne au siècle des Lumières fera école, du romantisme à l’évolutionnisme. Il tient l’analyse pour desséchante et l’anatomie pour macabre et erronée dans son principe. Il cherche à promouvoir une vision d’ensemble, où toutes les parties du monde s’enchaînent et s’harmonisent et entrevoit une véritable science de la vie et de l’environnement, des intuitions méthodologiques qui ont eu une belle postérité.

Nul hasard donc de croiser la statue de Bernardin de Saint-Pierre au bas du « labyrinthe » du Jardin des Plantes, non loin surtout de la Ménagerie que l’écrivain y a lui-même installée, lorsqu’il fut nommé Intendant du Jardin Royal en 1792 par la Révolution française1. Et rien de fortuit non plus si, aux pieds de ce successeur de Buffon, on retrouve les deux fameux amoureux des tropiques. Or, à leurs côtés apparaît un personnage plus menu et plus discret : un petit chien2.

Dans ce petit chien, les lecteurs de Paul et Virginie auront reconnu Fidèle.

C’est à lui que le « noir Domingue » donne à flairer les habits des deux héros égarés dans l’île luxuriante. C’est lui que Paul regarde chercher en vain la trace de sa maîtresse, embarquée pour la France. Lui que Virginie n’oublie pas, dans sa correspondance lointaine : « Caressez pour moi Fidèle, qui m’a retrouvée dans les bois. » Lui, enfin, qui, fidèle jusqu’au bout aux siens et à son nom, « était mort de langueur à peu près dans le même temps que son maître3 ». Sur la planche mélancolique réalisée par Isabey pour la somptueuse édition Didot de 1806, « Les Tombeaux », le petit compagnon n’est pas davantage omis : « On voit, un peu en avant de [la tombe] du milieu, le squelette d’un chien : c’est celui de Fidèle, qui est venu mourir de douleur, près de la tombe de Paul et de Virginie », commente, dans un long préambule, Bernardin de Saint-Pierre lui-même4.

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11/06/2014 80 pages 5,10 €
Scannez le code barre 9782743628321
9782743628321
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