#Essais

Spartacus, chef de guerre

Yann Le Bohec

Spartacus est un des personnages les plus connus de l'empire Romain, popularisé par le cinéma, la TV et les cours d'histoire. Il illustre la lutte contre l'esclavage et la gladiature. Il illustre des valeurs, comme la liberté, la solidarité, la lutte contre les oppressions. Nous pouvons dire qu'il est devenu un mythe. Le vrai Spartacus était différent. Il sut créer une véritable armée, armée dont il fut un vrai général ; il mit l'Italie à feu et à sang ; il réussit à vaincre de grands généraux et des consuls. Yann Le Bohec a cherché à débarrasser le portrait classique de toutes les idéologies et de tous les sentimentalismes qui l'ont indument idéalisé. Et il a essayé de reprendre le fil des évènements négligés par le passé. Entre autres nouveautés, il montre que Spartacus ne luttait pas pour abolir l'esclavage et la gladiature, et qu'il se moquait complètement de la liberté et des valeurs qui lui sont associées.

Par Yann Le Bohec

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Genre

Histoire ancienne

Ce Spartacus est le livre de Dominique : c’est elle qui a eu l’idée du sujet et qui a assuré la logistique de l’auteur ; c’est donc elle qu’il faut remercier en premier. Merci aussi à Christine Lorin de Grandmaison, toujours excellente directrice de collection. 

 

 

Preface

Les historiens marxistes et les cinéastes américains, à peu près les seuls à s’être intéressés à la guerre de Spartacus, ont peint de manière totalement fausse ce meneur d’hommes, et les esclaves qui ont pris part à sa révolte. 

La vulgate répandue par ces personnes a donné naissance à plusieurs erreurs. Spartacus aurait été un bon tacticien et un fin stratège, disent-ils, parce qu’il aurait servi dans l’armée romaine. Et ils ajoutent que les premiers révoltés, des gladiateurs, ont été d’excellents combattants en raison du métier qu’ils avaient exercé. Quant aux autres esclaves, ils ne poursuivaient qu’un seul but, défendre la liberté, pour eux et pour tous leurs semblables, projet assurément louable et généreux. 

Laissons aux scénaristes le droit à l’inexactitude, et même à l’erreur : après tout, le cinéma repose sur la fiction, et pas sur la science. Mais les historiens, qui prétendent être des érudits, doivent appuyer leurs descriptions sur des textes, et non sur des fantasmes, même si leurs mythes sont bien intentionnés et si l’idéologie qu’ils véhiculent paraît empreinte de morale et de séduction. 

Spartacus a servi dans l’armée romaine, a-t-on dit, puis il a déserté, il a été repris et, enfin, il a été condamné à la gladiature. Mais, s’il a bien été militaire, ce qui reste à prouver, ce Thrace n’avait certainement pas eu accès aux unités combattantes, aux légions, ni aux grades supérieurs. Étant donné le peuple auquel il appartenait, il aurait été au mieux officier subalterne dans les rangs des alliés, les socii. Au mieux ! En matière de tactique et de stratégie, il n’aurait donc pas dépassé le niveau qu’occupe à l’heure actuelle un sous-officier exerçant son métier dans une caserne de province. Pourtant, il est vrai qu’il a fini par remporter des succès ; il faudra donc expliquer ce mystère. 

Il en va de même avec les hommes qu’il a recrutés. 

Les gladiateurs ne pouvaient pas vaincre des légionnaires, pour plusieurs raisons : ils étaient formés uniquement en vue du combat individuel ; ils possédaient des armes destinées uniquement au spectacle, et pas à la guerre ; et ils pratiquaient une escrime différente de celle qui avait cours sur les champs de bataille. On imagine sans peine ce qu’aurait pu faire un rétiaire, avec son filet et son trident, contre un fantassin lourd : il n’aurait rien pu faire. 

Les autres esclaves, pour leur part, présentaient une diversité bien plus grande qu’on ne l’a dit, sauf sur un point : aucun d’entre eux n’a jamais songé à la suppression de l’esclavage. D’ailleurs, encore de nos jours, les meilleurs défenseurs de la servitude sont ceux (et celles) qui la subissent. Les auteurs anciens ne mentionnent jamais un projet de ce genre, tellement c’était évident ; ils vont plus loin quand ils rapportent la vie et, parfois, la mort de « bons esclaves », qui se sont sacrifiés pour leur maître. Ils montrent bien que le but de Spartacus et des siens n’était pas celui qu’on a dit ; encore eût-il fallu les lire. 

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