Editeur
Genre
Littérature française
Une troupe de badauds et quelques enfants en bas âge, des mendigots, tout ce monde en ronde ; pouffaient des rires moqueurs, rires méchants, suppliques d’une mise à mort. Un, tout jeûne enfant, à terre, se hâtait de se redresser, mais un robuste gaillard le repoussait sur l’énorme flaque d’eau boueuse. L’enfant à terre serrait les dents pour ne pas pleurer. Certains assistants se complaisaient à accentuer l’ambiance machiavéliquequi s’était créée autour de cet enfant.
– Alors tu vas pleurer, fils de youpin ?
– Ne le laisse pas se lever, pousse-le, il aime la boue.
– Tu vois la preuve, ce bâtard ne pleure même pas.
Cela aurait pu durer longtemps, sans l’intervention de deux gendarmes, qui avaient été alertés par une femme âgée, qui passant par cette grande place, fut outrée par la scène qu’offraient les voyous qui à la vue des deux gardes de la paix avaient pris la poudre d’escampette. La place se vida des intrus et c’est seulement alors que des villageois, les plus curieux, s’approchèrent du jeune enfant qui, de ses deux mains, se cachait le visage du mieux qu’il l’eut pu pour laisser éclater ses pleurs.
– À qui appartient cet enfant ?
– C’est le fils Wasman, il habite de l’autre côté de la rue.
– Allez-le chercher qui vienne prendre son fils ! C’est quand même malheureux de laisser un enfant de cet âge traîner dans la rue.
– Si vous savez, monsieur le policier, le pauvre homme est, bien malade, toujours alité.
– Alors, toi, que fais-tu dans la rue au lieu d’être près de ton père et de ta mère ?
– Oh ! Si vous saviez, monsieur de l’autorité.
– Quoi donc ?
– Sa maman, il ne l’a jamais connue.
– Comment savez-vous ça ?
– J’étais la couturière de sa maman.
– Ah ! Je comprends, mais tout de même, pourquoi est-il en compagnie de ces voyous ?
– Réponds poliment au monsieur de la police, il ne te fera pas de mal, dis-lui comment tu t’appelles, puis…
– C’est moi qui pose les questions, vous, madame, vous pouvez retourner à vos broderies. Eh toi ! Que faisais-tu avec ces voyous dans la rue ?
– Il ne vous répondra pas, vous ne voyez pas comme il tremble ?
– Encore vous ?
– Je m’en vais, mais n’empêche qu’il ait peur, vous parlez trop fort.
– Attention ! C’est de l’insubordination aux représentants de sa majesté l’empereur des Russies. Alors fiston, il y avait une raison pour que tu sois hors de ta demeure ?
– Oui, je suis sorti pour acheter du pain et les mauvais garçons voulaient me prendre la pièce que je gardais dans ma main pour payer la boulangère. Ils me l’ont prise et se sont mis à me battre.
– Ah ! Les garnements, nous allons nous occuper d’eux ; rentre vite chez toi petit et lave-toi.
– Mais que vais-je apporter à mon père ? Nous n’avons rien à manger.
– Mon pauvre petit, je ne peux rien faire pour toi. Ah ! Si, attends, j’ai un morceau de pain dans ma gibecière, tien.
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