#Polar

Les enquêtes de M. de Mortagne, bourreau Tome 3 : Le tour d'abandon

Andrea-H Japp

Début du XIVe siècle. Bel homme cultivé et fort riche, Hardouin cadet-Venelle, bourreau, n'a jamais porté sa charge comme un fardeau jusqu'à ce qu'il sangle sur le brasier Marie de Salvin, une innocente. Une quête l'anime depuis : faire vraie justice. Persuadé de l'innocence de Mahaut de Vigonrin, accusée d'avoir empoisonné son beau-père et son mari, il veut tout tenter pour la sauver du bûcher. Mais la destinée de Mahaut est entre les mains, du. bailli, Louis d'Avre, fraîchement nommé dans cette seigneurie bretonne, alors que la grogne monte dans le royaume après le renchérissement de la monnaie royale. Pire : d'étranges méfaits surviennent. Des enfants confiés aux tours d'abandon de la ville disparaissent, deux jeunes femmes sont assassinées et un garçonnet est tué en pleine forêt... Louis d'Avre demande l'aide d'Hardouin. Certain que justice ne sera rendue à l'identique à deux servantes trépassées et à la maîtresse installée d'un noble jouissant de puissantes protections sauf s'il s'en mêle, il accepte. M Justice de Mortagne ne reculera devant rien, ni la férocité, ni la ruse, ni l'amour, ignorant que le plus blessant des trois n'est pas celui qu'il croit.

Par Andrea-H Japp
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Policiers

 

 

 

 

 

 

I

 

Nogent-le-Rotrou, novembre 1305

 

 

La nuit étoilée était assez douce pour la saison, après l’implacable sécheresse de printemps et d’été, semblable à celle de l’an échu. Cette année encore, les moissons avaient été très médiocres.

La puterelle1 d’un certain âge, à moins qu’elle n’exerçât profession de makerele2, avait quitté son faubourg de bordes3 en discrétion, jetant sur ses épaules un mantel4 sombre afin de dissimuler les vêtements de couleurs criardes qui la signalaient comme fillette commune, une obligation. Elle avait rabattu sa capuche pour que nul ne voie qu’elle se promenait en cheveux, l’absence de voile ou de bonnet insistant sur le fait qu’elle faisait commerce de charme.

Elle traversa d’un bon pas la ville, tête baissée, frôlant parfois le coutelas pendu à sa ceinture, afin de se rassurer. Elle fila le long de la rue Charronnerie et déboucha dans la rue d’Orée qui traversait Bourg-le-Comte5, créé par Rotrou II deux siècles plus tôt afin d’y loger ses officiers et hauts personnages de cour, expliquant la richesse manifeste de ses bâtis. Un lieu où mieux valait qu’elle ne soit pas repérée par les gens d’armes du bailli puisqu’on ne tolérait leur occupation que si elle restait discrète et circonscrite aux maisons lupanardes6 du quartier ruffian7.

Enfin, elle aperçut son but, Notre-Dame-des-Marais8, la plus belle église paroissiale de la ville, une des plus importantes également ainsi qu’en attestait un pouillé9 récent.

 

Elle lutta contre son envie de se précipiter, n’ignorant pas qu’elle risquait alors d’attirer l’attention d’un mendiant tassé sous un porche ou d’un promeneur tardif rentrant chez lui. Une indiscrétion l’avait avertie qu’elle trouverait ce qu’elle cherchait, cette nuit.

Quelle magnifique coïncidence dans laquelle elle voulait voir un signe du ciel, puisque son projet avait vu le jour en Notre-Dame-des-Marais, lors qu’elle attendait en retrait, derrière un large pilier, pour se confesser, ou du moins montrer à Dieu qu’elle regrettait le tour pris par sa vie. Si elle en jugeait par les quelques bribes de phrases qu’elle avait pu saisir au vol, une somme rondelette l’attendait. Une jeune femme agenouillée, séparée du prêtre assis par un mince paravent10, avait avoué sa terrible faute. Ni l’un ni l’autre n’avait soupçonné la présence d’une tierce personne.

Elle gravit à la hâte les marches du porche principal de l’église et se rencogna dans l’ombre de la porte menant au narthex. Il s’écoula bien moins de temps qu’elle ne l’avait craint. La jeune femme vêtue comme une servante de maison bourgeoise parut, cachée par la pénombre de la rue. Elle portait une robe de serge de laine bleue, protégée de surmanches11 plus foncées et d’un tablier. Ses cheveux très blonds dépassaient d’un bonnet empesé. Lorsqu’elle approcha, la femme tassée dans l’ombre vit qu’elle sanglotait, serrant les lèvres pour que nul n’entende son terrible chagrin. Une pensée presque tendre lui traversa l’esprit : ma pauvre petite, ni toi ni moi n’avons choisi. Elle se défendit de l’espèce d’émotion qui montait en elle. Eh quoi ? Ainsi allait le monde.

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26/02/2014 404 pages 22,00 €
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