#Polar

Chemins de croix. Une enquête de Jack Taylor

Ken Bruen

Jack Taylor sème la souffrance et la mort dans son sillage. Ses proches en sont les premières victimes. Le seul espoir de rédemption qu'il lui reste, Cody, qu'il a récemment adopté comme son propre fils, est à l'hôpital, plongé dans le coma. Il y a toujours Ridge, la policière, son amie de longue date, mais leur relation n'a rien de particulièrement orthodoxe. Quand elle lui apprend qu'un jeune homme a été crucifié à Galway, il accepte de l'aider à retrouver le meurtrier. Son enquête plonge Jack dans les bas-fonds oubliés de sa ville natale. Il y rencontre des fantômes, morts et vivants. Tous veulent obtenir de lui quelque chose mais Jack n'est pas certain d'être encore en mesure de donner. Peut-être devrait-il partir pour de bon, prendre ce qu'il possède et quitter la ville comme tout le monde donne l'impression de le faire. Mais quand la soeur du garçon assassiné meurt à son tour, brûlée vive, Jack décide qu'il lui faut traquer l'auteur de ces crimes jusqu'au bout, même s'il doit pour cela faire justice lui-même...

Par Ken Bruen
Chez Editions Gallimard

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Genre

Policiers

 

 

 

 

 

 

 

1

 

 

« Porter sa croix n’est douleur que si l’on a conscience de le faire. »

Proverbe irlandais

 

 

Il leur fallut longtemps pour crucifier le gosse. Pas parce qu’il leur faisait des difficultés ; en réalité, il se montrait presque coopératif. Non, leur problème était de parvenir à enfoncer les clous dans ses paumes : sans arrêt, ils rencontraient des os.

Et durant tout ce temps, le gamin ne cessait de marmonner.

— Il pleure après sa mère, commenta le plus jeune.

La fille se pencha et constata avec surprise :

— Il prie.

Elle s’attendait à quoi, à une chanson ?

— C’est bientôt le jour, annonça le père en levant le marteau.

De fait, les premiers rayons de l’aube qui tombaient à l’oblique sur la petite colline et éclaboussaient de leur lumière la silhouette clouée sur la croix ressemblaient presque à un témoignage de sollicitude.

 

— Pourquoi tu n’es pas encore crevé, merde ?

Que répondre ? J’eus envie de lui dire : J’ai vraiment fait le maximum, je voulais mourir. Honnêtement, survivre ne figurait pas dans mes intentions.

Malachy était mon vieil ennemi juré, ma Némésis, et, comme cela se produisait entre les meilleurs ennemis irlandais du temps jadis, un jour, je lui avais même sauvé la mise.

C’était le plus gros fumeur que j’aie jamais rencontré, et Dieu sait que j’en ai connu. Il allumait justement une cigarette au mégot de la précédente.

— Ce pauvre connard qu’ils ont tué, c’était pas le bon.

Joli, dans la bouche d’un prêtre, non ? Mais Malachy n’avait jamais respecté la moindre règle cléricale qui soit parvenue jusqu’à moi. Il parlait de Cody, un jeune que je considérais comme mon fils par procuration. Il avait arrêté les balles qui m’étaient destinées1. Il était toujours dans le coma et ses chances de survie oscillaient entre très faibles et quasiment inexistantes.

Les coups de feu n’avaient amélioré en rien ma claudication, séquelle d’une méchante correction administrée à l’aide d’une hurley2. Je boitais donc le long du canal, observant les canards sans les apprécier autant qu’autrefois. La nature n’avait plus rien de remarquable. Quelqu’un m’avait apostrophé par mon nom, et c’était… le père Malachy, le fléau de ma vie. Quand j’avais fini par accepter de lui venir en aide, est-ce qu’il m’en avait été reconnaissant ? Mon cul. Un tempérament davantage porté sur l’addiction que le sien, je n’en avais jamais vu, qu’il s’agisse de la nicotine, des petits gâteaux, du thé ou juste de l’agressivité, et pourtant, les personnalités sujettes à l’addiction, c’est mio forte. J’ai toujours rêvé de dire mio forte : ça ajoute une touche d’érudition sans pour autant verser dans la prétention. En réalité, mon fort, c’était l’alcool. Malachy avait l’air énervé, négligé et… ecclésiastique. Autrement dit, fuyant.

Il m’avait abordé avec cette remarque ironique sur ma mort et avait l’air sérieusement en colère. Il portait l’habit clérical habituel : costume noir lustré, pantalon informe, chaussures qui semblaient avoir dix ans de bons et loyaux services derrière elles. Des pellicules soulignaient la ligne de ses épaules, telle une fine couche neigeuse.

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trad. Pierre Bondil
08/10/2009 332 pages 18,20 €
Scannez le code barre 9782070119554
9782070119554
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