#Roman francophone

Nouvelles aventures du Brave Soldat Chvéïk

Jaroslav Hasek

Où l'on retrouve le brave soldat Chvéïk et son officier, le lieutenant Lucas, souvent séparés mais qui finissent toujours par se rejoindre, unis " comme cul et chemise ". Virtuose du sabotage par excès de zèle, Chvéïk entraîne Lucas dans les pires catastrophes. " La fourberie génialement crétine " du brave soldat, comme l'a écrit le critique Vaclavek, fait exploser une satire d'une extrême violence. L'armée, la guerre, la bureaucratie de l'Empire austro-hongrois, et finalement toute autorité en font les frais.

Par Jaroslav Hasek
Chez Editions Gallimard

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Genre

Poches Littérature internation

 

 

 

 

I

 

Les mésaventures de Chvéïk dans le train

 

 

Ils étaient trois dans un compartiment de seconde classe du rapide Prague-České Budejovice : le lieutenant Lucas, un monsieur d’un certain âge, tout à fait chauve, assis en face de lui et Chvéïk qui se tenait modestement près de la porte du couloir et s’apprêtait à subir une nouvelle avalanche de reproches du lieutenant Lucas qui, insoucieux de la présence du civil chauve, n’avait cessé d’accabler Chvéïk tout le long du trajet, le traitant d’âne bâté et lui débitant d’autres amabilités du même genre.

Il ne s’agissait que d’une broutille — du nombre de bagages dont Chvéïk avait été chargé.

Le lieutenant s’en prenait à Chvéïk :

— Ils nous ont volé une valise, c’est facile à dire, espèce de vaurien !

— A vos ordres, mon lieutenant, dit tout doucement Chvéïk, il traîne toujours des tas de filous dans les gares et j’ai dans l’idée que votre valise a incontestablement plu à l’un d’eux et que cet homme a incontestablement profité du moment où je me suis éloigné des bagages pour vous faire rapport comme quoi tout était en règle pour les bagages. Pour sûr qu’il a profité du moment propice pour voler votre valise. l’guettent des moments comme ça. Y a deux ans, à la gare du Nord-Ouest, ils ont volé un landau avec une petite fille dans ses langes et ils ont eu la grandeur d’âme de rapporter la petite fille au commissariat de notre rue, en prétendant qu’ils l’avaient trouvée abandonnée sous un porche. Après quoi les journaux ont traité la pauv’ dame de mère indigne.

Et Chvéïk de proclamer avec emphase :

— De tout temps on a volé dans les gares et on continuera à voler. C’est comme ça.

— Je suis convaincu, Chvéïk, reprit le lieutenant, qu’un jour vous finirez on ne peut plus mal. Je me suis toujours demandé si vous faites semblant d’être con ou si vous êtes né con. Qu’est-ce qu’il y avait dans cette valise ?

— Pratiquement rien, mon lieutenant, répondit Chvéïk sans détacher les yeux du crâne du civil chauve assis face au lieutenant, lisant la Neue Freie Presse et qui ne semblait pas manifester le moindre intérêt pour toute cette affaire.

« Dans cette valise il n’y avait en tout et pour tout que le miroir de la chambre et le portemanteau de fer de l’entrée, ce qui revient à dire que nous n’avons pas vraiment subi de perte puisque le miroir et le portemanteau appartenaient au propriétaire. »

Voyant le lieutenant esquisser un geste menaçant, Chvéïk poursuivit d’un ton aimable :

— Mon lieutenant, à vos ordres, je n’en savais rien d’avance que cette valise serait volée et pour ce qui est du miroir et du portemanteau, j’ai informé le propriétaire et je lui ai dit que nous allions les lui rendre quand nous reviendrions de guerre. Dans les pays ennemis, il y a des tas de miroirs et de portemanteaux, donc, même dans les circonstances actuelles, nous ne saurions subir de perte, nous-mêmes ni M. le propriétaire. Dès que nous aurons conquis une ville...

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01/08/1999 309 pages 9,20 €
Scannez le code barre 9782070376636
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