#Essais

Douze leçons sur l'histoire

Antoine Prost

Tout ce qu'il faut savoir sur l'histoire et le métier d'historien. En douze chapitres, qui proviennent d'un cours donné à la Sorbonne, Antoine Prost démonte clairement les étapes de la méthode historique, tout en replaçant l'histoire et l'historien dans la société contemporaine et dans sa profession. Cet ouvrage est à la fois un traité d'initiation au travil de réflexion, nourri par d'amples lectures, et une pensée originale. Cette nouvelle édition est augmentée de deux articles complémentaires.

Par Antoine Prost
Chez Points

0 Réactions |

Editeur

Points

Genre

Sciences historiques

 

 

 

Introduction

 

 

S’il est vrai, comme on tentera de le montrer ici, que l’histoire dépend de la position sociale et institutionnelle de celui qui l’écrit, il serait mal venu de taire le contexte dans lequel ces réflexions ont été élaborées. Ce livre est né d’un cours, et c’est au sens propre du terme qu’il s’intitule Leçons sur l’histoire.

La formation des étudiants en histoire comporte, en effet, dans l’université à laquelle j’appartiens comme dans beaucoup d’autres, un enseignement d’historiographie ou d’épistémologie, qui vise à susciter par des approches diverses un regard critique sur ce que l’on fait quand on prétend faire de l’histoire. Cet enseignement s’inscrit lui-même dans une tradition séculaire : avant d’être professé en leur temps par Pierre Vilar ou Georges Lefebvre, il fut inauguré en 1896-1897 à la Sorbonne par Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos, dont le cours fut publié en 1897 sous le titre qui nous aurait parfaitement convenu d’Introduction aux études historiques1.

Tradition fragile et menacée cependant. Jusqu’à la fin des années 1980, la réflexion méthodologique sur l’histoire passait en France pour inutile. Certains historiens s’intéressaient certes à l’histoire de l’histoire, comme Ch.-O. Carbonell, F. Dosse, F. Hartog, O. Dumoulin et quelques autres, mais ils abandonnaient la réflexion épistémologique aux philosophes (R. Aron, P. Ricœur). Il est significatif que les seuls ouvrages de synthèse disponibles actuellement en librairie proviennent d’initiatives étrangères : Histoire et Mémoire de J. Le Goff a d’abord paru en italien, et le manuel d’E. Carr est issu des George Macaulay Trevelyan Lectures de Cambridge, comme le toujours remarquable petit livre d’H.-I. Marrou, De la connaissance historique, de leçons données à Louvain dans la chaire Cardinal-Mercier. Les chefs de file des Annales, F. Braudel, E. Le Roy Ladurie, F. Furet, P. Chaunu, ont multiplié les recueils d’articles ou mis en œuvre des ouvrages collectifs comme J. Le Goff et P. Nora, mais seul Marc Bloch, avec son Apologie pour l’histoire, malheureusement inachevée, a entrepris d’expliquer le métier d’historien.

C’est la conséquence d’une attitude délibérée. Les historiens français faisaient jusqu’ici peu de cas des considérations générales. Pour L. Febvre, « philosopher » constituait « le crime capital2 ». Les historiens, notait-il d’ailleurs dans sa leçon inaugurale au Collège de France, « n’ont pas de très grands besoins philosophiques ». Et il citait à l’appui de ses dires « les narquois propos » de Péguy :

Les historiens font ordinairement de l’histoire sans méditer sur les limites et les conditions de l’histoire ; sans doute, ils ont raison ; il vaut mieux que chacun fasse son métier ; d’une façon générale, il vaut mieux qu’un historien commence par faire de l’histoire sans en chercher aussi long : autrement, il n’y aurait jamais rien de fait3 !

Commenter ce livre

 

01/10/2010 8,60 €
Scannez le code barre 9782757820643
9782757820643
© Notice établie par ORB
plus d'informations