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Sandra Piper était en train de dîner avec des amis lorsque ça l’avait prise.
Un dîner en toute décontraction, sur la terrasse en teck de la maison d’un de ses amis, producteur, à Malibu, dîner auquel celui-ci avait également convié un acteur avec qui elle avait partagé l’affiche d’un film, Wade Talon (un pseudonyme totalement ridicule à ses yeux) ; une femme très riche, et par ailleurs lourdement tatouée, nommée Lystra Reid, à qui un perturbant tic de langage arrachait des « ouais » continuels venant ponctuer de manière impromptue chacune de ses phrases ; et enfin un jeune homme à la taille et à la musculature extraordinairement avantageuses dont elle n’arrivait pas à se souvenir du nom, mais qui devait s’appeler Noble, ou quelque chose comme ça. Au menu, des langoustes froides.
La Noble créature était pendue aux lèvres de ces personnages d’importance qui discutaient travail, cancans et encore travail. D’une manière ou d’une autre, on en revenait toujours au même sujet.
Sandra avait été nominée aux Oscars. Catégorie « meilleure actrice ». Une compétition impitoyable. Les bookmakers la classaient parmi les outsiders à six contre un. C’est-à-dire improbable, mais pas impossible non plus. Bien que mère de deux enfants, et trentenaire responsable, bardée de plusieurs masters en économie, qui n’avait fumé de l’herbe que deux fois dans toute sa vie et qui ne buvait jamais plus de deux verres de vin, Sandra Piper n’en envisageait pas moins sérieusement de séduire le jeune apollon. M. Testostérone. M. Main-de-fer-dans-gant-de-velours.
D’abord parce que, de toute évidence, celui-ci n’était pas insensible à ses charmes, ensuite parce que, divorcée depuis deux ans, elle n’avait eu aucune relation amoureuse depuis cette date. Et puis le tournage de ces derniers jours l’avait mise sur les rotules, sans compter Quarle, son fils (trois ans), qui sortait tout juste de quinze jours de grippe.
Après tout, et en toute honnêteté, à quoi bon être la chouchoute de l’Amérique si l’on ne pouvait même pas se taper un beau gosse de temps en temps ? Dans la même situation, un acteur mâle aurait-il hésité ne serait-ce qu’une seconde ? Bah, certains, oui. Mais la majorité, sûrement pas. Alors pourquoi se gêner ? N’était-ce pas pour cela que Quentin avait invité ce Noble…? Non, une minute, ça lui revenait maintenant. Son nom était Nolan. Qu’importe. L’unique raison de sa présence n’était-elle pas, euh… son amusement ?
À moins. Se pouvait-il qu’il soit venu avec cette Lystra ? Était-ce pour elle qu’il était là ? L’âge de ladite jeune femme pouvait plaider en cette faveur. Pas une beauté, mais attirante tout de même. Surtout quand on savait que sa seule gloire, loin des paillettes de Hollywood, était d’avoir fait fortune dans le secteur de la santé.
Non. Ce n’était pas Lystra que lorgnait M. Carrure-d’athlète, mais bien la future lauréate d’un Oscar, catégorie « meilleure actrice ».
Extraits
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