Présentation
L’histoire
comme principe d’intelligibilité
Sous couvert d’autobiographie, ce livre est un pamphlet qui résume une vie de combats. Lorsque Robin George Collingwood entreprend de l’écrire, en 1938, il n’a que quarante-neuf ans, mais il sait depuis plusieurs années que ses jours sont comptés. De fait, il meurt cinq ans plus tard1, en plein milieu de la Seconde Guerre mondiale, lui qui, au sortir de ses études et de ses tout débuts dans le professorat, avait dû consacrer quatre ans à la précédente guerre. Dès le début des années 1930, l’insomnie, le surmenage, l’hypertension et de lourdes complications survenues à la suite d’une varicelle tardive contraignirent parfois au repos ce travailleur impénitent. C’est dans le cours de ces interruptions forcées que Collingwood écrivit les deux derniers livres qu’il publia de son vivant, cette Autobiographie, puis un ouvrage monumental, rédigé durant le bombardement de Londres, Le nouveau Leviathan2.
On lira, au fil des pages, les pérégrinations de celui qui, né dans un milieu peu fortuné mais intellectuellement favorisé, rencontra dès l’enfance un impératif qu’il tentait alors de cacher au monde : « Je dois penser. » Il s’y est employé sans relâche, usant incessamment de ses multiples talents, tant pratiques que mentaux, entre autres celui d’évoluer dans sept langues différentes : anglais, français, espagnol, italien, allemand, grec et latin. Son originalité tient cependant plus à sa double nature, qui le conduisit à enseigner la philosophie dans l’un des collèges les plus prestigieux d’Oxford, tandis qu’il était reconnu comme l’un des maîtres de l’histoire de la Bretagne romaine3, organisant lui-même des fouilles, publiant livres et articles d’encyclopédie sur le sujet. Aussi actif sur le plan de la réflexion et de l’érudition philosophique que sur le plan pratique d’une histoire à rebâtir à partir d’objets retrouvés ça et là, cet homme de cabinet et de terrain s’est trouvé, du fait de ses intérêts en large partie contradictoires, pris dans un questionnement très vif sur les méthodes de l’historien dès lors qu’il les soumettait à la rigueur d’une démarche philosophique.
On aurait cependant tort de ne voir chez lui qu’un intellectuel face à des questions abstraites. L’esprit pratique et le bon sens qui le caractérisent sont tout aussi présents ; peut-être du fait d’une enfance libre et joueuse ; peut-être à cause de la longue guerre qu’il dût affronter ; peut-être aussi en raison d’une tournure d’esprit qui lui faisait autant goûter la tenue complexe et très terre à terre d’un chantier de fouilles que les raffinements conceptuels d’une pensée analytique. Dans ce chiasme où il se trouve ainsi pris, il façonne sa méthodologie d’archéologue en prenant appui sur les contraintes de la rationalité, et parfait sa méthodologie de philosophe à partir de son expérience de chasseur de vestiges.
Extraits
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