#Roman francophone

C'est elle !

Danny Wallace

Jason Priestley non pas le comédien star de la série Beverly Hills : 90210, mais un trentenaire anglais est en pleine déroute : depuis que sa petite amie l'a plaqué, il a démissionné de son poste de professeur et peine à se reconvertir en écrivain. Un soir, alors qu'il se promène dans Charlotte Street, il a le coup de foudre pour une jeune fille qui s'engouffre dans un taxi. Lorsqu'il réalise qu'il veut la rattraper, il est déjà trop tard ou peut-être pas : un appareil photo jetable est tombé du sac de l'inconnue. Jason s'en empare. Avec l'aide de son meilleur ami, Dev, un immigré pakistanais qui n'a pas sa langue dans sa poche, il va tout faire pour retrouver l'inconnue de Charlotte Street.

Par Danny Wallace
Chez Presses de la Cité

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Genre

Littérature érotique et sentim

Auparavant

C'est arrivé un mardi.
J'imagine que dans un film on aurait entendu boum ! Mais ce n'était pas un film, et il n'y a pas eu de boum !
Ni de bang ! bing ! crac ou clac.
Rien qu'un éclat de verre, un instant suspendu, une lueur d'étoile filante qui a traversé un cours d'histoire, et rafraîchi la température de la salle.
On n'est pas censé savoir qu'un tel événement s'est produit un mardi. C'est un fait divers, puis un sujet de film ; pas ça.
J'ai frissonné à la seconde où je l'ai aperçu mais, détail étrange, j'ai également remarqué qu'il ne faisait pas beau ; qu'au-delà des vieilles rambardes écaillées et de la cime des arbres maigrichons et balafrés, le ciel était gris et voilé de crachin.
C'était comme l'instant où, dans un rêve, on voit surgir une menace, un obstacle, et que notre corps pèse subitement une tonne, on n'arrive plus à soulever les pieds, on a beau vouloir sonner l'alerte, on sait que c'est en pure perte, tant tout est maintenant trop confus, trop nébuleux.
J'aurais préféré que ce soit un rêve.
Par quel terme le désigner ? Un sniper ? Cela semble bien dramatique, surtout si tôt dans ce récit, mais c'était bel et bien un genre de sniper. Posté de l'autre côté de la rue, à hauteur du neuvième étage. Satisfait de son premier tir, il était en train de réarmer son fusil et d'ajuster sa cible.
« Sniper » fera l'affaire.
— OK. On se lève. On sort.
Rester calme. Faire des phrases courtes. Faire vite.
— Tout de suite, s'il vous plaît.
Me voilà soudain au milieu de la salle. J'ai l'impression d'être en mesure de limiter les dégâts, mais en réalité, que puis-je faire ? Je me retourne, je balaie du regard la façade de l'immeuble, je le localise.
Il est en train de rire. Et son copain aussi.
— Et on va où ? a lancé quelqu'un – peut-être Jaideep, à moins que ce ne soit l'autre, le poilu, dont le prénom m'échappait toujours (si, vous voyez qui je veux dire, celui que les profs ont surnommé Superfly).
Instinctivement, moi, son protecteur rémunéré, je me suis dressé devant lui, comme s'il venait de se désigner pour cible par le seul fait de poser une question au professeur.
— Dans le couloir.
Je n'étais pas en mesure d'élaborer. Ma nuque s'attendait à une attaque, mon calme était feint et ne cherchait qu'à masquer une réaction de lutte ou de fuite.
— Levez-vous.
— Hé… a dit quelqu'un d'autre. Hé…
Je les ai regardés et sur leurs visages, tandis qu'ils bataillaient pour essayer de trouver un sens à ce qu'ils voyaient, se lisait la terreur que je ressentais.
— OK, maintenant, on y va. Anna, s'il te plaît.
— M'sieur…
Ce vacillement de panique dans la voix – elle allait se répandre comme une traînée de poudre.
— Tout le monde DEHORS.
La petite troupe s'est mise en branle, hébétée, mais sans se le faire dire deux fois, maintenant que la nouvelle se répandait dans toute l'école et que la police débarquait avec armes, chiens, casques et boucliers. Les élèves ont retrouvé confiance ; agglutinés devant les fenêtres, ils ont écarté les lames voilées des stores vénitiens pendant qu'un détachement de flics armés prenait d'assaut la cage d'escalier d'Alma Rose House et que d'autres, sourcils froncés, scrutaient avec nervosité les environs en souhaitant ardemment que notre sniper tente quelque chose.
Les élèves ont applaudi quand ils l'ont traîné dans la rue. Ces applaudissements étaient le premier signe que tout était terminé. Ils ont applaudi les fourgons de police, lancé des vannes aux flics et se sont extasiés devant l'hélicoptère… mais les élèves n'avaient pas vu ce que moi j'avais vu.
J'avais été le dernier à sortir de la salle 3G, comme je l'ai raconté à Sarah, plus tard. Elle était passée chez le marchand d'alcool acheter un pack de Stella et une bouteille de rioja – les seuls médicaments qu'elle avait le droit de prescrire –, mais elle s'était dépêchée de rentrer à la maison pour être avec moi, coller son bras contre le mien, sa tête contre mon épaule. À aucun moment les élèves n'avaient été en danger, lui ai-je expliqué. J'étais resté à leurs côtés pendant qu'Anna Lincoln et Ben Powell se précipitaient chez Mme Abercrombie pour demander de l'aide, même si Ranjit avait déjà appelé le 999 – et sans doute tweeté la nouvelle, aussi.
Mais moi, je m'étais attardé dans la salle, une ou deux secondes de plus à peine, juste pour essayer de comprendre si cette scène était bien réelle, s'il pouvait vraiment faire ce qu'il était en train de faire, ou si j'avais commis une erreur en donnant l'alarme.
C'est à ce moment-là qu'il s'était remis à rire. Et qu'il avait visé à nouveau.
Jamais je ne m'étais senti aussi seul. Jamais je n'avais été plus conscient de moi-même. De ce que j'étais, de ce que je n'étais pas, de ce que je voulais.
Et c'est là que j'avais vu une autre étoile filante raser mon visage, aller rebondir contre le mur avant de ricocher sur le sol.
Et c'est à ce moment-là, docteur, que le mal a été fait.

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trad. Christine Barbaste
06/09/2012 492 pages 22,00 €
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