#Essais

Affaire Dils-Heaulme. La contre-enquête, Edition revue et augmentée

Emmanuel Charlot, Vincent Rothenburger

28 septembre 1986. La France est sous le choc. On vient de découvrir à Montigny-lès-Metz les corps sans vie de deux enfants de huit ans, Cyril Beining et Alexandre Beckrich, massacrés à coups de pierres. Rapidement, un coupable est trouvé. Trop rapidement ? Patrick Dils, un timide adolescent de seize ans, écope de la peine maximum, la réclusion criminelle à perpétuité. Il faudra attendre quinze ans et trois procès d'assises pour qu'il soit officiellement innocenté par un verdict d'acquittement en avril 2002. Mais alors, qui est le meurtrier ? Francis Heaulme, le suspect numéro 1 qui, après avoir bénéficié d'un non-lieu en décembre 2007, est à nouveau dans le collimateur de la justice ? Quelqu'un d'autre ? En 2008, un premier ouvrage en forme de contre-enquête minutieuse avait déjà permis de relancer l'affaire, au point d'avoir été versé au dossier d'instruction. Aujourd'hui, entièrement réactualisé et au centre du procès du "routard du crime", ce livre qui se lit comme un roman révèle de nombreux éléments nouveaux et des témoignages inédits. En plus de décrypter le processus qui a conduit à l'une des erreurs judiciaires les plus marquantes du XXe siècle, il éclaire d'un jour surprenant des faits qu'on croyait jusqu'à présent presque établis.

Par Emmanuel Charlot, Vincent Rothenburger
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Faits de société

 

 

 

 

 

 

Prologue

 

 

Convoqué au tribunal

 

 

 

6 janvier 2006.

 

Pour avoir consulté des dizaines de fois l’horloge de mon téléphone portable depuis le début de la matinée, je sais qu’en dépit de toutes les précautions prises pour dédramatiser l’événement, je suis irrémédiablement en avance…

12 h 45… 12 h 50… 13 heures à présent… Trente minutes encore au bas mot à piaffer d’impatience… J’essaie de me raisonner : ne devrais-je pas essayer de profiter encore un peu de cette belle journée parisienne qui respire le soleil et la douceur de vivre ? Quelques instants plus tôt, aux abords de l’île de la Cité, mon pas rageur a fait s’égailler une armada de pigeons à l’envol vindicatif avant que, presque dans le même élan, je ne me heurte à une brochette de touristes japonais sans même prendre le soin de m’excuser. L’incident aurait pu me faire sourire, mais non, vraiment, je n’ai pas le cœur à baguenauder. Quitte à attendre encore, me dis-je, autant le faire sur les lieux mêmes de l’événement. Au moins aurai-je la sensation « qu’il se passe quelque chose » au lieu de frétiller d’inaction.

Une dernière fois, avant de m’y engouffrer, je considère la solennité écrasante du Palais de justice. Certes, je m’y suis déjà rendu dans le cadre de mon travail. Je suis réalisateur de reportages pour la télévision et de films documentaires, et, à ce titre, il m’est arrivé à plusieurs reprises de poser ma caméra ici. Mais la différence est cette fois de taille : je ne suis plus un journaliste qui relate une affaire avec le recul qui sied au bon professionnel mais bel et bien un acteur – même indirect – d’un des dossiers les plus marquants de l’histoire judiciaire française.

 

*

 

Une dernière goulée d’oxygène m’insuffle l’élan nécessaire pour me présenter au guichet. À ma gauche, pas moins d’une centaine de curieux s’agglutine en une queue fiévreuse. Comme il se doit, j’extrais de mon portefeuille ma carte d’identité et la convocation qui m’a été envoyée par un cabinet d’huissiers d’Évry. Je sais que c’est idiot, mais je connais par cœur la référence du numéro de parquet, PO30620892/6.

Une fois passé le tourniquet de sécurité, je présente ce sésame à l’employée revêche qui officie au guichet dévolu aux témoins, aux plaignants et à leurs avocats. Au regard qu’elle me lance après que je me suis présenté d’une voix mal assurée je devine que, pour elle, il ne fait aucun doute que j’appartiens à la catégorie des prévenus… Comme je lui demande où se situe la 17e chambre correctionnelle où je suis convoqué, elle me répond de manière glaciale en dessinant au stylo rouge le trajet sur un plan qu’elle sort de son tiroir : « Au fond du couloir à droite ! Traversez la cour ! Montez les marches ! » Le ton est martial, à mille lieues de la douceur qu’on serait tenté d’attendre de la part d’une employée prévenante. Ce type d’accueil est pourtant habituel ici, mais aujourd’hui est un jour où je me sens peu capable de le supporter. Je résiste à l’envie de remercier la guichetière de son amabilité pour arriver au plus vite à cette fameuse 17e chambre.

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12/03/2014 538 pages 21,90 €
Scannez le code barre 9782081329775
9782081329775
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