Evaluer la formation professionnelle

En France, il n’existe pratiquement pas d’évaluation des dispositifs de formation des adultes. À quelques rares exceptions près, les connaissances sur l’efficacité des actions de formation proviennent d’évaluations étrangères. Cette lacune est d’autant plus regrettable que la formation constitue un levier essentiel de la sécurisation des parcours professionnels et que plus de 30 milliards d’euros lui ont été consacrés en 2011, soit 1,5 % du PIB.

Que peut-on attendre de la formation en termes de retour à l’emploi, de rendement salarial ou de gains de productivité ? Ses effets varient-ils selon les publics touchés, selon le contenu et la durée des stages ? Exerce-t-elle des effets indirects, au-delà de la population des individus formés ? Faudrait-il encore accroître les ressources qui lui sont dédiées ? Cherchant à répondre à ces questions cruciales, la littérature économique a produit, dans les dernières décennies, un nombre considérable d’évaluations empiriques, mais toutes ne se valent pas et il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie.

Par exemple, la formation professionnelle étant plus fréquemment dispensée aux personnes diplômées de l’enseignement supérieur qu’à celles qui n’ont pas atteint le niveau du baccalauréat, les différences de salaire entre les individus passés par la formation des adultes et ceux qui ne le sont pas peuvent provenir de différences de qualification initiale, et non de la formation elle-même. Pour pouvoir évaluer cette dernière de façon rigoureuse, il convient donc d’aller au-delà des apparences et d’utiliser des méthodes crédibles qui permettent d’identifier une véritable relation de causalité entre le passage en formation et l’employabilité. C’est l’objet de cet ouvrage.

Les acteurs de la formation professionnelle, qu’ils appartiennent à la sphère publique ou au monde de l’entreprise, ont rarement les moyens de connaître l’impact des stages proposés aux demandeurs d’emploi ou aux salariés. Nous allons donc présenter les méthodes les plus couramment utilisées par les chercheurs pour évaluer les programmes de formation, et discuter de leurs avantages et inconvénients respectifs. On le verra, le choix de l’une ou l’autre méthode dépend de façon cruciale de la qualité des données disponibles.

Cet ouvrage propose également une synthèse des nombreuses évaluations empiriques qui ont été menées dans ce domaine. Faut-il cibler les stages sur des publics particuliers ? Les proposer à certains moments précis, par exemple au début de l’épisode de chômage ou dans la période qui suit l’embauche ? Privilégier certains contenus ou certains dispositifs de financement de la formation ? Les évaluations enseignent que les stages de formation ont des effets hétérogènes, certains individus en tirant profit bien plus que d’autres. En tenant compte d’une telle hétérogénéité, des indications précieuses peuvent être fournies aux décideurs, publics ou privés, chargés d’orienter ou de moduler la dépense de formation. En dépendront l’amélioration des dispositifs de formation existants et, par conséquent, celle des perspectives professionnelles de millions de travailleurs.