Le 1er juillet 1994
Rejoint par le fait divers, il faut que j’apprenne aujourd’hui une mort, celle d’un ouvrier tombé du toit d’un hangar en démolition du chantier, le chantier de mes fondations, dont la vente partielle m’apportait, hier, un peu d’aisance financière et dont ce prix payé de la partition vient entacher la pile pure, ou trop hâtivement purifiée, des souvenirs, tout comme la photo de couverture de mon avant-dernier livre chez l’éditeur duquel je dîne ce soir agréablement de tomates naines.
2
Hier était facile avec son exception, quand au contraire ce samedi me couche à des lectures utiles, me ronge à des négociations intimes où l’émotion dépense ses sueurs et n’est pas forcément la voie la plus royale pour conduire mon feutre fin à tailler sur le bloc une phrase d’indiscutable prose.
3
Jour sans fierté pour une liberté tout juste parodique où l’envie prend d’accabler les femmes, en général et particulières, mais l’invivabilité de soi-même ne tarde pas à revenir, et plus fort, en pleine poire, le tout conférant à l’envie de solitude un prix trompeur, aussi vrai que je la sais contingente, opportuniste, et pour tout dire peu fiable, puisque, depuis ma première rencontre avec une femme, je n’en ai jamais honnêtement tâté.
4
Comme ce matin, tôt, dans la sueur, j’ai sécrété la énième version de mon rêve d’M.J.C., dans lequel, avec la plus grande constance, je me montre un directeur doué d’absentéisme, les locaux sans accueil, des adhérents fantômes, les instances de décision désertées, tandis que je m’étonne pour finir de n’avoir pas annoncé ma démission, je reconnais une fois encore que ce rêve est chez moi l’autre avatar du « rêve d’examen » (que je fais aussi à l’occasion) et dont Freud dit qu’il vient la veille d’une tâche difficile où l’on craint d’échouer, tâche que je viens, au téléphone, de réussir en courbant simplement l’échine.
5
Ayant vu, de nouveau, les Cent-Marches, je n’en sais qu’une chose de plus, que le grand nombre les descend, c’est-à-dire simplement les use.
6
Plutôt fébrile et survolté, je suis en train de sceller certains de mes livres, nouvelles, théâtre, si l’on comprend que j’entends par là les fabriquer plus loin que la coutume, jusqu’au détail de la composition, pain volé aux clavistes et aux metteurs en pages grâce à ces outils si complexes de circonvolutions, mais désormais si familiers, qu’on nomme ordinateurs et logiciels pointus.
7
L’attirance pour cette dimension de phrase vient du fait que la phrase est longue, mais que la forme est courte, cette tension prouvant exactement je ne sais quoi de la langue, je ne sais quoi de la prose, mais sans pour autant que je puisse être absolument assuré que phrase longue et unique n’est point vers.
8
Les urbanistes du tramway de Strasbourg essaient de transformer une ligne en surface, comme je veux ici le faire avec une phrase de prose.
Extraits
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