#Essais

Goethe

Joël Schmidt

"Que chacun cherche à être utile à lui-même et aux autres". De sa naissance à la veille de sa mort, Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) n'a cessé d'écrire. L'édition complète de ses oeuvres compte cent cinquante volumes. Comme d'aucuns l'affirment, point de vie où l'oeuvre à réaliser ait tenu rôle plus capital. Romans, poèmes épiques, oeuvres scientifiques, livrets d'opéra, dessins, théories de l'art, pièces de théâtre, Goethe s'essaie à tous les genres. Sa soif d'expériences est insatiable : biologie, zoologie, ostéologie, optique, géologie. Grand administrateur et homme d'Etat, amoureux infatigable, l'auteur des Souffrances du jeune Werther, de Faust, des Affinités électives mais aussi d'un fameux Traité des couleurs nous est ici dévoilé dans sa vie la plus quotidienne, dépoussiéré, dégagé de toutes ses légendes.

Par Joël Schmidt
Chez Editions Gallimard

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Genre

Critique littéraire



 

 

 

Enfance

 

 

NAISSANCE DE GOETHE


À FRANCFORT-SUR-LE-MAIN. SA FAMILLE

 

 

Johann Wolfgang von Goethe est né à Francfort-sur-le-Main le 28 août 1749 à midi. Le futur poète, écrivain et dramaturge, qui devait donner toute sa vie des témoignages de ses intérêts culturels et intellectuels si divers, interrogera les astres au sujet de sa naissance et constatera avec satisfaction que, alors qu'il poussait son premier cri, ils lui avaient été favorables. Or ce cri faillit bien être le dernier. Sa mère, Catharina Elisabeth, née Textor, révélera plus tard à l'écrivain Bettina von Arnim, qui recueillera son témoignage, qu'elle avait eu un accouchement difficile, et qu'elle avait même eu de sérieuses inquiétudes quant à la survie de son fils. C'est grâce à cette même Bettina von Arnim, qui entretiendra une correspondance exaltée et amoureuse avec Goethe, que nous connaissons un certain nombre d'anecdotes sur la famille de l'écrivain ; anecdotes toutes passionnantes parce que vivantes et truffées de scènes et d'aperçus inédits, parfois cocasses :

Tu me comprendras si je te raconte que le lit où ta mère te mit au monde avait des rideaux bleus à carreaux. Elle avait alors dix-huit ans et il y avait un an qu'elle était mariée […].

Tu hésitas trois jours avant de venir au monde et tu fis passer à ta mère de pénibles heures. Irrité de quitter le lieu où tu avais été conçu, et par la maladresse de la sage-femme, tu vins tout noir et sans donner signe de vie. On te mit dans un baquet et on te bassina le creux de l'estomac avec du vin, désespérant de tes jours. Ta grand-mère était derrière le lit. À peine eus-tu ouvert les yeux qu'elle s'écria : « Conseillère, il vit ! » « Alors mon cœur maternel s'éveilla et depuis ce moment-là il a vécu dans un enthousiasme continuel jusqu'à l'heure actuelle », me disait ta mère dans sa soixante-quinzième année… Elle te donna le sein, mais il n'y eut pas moyen de te faire téter. Alors on te donna une nourrice ; « il la téta de bon appétit et avec plaisir ; et comme il se trouvait, racontait-elle, que je n'avais pas de lait, nous remarquâmes bientôt qu'il avait été plus sage que nous tous, puisqu'il n'avait pas voulu me téter 1 * ».

Ce titre de « conseillère » que reçoit, sur son lit de douleur, la mère de Goethe n'est pas usurpé. En effet, Catharina Elisabeth Textor est mariée depuis un an à Johann Caspar Goethe, né le 31 juillet 1710, et qui a été conseiller impérial à Francfort. Elle est l'aînée de cinq enfants et son père, Johann Wolfgang Textor, occupe dans cette ville la charge éminente de premier bourgmestre, c'est-à-dire de maire. On voit donc que les origines immédiates de Goethe, du côté de sa mère, ne sont point communes.

En revanche du côté de son père, il n'en est pas de même. Au XVIIe siècle, on signale un parent lointain, Johann Christian Goethe, qui vit en Thuringe et exerce la profession de maréchal-ferrant. Son fils Friedrich Georg devient tailleur et s'établit à Francfort où il épouse la fille d'un maître tailleur, Anna Elisabeth Lutz. Son mariage est un deuil perpétuel puisqu'il perd tous ses enfants et sa femme. Il se remarie alors avec une veuve, Cornelia Schellhorn, propriétaire d'un hôtel, et devient lui-même maître d'hôtel. Cette union est suivie de la naissance de deux fils. L'aîné, Johann Michael, meurt en 1733, mais le cadet, Johann Caspar, survit et sera, comme on vient de le voir, le père de Goethe. Juriste reconnu, il ouvrira un cabinet d'histoire naturelle, manifestant ainsi un intérêt correspondant parfaitement à celui du siècle des Lumières, l'Aufklärung en allemand, et collectionnera des tableaux. Il est riche des subsides de son titre de conseiller impérial et n'exercera jamais de profession bien définie.

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13/03/2014 352 pages 10,40 €
Scannez le code barre 9782070452354
9782070452354
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