Lumière blanche.
Sol blanc.
Le plafond, s’il existe, est blanc lui aussi.
Je ne peux pas voir mes mains, attachées dans mon dos,
mais elles doivent sûrement être déjà aussi pâles que tout ce qui m’entoure.
Le blanc, c’est le vide. Le vide de la pièce où l’on m’a enfermé. Une pièce sans limites, sans murs. Sans portes, sans fenêtres et sans ouvertures. Sans angles, parce que le blanc efface toute possibilité de perception.
Je suis prisonnier d’une couleur, de toutes les couleurs. Submergé dans une mer inexistante. Maintenu artificielle- ment en vie.
Ils se sentent plus tranquilles si aucun stimulus ne vient exciter mes neurones. C’est la raison pour laquelle ils m’ont condamné à ce monde stérile, privé de fron- tières, d’air, de formes, de reflets, de mouvements et de son. Rien que ma respiration dans un masque à oxygène, monotone. Le seul lien de mon corps avec une réalité bio- logique qu’ils veulent nier. Ils prétendent que mes pensées n’ont pas de consistance mais ils ne peuvent stopper mon mental.
Je suis assis sur une chaise invisible, figé dans l’espace et le temps. Obligé de regarder devant moi ce mur indéfini. Le seul gardien de prison auquel je peux prétendre.
Mais ils ne savent pas que je les entends. Que je les vois. Que je les écoute. Je n’ai pas besoin de l’ouïe, ni de la vue, ni d’aucun autre sens. Plus maintenant. Je peux suivre leurs mouvements de là où je suis. Je sais comment ils parlent de moi, comment ils doutent, comment ils discutent, comment ils se croient en sécurité après avoir coulé ces mètres de béton entre nous.
Ils ne savent pas quoi faire, c’est évident. La voix du doc- teur M parvient jusqu’à moi aussi clairement que s’il se trouvait à mes côtés :
— Nous le gardons en observation depuis déjà trois semaines, et il n’a pas encore dormi.
Dans mon cerveau se forme l’image du docteur M s’adres- sant à un groupe d’individus en blouse blanche. Ils viennent d’arriver. Ce sont les experts qu’on est allé chercher dans les principaux centres d’investigation clinique du pays. Pour les aider. Quelqu’un d’important, dans un bureau lointain, com- mence à se désespérer ; ils ont donc décidé d’impliquer plus de monde.
Le docteur M désigne le moniteur qui reproduit jour et nuit la même image immobile, renvoyée plusieurs dizaines de fois chaque seconde par la caméra installée derrière moi : ma nuque rasée, les électrodes et tous les câbles qui y sont rattachés. Ma silhouette absente qui rompt l’homogénéité obsédante de la cellule. Je lis dans leurs yeux distants qu’ils ont du mal à com- prendre que ce corps faible et sans défense puisse représenter une aussi grande menace.
— Nous ne savons pas depuis combien de temps il est comme ça. Ni combien de temps il le restera. Pour le moment, nous ne pouvons rien faire d’autre qu’attendre.
— Et son activité cérébrale ? demande l’un des nouveaux venus.
— Lesélectro-encéphalogrammessontincroyables.Toutes les ondes oscillent à des fréquences qui triplent les normales. On n’a jamais rien décrit de semblable auparavant.
Extraits
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