#Essais

Discours et conférences

Jean Jaurès

" Citoyens!... " L'orateur Jaurès, debout face à l'assistance, marque une courte pause puis s'élance. Sa voix, capable d'emplir les plus vastes édifices, épouse chaque nuance de sa pensée. L'effet d'entraînement sur l'auditoire est immédiat : les témoignages abondent, qui décrivent son incomparable éloquence. Mais s'il fut un maître reconnu de la parole, l'élu de Carmaux, fondateur de la SFIO, demeure aussi et surtout, Léon Blum l'a souligné, l'" un des plus hauts penseurs et un des plus grands écrivains dont la France ait pu s'honorer ". Qu'il s'agisse de l'homme politique, farouche défenseur de la République et socialiste convaincu, du militant pacifiste, du philosophe ou du poète, ce recueil de discours et de conférences constitue la meilleure approche du " tribun extraordinaire ".

Par Jean Jaurès
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Histoire de France

Introduction

La légende de saint Jean

« Dès son arrivée, mon grand-père me prenait par la main et se rendait devant la statue de Jaurès sur la place centrale de la ville. Il se décoiffait et, au garde-à-vous, se recueillait longuement. Je voyais les larmes couler sur son visage sec et buriné. Puis, au terme de sa méditation, il m’embrassait et, la voix brisée, me parlait de Jaurès » : le souvenir de René Mauriès, petit-fils d’un ouvrier de Carmaux, est un témoignage parmi d’autres du « culte pieux » qui a entouré la mémoire de Jean Jaurès, « apôtre et martyr de la paix », « prophète », voire « Christ » de la République. « Vers lui, écrivait encore François Crastre en 1931 dans un recueil de discours de Jaurès, comme vers un nouveau messie, est montée la détresse des humbles et elle a réveillé, dans cette âme passionnée “les échos dormants des grandes paroles évangéliques”. Tous les errants de la misère humaine sont venus à lui et il les a groupés, réconfortés et introduits dans le paradis perdu de la douceur de vivre. »

La sacralisation du député socialiste, « première victime de la Première Guerre mondiale », selon l’expression consacrée, qui reçoit un hommage unanime à sa mort, et dont la dépouille rejoint le Panthéon dix ans plus tard, en 1924, passe, chez celui qui fut parfois considéré comme son fils spirituel, Léon Blum, par l’établissement en bonne et due forme de sa « sainteté » : « Jamais, affirmait-il en 1933, à aucun moment, sous une forme quelconque, sa pensée ou son action n’ont été altérées, déviées par l’un quelconque de ces mobiles humains qui, malgré nous, presque à notre insu, pénètrent perpétuellement en nous. Il n’avait pas d’ambition. Il n’avait pas d’orgueil. Il n’avait pas de vanité – c’est infiniment plus rare. Il n’avait pas de besoins. Il était plus juste encore – il l’a montré en maintes circonstances – vis-à-vis de ses adversaires que de ses amis. » Cette sacralisation s’explique d’autant mieux que la vie de Jaurès, né dans le Tarn en 1859, peut épouser sans efforts les contours d’une hagiographie républicaine : Jean Jaurès, ou comment un jeune « paysan », issu d’une très modeste bourgeoisie et s’imaginant receveur des postes, devint, grâce à ses dispositions exceptionnelles et à l’école, normalien, philosophe et député, orateur de génie devant lequel même ses adversaires politiques avouent s’incliner. De là, un nom dont tous les bords politiques semblent pouvoir se réclamer, un nom dont on baptise rues et collèges, boulevards et stations de métro : Jean Jaurès, saint laïque.

Mémoires jaurésiennes

Derrière cette unanimité autour du Jaurès républicain, défenseur de l’école laïque, transparaissent néanmoins des mémoires contrastées, marquées par des divisions, des conflits, des moments. De son vivant déjà, ce socialiste réformiste suscitait des critiques à gauche comme à droite, et ses engagements donnaient naissance à une haine inexpiable, qui conduisit à son assassinat le 31 juillet 1914 par un « nationaliste exalté », Raoul Villain, finalement acquitté au sortir de la guerre. Plus tard, le transfert des restes du grand homme au Panthéon fut le théâtre des divisions d’une gauche qu’il avait tant souhaité unir : au cortège officiel succéda un défilé communiste, chacun se réclamant du « vrai » Jaurès. L’extrême droite, elle, fit part de son opposition en organisant une contre-manifestation.

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02/04/2014 300 pages 9,00 €
Scannez le code barre 9782081307629
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