#Roman francophone

Les lumières du ciel

Olivier Maulin

Paul-Emile Bramont n'est pas un foudre de guerre. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne voue pas au travail la vénération exigée par l'époque. Prince des ratés, il explore avec élégance et sérénité les bas-fonds de l'ambition, passant d'un hôtel miteux à un boulot minable et d'une combine louche à une tentative lamentable de braquage. Accompagné de son copain Momo, dj de patinoire de son état, et Bérangère, la femme d'un chirurgien plasticien, sa maîtresse du moment, ils partent rejoindre un hameau dénommé Jérusalem, un lieu où la loi du marché n'existe pas. On y boit sous les étoiles, on y lance des grenades pour combattre des chimères et les nuits sont enchantées. Ils y croiseront un curé anarchiste, un clochard amoureux des armes à feu et un militant primitiviste radical, tous en guerre contre le monde moderne et toute forme de production.

Par Olivier Maulin
Chez Editions Balland

0 Réactions |

Genre

Littérature française

Première partie

La forêt dans la ville

 

 

1

 

« J’ai dans ma famille assez de sang noble pour faire trente kilos de boudin. »

LORD BYRON

 

 

J’avais laissé la fenêtre ouverte pendant la nuit. Il avait plu à l’intérieur de la piaule. Le parquet était tout taché, ça sentait le bois mouillé. Les toits brillaient, les pigeons roucoulaient, la matinée était froide mais ensoleillée, une belle journée de fin d’automne. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais l’impression qu’elle était pleine de promesses pour moi. J’ai rempli le lavabo d’eau froide, j’ai plongé ma tête dedans, j’ai soigneusement peigné mes cheveux mouillés, je me suis habillé et je suis descendu.

À peine le patron m’a-t-il vu qu’il s’est mis à tapoter de ses gros doigts sur le comptoir de la réception d’un air agacé. Il avait une gueule d’hippopotame, des chemises jaunes puantes en lin froissé et se croyait à la tête du Georges-V. Un vrai con.

– Salut, patron, belle journée en perspective, j’ai dit d’un air enjoué.

– Te fous pas de ma gueule, par-dessus le marché, petit salaud ! il a répondu. J’en ai plein le dos de tes boniments ! C’est pas l’Armée du salut, ici !

– Ben alors, en voilà des manières ! Et la politesse ? La courtoisie ? Piliers de la civilisation !

– Tu veux mon pied au cul, dis ?

Il y avait une lettre dans mon casier. Je l’ai saisie d’un petit geste élégant.

– Du calme, j’ai dit. Figure-toi qu’il n’est pas exclu que je devienne millionnaire avant la fin de la journée... J’attends une grosse somme d’argent...

J’agitais la lettre sous son nez. L’hippopotame secouait la tête en levant les yeux au ciel.

– J’en ai rien à renifler que tu soyes millionnaire ! Tout ce que je veux, c’est que tu paies tes nuits ! C’est tous les jours le même baratin ! T’émerges à midi, tu dis que tu vas être millionnaire et tu rentres bourré à pas d’heure ! J’en ai marre, si tu veux savoir...

– Pas de problème, patron. Fais-moi donc un petit café, s’il te plaît.

– Va te faire foutre.

J’ai décacheté l’enveloppe et lu la lettre.

« Cher petit enculé, non content de m’avoir arnaqué comme une ordure que tu es, voilà que tu tournes autour de ma femme. Alors écoute-moi bien parce que je le dirai pas deux fois. Si je te croise à moins de cent mètres de chez moi, je te pète la gueule sans sommation. Cent mètres, pas un de moins. Signé : qui tu sais. »

Les emmerdes, ça arrive généralement par nuées, comme les sauterelles dans la Bible.

– Eh ben en voilà une bonne nouvelle ! j’ai dit en remettant la lettre dans l’enveloppe. Jackpot, mon joli patron ! Reste plus qu’à aller chercher le nougat !

L’hippopotame me regardait sans rien dire, les bras croisés.

– Ce soir, t’auras plein de beaux billets étalés sur ce putain de comptoir, oui, monsieur. Tout ce que je te dois plus deux mois d’avance ! Et une bonne boutanche pour la patience du patron !

Commenter ce livre

 

18/08/2011 253 pages 20,20 €
Scannez le code barre 9782353151295
9782353151295
© Notice établie par ORB
plus d'informations