L'oeil trompe l'oeil
La psychologie du graveur en acte, tout entier à son œuvre, est d'une exemplarité admirable. Bachelard l'a esquissée, sans lui donner toutefois l'ampleur et la précision dont bénéficia celle du poète rêveur de mots et d'éléments. L'acte de graver est comme le paradigme de l'action et de la création, avec la part de rêve, la métaphore du désir, qui sont à la racine de l'un et de l'autre. C'est, en un premier temps, la passivité rétive de la plaque de cuivre opposée à l'activité voulante et violente du graveur. Pour celui-ci la plaque ne s'abandonne pas ; quoique partout égale au moment inchoatif, elle n'est pas neutre : il faut en triompher. L'infaillibilité du burin qui laboure irréversiblement la plaque n'est jamais acquise : elle est un résultat, une victoire sur la traîtreuse apathie du cuivre et sur soi-même.
07/1997