En début de semaine, nous avertissions d'une mesure de censure menée par le Conseil général de la Somme et son président, Christian Manabe contre une exposition, Pour adultes seulement, qui devait se tenir du 19 mai au 19 juillet aura été purement et simplement annulée.
Eh bien, sans rougir, ledit président vient de confier à l'AFP qu'il assumait complètement sa position : la bibliothèque d'Amiens qui devait hébergé cette exposition présentait « certaines images dégradantes et misogynes de la femme » qui ne s'accordent pas avec les valeurs PS que le sieur Manabe entend défendre.
Il est bien que l'intéressé s'en soit rendu compte tout juste 11 jours avant que l'inauguration n'ait lieu. Parce qu'il n'en avait probablement pas eu le temps jusqu'à lors.
Mais voilà : cette position est plus qu'intenable, estime l'Observatoire de la liberté de création ricane bien fort. « Le directeur de la bibliothèque a passé commande de cette exposition à Janine Kotwica, enseignante et spécialiste du livre pour jeunes », précise-t-il. Et d'ajouter : « Le résultat, validé par le directeur, était une exposition d’un érotisme chaste et malicieux. Qui aurait pu s’offusquer de découvrir qu’André François, qui amuse les enfants depuis un demi-siècle avec ses Larmes de crocodile, avait aussi réalisé des gravures de sirènes aux seins nus, ou que Louis Joos, qu’inspirent ordinairement les musiciens de jazz, peignait parallèlement des corps féminins ? »
Alors comment le bon Christian Manabe a-t-il finalement eu l'idée de censurer l'exposition ? Assumer, c'est bien joli, mais, souligne l'organisme, le « rôle des politiques n’est pas de réprimer les œuvres, mais de favoriser leur diffusion. Il appartient au public de juger l’exposition, et les élus doivent laisser le public accéder librement aux œuvres. Le rôle des politiques est aussi de tenir les engagements pris ».
Justification à rebours...
Réponse du président du Conseil général pour justifier cette prise de position tardive : « Certaines images ne permettent pas de faire la distinction entre femme et enfant et nous ne tenons pas à ce qu'on nous fasse de mauvais procès. » Et ce n'est sûrement pas dans un lieu public que l'exposition a sa place. Voyez plutôt avec une salle privée.
Évidemment, on se doute que la commissaire de l'exposition est en rage : Janine Kotwica, déplore que ces deux années de travail soient ainsi balayées d'un coup de manche. Une annulation choquante et « inadmissible », surtout pour « quelques images, que nous aurions d'ailleurs peut-être pu remplacer », conclut-elle.