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Nabil Ouali

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Littérature française

L'or des Schwaner

L'or des Schwaner, c'est plusieurs histoires dans l'histoire, imbriquées comme des poupées russes. C'est d'abord une histoire de géologue au cours de laquelle Denys Puech, émigré français de deuxième génération en Australie, d'origine aveyronnaise, trouve, au milieu de nulle part, au centre du Kalimantan, dans des circonstances ubuesques, des indices d'or perdus dans la jungle des Monts Schwaner. En chemin, il décide d'abandonner son statut d'Occidental et de changer de peau, un peu à l'image de James Brooke, le célèbre Rajah blanc du Sarawak, pour devenir un Dayak bon teint et, finalement, s'installer dans le pays. C'est ensuite un long voyage qui vous permettra de découvrir l'Australie, à la fois de l'outback et de la ville, sous un visage peut-être inattendu, avec ses Aborigènes et leurs fantasmes, puis le Kalimantan, la partie indonésienne de l'île si mystérieuse de Bornéo, avec ses peuples dayaks et punans ; un voyage initiatique au cours duquel vous ne serez jamais très loin de ce monde magique qui caractérise si bien tous ces peuples anciens. Ils sont la plupart en voie de disparition, avec la destruction systématique et irresponsable de leur milieu naturel. Au cours de ce périple, vous aurez un guide ; ce sera Denys et il ne vous quittera pas. C'est aussi l'histoire fabuleuse de ces indices qui, à l'instar de l'Affaire BRE-X, la plus grande escroquerie sur l'or de tous les temps, qui s'est développée au centre du Kalimantan, vers la fin des années 1990, vont, à leur échelle, déchaîner passions et convoitises, avec leurs coups de bourse dévastateurs et des centaines de millions de dollars australiens en jeu, et entraîner, après de grands espoirs, autant de désillusions. C'est aussi l'histoire de la renaissance d'un village dayak traditionnel, voué, après son abandon, à l'oubli et à la destruction sous les coups de boutoir d'une nature envahissante, que Dina, une jeune femme dayak courageuse, va décider de faire revivre. Ce combat pour la survie d'une culture, à l'avenir incertain en raison de la disparition programmée de la forêt primaire qui l'abrite, est fascinant. C'est enfin l'histoire du métissage, d'abord culturel, puis réel, avec ses incohérences, ses déceptions, ses surprises et ses succès ; une aventure en soi ! Mais c'est aussi la cohabitation entre ces individus appartenant à des mondes et des cultures si différents, ce qui ne va pas les empêcher d'accomplir, ensemble, une oeuvre remarquable. Voilà une belle histoire de tolérance, naturelle, sans calcul, qui débride les hommes et les rend, soudain, si attachants. C'est bien, dans ce sens, une véritable aventure humaine.

01/2014

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Histoire internationale

L'Afrique, berceau de l'écriture et ses manuscrits en péril. Volume 1, Des origines de l'écriture aux manuscrits anciens (Egypte pharaonique, Sahara, Sénégal, Ghana, Niger)

Ce livre collectif établit sans complaisance la contribution de l'Afrique dans l'invention de l'écriture et sa domestication sur la longue durée, au bénéfice du progrès scientifique et technologique. La trajectoire africaine dans ce domaine est abordée d'un quadruple point de vue : A travers la longue chaîne d'innovations et d'inventions qui ont jalonné la préhistoire et l'histoire, quelle est la civilisation qui, la première, a inventé l'écriture ? L'Afrique, terre d'oralité, exclusivement, et/ou d'écriture, ou les deux à la fois, et, durant quelles périodes ? Dans quel état se trouvent les collections de manuscrits anciens du continent africain, et, comment les préserver de la dégradation extrême qui les détruit inexorablement, faisant ainsi courir, aux générations futures, le risque de perdre leur héritage scripturaire et littéraire ? Quels sont les enjeux géostratégiques et culturels liés à l'exploitation des manuscrits anciens africains dans les domaines de l'éducation, de la recherche historiographique, anthropologique, paléographique et codicologique et, plus généralement, des progrès scientifiques et technologiques au bénéfice des peuples africains ? Face aux assauts répétés de l'historiographie dominante, cet ouvrage rétablit l'Afrique dans ses droits, et montre, sur la base de faits historiques et scientifiques attestés, qu'elle est le berceau de l'écriture, et que l'abondante littérature et les nombreux systèmes d'écriture légués par ses savants dans tous les domaines (astronomie, histoire, architecture, droit, pharmacopée, médecine, chirurgie, irrigation, mathématiques, géométrie, trigonométrie, arts, littérature, poésie, arts décoratifs, sculpture, etc) à la postérité sont un précieux héritage pour tous. Ce livre, en deux volumes, est un cri d'alarme de l'Afrique pour éveiller ses dirigeants, le monde et l'humanité toute entière, à la nécessité de sauver les manuscrits en péril de l'Afrique, et de les tirer de l'oubli et de l'abandon. Un vibrant plaidoyer des chercheurs, des bibliothécaires et des preneurs de décision Africains réunis à Addis Abéba (17-19 Décembre 2010) propose des solutions concrètes et réalistes de conservation des trésors manuscrits africains qui sont partie intégrante et l'un des maillons essentiels du patrimoine culturel de l'humanité. Le premier volume a trait à l'évolution historique de l'Afrique du point de vue scripturaire, et à l'examen des collections existantes de manuscrits anciens, plus particulièrement en Afrique de l'ouest, du centre et du nord, principaux bastions de l'art scripturaire et de la codicologie portant sur l'astronomie, le droit, la médecine, l'architecture, la philosophie, la grammaire, etc. Le volume 2 représente un examen des contenus et des principaux enjeux de la conservation à travers différents pays d'Afrique subsaharienne. Les enjeux géostratégiques sont passés en revue à la lumière des promesses des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

11/2014

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Poésie

Khlebnikov pleure. Edition bilingue français-allemand

Ce premier livre d'Anne Seidel se déploie comme un regard à la fois scintillant et rétrospectif, fait de très lents déplacements qui soulèvent délicatement paysages, histoire obscurcie et souvenirs. Regard transsibérien, glissement en errance à travers la nuit, à la fragile vibration d'une bougie, mais "regard qui ne sait rien de lui-même" . Poésie d'éclats, de reflets électriques sur la neige, livre miroir où figures du passé et du présent se superposent à travers la brume. La main d'Anne Seidel efface la buée et fait surgir des panoramas entre absence et visage, oubli et blancheur plane. Connaissance, surgissement, reconnaissance : tout se passe "de l'intérieur de l'oeil" . Khlebnikov pleure est un jardin d'hiver où les échos des hommes et des territoires, aussi bien sensoriels que réels, imaginés ou traversés, se réverbèrent tout au long du poème et viennent se déposer sur la rétine, dans la mémoire, puis fondre à peine le sol touché, ou déposer au contraire une empreinte délicate, dans de nouveaux scintillements. C'est le livre des lumières perdues, muettes, en forme de "souvenir de neige" , sous lequel doucement s'efface l'Europe de l'est, loin d'ici, s'efface dans les regards oubliés qui glissent sur la Neva. On ne sait pas trop ce qu'on regarde au loin, ce qu'on retient et ce qui parvient jusqu'à nous ; si des hommes souffrent encore, s'il pleut ou pas. Difficile de percevoir l'écho clair des larmes, des voix perdues, presque éteintes, chuchotées. Dans les reflets - plats reflets de lacs gelés, de maigres reliefs, un chien, une usine, un poème - joue, fragile, en apparitions-disparitions, l'attente et peut-être un peu de peur, choses tirées, enfouies, très lointaines : noires. Noires de silences, traces tranchantes de rails luisants dans la nuit. Dans le coeur de pays où affleurent encore de manière sourde les signes de l'exil et de la déportation. Cet "espace de neige" , espace vu, tu, reste "impensé" , sa continuité nous échappe, fragmentée, ressassée. Nous sommes nous-même enfouis entre présent et histoire, qui essayons de remonter nos traces sous la clarté paradoxale de la neige. Nos empreintes, entre les arbres, à travers les rêves, sont diffuses. Un passage à peine assez grand pour nous laisser passer. Des tas de ruines de "temps dérobé" . La douleur en héritage d'une idée russe abandonnée au fond de la mémoire, et de générations enfermées dans leur propre terre. Ici, au milieu de la clarté plane de la lumière d'hiver, nous sommes incertains d'être au bon endroit, ni de comprendre le poids du silence dans chaque mot. Nous qui cherchions à combler quelque chose, nous qui "nous sentions abandonnés" dans cette blancheur qui tombe.

09/2020

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Histoire internationale

L'extraordinaire destin de Milda Bulle, une pasionaria rouge

Milda Bulle fut une figure de la révolution russe et des débuts du régime soviétique. Partie de Lettonie, militante, combattante, gradée, décorée, apparatchik du parti communiste à Moscou, féministe, oratrice, auteure de livres de propagande, promotrice de la culture, elle fut, en 1938, victime des purges staliniennes. Le drame d'une militante prise au piège de sa fidélité. Aujourd'hui bien oubliée, Milda Bulle (prononcer "Boulé") fut pourtant une des figures exceptionnelles de la révolution d'Octobre et des débuts du régime soviétique. Partie d'un hameau de Courlande, en Lettonie, devenue militante, puis combattante, armes à la main, lors de la guerre civile dans le Caucase, passée par l'Iran pour y enfiévrer une révolution, gradée (elle fut l'une des premières à porter le titre de kombrig, équivalent à général de brigade), décorée, apparatchik dans les organes du pouvoir à Moscou, féministe, oratrice, auteure d'ouvrages de propagande, promotrice de la culture, de deux théâtres et d'un opéra dans la république de Bachkirie (entre Volga et monts d'Oural), Milda fut, en 1938, victime des purges staliniennes. Pourquoi s'intéresser à Milda, pasionaria rouge ? Son histoire, fascinante par bien des aspects, ne s'inscrit pas dans la lignée des récits biographiques habituels. Elle n'est pas une personne célèbre, ancrée dans la mémoire de ses "pays" et descendants, dont les exploits ont laissé de nombreux témoignages. Elle n'est pas non plus l'une de ces anonymes, à l'existence banale, dont le parcours sans relief révèle l'air du temps, un quotidien toujours si difficile à saisir ? S'agirait-il encore d'un personnage émouvant dont on pourrait suivre avec empathie les accidents de l'existence ? La vie de Milda est tumultueuse, ponctuée de hauts et de bas. Ce que nous savons d'elle par les documents ou les renseignements divers nous informe beaucoup plus sur les soubresauts de l'histoire que sur la platitude du quotidien. Son enthousiasme pour une cause et son engagement corps et âme, au seuil de sa vie adulte, pour un monde meilleur, jusqu'à son glissement dans une dérive totalitaire qui finit par se retourner contre elle et la broyer. La trajectoire et la fin tragique de Milda suscitent l'admiration et la compassion. Mais sa docilité et son allégeance au pouvoir soviétique, son "suivisme" tapageur, n'entraînent en rien l'adhésion. Le drame d'une militante prise au piège de sa fidélité. L'auteur, ethnologue spécialiste de l'Iran, a "rencontré" Milda de manière incongrue au cours de ses recherches et ne l'a plus lâchée. Il retrace ici, avec beaucoup de précision et non sans humour, son fabuleux destin. Le livre est aussi un passionnant carnet d'enquête. Christian Bromberger raconte toutes les étapes de sa recherche sur ce personnage méconnu et médite sur les raisons de son oubli.

12/2018

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Récits de voyage

Un baptême iroquois. Les nouveaux voyages en Amérique septentrionale (1683-1693)

Le récit initiatique d'un jeune aventurier français, le témoignage d'un des premiers explorateurs des immenses territoires la Nouvelle-France, une peinture pleine d'empathie du mode de vie et de la pensée des peuples autochtones (dont il apprend les langues, les coutumes, les ruses et la philosophie), une réflexion philosophique sur l'idée de civilisation, une étude des moeurs politiques de la Colonie, et l'histoire vécue des premiers temps de la rivalité franco-anglaise au Nouveau Monde. En 1683, à l'âge de 17 ans, le Baron de Lahontan embarque pour le Canada. Il y passe dix ans d'une vie libre et aventureuse, entre Québec et la région des Grands Lacs : officier auprès du gouverneur de la Nouvelle France, libertin en butte à l'autorité des jésuites, coureur des bois dans les vastes territoires de l'Amérique du Nord, il met en lumière le rôle du commerce des fourrures dans la guerre franco-anglaise, palabre avec les indiens dont il apprend les langues, les coutumes, les ruses et la philosophie. Composé de lettres adressées à un lecteur inconnu, les Nouveaux voyages en Amérique déploient la verve d'un authentique libertin, l'esprit libre d'un homme curieux des moeurs et de la culture des peuples autochtones, la franchise politique d'un gentilhomme ruiné en rupture avec la cour du Roi Soleil. Si l'ironie de son style, l'humanité de son regard et l'audace de ses observations annoncent la philosophie des Lumières, elles condamneront surtout son auteur à l'exil, et son oeuvre à l'oubli et au mépris des partisans d'une histoire édifiante. C'est pour rendre justice à cet écrivain de l'exil que le passager clandestin réédite les Nouveaux voyages en Amérique dans leur version originale de 1702. "Chez Lahontan, le "Sauvage de l'Amérique" constitue une figure phare, un être idéalisé porteur d'espoir. Cette originalité, l'oeuvre de Lahontan la puise à trois sources : l'expérience et les connaissances acquises par le voyageur au fil de ses aventures dans la colonie française et les forêts nord-américaines ; le sort infortuné qu'il a connu après son séjour en Nouvelle-France, et, finalement, sa critique philosophique de la religion catholique, des institutions politiques françaises et du mode de vie occidental. Figure emblématique, le Sauvage de Lahontan incarne le Nouveau-Monde, une terre de Canaan où l'écrivain aigri et apatride souhaiterait trouver l'asile et "le plaisir de vivre en repos chez des peuples moins sauvages que nous, en ce qu'ils ne sont pas réduits à la fatale nécessité de plier le genou devant certains demi-dieux que nous adorons sous le beau nom de ministres d'Etat"". Maxime Gohier

05/2015

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Essais

Empavillonner

Qu'il s'agisse, entre autres exemples, du Pavillon France réalisé par l'architecte Jean-Paul Viguier à l'occasion de l'Exposition Universelle de Séville (1992), de celui des Pays-Bas signé de l'agence MVRDV dans le cadre l'Exposition Universelle d'Hanovre (2000) ou encore, avant eux, des pavillons présentés comme "manifestes de la modernité" , tels que ceux de Richard Buckminster Fuller (Pavillon Etats-Unis, île Sainte-Hélène, Montréal, 1967), de Le Corbusier (Pavillon Philips, Bruxelles, 1958) de Robert Mallet-Stevens et des frères Martel (Pavillon du tourisme, Paris, 1925), tous sembleraient procéder d'une même intention (ou prétention)? : celle de définir les voies et préceptes d'une architecture résolument nouvelle laquelle, contestant ou refusant parfois ce qui a cours, préfigure et marque de quoi serait faite l'époque à-venir. Profitant aujourd'hui d'un certain recul, il est permis de constater quel aura été le devenir de ces tentatives architecturales ? : pour bon nombre d'entre elles, des "reliques" d'un temps révolu, des ruines (à l'image d'éléphants blancs), également des friches ou encore des déserts... Les stigmates d'édifications avancées comme "prototypiques" alors tombées dans l'oubli. C'est comme si ce qui s'était naguère pensé, tenté n'avait été, en réalité, que la consécration et "apothéose" d'une Culture de l'éphémère ? : un brusque et bruyant "déballage" de savoir-faire souvent techniques-technologiques, l'empreinte autrefois rutilante d'une audace créative ou encore une authentique démonstration de force, de puissance (un geste à l'énergie concentrée et dispersée) consacrant l'emprise et assise économiques, culturelles des états commanditaires pris au coeur d'une inexorable compétition mondiale. Aussi, bien plus que de conclure à l'échec du nouveau ? -? celui de ne pouvoir triompher qu'en de trop rares occasions ? -, reviendrait-il plutôt de s'interroger sur la fonction et les visées véritables de ces constructions, sur ce qui s'édifie et se programme vraiment au travers de la forme même du Pavillon, soit sur ce qui s'empavillonne. C'est-à-dire tout à la fois s'incorpore, se cristallise et se disperse en de multiples cellules pavillonnaires d'exposition entremêlant idées, visions, concepts et conceptions, également systèmes, stratégies, postures et positions tactiques... Conviendrait-il, en outre, de se demander quels places et rôles tiennent la maîtrise d'ouvrage ainsi que le commanditaire dans la pérennisation (et non seulement la conservation) de l'oeuvre architecturale. C'est très exactement là le cadre d'étude de cet ouvrage à paraître ? : s'appuyant sur des exemples précis, il s'agit de comprendre et de donner à lire de quoi le Pavillon est effectivement le projet.

03/2021

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Art du Proche-Orient

L'épopée de Gilgamesh. Illustrée par l'art mésopotamien

Il y a plus de 4 000 ans, une histoire se racontait en Mésopotamie : celle du héros Gilgamesh. Comme tous les héros antiques, Gilgamesh relie le passé et le présent. Il connaît l'orgueil et la gloire, l'amitié et la tristesse, la confiance et le doute. Ses rêves d'immortalité le ramènent à son statut d'homme, mortel, un chemin de vie qui ne connaît ni temps ni frontière. Il y a plus de 4 000 ans, une histoire - la plus ancienne qui nous soit parvenue - se racontait en Mésopotamie : celle du héros Gilgamesh, roi de la dynastie d'Ourouk. Gravée sur des tablettes d'argile entre la fin du IIIe et le début du IIe millénaire avant notre ère, cette légende fut ensuite transmise dans tout le monde oriental durant plus de 2000 ans avant de sombrer dans l'oubli. Redécouverte au milieu du xixe siècle, cette épopée, qui relate entre autres l'histoire du Déluge telle que nous la retrouvons dans la Bible, nous invite à une lecture aussi universelle que contemporaine. Comme tous les héros antiques, Gilgamesh relie le passé et le présent. Il connaît l'orgueil et la gloire, l'amitié et la tristesse, la confiance et le doute. Il est courageux et intrépide face au danger, anxieux et faible confronté à l'épreuve ultime de la vie. Après la mort de son ami Enkidou, son destin bascule et ses rêves d'immortalité le ramènent à son statut d'homme, mortel, un chemin de vie qui ne connaît ni temps ni frontière. Photographe et sculpteur de lumière, Jean-Christophe Ballot crée depuis trente ans une oeuvre contemplative et onirique. Il réalise autour du récit de Gilgamesh une campagne photographique d'envergure, en noir et blanc, et redonne vie à une centaine d'oeuvres millénaires, conservées principalement dans les départements d'antiquités orientales du musée du Louvre à Paris, mais aussi du British Museum à Londres, du Vorderasiatisches Museum à Berlin et du Musée national d'Irak de Bagdad. Afin de prendre toute la mesure de cette antique civilisation, Jean-Christophe Ballot part en Irak, accompagné de Diane de Selliers, photographier les sites archéologiques du sud de la Mésopotamie, offrant ainsi un écrin exceptionnel au récit et aux oeuvres qui l'illustrent. Ariane Thomas, directrice du département des Antiquités orientales du Louvre, a dirigé les recherches iconographiques et présente, dans son introduction, l'incroyable fortune de cette légende. C'est à partir de traductions arabes qu'Abed Azrié, poète, chanteur et compositeur syrien né à Alep, a repris ce récit. Il donne à cette épopée un souffle nouveau et nous éveille aux merveilles du monde mésopotamien.

10/2022

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Critique littéraire

Albert Londres. Le prince du journalisme

Né en 1884 à Vichy dans une famille dont les racines remontent jusqu'aux pentes des Pyrénées, Albert Londres est bien davantage qu'une référence absolue en matière de "? grand reportage ? "? : c'est un mythe, une icône emblématique de toute action journalistique visant à refléter le monde tel qu'il est, sans tabous ni frontières. Jeune poète devenu correspondant de guerre, journaliste d'investigation avant l'heure, Albert Londres fut au cours de sa brève mais riche existence, un mélange d'aventurier et d'écrivain, de voyageur au long cours et d'homme de convictions doté d'un sens aigu de l'observation et de la narration, qui ont fait de lui, avant tout, un humaniste "? engagé? " sur les cinq continents. Des Balkans au Proche-Orient, de l'Europe de l'Est au Japon, à l'Indochine, à l'Inde et à la Chine, en passant par la Guyane, l'Algérie, l'Argentine et le Congo, cet infatigable globe-trotter s'est fabriqué l'image d'un dénonciateur professionnel, d'un "? redresseur de torts ? " tous azimuts, présent sur tous les "? fronts ? " de l'histoire internationale. De l'état du monde et des sujets de société de son temps, il a donné une vision sans concessions, fruit d'une grande maîtrise du style et des techniques narratives, de sorte que ses articles, comme ses livres, restent des modèles du genre. Sa célèbre formule "? La plume dans la plaie ? " a fait le tour du monde comme pour mieux résumer les combats incessants à mener contre l'injustice sous toutes ses formes. A l'instar de l'association "? Regarder... Agir pour Vichy et ses environs ? " qui oeuvre pour sa réhabilitation au travers des "? journées ? " et des "? rencontres Albert Londres ? ", Jacqueline Débordes tente ici de réparer cette étrange injustice qui veut qu'un reporter de première classe tel qu'Albert Londres - à qui toute une profession doit ses lettres de noblesse - n'est que rarement commémoré dans sa ville natale. Sans doute ses absences longues et répétées ont-elles été la source du presque-oubli dans lequel il est tombé au fil des ans, et ce, malgré le "? prix ? " dont il est indirectement à l'origine depuis 1933, au lendemain de sa tragique disparition en Mer Rouge... La plus prestigieuse récompense de la presse française contemporaine lui doit, en effet, d'être décernée aujourd'hui aux meilleurs reporters de la presse écrite ? et audiovisuelle française. Ce n'est donc pas le moindre mérite du livre de Jacqueline Débordes que de contribuer à mieux faire connaître celui qui, plus qu'un journaliste habité d'un supplément d'âme, fut d'abord une "? conscience ? " à l'échelle mondiale.

09/2011

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Famille

Kollontaï. Défaire la famille, refaire l'amour

Personnage cle ? de la Re ? volution de 1917, figure pionnie`re du fe ? minisme socialiste, premie`re femme ambassadrice au monde, les qualificatifs ne manquent pas pour souligner l'exceptionnalite ? de la trajectoire intellectuelle et politique d'Alexandra Kollontai ? (1872-1952). Promptement refoule ? e par la contre- re ? volution sexuelle qui s'e ? tait abattue sur l'Union sovie ? tique de`s les anne ? es 1920, brie`vement rede ? couverte au lendemain de mai 1968 avant de retomber dans l'oubli avec les "anne ? es d'hiver" de la de ? cennie 1980, l'oeuvre de Kollontai ? fait l'objet depuis quelques anne ? es d'un puissant regain d'inte ? re^t dans le sillage des renouvellements du fe ? minisme mate ? rialiste, sans pour autant que l'on ne dispose a` ce jour d'un portrait d'ensemble. C'est ce manque que le pre ? sent ouvrage se propose de combler en s'attachant a` redonner a` Kollontai ? la place qui lui revient dans l'histoire du fe ? minisme, ta^che qui suppose non seulement de restituer ce qui fait l'inde ? niable actualite ? de sa pense ? e, mais aussi de mettre en exergue son inactualite ? , au sens de perspectives e ? mancipatrices qui n'ont pu e^tre re ? alise ? es, ont e ? te ? e ? touffe ? es ou oublie ? es, mais qui gagneraient a` e^tre re ? active ? es, intempestivement. L'hypothe`se qui sous-tend ce livre, et en constitue le fil rouge, est que, pour Kollontai ? , l'e ? mancipation des femmes a pour condition fondamentale l'abolition de la famille (bourgeoise, nucle ? aire) et des rapports de proprie ? te ? (physique et psychique) sur laquelle elle se fonde. Ce projet se de ? cline selon elle de deux manie`res entreme^le ? es : d'une part, par une re ? invention radicale de l'amour et des formes de la sexualite ? ; d'autre part, par la socialisation inte ? grale ou la communalisation des ta^ches reproductives, a` commencer par la maternite ? . Dans l'un et l'autre cas, c'est la camaraderie, comme affect communiste par excellence, qui doit pre ? valoir afin de rendre possible la gene`se de la "grande famille prole ? tarienne" qui signera le "retour" a` l'e ? galite ? homme-femmes, laquelle, pour Kollontai ? comme pour tant d'autres, avait re ? gne ? au sein dudit communisme primitif. C'est ce projet que le pre ? sent de livre se proposer de recouvrer sous la forme de la biographie d'une pense ? e qui suivra l'itine ? raire re ? volutionnaire de Kollontai ? , sans s'e ? pargner la confrontation avec sa "part d'ombre" telle qu'elle trouve en particulier a` s'incarner dans la promotion de ce qu'on peut appeler un bioproductivisme.

03/2024

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Mémoire

Mémoire, vous avez le pouvoir !

Développer sa mémoire, la stimuler, l'entretenir et utiliser tout le potentiel de notre cerveau : c'est ce que propose cet ouvrage mené par un duo de choc, Michel Cymes et Fabien Olicard. Car comme on dit deux cerveaux valent mieux qu'un. Fabien Olicard : Michel, si je te demande combien font 7 x 7 ou 12 x 11. Tu connais forcément la bonne réponse ? Michel Cymes : Ben oui Fabien, 49 et 132. Tu sais, je m'en suis farci des maths à l'école et pas que des tables de multiplication, et je m'en sers régulièrement comme tout le monde. F. O. : Si je te demande maintenant de retenir un code qui n'est ni celui de ta carte bleue ni l'accès à ton immeuble. Disons 7698 ? Moins évident non ? M. C. : Dans ce cas, je vais faire appel à une phrase qui va se référer à mon univers mental pour m'en souvenir. Par exemple, 76 m'évoque le match du Bayern de Munich contre l'A. S. Saint-Etienne à Glasgow en 1976 (tu n'étais même pas né ! ). Quant à 98, cela me rappelle... F. O. : ... la première Coupe du Monde remportée par les Bleus ? M. C. : Bingo ! Et un code de plus dans la mémoire ! F. O. : Et il y a encore de la place... M. C. : Surtout chez moi (je rigole ! ). F. O. : Eh non Michel, pas que, on a tous une extraordinaire capacité de stockage et de tri grâce à notre mémoire... ... Oui, notre mémoire n'a rien à envier aux plus performants disques durs pouvant exister. Le hic ? Nous ne savons pas toujours exploiter cet énorme potentiel... Et pourtant, que vous soyez encore en étude, dans la vie active, que votre charge mentale personnelle déborde ou que simplement vous preniez un peu d'âge, vous avez forcément à gagner en comprenant mieux vos capacités parfois cachées ! Dans cet ouvrage inédit écrit à quatre mains, Michel Cymes et Fabien Olicard nous livrent toutes les clés pour comprendre le fonctionnement de nos différentes mémoires (il n'y en pas qu'une ! ) et apprendre à utiliser, stimuler et entretenir cette belle mécanique pour en faire notre meilleure alliée. De la bonne hygiène de vie pour chouchouter ses neurones (moins de stress, une alimentation cerveau-friendly, de l'activité physique, des relations sociales...) aux techniques de mémorisation simples et efficaces (faire appel à son palais mental, créer des associations ou sa table de rappel...), les pouvoirs extraordinaires de la mémoire sont à la portée de tous. Sommaire express Ma petite fabrique à souvenirs : la mémoire, comment ça marche ; les différents types de mémoire... Fini, les oublis : le mécanisme de l'oubli ; le " capital mémoire " ; comment travailler sa mémoire Une mémoire en bonne santé : la bonne hygiène de vie (sommeil, sport, vie sociale et alimentation...) ; les ennemis de la mémoire (stress, tabac...) ; le point sur les pathologies de la mémoire...

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Poésie

Ténèbres

La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle marquent pour le peuple arménien le passage de l'oppression au martyre. C'est à cette période que le pouvoir ottoman décide de les éliminer du territoire de l'empire. Entre 1894 et 1896, les massacres ordonnés par le sultan Abdulhamid, puis les massacres d'Adana en 1909, sont comme une répétition générale du génocide. Les Turcs mettent finalement à profit la Première Guerre mondiale pour les exterminer. Plus d'un million d'Arméniens sont assassinés en quelques années, dans des conditions d'une cruauté inouïe. Adom Yardjanian (1878-1915) naît précidément en cette époque où les provinces arméniennes inclues dans l'empire ottoman sont dévastées par les massacres. Issue d'une famille prospère, il fait d'excellentes d'études et c'est un de ses professeurs qui lui donne son surnom de Siamanto, qu'il rendra célèbre. En 1896, il part pour l'Egypte afin de fuir les persécutions. Dès lors, il vit surtout à l'étranger, notamment en France, où il étudie à la Sorbonne, et en Suisse, où il publie ses premiers poèmes. Ses errances le mèneront jusqu'aux Etats-Unis, mais il finit par rentrer dans sa patrie tant l'exil lui est insupportable. Il fait partie des nombreux intellectuels arméniens massacrés par les Ottomans durant l'été 1915 - on ne saura jamais s'il était encore vivant le 15 août, où il aurait dû célébrer son trente-septième anniversaire. Cette destinée tragique, que partagèrent des centaines de milliers d'Arméniens, est celle d'un des plus grands poètes de son époque. La poésie de Siamanto frappe avant tout par son intensité extraordinaire, une véhémence qui s'exprime par la profusion des images et une puissance vraiment visionnaire des évocations. Hanté jour et nuit par le martyre subi par son peuple, Siamanto semble se révolter contre l'idée de l'oubli où pourraient sombrer tant de souffrances. Sa douleur est d'autant plus bouleversante qu'il est aussi un jeune homme plein d'énergie, qui veut croire en l'espoir d'une rébellion, voire d'une libération, malgré le destin qui l'accable. Seuls quelques poèmes de cette oeuvre hors norme ont été traduits en français dans des anthologies de la poésie arménienne. Nous publions ici, en édition bilingue, la première traduction française d'un choix important de poèmes, qui suit l'évolution de l'oeuvre de Siamanto au cours de son parcours fulgurant. Une préface et des notes de la traductrice, Ani Sultanyan, introduisent le lecteur dans l'univers du poète, même s'il suffit de le lire pour se convaincre de sa grandeur. Cette anthologie est accompagnée de quelques photos particulièrement rares. La présence du texte original en regard se justifie non seulement par la rareté des éditions arméniennes accessibles mais aussi par la beauté typographique des caractères arméniens.

09/2023

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Première guerre mondiale

L'immontrable. Guerres et violences extrêmes dans l'art et la littérature. XXe-XXIe siècles

L'historienne Annette Becker propose un essai d'histoire culturelle autour de la question de la représentation des violences extrêmes, en exhumant des oeuvres écrites, visuelles, sonores (Apollinaire, Max Jacob, Debussy, Dada, Gracq, Lurçat, Rothko, Buraglio, Boltanski...). Avec une certitude : l'horreur et l'effroi sont et représentables et historicisables, L'historienne Annette Becker propose un essai d'histoire culturelle et suit les linéaments d'une exploration de ce que Camus nommait en 1965 " la douleur de l'histoire toute fraîche ". Elle rassemble ici des réflexions qui ont émaillé son parcours intellectuel et sensible de femme dans l'histoire. Spécialiste reconnue de la Grande Guerre et des violences extrêmes qui ont marqué le " court xxe siècle " (de Sarajevo à Sarajevo), elle a entrepris dans un réel engagement aux côtés d'autres historiennes et historiens de faire l'histoire et de lire les mémoires des conflits de notre temps, des génocides et des guerres coloniales, de l'Arménie au Rwanda. Autant de douleurs et de cicatrices que l'historienne décrypte et déchiffre dans les formes les plus diverses de la création (peinture, sculpture, arts visuels, musique et poésie). Ces tableaux successifs de situations traumatiques sont autant de possibilités et de nécessités offertes pour mesurer autrement et pour mieux comprendre les dévastations physiques et mentales subies par les êtres humains en temps de paroxysmes : qu'ils soient militaires ou non, femmes ou hommes, civils de tous âges et de toutes origines. Avec une certitude : l'horreur et l'effroi sont et représentables et historicisables, malgré le topos paresseux selon lequel le choc des souffrances les plus dures serait devenu intransmissible ou inaudible. Tout au contraire l'auteure affirme ici, avec détermination (le déterminant " l' " a toute son importance que la question ne se pose pas) : l'immontrable est bien représentable. Comment raconter, porter à la conscience ces vécus non partagés, comment retrouver ces expériences et les ré-historiciser, alors que les media nous bombardent - à juste titre mais souvent sans recul - des drames d'aujourd'hui ? Aussi Annette Becker a-t-elle voulu exhumer dans cet ouvrage des oeuvres et des sources, écrites, visuelles, sonores, saisies au moment de la blessure du corps ou de l'âme, juste avant la mort, pendant la cruauté et la terreur, le chagrin, le sang, les larmes. Elle est et reste persuadée que l'essentiel est de porter un regard qui croise sciences sociales, écriture et art, sans frein ; l'interprétation est essentielle, même si elle est éphémère ou controversée. Cet ouvrage montre l'importance et l'absolue nécessité de prendre en compte les expressions artistiques et littéraires pour analyser et restituer des périodes ou des phénomènes historiques en voie de disparition dans l'oubli. La liste des artistes et écrivains forme en soi un corpus intéressant, une matière à penser : on y retrouve entre autres Apollinaire, Max Jacob, Claude Debussy, Dada, Julien Gracq, Jean Lurçat, Mark Rothko, Pierre Buraglio, Christian Boltanski...

10/2021

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Religion

Le père Lhande, pionnier du Christ dans la banlieue et à la radio

Les préfaces sont généralement reconnues d'inutilité publique. Plus le livre est attirant, plus le lecteur bondit vers le texte, par-dessus la préface, sans plus consulter celle-ci qu'on ne demande l'avis d'un factionnaire à la porte d'un musée. Cet encombrant obstacle retarde notre plaisir ; c'est une mesure pour rien ; déjà Saint Jean-Baptiste, préfacier de la Rédemption, a prêché dans le désert. Désert assez habité, d'après les découvertes récentes ; mais la parole du précurseur n'a sans doute atteint qu'une élite. Je n'ai ni la prétention ni l'espoir d'atteindre ici le grand public, ni l'élite. Mais pour ma satisfaction personnelle, je voudrais rendre à votre livre le témoignage qu'il mérite. Comme on ravive la flamme, vous avez voulu raviver le souvenir d'un apôtre. Le Père Lhande était digne de cet hommage, pour plusieurs raisons ; j'en soulignerai deux. D'abord il a vraiment ouvert une voie nouvelle, en inaugurant les causeries religieuses à la radio ; il a travaillé ardemment pour les âmes les plus délaissées et pour les missions lointaines, et il a consacré à ces tâches un talent d'orateur et d'écrivain universellement reconnu. Mais il a eu un autre mérite, beaucoup moins éclatant devant les hommes, beaucoup plus admirable aux yeux du Seigneur : En plein essor, en pleiN succès, il a été brusquement terrassé, et la maladie le laissa végéter vingt-cinq ans dans l'ombre et l'humilité. Sa première tâche était belle : consacrer à Dieu les dons reçus de Lui, donner un sens nouveau et précis, grâce au micro, à ces paroles d'un psaume : "Leur voix se répand par toute la terre et leurs paroles retentissent jusqu'aux confins du monde". Mais il était plus difficile et plus beau d'accepter le sacrifice, l'impuissance et l'enfoncement dans l'oubli. Vous avez voulu donner un écho à cette voix qui s'est tue voici déjà bien des années. Vous avez voulu éclairer un passé lointain : la jeunesse du Père Lhande date du siècle dernier. Avec la persévérance acharnée de l'historien, vous avez réuni les témoignages les plus directs et les plus sûrs. Votre labeur a été récompensé ; vous avez fait la lumière sur les origines, l'enfance, la vocation sacerdotale de votre héros ; sur son appel à la vie religieuse, vous publiez un texte décisif et d'un intérêt psychologique évident. Vous avez su montrer l'originalité, disons la hardiesse, de son apostolat radiophonique, l'importance de ses enquêtes sur la banlieue, comme de ses voyages lointains. Et ce travail long et délicat, vous l'avez mené, je le sais, avec une objectivité parfaite, uniquement désireuse de vous conformer à la vérité telle que vous la découvriez peu à peu. Vous avez édifié un monument harmonieux et solide. Alphonse de Parvillez

03/1964

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Correspondance

Au présent de tous les temps. Correspondances

Cette correspondance rassemble près de 80 lettres que se sont échangées en deux temps Jean-Louis Giovannoni et Bernard Noël, qui sont deux boussoles, deux champs magnétiques incontournables du catalogue des Editions Unes, et du champ poétique contemporain. Une première période, ouverte en 1991, s'achève en 1995 après une vingtaine de lettres, avant de faire place à deux décennies de silence et la reprise des échanges en 2017, qui comptent près de 60 lettres jusqu'en 2020. Correspondance strictement littéraire, où les aspects privés de la vie intime n'apparaissent que brièvement au détour d'un drame (la disparition de Paul Otchakovsky Laurens), ou au travers des heurts sociaux (le mouvement des Gilets jaunes). Si le monde contemporain n'est pas totalement exclu de ces échanges (il s'y évoque la marchandisation du monde, les accélérations médiatiques ou l'espace grandissant des images), il s'agit avant tout de tresser, sans programme précis, un dialogue autour des préoccupations qui sont au centre de l'oeuvre de l'auteur d'Extraits du corps et de celui de Garder le mort : corps du langage et corps du monde, oubli et mémoire, absence et présence, regard et vision... thèmes portés et rassemblés par l'interrogation du geste d'écrire, de la nature même de l'écriture, et de la singularité du poème. "Il n'y a pas de temps dans l'écriture" dit Bernard Noël, et le courant d'une discussion franche (sans peur d'assumer de part et d'autre les désaccords ponctuels) et ouverte nous porte d'une lettre à l'autre, dans les rebonds de deux pensées qui se croisent, remontent le courant parfois très en amont à la recherche d'une source de soi-même dans le flux des mots, cherchant à s'extraire de toute attraction du temps. Ou plutôt, leurs voix traversées par le doute cherchent l'espace même de l'écriture, cet endroit où le temps devient un lieu. Lieu qu'ils inventent de lettre en lettre, dans leur rapport à l'intériorité, tumultueuse, vociférante et proliférante chez Giovannoni, silencieuse, attentive et esseulée chez Noël. C'est leur différence profonde de nature qui s'exprime dans ces pages affectueuses : les mots envahissent l'un et manquent à l'autre, l'un se débat, l'autre appelle. Ils sont une masse organique pour l'un, une manifestation visible de la pensée pour l'autre. Il s'agit de "déposer son intimité à l'extérieur de soi" dit Bernard Noël, "c'est le regard de l'autre qui me met au monde et qui m'y maintient" répond Jean-Louis Giovannoni en écho. L'écriture, qui est cet "exercice du présent" , est le creuset de ce qui "échappe à la mémoire" , cherche un bord - bord de soi et bord du monde - dans l'entre-temps des choses où glissent langage et pensée, contre la solitude de la parole, au fil de ces échanges qui, plus qu'une correspondance, sont pour Bernard Noël "un essai amicalement partagé" .

05/2022

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Afrique sub-saharienne

Il pleut des mains sur le Congo - Léopold II ou le crime de masse occulté

L'évocation bouleversante de l'un des plus grands massacres de l'histoire. " Le plus grand crime de tous les temps ", écrit Arthur Conan Doyle en 1909... à l'orée du siècle le plus meurtrier de l'histoire humaine. Pourquoi tous ces morts, au beau milieu de l'Afrique coloniale ? Pourquoi cet oubli, complètement incompréhensible ? Pourquoi ce silence, que rien ou si peu ne vient troubler ? Et que sait-on au juste de cette histoire, de l'esclavage d'alors et des exécuteurs des basses oeuvres ? Pourquoi toutes ces mains coupées, sinistrement immortalisées par des clichés ? L'appât du caoutchouc fut-il l'une des causes de cette tragédie ? Pour celui qui s'intéresse aux affaires du monde, à sa mémoire collective, de tels mystères n'ont pas encore reçu de réponses satisfaisantes. Pourtant, ce fait historique s'est déroulé au vu et au su de tous, décidé en plein coeur de l'Europe consciente, documentée, active. Tout a été écrit, lu, dénoncé, prouvé, argumenté. A aucun moment, il n'a été possible de l'ignorer, même par courtoisie. Mais comme par un enchantement diabolique, les morts du Congo, victimes de l'hypocrite, cupide et immoral Léopold II roi des Belges (qui s'octroie alors - ; à titre privé et toute honte bue ! - ; un Etat indépendant presque aussi grand que l'Europe) ont disparu sans laisser de traces. Ils se sont littéralement volatilisés. Pas une ligne dans les livres d'histoire. Aucun souvenir dans la mémoire des peuples. Pas ou si peu de résurgences en ces temps de repentance sinon quelques jets de peinture couleur sang sur la statue équestre de l'impérial prédateur. On parle aujourd'hui de dix millions de morts (dont ceux - ; très nombreux - ; emportés par le choléra) et disparus entre 1885 et 1908, soit le tiers ou la moitié de la population concernée. Sans compter les mutilés (on coupait les mains des récalcitrants) impossibles à dénombrer. Dix millions, victimes de la cupidité d'un seul mégalomane, attiré par l'appât du caoutchouc naturel... A-t-on déjà vu cela en notre époque où pourtant les exemples abondent ? Pour répondre à ce mystère qui a disparu des forges de la conscience collective, sont convoqués ici ceux qui se sont exprimés précisément sur ce sujet inouï au moment même où les faits se déroulaient : Stanley l'explorateur, Roger Casement, Joseph Conrad, Edmund D. Morel, Mark Twain, Savorgnan de Brazza, Conan Doyle, André Gide, le révérend américain Williams, Jules Marchal (le diplomate belge qui a tout reconstitué au péril de sa carrière), et l'historien américain Adam Hochschild... Chacun à sa manière, ils ont rendu compte de ces tristes événements avec exactitude. S'y joignent plus discrètement les écrivains d'aujourd'hui, Eric Vuillard, Patrick Deville, Mario Vargas Llosa ou David van Reybrouck, parlant crument d'" immonde saloperie "... Autant de témoignages pour définitivement ne jamais oublier.

05/2022

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Droit

Droit des personnes handicapées. Edition 2019

Egalité, citoyenneté, participation : ces mots contenus dans le titre même de la loi du 11 février 2005 sont encore aujourd'hui pleinement d'actualité, tant les objectifs et surtout les moyens (humains, financiers) restant à déployer pour une "société inclusive" restent importants. L'inclusion vise la scolarisation, la formation et l'emploi, l'habitat... Et ce thème ne peut être dissocié des domaines où les (in)égalités sont susceptibles d'inter-agir : l'éducation, la santé, la vie sociale et citoyenne, la protection juridique des majeurs, comme l'a souligné une rapporteure de l'Onu. Les objectifs et méthodes sont connus : développer la coopération entre les différents acteurs, fluidifier et individualiser les parcours. La démarche "Une réponse adaptée pour tous", combinée avec d'autres chantiers, comme la transformation de l'offre, cherche à répondre à ces exigences. Des lois se succèdent (Loi santé, Loi d'adaptation au vieillissement de la société, Loi El Khomri, Loi pour une république numérique, etc.) et plus récemment : Loi Avenir professionnel, Loi portant Evolution du Logement, de l'Aménagement et du Numérique. Loi pour une Ecole de la confiance, Réforme de la justice... Reste à savoir si le foisonnement de textes répondra aux souhaits formulés depuis de longues années pour plus d'équité et de lisibilité et contribuera à enrayer le non recours aux droits sociaux. Le Guide Néret "Droit des personnes handicapées" est indispensable pour comprendre les implications pratiques de ces évolutions. Il décrypte les modifications récentes apportées dans tous les différents domaines du Droit et explicite en quoi elles impactent les personnes handicapées. Il éclaire également sur de nouveaux dispositifs mis en oeuvre pour développer l'accessibilité et favoriser l'inclusion a tous les niveaux. Synthétique et pratique, ce guide permet aux personnes en situation de handicap et à toute personne concernée par leur accompagnement (famille, professionnels, associations, pair - aidants...) d'avoir une vision globale et concrète sur le Droit applicable, tout en facilitant la compréhension des démarches à accomplir et des éventuels recours. Que veut dire : droits attribués "à vie"? Quel est le statut des accompagnants d'enfants en situation de handicap ? En quoi consiste le "pôle inclusif d'accompagnement localisé" organisé au niveau des établissements scolaires ? Quel est le nouveau cadre d'intervention des entreprises adaptées ? Qui est concerné par un projet d'accompagnement à l'autonomie en santé ? Comment accompagner un salarié atteint de maladie chronique ? Que recouvre la notion de "logement évolutif" ? De quel soutien peuvent bénéficier les aidants ? Que contient le 4e plan autisme ? Qu'est-ce que le droit à l'oubli ? ... Autant de points abordés dans ce Guide 2019 qui contient également des éclairages sur des pratiques visant à l'élaboration d'une charte handicap, à développer l'accès aux loisirs pour l'enfant en situation de handicap, a sensibiliser au handicap invisible et à mieux prendre en compte le handicap psychique. L'édition 2019 présente principalement : l'intégration de l'enfant et de l'étudiant handicapé ; l'intégration professionnelle de la personne handicapée ; la vie quotidienne ; le logement ; les aides ; le statut juridique de la personne handicapée ; le statut social et fiscal de la personne handicapée.

07/2019

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Ecrits sur l'art

Comme un commun

Camille Saint-Jacques introduit ses notes réflexives de la même façon qu'il signe - ne signe pas - ses tableaux ? : inscrivant son âge en chiffres romains et, en chiffres arabes, le numéro correspondant au jour de l'année. C'est dire que sa peinture et son écriture se veulent journalières, qu'elles prennent place tout ensemble dans le temps du quotidien, dans la durée d'une vie d'homme et dans un horizon qui les dépasse l'un et l'autre. "? Chacune [de mes oeuvres] vaut pour le nombre d'années et de jours qu'il m'a fallu pour la faire. La dernière affichait 61 années et 106 jours. Celle-ci en aura autant, plus une poignée de journées. En deux fois j'aurais dépassé les 120 ans. Autant dire que ma vie de peintre se compte déjà en milliers d'années. Pas étonnant que je vive au milieu de fantômes ? ! ? " Malgré ce choix du jour le jour, qu'on ne redoute pas ici de devoir prêter l'oreille au clapotis d'une chronique routinière. Car ce choix relève d'une aspiration éthique et esthétique nettement exprimée et même revendiquée ? ; et quoique la voix et la vie de l'auteur transparaissent à chaque page, quoique le ton reste toujours celui d'une quête personnelle, le sujet de ces notes très élaborées est bel et bien, non seulement ma, mais la peinture. L'émotion primordiale, le tâtonnement aveugle, le lâcher-prise recherchés dans l'acte de peindre sont ainsi ressaisis dans des analyses d'une grande limpidité. On se souviendra, à cet égard, que Camille Saint-Jacques est aussi enseignant, penseur de l'art et co-directeur de publication de la revue Beautés. C'est ce double regard qui rend précieux ces carnets de création. Leur auteur, qui semble reprendre son souffle dans le mouvement réflexif, dépose les pensées surgies au fil de la peinture, et cultive dans ce même geste l'abandon nécessaire pour entreprendre le prochain tableau. Car il ne s'agit pas de fixer un programme ou de tirer des plans mais, au contraire, d'approfondir, sans sombrer dans l'obscurité, la part irréductible d'ignorance et de mystère que comprend le geste de peindre. "? Il faut peindre en pratiquant l'oubli jusqu'à oublier la peinture même, ne jamais lui accorder d'importance vaniteuse et d'importance, se dire chaque jour : Anything goes. L'expérience véritable c'est de n'avoir aucun métier. ? " Lignes qui font écho à la défense de l'"? amateurisme ? " menée de longue date par l'auteur et non exempte d'implications politiques ? : la peinture n'est pas une profession, ni un travail, ni même une activité difficile, mais une recherche éminemment personnelle. Rappelant par son rythme les carnets de La Semaison de Philippe Jaccottet, Comme un commun pourra intéresser au-delà du cercle des amateurs d'art, car la peinture y apparaît comme la voie d'un rapport plus juste au présent. De Camille Saint-Jacques, L'Atelier contemporain avait déjà publié un ensemble de notes, en 2019, sous le titre Talus et Fossés.

01/2023

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Littérature française

Michel buhler helvetiquement votre

Michel Bühler "Hélvètiquement vôtre" La chanson de Michel Bühler est à l'opposé du tout-venant, de ces insipides ritournelles que pissent en continu les robinets du showbiz et des médias asservis. De ce qu'ils n'osent même plus qualifier de "chanson" mais de "son" . De ce son dont on nourrit les ânes. Cet Helvète puise son art dans d'autres origines, entre Commune et Communale. Commune comme ces soixante-et-onze jours d'utopie qui imaginèrent une démocratie directe, hélas furtive, vite réprimée ; commune comme un chant commun, mutualisé. Communale pour l'instit' qu'il fut, pour encore cette idée de partage, de transmission... Le chant de Bühler est, sinon de combat, au moins d'engagement. A l'évidence d'utilité publique. Il n'existe pas pour franchement distraire, encore que, mais pour témoigner, instruire, à la manière d'une gazette. Pour bien le situer, il nous faut tirer de l'oubli ce terme si beau d'éducation populaire qui, en des temps pas si lointains, allait de pair avec la chanson. Avant que celle-ci, par abandon autant que par vouloir, ne devienne majoritairement outil d'abrutissement... Ca fait cinquante ans que, avec un succès fluctuant digne des montagnes suisses, il chante les gens, la marche de ce monde qui ne sait vraiment que reculer, les méfaits de la mondialisation, la lutte des peuples à disposer d'eux-mêmes. Un chant toujours remis sur le métier, tissé d'humanité, frappé au coin du bon sens. Qui plus que jamais, se heurte au silence, à l'indifférence, et vit dans le maquis où il partage le sort des siens, d'autres artistes de sa trempe, de son caractère, rebelles et insoumis au seul fait qu'ils osent chanter quand rien ne les invite à le faire encore. Ce qui frappe au premier abord chez Bühler, c'est l'évocation des gens, des petites gens. Ceux qui, justement, n'ont jamais voix au chapitre. En cela, Michel Bühler est parent des François Béranger, Anne Sylvestre, Gilles Vigneault, Michèle Bernard et autres encore, qui font large place dans leurs vers à ces vies anonymes, aux espoirs et aux souffrances des peuples, aux lieux où ils vivent. Bühler est empathie, dont le chant rend justice aux déclassés, leur rend la dignité dont on les a spolié. Dans ses vers, les gens existent. Au moins, là, ils ne sont pas invisibles. Le chant de Bühler n'est pas "moderne" au sens des canons, des dogmes du moment : programmateurs et journaleux le raillent pour ça. Mais lui comme nous s'en contrefoutent : il est sans âge et survivra aux modes dérisoires et futiles, aux chanteurs qu'on produit en batterie, hors sol, aux chansons à l'obsolescence programmée, à peine chantée déjà oubliées. Il est d'un chant puissant qui existe depuis toujours et existera longtemps encore, qui trouvera toujours les sillons, les sentiers, les maquis s'il le faut, pour exister, pour instiller une différence qui, à ben l'écouter, n'est jamais qu'une expression de bon sens. Michel Bühler est de cette tradition de colporteurs de nouvelles, de chansons, de presqu

11/2022

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Policiers

La faiseuse d'anges

Pâques 1974. Sur l'île de Valö, aux abords de Fjällbacka, une famille disparaît sans laisser de traces. La table du dîner est soigneusement dressée, mais tous se sont volatilisés, à l'exception de la fillette d'un an et demi, Ebba. Sont-ils victimes d'un crime ou sont-ils tous partis de leur plein gré ? L'énigme ne sera jamais résolue. Des années plus tard, Ebba revient sur l'île et s'installe dans la maison familiale avec son mari. Les vieux secrets de la propriété ne vont pas tarder à ressurgir... Pâques 1974, la police reçoit un appel d'urgence provenant du pensionnat de garçons de l'île de Valö, aux abords de Fjällbacka. A l'arrivée des forces de l'ordre, l'endroit est désert. Seule la petite Ebba, âgée d'un an et demi, déambule en pleurs dans la maison abandonnée. La table de la salle à manger est soigneusement dressée pour le repas de Pâques, mais les habitants se sont comme volatilisés. La plupart des élèves sont rentrés chez eux pour les vacances et on apprend que les quelques garçons restés sur place sont allés faire une partie de pêche. Ce qui est arrivé à la famille de la petite fille restera un mystère. Sa mère, son père, sa grande sœur et son grand frère ne seront jamais retrouvés. Placée en famille d'accueil, ce n'est que trente ans plus tard qu'Ebba retourne sur l'île, accompagnée de son mari Marten. Tous les deux viennent de perdre leur fils de trois ans et c'est pour essayer de surmonter leur deuil qu'ils décident de tout quitter pour reconstruire leur vie ailleurs. Ils prévoient de restaurer le vieux pensionnat que le père d'Ebba dirigeait d'une main de fer pour ouvrir une maison d'hôte. Anna, la sœur d'Erica qui s'est lancée dans la décoration intérieure, va venir leur prêter main-forte pour la rénovation. Mais à peine ont-ils le temps de s'installer qu'ils sont victimes d'une tentative d'incendie criminel. Et lorsqu'ils commencent à ôter le plancher de la salle à manger, ils découvrent du sang coagulé en-dessous. C'est le début d'une série d'événements troublants qui semblent vouloir leur rappeler que ce n'est pas dans l'oubli qu'on trouve le salut. De son côté, Erica s'était depuis longtemps déjà intéressée à l'affaire de la mystérieuse disparition. Ces piqûres de rappel inquiétantes sont l'occasion pour elle de se replonger dans le dossier. Elle va bientôt se rendre compte que ce qui s'est passé trente ans plus tôt est bien plus complexe qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Tout aurait commencé avec une faiseuse d'anges... Dans ce huitième volet de la série qui lui est consacrée, Erica sera confrontée à des secrets familiaux qui risquent in fine de coûter la vie à l'une des personnes les plus importantes de son entourage. Avec La Faiseuse d'anges, Camilla Läckberg prouve une fois de plus qu'elle n'a pas volé son surnom de reine du polar.

06/2014

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Pléiades

Œuvres

Les choix de Georges Duby (1919-1996) furent ceux d'un historien formé à la géographie : la vie des hommes est inscrite dans l'espace, qui lui-même influence les rapports sociaux. Sa thèse, en 1952, donne le ton : il va se consacrer à l'étude des sociétés, en France, entre le Xe et le XIIIe siècle, et en explorer toutes les dimensions, économiques, sociales, idéologiques, esthétiques, sexuelles. Compagnon de route de l'école des Annales, il est avant tout un esprit indépendant. Semble-t-il se rallier à l'histoire événementielle en acceptant de consacrer en 1973 un livre au Dimanche de Bouvines ? Cette bataille, au fond, ne l'intéressait pas, dira-t-il ; "Bouvines innovait en m'obligeant à observer le jeu de la mémoire et de l'oubli, à traiter le discours dont un événement a fait objet au fil des siècles, comme constituant cet événement lui-même". L'art, lui, intéresse l'historien des sociétés, qui y voit "l'expression d'une organisation sociale, de la société dans son ensemble, de ses croyances, de l'image qu'elle se fait d'elle-même et du monde". Au milieu des années 1960 ont paru chez Skira trois volumes sur l'art médiéval. Le Temps des cathédrales (1976) en est issu, fruit d'un impressionnant travail de lecture, d'interprétation des sources et de montage de textes venant de la tradition chrétienne. Le livre captive le grand public éclairé. La renommée de Duby ne cesse de croître. Un texte d'accès moins aisé comme Les Trois Ordres ou l'Imaginaire du féodalisme (1978) attire lui aussi les lecteurs. La représentation de la société divisée en trois catégories fonctionnelles - ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent - n'est-elle pas l'une des grandes figures de l'imaginaire historique français ? On propose bientôt à Duby de prêter sa voix à l'évocation radiophonique du destin de Guillaume le Maréchal, régent d'Angleterre. De cette expérience naît, en 1984, un récit "biographique". Nouvelle entorse à la "nouvelle Histoire" ? En apparence seulement. Duby démonte dans ce livre le fonctionnement de la société chevaleresque. Il donne carrière à son désir d'écrire un ouvrage d'histoire sérieuse susceptible d'être lu "comme un roman de cape et d'épée". Nouveau succès. En Italie, l'ouvrage sera comparé au Nom de la rose. C'est aux femmes, aux Dames du XIIe siècle, qu'avec une grande liberté de pensée et d'écriture Duby consacrera ses derniers livres. Il aborde là l'histoire "la plus ténébreuse" , celle d'êtres sans voix, et découvre des femmes "si fortes que les hommes s'efforçaient de les affaiblir par les angoisses du péché". Les trois petits volumes parus en 1995 et 1996 témoignent de l'art avec lequel Duby met son savoir à la portée d'un large public. Il n'ignore pas que le réel ou le vécu sont inaccessibles. "Tout historien s'exténue à poursuivre la vérité ; cette proie toujours lui échappe". Mais l'écriture est là pour suggérer le probable...

09/2019

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Littérature française

Mémorial

La narratrice de ce très émouvant récit n'a cessé de vouloir échapper à ses origines, à sa famille : un frère et une soeur (son père et sa tante) indissolublement réunis pour avoir échappé à un passé trop lourd dont ils n'ont rien dit et qui ont fini par se murer dans une étrange maladie qui s'est attaquée à leur mémoire. Elle a essayé de répondre à leur attente en édifiant la vie qu'ils n'avaient pu avoir. Elle s'est éloignée mais, à la mort de sa grand-mère, a fini par revenir vers ce qu'elle avait fui. Et elle s'est résolue à entreprendre un nouveau voyage. Cette fois pour se rapprocher de l'événement douloureux qui est à l'origine de leur exil, de cette histoire qui est aussi la sienne. Ce détour, ou ce retour, lui étant soudain apparu comme une étape indispensable pour être enfin libre de s'en aller ailleurs. Le livre est le simple récit de ce voyage en train - l'attente interminable sur les quais de la gare de départ, le voyage lui-même avec ses rencontres, les conversations de compartiment, le séjour dans une ville étrangère qui est pourtant aussi la sienne, celle d'où vient sa famille : Kielce, en Pologne, où eut lieu, un an après la fin de la guerre, en 1946, un terrible pogrom. Mais les petits événements qui émaillent tout voyage dans un pays inconnu dont on ignore la langue sont sans cesse enrichis de toutes les pensées qui assaillent la narratrice, des voix intérieures qui la traversent. Progressant vers ce lieu d'origine, elle ne cesse, à partir des bribes que lui ont transmises ceux qui à force d'oublier pour pouvoir vivre ont fini par tout oublier, de reconstituer ce qu'elle a pu apprendre d'un autre voyage : celui de tous ceux qui tentaient de fuir ce même pays, à l'annonce d'un malheur encore indéfini. Des fantômes surgissent, comme celui de cet oncle qui s'est noyé dans la rivière qui traverse la ville, celui qui aurait voulu être médecin. Dans le train, la rencontre d'une jeune femme qui vit à Oswiecim et n'a pu quitter la ville malgré le poids de l'histoire ne fait que la conforter dans l'idée que le souvenir est le pire poison. Arrivée dans la petite ville, les voix se font encore plus insistantes, comme si elle avait été irrésistiblement entraînée au pays des morts, elle y retrouve la rivière noire et ces eaux sombres, ce Styx au bord duquel un guide mystérieux lui rappelle que les leçons du passé n'ont servi à rien. Elle découvre au cimetière les quelques tombes juives qui ont échappé à la destruction. Une dernière conversation avec l'oncle disparu (car c'était lui qui l'avait guidée) la laisse engourdie de stupeur et de froid, ayant compris que "l'au-revoir" qu'elle cherchait est en réalité impossible. Elle ne peut que repartir et, revenue auprès des siens, décider de se plonger comme eux dans le sommeil de l'oubli. Mémorial était originellement paru en 2005 aux éditions Zulma.

02/2019

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Littérature française

Le bois du chapitre. Verdun, 14-18

Le titre, amphibologique, dit tout. Précisons cependant que la scène a lieu, d'abord, dans les années soixante, à Brive-la-Gaillarde, devant le monument aux morts élevé, place Thiers, à la mémoire des soldats tombés pour la Patrie durant la Première Guerre mondiale. C'est là que se tiennent les cérémonies auxquelles l'enfant assiste, sans réaliser "? ce qu'ils furent ? ", tandis que les héros, un à un, disparaissent. Le même, jeune lecteur, ouvre pourtant à la bibliothèque municipale de l'endroit les livres sur l'époque afin d'en apprendre davantage sur les circonstances et les modalités du désastre, de trouver des explications sur ce qui a eu lieu, la présence des estropiés dont le nombre impressionne, la vue fait peur. Mais c'est l'incompréhension qui s'impose. Manquent aux livres noyés de gris "? le relief, les détails, les finesses ? ". Et puis l'enfant, tout au présent, est trop jeune quand s'interpose aussi, pour que la réalité se dresse enfin devant soi, l'échelle réduite des reproductions qui est censée la représenter mais, en partie, la trahit. Puis la scène se déplace, des années plus tard, à Verdun, toponyme qui, à sa façon lui aussi jusqu'à aujourd'hui, dit tout, des autres lieux qu'à soi seul il condense, de l'épouvante et du sacrifice des jeunes soldats ; Verdun où l'auteur s'est un jour rendu, comme pour constater, vérifier, in situ, pour établir enfin le rapport. Quand un temps persistent encore une approximative représentation du théâtre des opérations, la confusion, l'indistinction de l'enfance, soudain la géographie réelle dissipe tout des premières impressions, des lectures. Si bien qu'on n'en revient pas. "? Quelques centaines de mètres carrés ont reçu des millions d'obus ? ". Et, si l'horreur est encore tapie sous l'apparence des choses, c'est pourtant "? l'absence pure et simple qui témoigne du passé, de sa persistante présence ? ". La nature, le silence semblent avoir jeté sur les lieux un voile d'oubli. Quand, à la toute fin, "? un large morceau de drap noirci ? " bosselle la terre, l'auteur comprend qu'il est de trop, qu'il est temps de clore son métonymique Bois du Chapitre. "? Une dernière chose. Quand le monde, avec nous, commence, qu'on est momentanément, miséricordieusement, sans passé ni avenir, qu'on vit au présent, comment imaginer que tout n'a pas toujours été dans l'état où nous le trouvons, merveilleux, déchirant, nécessaire, injuste, parfait. Et lorsque l'heure a fini par venir où j'aurais pu lever la tête, demander à grand-père, à l'oncle, ou même, avec respect, infini ménagement, aux pauvres monstres, aux gueules cassées, aux aegipans, ils avaient disparu de la lumière tiède, changeante, où nous passons. ? " P. B. Pierre Bergounioux, né à Brive-la-Gaillarde en 1949, est l'auteur d'une oeuvre de tout premier plan qui compte près d'une centaine de titres. Du même auteur, les éditions Fario ont publié Deux écrivains français en 2010 et, dans la collection Théodore Balmoral, François en 2019 et Russe en 2021.

02/2023

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Philosophie

Philosophie N° 148, janvier 2021 : Reiner Schurmann interprète de Heidegger et penseur de l'histoire

Ce numéro thématique est consacré à Reiner Schürmann, phénoménologue qui, dans Le principe d'anarchie et Des hégémonies brisées, a prolongé et interrogé la pensée du second Heidegger pour tenter de repenser l'historicité de la pensée occidentale et le statut postmétaphysique de l'Ereignis. Il s'ouvre sur la traduction, par Bruce Bégout, de l'article de Schürmann intitulé ""Que dois-je faire" à la fin de la métaphysique ? ", qui pose la question de l'agir dans sa relation avec le problème du statut et du destin des "principes époquaux" qui régissent l'être et l'action. La question "que dois-je faire ? " sonne le glas d'une certaine normativité principielle dont il s'agit alors, sous le nom d'anarchie, de mesurer le possible ainsi ouvert. Dans "Reiner Schürmann, phénoménologue des ultimes", Vincent Giraud introduit à sa pensée au fil conducteur du phénomène et du mot d'ordre "sauver les phénomènes". Si ce qui se montre est originairement un singulier, que les différents "fantasmes hégémoniques" réduisent à un cas particulier de leur loi, retrouver les phénomènes se fera par une épopée du singulier qui nous établit dans la "condition tragique", fond de notre rapport à l'apparaître. Dans "Fin de partie. Philosophie de l'histoire et clôture de la métaphysique chez Reiner Schürmann", Bruce Bégout interroge la notion d'époque dans sa philosophie, montrant que sa critique de la philosophie de l'histoire procède d'une conception de l'histoire comme dépérissement des hégémonies, à laquelle se soustrait l'ultime époque. Il met en question le paradigme ontologique du contingent, fondement anarchique de la philosophie tragique. Dans "La recherche des origines : entre anamnèse et oubli. Heidegger relu par Schürmann", Servanne Jollivet en expose la lecture de Heidegger à partir des textes tardifs, qui en radicalise le geste et en montre l'ambivalence : en l'inscrivant dans l'histoire des hégémonies, il remonte de l'interrogation sur les origines à l'origine première, repensée de manière non fondamentale comme "violence originaire". Dans "L'absent, vois-le comme fermement présent", Thomas Aït Kaci s'attache au problème de l'effacement de la figure hégélienne dans Des hégémonies brisées. Que dans son opiniâtre combat mené contre la dialectique, du commencement à la fin et de Parménide à Heidegger, Schürmann ne rencontre pas à un moment ou à un autre son adversaire hégélien, surprend. Quel est le sens philosophique d'une telle absence, concertée et déconcertante ? Dans "Des langues brisées. Silence et origine dans la pensée de Reiner Schürmann", Vincent Blanchet comprend l'ensemble de son oeuvre à la lumière de la méditation de la langue qui la traverse jusqu'à son accomplissement dans Des hégémonies brisées ; il s'agit par là d'interroger la possibilité, pour la parole, de demeurer fidèle aux conditions dernières de l'expérience. Enfin, dans "La source", Emmanuel Cattin s'attache à la question de ce que Schürmann nomme "l'origine", en lien essentiel à "l'expérience originaire avec le langage". Dans l'héritage de l'Ereignis de Heidegger, Schürmann n'aura cessé de méditer le sens de la source de tout apparaître, et le mode de séjour accordé à celle-ci, "l'errance". Entre le Maître Eckhart de 1972 et Des hégémonies brisées de 1996, la joie errante aura disparu pour céder devant le regard tragique. D P.

01/2021

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Littérature française (poches)

La fin de Bartleby

L'écrivain B. va mourir. Le narrateur, ami de l'écrivain B. , se rend à son chevet où l'attend, entre autres, l'étrangeté du personnage inventé en 1853 par l'américain Herman Melville et que tout le monde connaît, Bartleby, scribe de son état. On sait que l'énigmatique formule du copiste, "I would prefer not to" , continue de hanter les esprits longtemps après son invention, sa répétition à l'envi. Au-delà de sa fonction performative et quelle qu'en soit la traduction, elle est devenue pour certains, plus qu'un miroir, comme une raison d'être. Le tour a été réussi à la perfection, qui s'accompagne d'un curieux scotome, ou de l'oubli récurrent d'un détail pourtant hautement significatif : la fin de la nouvelle et le sort funeste de Bartleby qui semblait pourtant, si l'on veut bien l'examiner, inéluctablement arrimé à sa formule. Ce récit-essai qui tisse la lecture de Melville et la fin d'un fictif "écrivain de la disparition" , a pour objet, entre autres, la lecture, ce qu'il en reste, une réflexion sur l'écriture et ce qu'elle implique de renoncement au monde, la publication, l'édition, l'amitié littéraire, les bibliothèques, les écrivains, les rapports qu'ils entretiennent parfois entre eux, les rêves. Ce qui alors prend fin ici - pour renaître aussi de ses cendres ? - c'est une certaine époque de la littérature, idéale, avec ses "lecteurs pénétrants" , ses affinités électives, ses bibliothèques hantées, sa mystérieuse collection de paperolles, mais aussi son autotélisme, ses manies byzantines, ses gloires plus ou moins frelatées, ses calculs, ses impasses. On verra bien où ça nous mène. "J'y racontais comment j'avais appris à lire dans une version pour enfant de Moby Dick aux illustrations colorées d'éloquence. La grande baleine blanche, dans sa douceur monstrueuse, son horrible beauté avait bientôt représenté à mes yeux le processus secret de l'écriture sans que je sache vraiment en expliquer les raisons, en identifier les ressorts. Prisonnier du doute, il fallait pourtant que je parte à sa recherche sur le libre élément et que j'y exerce une patience insensée au milieu de ses sillons invisibles. Puis, au sortir d'une nuit étoilée d'écume, pailletée de doublons équatoriaux, je repérais enfin le souffle fabuleux du cachalot qui aspergeait le ciel de hiéroglyphes. Je devais alors poursuivre le grand corps laiteux à la surface d'un océan de formules dans lesquelles abondait du vertige noyé de vérités encore trop profondément immergées pour être lues. Le plus grand animal m'imposait d'attendre peut-être en pure perte qu'il rapportât aux yeux du monde dans le surgissement grandiose de son corps au-dessus d'une houle hyperbolique des messages compliqués, les énigmes inouïes des profondeurs. Mais je finirais, espérais-je, par faire gicler de sa tête en de longues phrases séminales un spermaceti inépuisable de sens. Je percerais ainsi dans ces vagues d'huile éjaculées les mystères de la création. Et pour ces apothéoses exégétiques, cet engendrement littéraire, je serais couronné de gloire et de goémon". Th. B. Thierry Bouchard : il a fondé et dirigé trente années durant la revue Théodore Balmoral et dirige aujourd'hui une collection éponyme aux éditions Fario. Il a publié : Tous ceux qui passent, Deyrolle, 1996, Où les emportes-tu ? , Deyrolle, 1997, Blue Bird's Corner, Fario, 2014.

02/2020

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Littérature sud-américaine

La Secrète

Principal " protagoniste " de ce roman, La Secrète est le nom d'un vaste domaine dans les montagnes d'Antioquia, au coeur des Andes et de la zone de production du célèbre café de Colombie. Il donne son titre à cette grande saga familiale contemporaine qui se structure polyphoniquement autour de trois voix, trois récits parallèles intelligemment interconnectés. Le premier est tenu par la soeur ainée, Pilar Angel, la gardienne du logis, de la terre, de l'héritage, celle qui refuse de vendre La Secrète et est prête à assumer les compromis les plus dangereux pour la garder en tant que patrimoine commun et mémoire familiale. Mariée avec Alberto depuis quarante ans, mère de trois enfants, héritière des bijoux et des meubles, Pilar passe la majeure partie de l'année à La Secrète et s'occupe de l'entretien de la vieille demeure familiale. Le deuxième récit est celui d'Antonio (Tono) Angel, jeune gay colombien qui habite New York. Il y est violoniste dans l'un des orchestres de la ville et vit une longue histoire d'amour avec son compagnon Jon, un artiste conceptuel afro-américain qui n'aime pas particulièrement aller en Colombie ni passer des vacances dans une région montagneuses où les guérilleros, les paramilitaires et les narcotrafiquants font souvent régner la terreur. Comme pour compenser ses absences ou pour se faire pardonner son infidélité à la famille, Antonio consacre son temps libre à des recherches généalogiques et historiques sur les origines de la ferme et de la famille Angel. C'est grâce à lui, et à son récit, que le roman devient une véritable saga familiale : il nous raconte un chapitre méconnu de l'épopée du café et de la diaspora juive en Amérique latine. Enfin, le troisième récit, le plus palpitant, le plus terrifiant, celui qui accroche le lecteur dès le début du roman, est celui d'Eva, la brebis galeuse. Cette jeune et belle femme moderne (ou postmoderne) qui a eu trois maris et s'adonne aussi occasionnellement aux plaisirs lesbiens, ne veut que rien ne l'attache à cette terre où elle a failli laisser la vie. La narration de la longue nuit tropicale où des hommes armés (paramilitaires, narcotrafiquants ?) essaient de la tuer est sans conteste l'un des moments forts de ce livre. La Secrète est d'une lecture très agréable et s'offre diversement à chaque lecteur : soit dans l'épopée des Juifs colombiens et dans l'aventure du développement de la production de café ; soit dans le récit de la vie d'un homosexuel dans un pays machiste et intransigeant ; soit dans la recherche d'un compromis entre tradition et changement au sein d'une famille dont l'unité est toujours fragile ; soit dans la quête d'une forme d'existence authentique de la part d'une femme colombienne qui ne veut pas ressembler à ses aînées. Les lecteurs de l'Oubli que nous serons (Gallimard, 2011) retrouveront ici toute la finesse et la sensibilité dont Abad fait preuve lorsqu'il conte la vie intime d'une famille ; ceux qui ne le connaissent pas encore vont découvrir un romancier capable de leur faire appréhender différemment l'histoire à la fois magique et violente de la Colombie contemporaine.

02/2016

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Sociologie

L'incendie de l'hôtel Paris-Opéra, 15 avril 2005. Enquête sur un drame social

Que valent des vies humaines ? Dans la nuit du 14 au 15 avril 2005, un hôtel meublé, géré par le Samu social, habité par des familles, la plupart originaires d'Afrique, flambait à Paris près des Galeries Lafayette. Vingt-quatre personnes, dont onze enfants, y laissent la vie. Il fallait en témoigner, ne pas laisser s'installer l'oubli. En avril 2010, lors d'une rencontre commémorative dans le square de la Trinité, où s'élève la stèle portant le nom et l'âge des victimes, Aomar Ikhlef, porte-parole et fondateur de l'Association des familles des victimes, et Claire Lévy-Vroelant, la sociologue des hôtels meublés, ont décidé du projet dans ses grandes lignes. L'épreuve des deuils, l'interminable marche de la justice, la solidarité, les espoirs et les combats, ne pouvaient être narrés, décrits, écrits, que par ceux-là mêmes qui les avaient vécus. Le désir de passer outre les formes canoniques de l'analyse sociologique a permis d'ouvrir un espace de parole dont ceux qui acceptaient de témoigner étaient entièrement les maîtres. Le pacte d'écriture a nécessité du temps, de la clarté et de la confiance. Enregistrés et réécrits, ces récits ont pris corps, dessinant des lignes de vie et de migration confrontées à la violence d'un système. Fidèle aux objectifs de départ, ce livre témoigne du désir partagé de rendre publique une expérience extrême et de donner lieu et sens à une mémoire de l'événement. Quinze hommes et femmes racontent, cheminant à travers les mots pour exprimer l'indicible. Ces témoignages sont leur oeuvre, tissée à plusieurs mains. Claire Lévy-Vroelant, sociologue de l'habitat et de la ville, enseignante et professeur à l'université Paris 8. Au cours de ses très nombreuses recherches et publications, Claire Lévy Vroelant s'est d'abord interrogée, d'un point de vue démographique, sur les mouvements et la constitution de populations aux XIXe et XXe siècles puis, à une échelle plus humaine, sur les situations des individus et de leur famille dans l'univers de la ville. La question de la place faite aux nouveaux venus et aux étrangers dans la société urbaine se situe dans le cadre plus global des questions liées à l'histoire des migrations contemporaines. Logiquement, les interrogations sur les mobilités résidentielles en France et en Europe sur une longue durée ont développé en elle non seulement l'expertise mais aussi le goût pour la nature des relations entre déplacement, logement et dynamiques familiales. Ces études conduisent aussi à l'interprétation, par les politiques publiques, des ruses et adaptations de la famille. Ces questions sont approchées aujourd'hui sous l'angle des politiques de logement et des politiques sociales (logement social, protections, interventions sociales), mais aussi sous celui des solidarités ordinaires intégrant la question des mémoires dans la fabrication plurielle de la société urbaine. Depuis janvier 2014, elle coordonne la recherche " Penser la ville contemporaine " à la Maison des Sciences de l'Homme de Paris Nord. Elle est aussi membre du Conseil scientifique du Centre de recherche sur l'habitat, CNRS et membre du Conseil de l'Ecole Doctorale Sciences sociales de Paris 8 Saint-Denis. Elle a notamment publié aux éditions Créaphis Hôtels meublés, Enquête sur une mémoire de l'immigration, avec Céline Barrère (2012) et Une chambre en ville. Hôtels meublés et garnis à Paris, 1860-1990, avec Alain Faure (2007).

03/2018

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Poésie

Le Galaté au Bois. Edition bilingue français-italien

- Andrea Zanzotto : " Le Galaté au bois " (Il Galateo in bosco) Le titre, pour partie néologistique en français, emprunte au célèbre traité des règles de savoir-vivre de Monsignor Della casa, intitulé en italien Galateo, oppose culture (les règles sociales) et nature (bois touffu). Il s'agit du premier volet (1978) de la trilogie de la maturité du poète que le plus grand critique italien du siècle dernier, Gianfranco Contini a tenu à présenter. C'est aussi le seul recueil de cet ambitieux projet poétique à ne pas être aujourd'hui disponible en français. Les deux autres pans dudit triptyque, " Idiome " (1983) et " Phosphène "s (1986), sont tous deux présents en librairie. L'ouvrage prend pour thème un lieu défini, celui de la forêt du Montello situé au sud du bourg où le poète est né. Cette région s'avère particulièrement riche en sédiments historiques, échos, réseaux et figures. Là se dressent, par exemple, les ruines d'une grande abbaye où vécu Monsignor Della Casa, dans ces mêmes parages évolua la poétesse de la Renaissance Gaspara Stampa. Ce fut aussi un champ de bataille durant la première guerre mondiale et, de tout temps, un refuge pour les marginaux. Ces éléments, ici rapidement évoqués à titre indicatif, campent un sud et son histoire érodée reconduite à ses bribes surnageant dans l'histoire locale sous forme de fourmillantes historiettes, citations mémorables, épiphanies diverses. Cet enchevêtrement de temporalités dissemblables détermine un mélange stylistique familier aux lecteurs italiens : celui d'un plurilinguisme dont le Dante de la " Divine Comédie " est l'épigone. Autrement dit, la rencontre de styles diversifiés appartenant à des âges différents, tous dûment déhiérarchises dans une promiscuité généralisée mêlant mémoire littéraire, onomatopées, oralité : du sublime au trivial. Cet encyclopédisme langagier se révèle comme le juste rendu stylistique d'une histoire s'offrant tout à tour comme enfouissement et surrection, survivance et oubli, dont la faille périadriatique traversant de part en part la géographie concernée est aussi une métaphore seyante. Une syntaxe inattendue en résulte dans laquelle l'articulation est dévolue non au mot mais, le plus souvent, à des séquences verbales hétérogènes : accidenté, seul leurs heurts, chevauchements, juxtapositions, télescopages assoit le sens. L'histoire littéraire s'en trouve remaniée d'autant : paradoxalement, des styles distincts appartenant à des ères différentes finissent par y tenir un seul et même discours. Les styles mis en oeuvre sont ainsi arrachés à leur historicité pour vérifier la circulation du symbolique qu'ils viennent vérifier par-delà toute prétendue clôture : de langues en langages irréductibles. D'un italien d'une littérarité soutenue à un dialecte simplement parlé, par exemple. La critique italienne y a vu non seulement l'oeuvre maîtresse du poète de Vénétie mais également le chef-d'oeuvre le plus original de la poésie cisalpine du XXe siècle, qui en compte pourtant beaucoup d'autres. Au-delà, on peut tenir pareil recueil pour " généalogique " (dans une acception non nietzschéenne du terme) dans la mesure où prenant conscience du caractère suranné d'une tradition, l'européenne à travers l'italienne, ce recueil opère, idéalement et réellement, une synthèse de toutes les traditions précédentes, un peu comme Rabelais en son temps vis-à-vis de la tradition médiévale, et, cela, rien que pour donner un futur au genre poétique. Au reste, sa temporalité n'est-elle celle d'un futur antérieur (titre d'un célèbre poème de " Phosphènes " : " Futurs simples - ou antérieurs ") ? (Philippe Di Meo)

03/2023

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Science-fiction

Terre Tome 3 : La fin des temps

Voici la fin de l'histoire des passagers du Jupiter, l'affrontement final entre les survivants et les Intégraux sur Terre. Dans les failles d'une boucle temporelle, les mystérieux Anges garderont-ils leur neutralité ou interviendront-ils pour sauver Mandor et ses amis ? Résumé : Mandor est un androïde de première génération, un de ceux produits avec le plus de finesse par les hommes de l'espace. Il n'est pas seulement doté de meilleurs aptitudes que les humains, plus résistant, plus beau, presque éternel, il a aussi développé des sentiments, aussi puissants que ceux des humains, et c'est précisément ce qui le rend vulnérable. Car si Mandor a une faiblesse, c'est bien la peur de la solitude, de l'oubli, quand tous ceux qu'il aime auront vieilli puis disparu alors qu'il restera éternellement jeune. Cette peur de la solitude le poussera à braver le danger pour sauver sa compagne, au péril de sa vie. Dans ce troisième volume du cycle de Terre - et point final de la série - c'est Pip, vieil homme en paix, qui nous raconte ce qui s'est passé depuis l'atterrissage de la frégate 3 sur Terre. Mandor a été capturé par les Intégraux à bord de l'épave du Jupiter. Il s'aperçoit bientôt que le temps ne s'écoule pas sur Terre de la même manière que sur le vaisseau... et se retrouve face à face avec Yss, sa compagne disparue. Elle est vivante mais vieillie de 20 ans, mère et mariée à Jean d'Orgueil, le chef de la secte de la Courbe. Dans sa cellule, Mandor fait la connaisance de Gaby, sorte d'ange amélioré en mission d'observation sur Terre. Des failles temporelles leur permettent de s'échapper hors de l'épave. Gaby semble savoir ce qui provoque ces sauts de séquences temporelles. Yss les rejoint clandestinement pour prévenir son ancien amour du danger d'une attaque imminente des Intégraux contre le camp des amis de Mandor. Elle l'aime toujours, mais leur différence d'âge rend le dialogue entre eux impossible. Gaby tient conseil avec les siens, qu'il a rejoints, et décide d'agir pour sauver Mandor. Prêts à s'affronter, les deux camps se retrouvent aveuglés par la lumière céleste : les anges ordonnent de ne pas livrer bataille, et les fanatiques se plient à cette volonté divine. Le combat est évité, Mandor retrouve les siens sain et sauf. Pip nous raconte la fin de l'histoire et du premier des Mains d'Or. La boucle est bouclée, les survivants de Haut et Bas-Mesnil vont pouvoir recréer une nouvelle société sur Terre, cette planète que les hommes ont quittée des millénaires auparavant, à moins que ce ne soit des siècles plus tard, car nos descendants et nos ancêtres ne font plus qu'un, si le Temps n'est qu'un éternel recommencement. Présentation : Au croisement entre Bourgeon et Schuiten, le dessin de Dubois nous ensorcèle et nous mène au bout de la pensée de chaque personnage ; chaque plante, chaque décor sert le propos, dans une représentation délicate et visionnaire de la planète Terre. Aux manettes du scénario, Rodolphe enchaîne les actions dans ce dernier tome : l'histoire file trépidante à son terminus, sans oublier de poser la question vertigineuse de l'éternité. Une forme de contemplation poétique est à l'oeuvre dans cette histoire, qui clôture la série de 6 volumes commencée en 2017.

05/2023

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Beaux arts

Zimbabwe. Art, symbole et sens

Ce livre examine en profondeur l'art historique des trois principales cultures du Zimbabwe, à savoir les cultures shona, ndebele et tonga. Il retrace la manière dont l'art n'est jamais séparé de la vie dans un contexte africain historique, mais demeure un outil existentiel d'importance, faisant partie intégrante de la vie. C'est pourquoi l'art s'y trouve dans des objets sacrés ou fonctionnels, dans les intérieurs, la mode, les gestes personnels et les événements ordinaires. Dans ce contexte, l'art fonctionne différemment, car il est le langage du symbole, un langage qui tient compte des échanges de la psyché humaine avec les autres et avec l'univers. Ce livre ouvre une fenêtre sur le symbolisme de l'Afrique, attestant que l'esprit tient naturellement compte de deux codes parallèles : le code externe de la conscience sensorielle et le code interne de la conscience subjective. Retracer le fonctionnement du code esthétique de l'Afrique sub-saharienne, présent dans toutes ses cultures, revient à révéler le symbolisme de l'Afrique comme langage parallèle et expression de sa philosophie. Telle est la raison d'être de ce livre. Les 200 photographies illustrant l'art historique du Zimbabwe, prises à une époque où il se trouvait plus aisément, montrent comment l'art s'exprime à travers la vie comme un langage, avec un sens spirituel et culturel, en garantissant que ce sens n'est jamais étranger à la conscience individuelle. La plupart des photographies ont été prises dans les "Communal Lands" , une région "à part" pour les Africains à l'époque coloniale. C'est là qu'a survécu un sentiment africain d'identité, de culture et d'histoire, d'abord pendant le régime colonial puis durant une impitoyable dictature. La majorité des clichés date d'une période comprise entre 1998 et 2015, au cours de laquelle Duncan Wylie retourna à maintes reprises dans son pays natal pour entreprendre ce qu'il qualifie de "travail de transmission et, pour le monde non africain, un moyen d'appréciation plus approfondie des formes d'art africaines et des possibilités de l'art en général, une clé à la découverte d'un monde que peu de gens ont eu la chance d'explorer" . Zimbabwe offre une occasion exceptionnelle de revenir sur mille ans d'histoire du symbolisme de ce pays à travers les ruines du Grand Zimbabwe, vaste cité médiévale construite en pierre, unique par son architecture, son style et la richesse de ses symboles, avec son énigmatique et solide tour de pierre et ses murailles sans fonction défensive, ou ses "oiseaux de Zimbabwe" - sculptures antiques des années 1350 qui marquèrent le faîte de la puissance du Grand Zimbabwe -, emblème national du pays. Une étape hautement symbolique dans le travail de l'artiste a été franchie avec la photographie de ces oiseaux de Zimbabwe, non pas au musée où ils sont conservés, mais au milieu des ruines, autrement dit sur le site où ils se trouvaient jadis ; une manière de compléter cette campagne photographique relative à l'art historique du Zimbabwe sur les lieux mêmes où il joua son rôle. L'ouvrage est le fruit de la collaboration entre l'artiste qui a pris les photographies au cours d'une période de dix-sept ans et l'auteur des textes qui a dédié sa longue carrière aux arts du Zimbabwe et de l'Afrique sub-saharienne en qualité de conservatrice de la National Gallery of Zimbabwe. Il faut souligner l'importance du rôle joué par les communautés locales : sans leur participation active, ce livre destiné à évoquer leur culture menacée de disparition et d'oubli n'aurait jamais vu le jour.

09/2020

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Sociologie urbaine

Récits de la ville malade. Essai de sociologie urbaine

Ces récits de la ville malade répondent aux discours sur la prolifération des taudis, la ghettoïsation des cités, la disparition du patrimoine, la gentrification des quartiers populaires et la dénaturation des villes, et décèlent les prémices d'un nouveau discours lié à la pandémie du Covid-19. Selon le vocabulaire international de sociologie des villes, le monde urbain contemporain s'enchante de ses Smart Cities, Green Cities, Inclusive Cities et autres Slow Cities mais qu'en est-il des Sick Cities ? Sont-elles restées dans l'angle mort de l'observation des chercheurs ? Les récits de la ville malade, rassemblés ici par le sociologue et historien Yankel Fijalkow, répondent aux discours sur la prolifération des taudis, la ghettoïsation des cités, la disparition du patrimoine, la gentrification des quartiers populaires et la dénaturation des villes. Ce livre propose trois " récits de ville " : les îlots insalubres au début du xxe siècle ; la critique du progrès dans les années 1970 ; la peur de la perte de l'authenticité dans les années 2000. Dans les textes politiques, les géographies littéraires ou les rapports d'expertise, la répétition de ces narrations s'inscrit dans une grammaire spécifique. Les îlots insalubres parisiens au début du xxe siècle, les campements, la Zone, les bidonvilles et les taudis contemporains sollicitent nos regards et nos jugements. Comme en 1950 puis en 1970, la pratique de la rénovation urbaine revient en 2000 suivant le mot d'ordre radical des politiques : démolir et reconstruire. Comme en 1930, les petites villes et les pays reviennent à l'agenda des acteurs de la ville : décideurs, élus, habitants. A chaque modernité nouvelle, les sociétés urbaines sont prises par la folie de démolir et retrouvent les accents d'une passion patrimoniale qui les conduisent à rechercher des espaces préservés et " authentiques ". Que dire de l'éternel recommencement, des discours des experts proposant de répondre à la " crise " ? Peut-on dresser la sociologie des récits de la ville malade obsédant l'histoire urbaine à la manière d'un ostinato ? Peut-on dessiner la géographie de ces lieux malheureux : marges, périphéries, centres et archipels ? Peut-on rapprocher les composants du Story Telling - du politologue William Roe Polk - sur la ville malade et la mise en scène du récit de la cité idéale ? Peut-on dépasser la rationalisation et la romantisation de l'urbain ? Yankel Fikalkow construit un discours dans le temps, un discours configuré et situé. Les représentations mettent en jeu l'imaginaire collectif de la ville, la manière dont se dessinent des intentionnalités capables de s'inscrire dans des projets comme l'a montré l'historien et géographe Marcel Roncayolo. Chaque situation de transformation urbaine apparaît comme une scène racontée par des acteurs sur des lieux et des processus spatiaux, persuadés de disposer d'un savoir légitime sur la ville. Car la formation du récit commun de la bonne ville est politique. Cette enquête interroge l'éternel scénario de la ville malade et pose un ensemble de questions face au présent de notre condition urbaine : est-il toujours porteur d'invention ? Les regards critiques sur la ville ne peuvent-ils que conduire les aménageurs à construire des Fake Cities ? Peuvent-ils les empêcher ? L'auteur, dans un chapitre ultime, propose une analyse à chaud de la pandémie du Covid-19, non pour décrire une situation clinique mais déceler les prémices d'un nouveau discours sur la ville malade. Ce chapitre développe les arguments suivants : l'oubli de l'hygiénisme et/ou sa réinterprétation partielle, imprécise et erronée ; la négligence à l'égard des sciences sociales et de la complexité des mondes sociaux urbains ; la quasi-incrimination de certains quartiers ; la méfiance renouvelée à l'égard des villes... La privation des usages publics de l'espace urbain au nom de mesures sanitaires est un problème majeur alors que l'un des maux qui frappent la ville contemporaine est le recul des espaces publics et leur transformation en espaces de marchandisation, de " mise en tourisme ", de " upgrade " au nom de l'attractivité, du confort, et, bientôt sans doute, au nom de critères environnementaux et sanitaires...

04/2021