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Allemagne

Février 33. L'hiver de la littérature

Février 33, un livre d'histoire pas comme les autres, revient sur les événements qui se sont déroulés pendant le mois de février 1933 en Allemagne. Hitler a été nommé à la chancellerie le 30 janvier, et les jours qui suivent vont décider du destin de l'Allemagne et de l'Europe tout entière. Nous savons aujourd'hui de quelle manière ces quelques jours ont changé la face du monde, mais Uwe Wittstock a choisi de les évoquer en se plaçant à la hauteur des personnes qui les ont vécus dans l'ignorance de ce qui allait suivre. Jour après jour, dans une dramaturgie bien maîtrisée, l'auteur restitue l'ambiance de tout un pays, en racontant ces quelques semaines qui ont fait basculer la démocratie de Weimar dans le IIIème Reich. Le prisme choisi est celui des écrivains, journalistes et intellectuels, et les protagonistes du livre de Wittstock s'appellent donc Thomas, Heinrich, Klaus et Erika Mann, Bertolt Brecht, Erich Maria Remarque, Alfred Döblin. Ou encore Carl Zuckmayer, Else Lasker-Schüler ou Gottfried Benn. Chacun des protagonistes est introduit avec concision, par un rappel de son rôle public et de sa situation personnelle. Et Wittstock nous raconte comment chacun d'entre eux, dès le 1er février, se demande s'il est sur une liste, en tant que juif, communiste, homosexuel ou intellectuel engagé. Car l'étau se resserre très vite, et ce même avant l'incendie du Reichstag pendant la nuit du 27 au 28 février qui sonnera le glas des dernières libertés individuelles : la SA intimide tous ceux qui ne rentrent pas dans le rang, empêche les manifestations culturelles ou les premières dans les théâtres du pays autant que les réunions politiques. L'Académie des arts devient un autre enjeu symbolique, car il faut faire partir le " gauchiste " Heinrich Mann. Son frère Thomas est en tournée en Europe, pour sa conférence sur Wagner, et décide de ne pas rentrer. Klaus et Erika, empêtrés dans des histoires d'amour impossibles mais portés par le succès de leur cabaret satirique à Munich, veulent d'abord lutter de l'intérieur. D'autres, comme le poète Gottfried Benn croient que le nouveau régime leur apportera enfin la reconnaissance tant désirée. Mais tous seront pris dans la violence du nouveau régime. Les lois d'exception et le résultat des élections du 5 mars mettent un terme à cette période de transition que Wittstock raconte comme un roman à rebondissements. Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni

01/2023

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Littérature étrangère

Viktor Vavitch

Etudiants et étudiantes en révolte, attirés par le terrorisme ; ouvriers séduits par le marxisme et la lutte révolutionnaire ; libéraux contestataires, rêvant simplement de réformer la Russie ; autorités qui, conscientes que quelque chose couve, veillent au grain... C'est dans cette atmosphère de sourde effervescence que s'ouvre le roman-fresque de Boris Jitkov, considéré par Pasternak comme " le meilleur sur la révolution de 1905 ". La roue de l'histoire, en effet, et avec elle la narration, ne tarde pas à s'emballer : grèves, manifestations, combats de rue, répression, réaction débouchant sur des pogromes d'une violence inouïe constituent la trame de ce Viktor Vavitch aussi chaotique, animé, fracassant que les événements qu'il évoque. Sur ce fond d'agitation empreinte d'espoir, mais se soldant par un noir désespoir, Boris Jitkov sème ses personnages dont les destins, pleins de promesses, avorteront pour la plupart, à l'image de la révolution manquée de 1905: il y a Viktor Vavitch qui rêve de galons d'officier mais se retrouve dans la police ; il y a Bachkine qui se veut " un type bien " mais devient indicateur ; il y a le jeune Sanka Tiktine qui n'est guère convaincu par la révolution : le roman s'achèvera pourtant sur son envoi en relégation à Viatka ; il y a sa sœur, Nadienka, amoureuse d'un ouvrier au cœur de l'action clandestine ; il y a la jeune Taïnka, sœur de Vavitch, qui aime à la folie le flûtiste juif Israëlson... Foisonnement de personnages, chaos de couleurs et de sons, Boris Jitkov livre ici le film de 1905, transformant le lecteur en spectateur et auditeur. L'écriture, très cinématographique, joue à merveille de la suggestion, de l'ellipse. Constamment au plus près de son sujet, Boris Jitkov ne décrit pas, il saisit des images, s'y arrête un instant, nomme parfois, pour aussitôt se hâter ailleurs. Le " dernier grand roman russe ", a-t-on dit de Viktor Vavitch. Le dernier, en tout cas, à offrir cette écriture qui place la langue et la poésie au-dessus de tout, à l'instar des œuvres d'un Gogol, d'un Biély ou d'un Zamiatine. Viktor Vavitch est écrit entre 1929 et 1934, puis imprimé en 1941. La censure stalinienne le juge alors " inconvenant " et " inutile ". L'ouvrage est envoyé au pilon. Mais l'imprimeur décèle le chef-d'œuvre et en conserve quelques exemplaires. C'est donc un manuscrit miraculeusement sauvé de l'oubli que le lecteur est invité à découvrir.

08/2008

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Ethnologie

Travail et apprentissage en Afrique de l'Ouest. Sénégal, Côte d'Ivoire, Togo

Ce livre est né de la rencontre avec des jeunes gens qui travaillent gratuitement et dont les familles payent parfois pour assurer leur formation dans des spécialités artisanales du secteur informel des grandes villes africaines. Face à ce constat, une série de questionnements s’est imposée : qu’y a-t-il derrière le comportement de ces jeunes, quels rapports sociaux encadrent leur apprentissage et déterminent leur avenir, quelle est leur position dans le monde de la production et du travail ? Pour y répondre, l’auteur veut d’abord échapper à l’alternative faite d’attendrissement ou d’indignation et manifester toute son insatisfaction vis-à-vis de la rhétorique des petits métiers et des vertus de l’économie informelle. Il a fallu alors élargir le champ de l’analyse en remontant aux sources de certaines notions fondamentales, telles celles de travail et de dépendance personnelle. Ce n’est qu’après une réflexion sur ces catégories qu’il devenait possible d’aborder de manière plus systématique et critique l’univers du travail en Afrique, dans ses formes traditionnelles et communautaires, salariées et modernes, rémunérées ou gratuites. Cette nécessité d’élargissement du regard s’est manifestée au fur et à mesure que progressait l’enquête sur l’apprentissage urbain, donnant lieu à un long parcours à travers les notions théoriques de travail et de dépendance (Première partie), en passant par les diverses manifestations historiques du travail en Afrique (Deuxième partie), pour aboutir finalement aux rapports sociaux d’apprentissage (Troisième partie). Ce parcours va donc du général au particulier, des notions théoriques à la pratique d’une forme particulière de travail gratuit, celui des apprentis, catégorie au demeurant peu problématisée au point de vue des rapports sociaux qui l’encadrent. L’appel à des catégories générales et à une histoire globale, qui n’isolent pas l’Afrique dans un espace et un temps propres à elle seule mais la mettent en relation avec l’économie-monde capitaliste, constitue en outre une ouverture vers la question de la modernité, interrogée ici de manière critique. Anthropologue, Fabio Viti a obtenu un doctorat de l’EHESS en 1991 avec une thèse portant sur l’anthropologie politique et historique des Baoulé de la Côte d’Ivoire. Il est l’auteur et l’éditeur de plusieurs ouvrages, ainsi que de nombreux articles de revues. Il a enseigné dans les Universités d’Urbino, Siena et Aix-en-Provence. Il est actuellement professeur à l’Università di Modena e Reggio Emilia (Dipartimento di Studi Linguistici e Culturali), où il enseigne l’ethnologie et l’ethnographie.

10/2013

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Régionalisme

Serrières (en Ardèche) au XXe siècle

Le 24 septembre 1961, une foule nombreuse vint saluer la venue du général de Gaulle à Serrières, un peu moins de trois siècles après l'étape qu'y fit l'étrange cortège de trois barques qui ramenait de Perpignan le duc de Richelieu mourant. Le Rhône, depuis toujours, ajoué un rôle essentiel dans la vie économique de la commune, qui déjà en 1414, accueillait plusieurs foires et marchés. Interrompue durant la Première Guerre mondiale et fortement ralentie lors de la seconde, la foire de Serrières demeure tout autant un centre d'activités commerciales qu'un lieu de débats passionnés sur les grands événements contemporains : l'affaire Gaston Dominici, la défaite de Diên Biên Phu, la Toussaint rouge d'Alger, le passage au nouveau franc y furent largement commentée et c'est en pleine foire que l'on apprit dans les cafés, par la radio, l'assassinat de Kennedy. Lors de celle de 1944, on ne put que constater, consterné, que pour la première fois depuis 1828, il n'y avait pas de pont entre Sablons et Serrières. Le 1°' septembre, à 0 h 45, une terrible déflagration avait arraché chacun de son sommeil : les Allemands en déroute avaient fait sauter le pont ; seuls subsistaient les deux portiques de chaque côté, desquels pendaient lamentablement des câbles retenant une partie du tablier qui, lentement, s'enfonçait dans le Rhône. Au petit matin, l'ampleur de la catastrophe apparut au grand jour ; depuis la rue de l'Eglise jusqu'aux écoles publiques, tous les immeubles étaient pratiquement inhabitables et tous les vitraux de la face est de l'église avaient été pulvérisés. Pour la troisième fois de leur histoire, les habitants se contentèrent d'un bac à traille pour traverser le fleuve, avant que le nouveau pont soit mis en service, fin 1950. Jusqu'en 1965, le cinéma qui ferma ses portes à la mort de son propriétaire, M. Schaeffer, fut l'attraction de fin de semaine, dans la cité. Jeunes et moins jeunes se retrouvaient, venant à pied, en cyclomoteur, en autocar et par le train, depuis les villages voisins, dans cette salle qui accueillit de nombreux artistes et des manifestations diverses et où Berthe Sylva, l'interprète des célèbres Roses blanches, monta sur scène pour la dernière fois. Figure incontournable de Serrières, fille de cordonnier et descendante de mariniers, Louise Marthouret, gardienne du musée, qui passionna tant de visiteurs par ses commentaires, sut entretenir toute sa vie une certaine légende de la batellerie et fit l'admiration de journalistes et d'écrivains, tels que Bernard Clavel.

12/2011

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Musique, danse

La musique sous la République de Weimar

La défaite militaire et l'effondrement de l'Empire ont fait de l'Allemagne en 1918 un pays à reconstruire, où les bouleversements politiques et sociaux s'accompagnent de profondes mutations culturelles. La musique qui, comme les autres arts, se ressent de ces chocs et les répercute, devient un enjeu idéologique majeur. L'inflation entretient une angoisse qui trouve sa traduction dans de folles audaces créatives. Les repères traditionnels s'effacent, les frontières entre les genres s'estompent : le cabaret envahit l'opéra. Les mouvements d'avant-garde surenchérissent les uns sur les autres, les manifestations dadaïstes et antibourgeoises relèguent au second plan l'expressionisme. Si les grandes figures du début du siècle (Busoni, R. Strauss, Schoenberg, Schreker), forment une pléiade de disciples, elles n'en sont pas moins contestées dans leur esthétique. A cette période d'effervescence succède une phase de stabilisation (1924-1929) où, la prospérité revenant, se développe une intense vie musicale dominée par les plus grands noms (Furtwängler, Walter, Klemperer, Scherchen, Schnabel...). De nouvelles tendances s'instaurent telles que le fonctionnalisme, la musique communautaire, la Nouvelle Objectivité, illustrées notamment par Hindemith ; la tradition spécifiquement allemande de la pratique du chant choral trouve alors une expression idéologique au sein des différents partis politiques. Les nouveaux moyens d'expression (cinéma, radio) ouvrent également un champ d'expérience largement pratiqué tandis que prospère l'industrie de la musique légère avec l'opérette, les cabarets et les revues. La crise économique de 1929 exacerbe les tensions sociales et radicalise les mouvements esthétiques comme le théatre musical et les pièces didactiques de Brecht ; les compositeurs novateurs qui bénéficiaient jusque-là du soutien fragile de la social-démocratie, se heurtent au conservatisme des milieux académiques (inspirés principalement par Hans Pfitzner) et à la haine des nationaux-allemands qui, assimilant toute nouveauté au bolchévisme culturel, s'appuient sur les forces montantes du parti nazi. De très nombreux compositieurs, parmi lesquels Kurt Weill et Hanns Eisler, vont se trouver contraints à l'exil sous le IIIe Reich. Sur la toile de fond du Berlin des années vingt, ce livre restitue la violence et les audaces esthétiques d'une société vivant dans un climat quasi permanent de guerre civile Musicologue, critique musical, Pascal Huynh est l'auteur de nombreuses contributions sur la musique de l'entre-deux-guerres, l'histoire culturelle de Berlin et Kurt Weill dont il a publié les écrits et qu'il contribue à faire connaître en France. Il prépare un ouvrage sur la musique sous le IIIe Reich.

11/1998

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Dictionnaire français

Le bouquin des dictons

Dans son sens littéral, le mot "dicton" vient de ce qui se dit, le "dit-on". Cette forme brève n'a pas, comme le proverbe, une valeur morale ou éducative. Empreints depuis l'origine de superstitions et de croyances populaires, les dictons ont servi aux hommes de repères dans leur rapport à l'univers et à leur propre destinée. Fruits de leur imagination et de leur sagesse, ils ont été pour eux autant de moyens de se situer dans le temps et dans l'espace. Nés aux environs de l'an mil, transmis tout d'abord par la tradition orale avant d'être diffusés par les almanachs, ils accompagnent les fêtes relieuses, illustrent l'histoire réelle ou imaginaire de chacun des saints du calendrier dont on espère la protection ; ils suivent les mouvements de la nature, la vie de la flore et de la faune ; ils aident les paysans à prévoir le temps, à s'adapter au rythme des saisons, à se prémunir des maladies - des maux de dents à l'épilepsie ; ils offrent autant de conseils ou de recommandations pour l'alimentation, l'hygiène et la santé. Ils servent à mieux comprendre et interpréter les phénomènes météorologiques et à percer les secrets de l'univers, souvent perçus comme menaçants et incontrôlables. Les dictons ont aussi vocation à illustrer les modes de vie, les manifestations organiques, les façons de se nourrir, de se vêtir et de se comporter. Ils parlent, d'une manière souvent crue et imagée, d'amour et de sensualité, de sexualité, de débauche et de plaisir. Ils jalonnent ainsi chaque étape de l'existence, de la naissance à la mort. "Le dicton permet de dire tout en n'engageant rien, pour le plaisir de parler, écrit Agnès Pierron dans sa préface. Il fait jaillir l'étincelle du banal. Par son existence même, le dicton proclame son autonomie. Il circule comme un électron libre, intouchable". Conçu en trois parties - le calendrier, la nature, l'homme -, ce recueil offre un large répertoire des dictons se rapportant aux thèmes qui les ont inspirés. Chacune de ces parties propose un éventail d'entrées auxquelles sont associées ces expressions, accompagnées d'explications et d'anecdotes historiques. L'ouvrage permet de découvrir, au jour le jour et sur tous les sujets touchant directement à la vie des hommes, toute la richesse d'un patrimoine linguistique dans lequel l'humour, la fantaisie, la frivolité tiennent une large place, lui conservant par là-même une fraîcheur et une vitalité inépuisables.

11/2013

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Poésie

L'homme approximatif. 1925-1930

"On a dit que Dada débouchait sur le "néant". C'est mal voir et comprendre Dada en même temps que Tzara : le mouvement et les ouvres établissent le "chaos". Devant un monde dont l'ordre était inacceptable, il fallait dresser les leçons de l'extrême désordre. Cela se fit, par Tzara, de Zurich à Saint-Julien-le-Pauvre. Ce que Tristan Tzara, venu de Roumanie, avait dans le cour lors des premières manifestations du cabaret Voltaire, et qu'il conservera jusqu'à la fin sous la tente à oxygène, c'est la volonté d'une écriture capable de ne plus mentir : nous avons déplacé les notions et confondu leurs vêtements avec leurs noms aveugles sont les mots qui ne savent retrouver que leur place dès leur naissance leur rang grammatical dans l'universelle sécurité bien maigre est le feu que nous crûmes voir couver en eux dans nos poumons et terne est la lueur prédestinée de ce qu'ils disent... ces vers qui sont dans L'Homme approximatif soulignent à merveille ce long effort, cette ascèse, ce renfermement de deux années, bref, la vocation, la destination et la signification de ce poème ininterrompu. Il est juste de marquer que ce chef-d'ouvre - si l'on veut à toute force mettre des étiquettes périssables sur des événements qui ne le sont pas - est chef-d'ouvre, manifestement, du surréalisme. Cette affirmation juste est cependant une constatation fort banale. Je m'explique : dans ce tournant qui va de Dada au surréalisme, il n'y a pas, chez Tristan Tzara, rupture ou déchirement. Les mille anecdotes de la petite histoire littéraire (et qui ont leur importance) auraient tendance à nous cacher l'essentiel, qui est que Tzara, obéissant à cette logique supérieure qui n'est plus la logique commune, à cette raison autre qui n'est plus captive des infortunes du rationalisme étroit, poursuit - beaucoup plus solitaire que les documents ne le donnent à penser -, sa propre route. Il vient, hier, de tordre le cou à l'écriture, de la briser comme une canne en cent éclats sur son genou. Il a démontré les impostures du langage, les ridicules du poème, les vanités de l'apparat critique. Voilà qui est fait. La page est enfin blanche, et tellement qu'elle n'est plus une feuille de papier, mais une feuille d'arbre, un arbre, une main, une femme, un oiseau, la nuit. On écrit avec tout sur tout, voici la leçon. C'est alors, et dans ce temps, que Tzara se met à L'Homme approximatif, inventant l'écriture dans une autre langue que celle dont nous sommes couverts..." Hubert Juin.

03/2007

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Psychologie, psychanalyse

Synchronicité et Paracelsica

La synchronicité représente de toute évidence l'un des noeuds théoriques principaux de la pensée et de l'oeuvre de Jung. Alors que celui-ci en découvre très tôt la présence et les manifestations (il en parle dès 1930), en déclarant à propos du Yi King que ce dernier "repose en effet, non sur le principe de causalité, mais sur un principe non dénommé jusqu'ici - parce qu'il ne se présente pas chez nous - auquel j'ai donné, à titre provisoire, le nom de principe de synchronicité", il ne se décide cependant à publier à son sujet d'une manière systématique et réglée que très tard dans sa vie, à la fin des années quarante et au début des années cinquante. Encore ne s'agit-il pas pour Jung de fournir une explication définitive à un domaine qu'il qualifie d "obscur" et de "problématique", mais d'y ouvrir un accès dont il a la conscience aiguë de combien il se heurte à nombre de préjugés (de nature à la fois intellectuelle, idéologique et subjective) dans la société occidentale moderne. S'il se résout à cet effort, c'est par un double souci d'élucidation scientifique et philosophique, ainsi que devant l'importance humaine du phénomène, et l'exigence intérieure du souci thérapeutique qui l'a toujours animé. C'est pourquoi aussi il a semblé aux éditeurs français qu'il était non seulement temps, mais qu'il y avait nécessité de présenter ces travaux au public francophone, pour que celui-ci ait accès à son tour à l'une des réflexions axiologiques les plus profondes de Jung - qui permet en retour de mieux comprendre nombre de ses considérations dans d'autres ouvrages ou d'autres textes déjâ publiés. Entre les deux parties de ce volume consacrées à la synchronicité, nous avons intercalé les trois textes composés par Jung sur Paracelse. C'est que la vue alchimique du monde et du destin de l'homme et la doctrine des arcanes reposent sur la théorie des signatures et des correspondances, qui représente la conception même de "la synchronicité avant la synchronicité". Il ne s'agissait pas seulement par là de faire ressortir l'unité de pensée et la cohérence qui sous-tendent toute l'oeuvre de Jung dans ses multiples intérêts pour le taoïsme ou l'alchimie par exemple, mais aussi de mettre en lumière le profond arrière-plan psychique que requiert la conception de la synchronicité, et d'illustrer la loi de contamination des archétypes qui préside au travail de la réalité psychique objective.

01/1988

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Philosophie

La violence narrative. En quête d'une réforme constructive des rapports humains

La présence massive de la violence sur notre planète n'a cessé d'interpeller les chercheurs, alors qu'aucune analyse rendant compte de toutes ses manifestations n'a été élaborée. Cette absence est due à l'idée que la violence concerne surtout le corps et la fome physique pour dominer, tuer, détruire ou endommager, concrétisée par des actes qui provoquent des douleurs corporelles et des souffrances psychiques. Cette thèse fait rarement allusion à la violence narrative qui, d'une part, agit d'une façon performative dans les dialogues, par la menace, la colère ou l'incitation à la violence, et, d'autre part, raconte la violence par une variété de récits et d'images, impliquant des souffrances morales, lesquelles expriment les violences ou les causent. Or la narration fait également état de violences au moyen de la fiction, parfois sans aucun rapport au réel, conférant à la violence le statut d'un schème, — un modèle empirique utilisé de façon déréalisée et fonctionnelle —, créant un monde imaginaire, qui produit un nombre illimité de narrations. L'exposé, riche et varié, traverse presque tous les domaines de la parole vivante. Il illustre comment le schème de la violence régule la mythopoétique depuis le monde archuique jusqu'au cour de la littérature actuelle, enrichie par les moyens techniques qui contribuent au développement du septième art (cinéma), des arts suivants (photographie, télévision, bande dessinée, jeux vidéo, multimédias) et des réseaux sociaux, déroulant une myrhotechnique fascinante, mais inquiétante à cause de la profusion de la violence narrative qui divertit des milliards d'êtres humains. L'auteur montre que si cette pratique pose depuis longtemps le problème de l'origine et de l'impact de la violence narrative dans la vie et les cultures hautaines, notre civilisation a néanmoins réussi à quelques reprises à dépasser les violences physiques par de nouvelles cultures, comme les jeux panhelléniques et la démocratie antique, les Lumières, l'Etat de droit et le commerce à l'époque moderne, les droits de l'homme et le projet européen depuis la seconde guerre mondiale. L'auteur conclut, en prenant pour guide la question des souffrances qui y est impliquée, que notre contemporanéité, qui associe le monde technico-économique et les aspirations démocratiques, requiert une nouvelle culture. La proposition qu'il fait est de prendre la souffrance comme mesure des actions et de promouvoir l'esprit critique et l'émulation au détriment des rivalités intempestives, avec comme repère les émulations ludiques, éducatives et politiques qui avaient aidé à dépasser les violences, afin de réaliser une interculturalité et une vigilance environnementale, capables de réguler, en plus de la violence physique, les violences verbales et narratives.

11/2019

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Cinéma

Les mystères de l'Ouest. Les nuits de l'imaginaire

"A la fin du XIXe siècle, les agents secrets du président Grant, James T. West et Artemus Gordon, parcourent le territoire américain à bord de leur train privé. Ils ont pour mission de restaurer l'ordre et la démocratie dans un univers hors normes où "Les choses ne sont que très rarement ce qu'elles paraissent être ! ". Transcendant le western, dont elle n'utilise que le cadre historique et certains éléments visuels, Les mystères de l'Ouest est une série inclassable dont le concept singulier et audacieux propose un mélange unique de genres tels que le fantastique, la science-fiction, l'aventure et l'espionnage dans le contexte du Far West de la fin du XIXe siècle. Produite au milieu des années 60 alors que les adaptations cinématographiques du personnage de James Bond connaissaient un grand succès, elle en reprend certains codes tout en associant l'imagerie traditionnelle de l'Ouest américain aux manifestations d'un univers imaginaire. Les deux personnages principaux et leurs gadgets ainsi que les inventions délirantes de leurs adversaires font le lien entre un siècle encore empreint de fausses croyances et de peurs ancestrales et une nouvelle ère, tournée vers le modernisme et le développement des sciences. La série reflète ainsi la période troublée qui marqua la fin de la conquête de l'Ouest et le début d'une civilisation nouvelle soumise aux effets d'une révolution industrielle de grande envergure. Rompant avec les codes conventionnels de la télévision de l'époque, elle se distingua de ses concurrentes par sa particularité conceptuelle et son inventivité visuelle mais elle innova également dans la présentation d'une violence stylisée constituée de scènes d'action inédites. Les modifications subies au cours de ses quatre années de production ne parvinrent pas à altérer son succès populaire et son annulation fut la résultante de décisions politiques issues d'une campagne gouvernementale contre la violence au sein des programmes télévisés. Redécouvrez l'univers singulier de cette série mythique au concept unique à travers cette édition exceptionnelle préfacée par Robert Conrad, la plus fouillée jamais publiée sur le sujet. L'auteur dévoile la genèse de la production et les coulisses du tournage illustrées de documents rares et propose un guide commenté des 104 épisodes, une étude complète et le portrait des principaux interprètes : Robert Conrad, Ross Martin et Michael Dunn. Vous trouverez également dans cet ouvrage une présentation détaillée des deux téléfilms adaptés de la série, une approche critique du film Wild Wild West ainsi qu'un large tour d'horizon des produits dérivés de la série.

09/2019

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Histoire de la musique

Imagine. 12 chansons qui ont changé le monde

L'histoire méconnue de douze succès planétaires. Un livre-chapitres conçu comme un album. " Vous pourriez dire que je suis un rêveur. Mais je ne suis pas le seul. " En octobre 1971, un an et demi après la séparation des Beatles, John Lennon publie la chanson Imagine, qui deviendra le plus grand succès de sa carrière en solo mais aussi l'un des titres les plus emblématiques du répertoire de la pop, jusqu'à être qualifiée de " morceau du siècle " par certains classements. L'hymne pour la paix le plus célèbre de l'histoire, que l'on entonne toujours lors des manifestations et au lendemain des drames, ne raconte pas seulement les ambivalences d'un artiste tiraillé entre idéalisme et activisme : il marque aussi les derniers feux de l'ère hippie et des utopies des années 1960, avant l'entrée de plain-pied dans une décennie marquée par le désenchantement. Ce ne sera pas la dernière fois qu'en quelques notes et une poignée de mots un tube incarnera son époque et en dévoilera les soubresauts comme les ambiguïtés. Revendications sociales, tensions diplomatiques, alternances et changements de majorité... De nombreux événements peuvent se lire à l'aune d'une chanson qui en dit souvent bien plus qu'un long discours. En 1977, God Save the Queen des Sex Pistols éclipsera le jubilé de la reine, et marquera l'entrée dans une nouvelle ère, celle du punk et du " No Future ", comme We Are the World (1985), coécrite par Michael Jackson et Lionel Richie, symbolisera la naissance de l'industrie de l'humanitaire et du charity-business. Publiée neuf mois avant la mort de Freddie Mercury, Innuendo (1991) de Queen deviendra à la fois l'épitaphe du groupe et le symbole des années sida. Hit emblématique de la britpop et de la " Cool Britannia ", Wonderwall du groupe Oasis contribuera à réinstaller les travaillistes au pouvoir en Angleterre en 1997, mettant fin à presque deux décennies de thatchérisme. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, The Rising de Bruce Springsteen aidera à panser les plaies d'une Amérique meurtrie. De ABBA à Gainsbourg, de Scorpions aux Cranberries, des protest songs les plus virulentes aux hymnes pop (en apparence) anecdotiques : en douze titres incontournables qui forment autant de chapitres, cet ouvrage écrit avec maestria fait se percuter la grande histoire avec celle du rock, et raconte à sa manière certains des bouleversements politiques et sociaux majeurs des soixante dernières années.

06/2023

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Littérature française

Vieilles oui, angéliques non!

Dans la maison de repos "Le dernier printemps". Josephine, une vieille dame de caractère raconte avec humour et transparence les aléas physiques et psychologiques de la vieillesse. Elle détaille son environnement morose et pathétique. Sa vraie histoire commence au moment où elle fait la rencontre de trois autres femmes aux antipodes de sa personnalité. Louise, gracieuse et sophistiquée. Maria, douce et réservée. Et enfin Thaïs, hippie et joviale. A quatre, elles s'enivrent et fument du cannabis en espérant profiter à fond du temps qu'il leur reste. Elles cultivent d'ailleurs leur propre production de cannabis dans les caves de l'établissement. La directrice, Madame Vieilledent est abominable. Elle impose des règles strictes et infondées toute l'année. Comme par exemple, le fait qu'il est interdit de réserver des tables pour dîner avec les personnes de leur choix. Le quatuor décide donc d'organiser une manifestation seins nus et flanquées de calicots dans les couloirs du home. Et ce, afin d'obtenir gain de cause. Les activités avilissantes proposées sont très loin d'être la panacée. Elles élaborent donc une petite fugue à la mer afin de combler leur envie soudaine de moules/frites. Une fois rendues, les hôtels, les restaurants, le cuistax, les magasins et le casino leur tendent les bras. Maria accompagnée par la chance du débutant gagne une énorme somme d'argent aux machines à sous. Ce qui leur permet de fêter leur escapade en grandes pompes dans un restaurant renommé. Mais, une fois saoule, Maria tombe du comptoir et se fracture le col du fémur. De retour, la Vieilledent ressert encore la vis pourtant déjà bien scellée. Les quatre amies subissent ensuite leur " bêtise ", mais aussi la proximité avec les autres pensionnaires tous aussi gâteux et pathologiques les uns que les autres. Elles tentent de se faire oublier. Vient Noël et sa farandole de clichés mal placés, période propice aux bonnes idées. Pour pimenter un peu, elles élaborent une élection de Miss Vieillotte et Mister Vieillard. Le spectacle s'avère surprenant et sensationnel. Mais c'est sans compter sur la détestable commandante qui s'empare de la caisse des bénéfices. Ulcérée, la bande de viocs met un plan d'attaque sur pied. Il est alors question de faire tomber la direction pour culture et deal de cannabis. Le plan adroitement ficelé fonctionne tellement bien que la patronne est arrêtée non seulement pour production et deal, mais également pour détournement de fonds. Maria propose d'investir son pactole gagné dans le home et y place à la tête leur infirmière préférée. Des nouvelles activités bien plus intéressantes et ressourçantes ainsi qu'une organisation attractive voient le jour. Et ce, au bonheur des pensionnés. Mais Josephine, fatiguée par les derniers évènements, s'éteint discrètement un matin. Elle laisse trois amies chères à son coeur, mais s'en va sans regret ni remord et un sourire aux lèvre

05/2023

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Droit

La médiation dans tous ses états. Actes du colloque international organisé à Tunis, les 9 et 10 mars 2017

La médiation, mode de règlement alternatif des différends, connaît à l'heure actuelle un véritable engouement qu'explique sa raison d'être. En effet, elle permet d'atténuer une approche conflictuelle des litiges et constitue, à cet égard, un mode d'apaisement économique qu'il convient de privilégier. Cet intérêt croissant se justifie, en outre, par la souplesse de ses procédures ; la médiation offrant au médiateur une certaine marge de manoeuvre pour mener sa mission. Cette souplesse procédurale s'accompagne, également, d'une souplesse des techniques de règlement des conflits et des solutions applicables. Bien plus, en associant les parties dans l'élaboration de la solution, la médiation facilite l'exécution des accords obtenus et préserve les relations entre les parties. Enfin, la médiation esquive les inconvénients d'un règlement juridictionnel du litige. Elle autorise une réduction substantielle des délais et des coûts de procédures et participe au mouvement de contractualisation de la justice, d'où le succès qu'elle connaît notamment auprès des PMEs. Ces différents avantages expliquent le développement et l'expansion de ce mode de résolution des différends, non seulement dans le domaine économique, secteur de prédilection des ADR, mais également dans des domaines aussi divers tel que le droit du travail, le droit de la famille, le droit pénal et le droit public. La médiation se révèle, aussi, un moyen à privilégier dans l'apaisement des tensions politiques. L'expérience tunisienne (Quartet du dialogue national- Septembre 2017) est, à cet égard, une illustration concrète de la réussite de la médiation politique. La médiation connaît, par ailleurs, une expansion géographique assez significative. En Asie, en Europe et en Afrique, elle est souvent promue et encouragée. L'expérience comparée atteste de l'ancrage, de plus en plus affirmé, de ce mode de règlement des litiges dans les différentes familles juridiques. Le présent ouvrage issu d'un colloque international organisé à Tunis le 9 et 10 mars 2017 se propose de saisir la médiation sous ces divers prismes : une approche théorique et globale de cette technique (la notion de médiation, la convention de médiation, l'articulation de la médiation avec les autres modes de règlement des litiges, les différents types de médiation, le statut de médiateur, la procédure et le dénouement de la médiation), à laquelle succédera une approche sectorielle (un état des lieux de la question dans les différentes matières de droit privé et de droit public) ; le tout étant ponctué par un éclairage du droit comparé sur la question (exploration de la place occupée par la médiation dans différents systèmes juridiques). L'approche pratique ne sera pas négligée au sein de cette manifestation scientifique ; l'organisation d'une médiation fictive suivant le règlement CCI était prévue au cours de ce colloque. L'ouvrage permettra ainsi aux lectures de saisir le contenu des règles et de la pratique de la CCI en la matière.

06/2018

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Correspondance

Au présent de tous les temps. Correspondances

Cette correspondance rassemble près de 80 lettres que se sont échangées en deux temps Jean-Louis Giovannoni et Bernard Noël, qui sont deux boussoles, deux champs magnétiques incontournables du catalogue des Editions Unes, et du champ poétique contemporain. Une première période, ouverte en 1991, s'achève en 1995 après une vingtaine de lettres, avant de faire place à deux décennies de silence et la reprise des échanges en 2017, qui comptent près de 60 lettres jusqu'en 2020. Correspondance strictement littéraire, où les aspects privés de la vie intime n'apparaissent que brièvement au détour d'un drame (la disparition de Paul Otchakovsky Laurens), ou au travers des heurts sociaux (le mouvement des Gilets jaunes). Si le monde contemporain n'est pas totalement exclu de ces échanges (il s'y évoque la marchandisation du monde, les accélérations médiatiques ou l'espace grandissant des images), il s'agit avant tout de tresser, sans programme précis, un dialogue autour des préoccupations qui sont au centre de l'oeuvre de l'auteur d'Extraits du corps et de celui de Garder le mort : corps du langage et corps du monde, oubli et mémoire, absence et présence, regard et vision... thèmes portés et rassemblés par l'interrogation du geste d'écrire, de la nature même de l'écriture, et de la singularité du poème. "Il n'y a pas de temps dans l'écriture" dit Bernard Noël, et le courant d'une discussion franche (sans peur d'assumer de part et d'autre les désaccords ponctuels) et ouverte nous porte d'une lettre à l'autre, dans les rebonds de deux pensées qui se croisent, remontent le courant parfois très en amont à la recherche d'une source de soi-même dans le flux des mots, cherchant à s'extraire de toute attraction du temps. Ou plutôt, leurs voix traversées par le doute cherchent l'espace même de l'écriture, cet endroit où le temps devient un lieu. Lieu qu'ils inventent de lettre en lettre, dans leur rapport à l'intériorité, tumultueuse, vociférante et proliférante chez Giovannoni, silencieuse, attentive et esseulée chez Noël. C'est leur différence profonde de nature qui s'exprime dans ces pages affectueuses : les mots envahissent l'un et manquent à l'autre, l'un se débat, l'autre appelle. Ils sont une masse organique pour l'un, une manifestation visible de la pensée pour l'autre. Il s'agit de "déposer son intimité à l'extérieur de soi" dit Bernard Noël, "c'est le regard de l'autre qui me met au monde et qui m'y maintient" répond Jean-Louis Giovannoni en écho. L'écriture, qui est cet "exercice du présent" , est le creuset de ce qui "échappe à la mémoire" , cherche un bord - bord de soi et bord du monde - dans l'entre-temps des choses où glissent langage et pensée, contre la solitude de la parole, au fil de ces échanges qui, plus qu'une correspondance, sont pour Bernard Noël "un essai amicalement partagé" .

05/2022

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Sciences politiques

Pouvoir(s). Expressions et représentations, Textes en français et en espagnol

Dans le troisième livre de sa Politique, Aristote rappelle que le pouvoir régit les relations humaines entre les individus, au sein de la cité ou de la famille. L'équilibre et l'exercice du pouvoir semblent alors se construire sur le fait que celui qui ne peut pas, ou ne sait pas, l'exercer doit le subir. Le pouvoir semble ainsi renvoyer à une norme sociale, universelle qui doit être valable et acceptée par tous, de sorte que son exercice ne peut faire abstraction des répercussions qu'il peut avoir sur une tierce personne. C'est dans ce contexte qu'apparaît la problématique de la minorité et de son identification, surtout lorsqu'elle peut, tour à tour, exercer, subir, influencer ou enrichir le pouvoir établi. Considéré, avec la notion de culture, comme un des fondements des relations humaines, le pouvoir présente la double facette, de celui qui l'exerce et de celui qui le subit. Dans des situations conflictuelles ou de mutation sociale ou culturelle, il peut aussi se référer à ceux qui s'y opposent ou qui ne le reconnaissent pas comme un référent absolu. Il s'agit alors d'aborder les manifestations qui altèrent la norme imposée et qui peuvent être qualifiées de dissidentes, d'hérétiques, d'avant-gardistes, voire de marginales, selon le domaine où elles s'expriment. L'identité de ceux qui soutiennent ce contre-pouvoir devient par conséquent une thématique adjacente à la notion même de pouvoir. Les différentes crises politiques et sociales qui ont marqué l'Europe et le continent américain depuis 2010, ont motivé l'organisation du colloque interdisciplinaire Pouvoir(s) : Expressions et représentations (mars 2015, UVHC). Les mouvements nationalistes séparatistes, les confrontations religieuses et les revendications sociales portées par de nouveaux partis politiques qui ont caractérisé le début du XXIème siècle, cherchent souvent à justifier leurs revendications par des références à des situations historiques plus ou moins lointaines. Les arguments proposés par ceux qui exercent le pouvoir autant que par ceux qui s'y opposent, s'inscrivent alors dans des domaines hétérogènes qui embrassent presque toutes les activités humaines. Les actes du colloque ici publiées reprennent les réflexions des différents intervenants sur la notion de pouvoir dans les aires géographiques anglophone et hispanophone. Les domaines abordés sont aussi bien politiques et religieux qu'économiques ou culturels. Les différents travaux recueillis dans cet ouvrage proposent des approches historiques, littéraires et linguistiques pour tenter d'établir les rapports de force qui demeurent sous-jacents dans l'exercice du pouvoir. Aussi, les notions complémentaires de contre-pouvoir, de minorité, de dissidence, de marginalité, d'avant-garde ou de manipulation sont abordées dans les domaines politiques, artistiques, économiques ou sociaux.

05/2019

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Décoration

René Crevel. Peintre, architecte, décorateur

Artiste prolifique, architecte décorateur, mais aussi peintre, René Crevel apporte une contribution décisive à la naissance et au développement du style Art Déco. Esprit novateur, il s'illustre dans de nombreuses disciplines, abordant avec une égale réussite des domaines aussi différents et exigeants que l'architecture et l'architecture d'intérieur, le mobilier, le papier peint et le tison, le tapis et la tapisserie, la céramique, l'émail, le vitrail ou la fresque. Entre les deux guerres, il signe de remarquables créations pour les prestigieuses manufactures françaises, Sèvres ou Limoges pour la porcelaine, J. Sarlandie pour la dinanderie et l'émail, Isidore Leroy, Essef, Geffroy ou Nobilis pour le papier peint, Aubusson pour les tapis et les tapisseries murales ou encore Krieger pour les meubles. Sa carrière est jalonnée d'importantes réalisations. Architecte d'intérieur et ensemblier, il conçoit l'entière décoration du Théâtre de l'Avenue (1924), aménage l'hôtel de Paris et la bijouterie Gustave Sandoz (1928), le restaurant les Tuileries et l'hôtel Continental, le magasin Frigéco, l'office du tourisme du Portugal (1931), agence l'hôtel Astoria (1933). On lui doit la création du bar de la société Técalémit (1932). Il dessine de nombreuses devantures de magasins, boutiques de luxe, bars et brasseries... Architecte, il construit en 1926 à Saint-Cloud sa villa dans le plus pur style moderniste. En 1930 son projet avant-gardiste d'autos-relais fait la couverture de la revue Je sais tout. En 1937 il trace les plans du Palais de l'Artisanat à l'Exposition Internationale des Arts et des Techniques, puis ceux de la Cité Ouvrière des Laboratoires pharmaceutiques Debat à Garches. Peintre, il poursuit une carrière commencée en 1915 dans le sillage des Nabis et du japonisme, laissant plus de 1000 oeuvres, huiles, gouaches, aquarelles et dessins. Il crée décors et costumes de théâtre, peint panneaux décoratifs et fresques... René Crevel est maintes fois primé par les jurys des grandes manifestations de l'époque. En 1925 cinq diplômes et médailles couronnent sa participation à l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs. En 1929 il obtient un diplôme de Grand Prix l'Exposition française au Caire, en 1931 un diplôme d'Honneur à l'Exposition Coloniale. En 1937, lors de l'exposition Internationale des Arts et des Techniques, deux nouveaux diplômes d'Honneur et deux médailles d'or lui sont décernés. Cette première monographie consacre le talent de René Crevel, figure emblématique du mouvement art déco. Elle retrace sa vie et son parcours et aborde chacun de ses modes d'expression, de la peinture aux arts décoratifs et à l'architecture. Illustrée de plus de 1100 photographies, elle offre une contribution essentielle à la redécouverte d'une oeuvre qui occupe une place éminente dans l'histoire de l'art.

11/2019

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Droit

La prise en charge des personnes âgées dépendantes en établissement. Regards sur la crise du modèle français des EHPAD

Instaurés au crépuscule du XXe, siècle, les Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) se sont imposés dans l'Hexagone comme le modèle d'accueil et d'accompagnement en institution des plus âgés en perte d'autonomie. La France est en effet actuellement l'un des Etats européens qui compte la proportion la plus élevée de personnes âgées résidant en EHPAD. Cependant une vingtaine d'années après leur création, ces structures traversent une crise multifactorielle. Avant même que les terribles conséquences de l'épidémie de la Covid-19 et son trop lourd tribut de morts ne braquent les projecteurs sur leur situation extrêmement difficile, cet ouvrage est né de la volonté de deux juristes de se saisir de la question de la prise en charge des personnes âgées empêchées en établissement ; car si la dépendance des seniors n'est pas une réalité intrinsèquement nouvelle, elle l'est néanmoins par l'ampleur inédite du vieillissement démographique actuel et à venir. Il est donc plus que jamais nécessaire de s'interroger sur les maux dont souffrent les EHPAD, leurs résidents ainsi que leur personnel. Comment la prise en charge des plus âgés a-t-elle évolué dans le temps pour aboutir à notre actuel système et avec quel mode de financement ? Quelles responsabilités pour ces institutions sont en jeu ? Les spécificités de ces patients, leur volonté et leurs droits sont-ils pris suffisamment en compte ? Sont-ils vraiment respectés ? Quid des soignants et de leurs conditions de travail ? Quelles réformes sont à mettre en oeuvre sans tarder ? Est-ce la fin annoncée d'un modèle ? Les diverses problématiques traitées et autour desquelles s'articulent les différentes contributions, sont regroupées en trois grandes parties. La première dans une dimension diachronique présente l'évolution de la prise en charge des plus âgés en établissement depuis le XVIIIe siècle. La seconde dresse un état des lieux sans concession des réalités médico-légales et éthiques de ces lieux de vie et de soins ; les effets dramatiques de la Covid-19 sur les droits et libertés des résidents y sont notamment abordés. Enfin la dernière plus prospective, s'intitule : quel avenir pour les EHPAD et leurs résidents. Dans une démarche scientifique pluridisciplinaire, sont donc réunies dans cet ouvrage seize contributions qui permettent de croiser les visions et analyses de juristes, historiens, médecins, sociologues, économistes et parlementaires sur les sources et les manifestations prégnantes de cette crise tant aujourd'hui que dans les années futures. Il y a en effet urgence à remédier collectivement à cette situation, afin que nos aînés dépendants puissent tous rapidement espérer bénéficier d'une prise en charge bienveillante, respectueuse de leur dignité, de leur intégrité et de leurs droits les plus fondamentaux.

12/2021

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Ethnologie et anthropologie

Citoyens du monde ?. Le sujet à l'oeuvre à l'échelle globale

Daniel Argelès, Meghann Cassidy, Heidi Knörzer, Chantal Schütz et Jeffrey Swartwood enseignent au département Langues et Cultures de l'Ecole polytechnique. Ils sont membres du Groupe de Recherche "Identités, Cultures, Histoires" (GRICH). Comment habiter la planète en citoyens d'un monde toujours plus global ? Cette question, les enseignants du Département Langues et Cultures de l'Ecole polytechnique ont souhaité l'explorer en commun. Depuis les spécificités de leur discipline, de leur "aire culturelle" ou de leur champ de recherche, ils ont observé la façon dont individus et groupes cherchent ou aspirent à se constituer en sujets en négociant à leur manière, dans leurs pratiques sociales ou culturelles, leur engagement ou leurs créations, les dimensions enchevêtrées du local et du global. Les contributions abordent des sujets extrêmement divers. Sous un angle très actuel, elles s'inté¬ressent au plurilinguisme chez les Ouïghours de France, à la notion de citoyenneté mondiale chez les Kurdes, aux manifestations vite devenues virales des femmes chiliennes protestant par le geste et la parole contre les violences sexistes lors du mouvement social d'octobre 2019. Dans une approche plus historique, elles explorent la fluidité des identités de caste chez les habitants de la San Diego coloniale, les modalités d'écriture de la conquête du Mexique par un conquis¬tador et un romancier mexicain du XXe siècle, les tribulations et la place du globe de Gottorp dans la Russie de Pierre le Grand à aujourd'hui, le parcours et l'engagement cosmopolitique d'un essayiste juif de Moravie émigré en France et aux Etats-Unis. Dans une optique plus littéraire, elles se penchent sur la façon dont la littérature et le cinéma contemporains appréhendent l'échelle globale : romanciers et poètes afro-américains et afro-britanniques contemporains cherchant à se définir dans l'espace de la globalisation et de la Relation chère à Edouard Glissant, interrogations d'un auteur québécois sur les possibilités d'habiter (et de représenter) le monde à l'ère des flux de containers sillonnant la planète, possibilités de résistance, chez un cinéaste de science-fiction américain, face au dystopies cosmopolitiques d'Empires à venir reflets de notre présent. Cet ouvrage fait suite à une journée d'étude éponyme qui s'est tenue à l'Ecole polytechnique en 2021, elle-même nourrie par un séminaire de lectures théoriques où les travaux d'Arjun Appadurai et de Stuart Hall ont fait écho à ceux de David Harvey ou d'Hartmut Rosa, les réflexions d'Amin Maalouf et de Rosi Braidotti à celles d'Anna Lowenhaupt Tsing ou de Michel Agier. Il s'inscrit également dans la continuité de deux ouvrages collectifs précédemment parus aux Editions de l'Ecole Polytechnique : le Détail à l'oeuvre (2012) et le Sujet à l'oeuvre (2018).

10/2023

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Sports

Je ne suis pas un saint

Il est des personnages au destin atypique, dont la vie est une succession de chapitres aussi aventureux que dissemblables, portant avant tout la marque de la liberté. Max Guazzini est de ceux-ci. Dans son parcours, rien d'attendu, de stable, une réinvention permanente au contraire, la traversée d'univers singuliers, une quantité de rencontres exaltantes, et toujours l'audace, le goût du risque, une certaine vision, une certaine foi même qui ont apporté à tout ce qu'il a entrepris le bonheur de la réussite, le sens de la fête, un éclat particulier, une folie. S'il n'est pas un saint, Max Guazzini, qui a grandi à Marseille, dans une famille d'origine italienne, a été marqué dans son enfance par le catholicisme ; il s'en est même fallu de peu qu'il suive la vocation religieuse. Cet élan continuera de l'inspirer, donnant à toutes ses actions, même les plus décalées, la forme d'un engagement. « Monté » à Paris, étudiant en droit et en philosophie au début des années 1970, Max rêve de devenir chanteur et enregistre deux disques. Il rencontre surtout Dalida, dont il deviendra l'un des intimes, et l'attaché de presse après avoir renoncé à son espoir de percer dans le show business. Il se réinvente en avocat pénaliste et, plongé au cœur de grandes affaires, passe son temps en prison, avant de devenir l'un des fondateurs de NRJ dont il fera, dans la fièvre des radios libres naissantes, la fréquence la plus innovante, la plus excitante, la plus populaire de la bande FM et finalement la plus écoutée des radios, vivant à sa tête de passionnantes années de succès et de rencontres. La saga d'NRJ culminera dans la grande manifestation de 1984 rassemblant 300 000 personnes pour empêcher une fermeture décidée par le pouvoir. Cette passion, Max Guazzini la retrouvera dans ce qui sera la deuxième grande aventure de sa vie : le Stade français. Appliquant à la présidence d'un club de rugby le même esprit d'innovation et de fête, le même enthousiasme et la même spontanéité que ceux déployés à NRJ, il va transformer une équipe de quatrième division en plus grand club français, et changer la face du rugby sinon du sport par son goût de la grandeur et son sens du spectacle. Max Guazzini nous entraîne ici dans les coulisses du monde de la musique, dans les vestiaires, sur les terrains et dans les troisièmes mi-temps du rugby, dans les studios de radio, auprès des artistes, des sportifs, des hommes de médias, des politiques. Madonna, Alain Delon, Johnny Hallyday, David Bowie, Mick Jagger, Paul McCartney, François Mitterrand, Jacques Attali, Bertrand Delanoë, Nicolas Sarkozy, Bernard Laporte, Fabien Galthié, Christophe Dominici et encore Jacques Morali, ou la fameuse Denise, figure du club libertin le 41, sont ainsi quelques-uns des héros de son histoire, à côté de Dalida. Le récit de sa vie, sensible, passionné, drôle, mouvementé, offre un festival de portraits et une singulière traversée de notre temps, des années 1950 à nos jours, faisant vivre sous un nouveau jour des personnages et des événements familiers.

03/2017

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Photographie

Sarajevo. Ma ville, mon destin

"C'est l'histoire d'un pays, d'une ville, de ses habitants, d'un homme. Le pays n'existe plus : c'était la Yougoslavie. La ville a été blessée à jamais : c'est Sarajevo. Ses habitants, en grande partie, ne sont plus les mêmes, certains tués, d'autres partis. L'homme est vivant mais blessé, lui aussi, pour la vie. Il se souvient, et ces photos sont comme les cicatrices indélébiles de ce souvenir. Aussi indélébiles que celle de la balle qui l'a frappé au menton, un jour comme les autres, parmi les mille trois cent quatre-vingt-quinze jours qu'a duré le siège." Ainsi l'écrivain François Maspero évoque-t-il l'exceptionnel travail que le photographe Milomir Kovacevic a consacré à son pays, devenu aujourd'hui Bosnie-Herzégovine, et à sa ville emblématique, Sarajevo. Né à Cajnice en 1961, Milomir Kovacevic, qui a commencé dès l'âge de dix-sept ans la pratique de la photographie, est en quelque sorte le chroniqueur infatigable et passionné de Sarajevo. Il a commencé à en arpenter les rues, armé de son premier Nikon, alors qu'il était étudiant, parcourant une ville "qui vibrait de la beauté de ses habitants", cherchant à la saisir dans sa diversité et son étonnante vitalité. Devenu photographe de presse, il a connu et documenté ce qu'il définit lui-même comme les trois époques d'une ville dont la traversée du XXe siècle s'apparente à une page emblématique de l'histoire contemporaine. Elle commence par le Sarajevo d'avant 1990, qu'il décrit comme une ville paisible, capitale culturelle et ouverte d'une Yougoslavie où le régime du maréchal Tito distend partiellement un rideau de fer qui ceinture l'Est de l'Europe. La fraternité et le désir d'avenir, symbolisés par l'hommage aux héros et l'enthousiasme des pionniers, ne connaissaient pas alors le poison des nationalismes particuliers. Le 6 avril 1992, l'édification des premières barricades marque le début de l'effroyable siège de la ville qui, quatre années durant, va révéler à l'Europe sa fragilité et au monde l'impuissance de sa solidarité. Plongé au coeur du drame, Milomir Kovacevic fait de son appareil "un bouclier et une épée", parcourant la ville sur laquelle s'abattent les premiers obus. L'assassinat de son propre père achève de briser "l'irréel de cette tragédie" et fait de sa quête photographique "un besoin", une nécessité irrépressible de "garder la trace et de faire de l'enfer sarajévien un document visuel qui accompagnera avec pudeur et discrétion le quotidien des habitants, leur rendant ne serait-ce qu'un peu de leur fierté". Vient enfin le temps de la paix, plus exactement celui de l'après-guerre. Milomir Kovacevic sait mieux que quiconque le poids des souvenirs hantés, des blessures traumatisantes, des reconstructions fragiles, qu'il saisit dans la pudeur de leur manifestation. Installé à Paris, il entreprend de faire découvrir au monde, à travers expositions et publications, l'horreur d'un conflit dont l'histoire n'a pas fini de s'écrire, tout en poursuivant une recherche sur la mémoire des disparus et la vie solidaire des exilés dispersés.

11/2012

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Sociologie

Oeuvres complètes. Tome 15, Le mythe vertuiste et littérature immorale

En été 1910, Pareto s'aperçoit, en mettant de l'ordre dans les matériaux recueillis pour le Traité, qu'il a réuni une grande gerbe de faits pour illustrer la théorie des "dérivations". S'il avait placé tous ces faits dans le Traité, il aurait rendu encore plus lourd un livre qui avait déjà des proportions gigantesques. Que faire? Les journaux étaient remplis d'articles sur la pudeur, de défenses de la décence. Les ligues vertuistes prospéraient et se manifestaient ouvertement, de sorte que la tendance que ces faits illustraient pouvait intéresser le public. Et voilà que Pareto soustrait alors au Traité une poignée de fiches qui avaient été recueillies pour lui et il écrit en moins de trois mois Le Mythe vertuiste et lu littérature immorale. Ce petit livre nous révèle quelles lectures Pareto avait faites et leur abondance: aux classiques latins et grecs se sont ajoutés les textes chrétiens recueillis par Migne, qui, dans sa bibliothèque de Céligny, étaient rangés à côté des Satires et des Epîtres de Boileau, des écrivains de l'Encyclopédie et des œuvres complètes de Voltaire et de Machiavel. Le Mythe peut-il être considéré comme la manifestation la plus brillante du tempérament voltairien de Pareto? Assurément l'humour y est brutal, la perspicacité psychologique, le sens de la perception juste, le réalisme de l'observateur capable d'entrevoir le détail atroce et révélateur. Pareto dénonce et se moque, il ensevelit ses malheureux adversaires sous une avalanche de sarcasmes, il use et abuse d'une érudition historique qu'une édition critique du livret révélerait facilement chaotique et parfois même incertaine. L'histoire antique, médiévale et moderne est lancée, avec violence et amertume, à la tête des vertuistes d'hier et d'aujourd'hui. Bien que cet opuscule soit animé, d'un bout à l'autre, d'une indignation sincère, d'un sens de la protestation très véhément, d'une irrévérence joyeuse, on oublie facilement que Le Mythe est un écrit sociologique et que Pareto lui attribuait, sans vanité aucune, la dignité d'une recherche sociologique objective. Il ne s'agit pas simplement d'un avertissement ou, comme on l'a dit, d'une "longue digression" née de l'accumulation trop rapide de notes et de documents en vue de l'énoncé définitif de la doctrine des dérivations. Peut-être la vocation d'écrivain maudit et l'antipathie, quasi épidermique, pour les moralistes de toutes espèces, ne furent-elles pas totalement étrangères à la décision d'écrire Le Mythe vertuiste. Ce petit livre est une introduction, d'allure légère, à la théorie des dérivations. Du reste, la correspondance parétienne confirme cette interprétation: peu d'allusions au livret (et Pareto n'était pourtant pas avare d'indiscrétions sur ses travaux en cours) mais un vrai torrent de renseignements sur la doctrine des dérivations et sur celle des résidus. C'est parce que Le Mythe... et le Traité formaient un tout dans l'esprit de Pareto. Le livre fournit, en fait, un répertoire détaillé d'une classe particulière des dérivations, et en même temps, à partir d'une classe bien déterminée, la documentation qui dans le Traité sera placée dans une perspective plus grande et plus juste.

01/1971

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Droit des personnes

Le consentement

Après plusieurs affaires en matière d'abus sexuels et la sortie du livre de Camille Kouchner, La familia grande (Le Seuil 2021) qui relate l'inceste qu'aurait subi son frère à l'adolescence, le Parlement a adopté, le jeudi 15 avril 2021, une loi renforçant la protection des mineurs contre les violences sexuelles. Lorsqu'il s'agit de vérifier l'existence d'un viol, le consentement des enfants était examiné pendant le débat judiciaire¿ ; le non-consentement des mineurs de 15 ans est dorénavant établi par la loi. Notre environnement moral et libéral ne nous prépare pas à la complexité de la situation de l'individu et de sa volonté. Théoriquement, tout est simple. L'individualisme représente les hommes comme une collection d'individus totalement séparés. Leurs volontés apparaissent évidentes et singulières. Juridiquement, tout est compliqué. La volonté reste équivoque. Car les hommes ne sont pas séparés sans être liés dans un milieu social et politique. Ce sont alors les déterminations culturelles, économiques, psychologiques ou politiques qui ne rangent pas tout le monde dans des fonctions sociales préétablies (citoyen, salarié, consommateur, mari, mineur, etc.) sans peser sur le consentement. Nos travaux se proposent de contextualiser le consentement en analysant son intervention dans diverses branches du droit et dans la société. Ils mettent en évidence des débats et des incertitudes qui règnent autour du consentement du citoyen, du salarié, de l'assuré, de l'artiste, du chargeur dans le contrat de transport maritime, de l'utilisateur d'une carte de crédit, du bénéficiaire d'un droit au logement, d'acteurs locaux devant des décideurs industriels... Le consentement apparaît comme une notion fondamentale, mais complexe. - Fondamentale, puisque nos systèmes juridiques, éthiques et politiques en font un critère cardinal pour distinguer les actions qui seront reconnues ou repoussées par la société : la relation sexuelle consentie et le viol par exemple. - Complexe, car le consentement ne se manifeste jamais comme une volonté isolée et omnipotente, en raison de l'interdépendance des acteurs dans une vie collective. A l'ère de l'Anthropocène et de la pandémie, l'Etat dirige encore plus rigoureusement l'individualité, pour des impératifs de santé publique. Quel consentement dans une communauté politique et un monde où personne ne se débarrasse de l'autre et de son influence, voire de sa contrainte ? Traditionnellement, un système juridique envisage mieux le consentement quand il n'est pas là ! En droit civil, la théorie des vices du consentement caractérise dans le détail les défaillances du consentement, mais elle laisse dans l'ombre sa définition positive. L'histoire nous montre d'ailleurs que les juristes ont cherché la participation de l'homme aux institutions et aux obligations dans des faits différents, selon les cultures et les époques. Avant la modernité, le consentement ne se libère pas de rites et de la religion : le mélange des sangs (blood-covenant), la communion alimentaire, la tradition (la remise d'une chose), le serment, l'imposition des mains... La modernité juge ces conceptions superstitieuses et dépassées. Est-elle plus avancée, en requérant la simple manifestation de volonté ? A-t-elle réussi à établir une volonté libre et éclairée ?

12/2021

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Autres

Philosophie N° 149, mars 2021 : Raymond Ruyer

Ce numéro est tout entier consacré au philosophe français Raymond Ruyer (1902-1987). Il s'ouvre sur une lettre de Ruyer à Piaget du 16 octobre 1965. Elle fait suite à la sévère critique que Piaget avait faite de ses Eléments de psycho-biologie où, tout en reconnaissant dans l'ouvrage un certain effort d'information, celui-ci opposait une fin de non-recevoir aux explications des faits par une métaphysique du potentiel et condamnait le recours, jugé purement verbal, à des notions telles que "finalité", "potentiel", "psychisme". On y lira les arguments que Ruyer oppose à la thèse selon laquelle la philosophie n'apporte aucune connaissance véritable, ce privilège étant réservé à la science expérimentale. Dans "Ruyer et les leçons de l'instinct", André Conrad s'attache au problème de la différence anthropologique. Pour l'éthologie compréhensive (Fabre, von Uexkiill, Buytendijk), l'instinct est une embryologie continuée selon une action thématique, et non selon le mécanisme à "déroulements autonomes" (Lorenz, Tinbergen) ou des "comportements régulés". Si l'homme est séparé de l'animal par l'originalité de la fonction symbolique (Cassirer, Langer), l'action thématique ne sépare pm l'embryologie sociale (culture et politique) du mystère de la vie, ce qui fait à la fois comprendre 1a différence et la communauté des vivants. Dans "Etre ou avoir son corps : à propos de trois genres de multiplicités chez Ruyer", Benjamin Berger s'attache à éclaircir le statut du corps dans la philosophie de Raymond Ruyer. Ce dernier se situe au carrefour de deux axes cruciaux, celui de la manifestation et celui des multiplicités, et constitue le lieu de connexion entre la phénoménologie et l'ontologie, de même qu'entre une philosophie de l'incarnation et une philosophie du corps vivant. Dans "Raymond Ruyer et la cybernétique", Alix Veilhan s'intéresse à la lecture ruyerienne des théories rybemétiques, notamment à la façon dont le dialogue avec les thèses formulées par Norbert Wiener permet à Ruyer de soutenir l'hypothèse d'une origine "transspatiale" de l'information et de démontrer l'inadéquation du mécanisme pour élaborer une pensée du vivant. Ruyer invite alors à l'établissement d'une cybernétique renouvelée, en accord avec "éo-finalisme". Dans Rayer, Leibniz et l'unité des corps o, Bertrand Vaillant s'attache à un problème que Rayer hérite de Leibniz, celui de l'unité des corps, et examine à la lumière de cet héritage lebniziu sa résolution au sein de la métaphysique panpsychiste de Ruyer, conçue par ce dernier comme une "monadologie corrigée". L'auteur cherche à montrer que cette philosophie, pensée pour échapper aux difficultés de la monadologie leibnizienne, n'y parvient pas réellement. Dans "Le rapport de Rayer à Whitehead", Fabrice Colonna cherche à établir quelle est la présence exacte de Whitehead dans l'oeuvre de Ruyer. Les points de rapprochement incontestables entre les deux penseurs concernant l'importance de la métaphysique, la critique du schème matérialiste et la pertinence d'un platonisme renouvelé ne doivent pm faire oublier les différences d'accent, qui se manifestent tant au sujet de la question des composés que de certains principes de la théologie spéculative, à laquelle l'un et l'autre auront frayé des voies originales. D. P.

03/2021

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Immigration

Les 21 du Porthos

Le 13 décembre 1920 à Marseille, quelques centaines de jeunes Chinois débarquaient du paquebot Porthos en provenance de Shanghai. Parmi eux se trouvaient vingt-et-un Coréens (dont Li Long-Tsi, le père de l'auteur) qui avaient quitté leur pays annexé par le Japon. En Occident, ils espéraient rencontrer la modernité qui, à leurs yeux, avait manqué à la Corée pour ne pas être écrasée par les rivalités des empires de l'Extrême-Orient. Les Vingt-et-un du Porthos retrace quelques-uns de ces destins, de même que celui d'autres Coréens arrivés par d'autres voies dans l'Europe de l'entre-deux-guerres, et plus longuement la vie de Li Long-Tsi qui, quant à lui, a été conduit à délaisser ses projets de carrière pour finalement faire souche dans la société française. Pour cette recherche, l'auteur n'avait au départ qu'une photo de groupe des vingt-et-un, prise à Paris au lendemain de l'arrivée du bateau, une interview enregistrée sur cassette en 1983 et quelques maigres archives d'autant plus difficiles à déchiffrer que tout cela avait été découvert bien tardivement, après le décès de Li Long-Tsi. L'intérêt récent des Coréens d'aujourd'hui pour la diaspora coréenne du début du vingtième siècle, ravivé par le centenaire de la grande manifestation patriotique du 1er mars 1919 à Séoul, a entraîné d'autres enquêtes. Des noms ont pu être mis sur quelques visages, des parcours de vie sont apparus, ainsi que des amitiés et des séparations. Le livre parle des raisons de l'exil, de la difficulté d'être issu d'un milieu pauvre, de la chance d'avoir le goût d'apprendre. Il montre le bonheur des rencontres amicales ou amoureuses, le drame de voir de loin sa patrie en proie à la guerre, la consolation d'avoir une descendance. Il raconte des vies prises dans l'histoire mondiale et bousculées par les grands enjeux de géopolitique au vingtième siècle. Certaines de ces vies furent prestigieuses, et d'autres modestes, une occasion de s'interroger sur les idées de réussite, de mérite et de transmission. Ce livre devrait rencontrer ceux qui s'intéressent à l'histoire des relations entre Asie de l'Est et Europe, aux parcours d'immigration en France et aux diasporas, mais aussi plus largement il espère toucher ceux qui seront sensibles au récit d'une vie singulière du vingtième siècle. Il pourrait aussi donner lieu à des adaptations pour un public coréen. L'AUTEUR Antoine Li est le cinquième des six enfants que Li Long-Tsi a eus avec Madeleine Koechlin. Né en 1946, il a vécu mai 68 à l'Ecole Polytechnique et s'est réorienté vers l'architecture qu'il a étudiée en Suisse. De retour en France, il s'est alors consacré à inculquer les sciences et les techniques aux futurs architectes. Il est aujourd'hui retraité. Ayant eu l'occasion ces dernières années d'accumuler de nombreuses notes sur la vie de son père comme de ses compatriotes, il a décidé d'en faire un livre.

04/2023

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Compositeurs

Luciano Berio. Coro

Coro de Luciano Berio est l'une des oeuvres magistrales de la musique récente, une oeuvre qui marque l'aboutissement du travail que le compositeur a effectué sur la voix. Composée entre 1974 et 1976 pour une formation insolite de 40 chanteurs et 40 instrumentistes disposés sous forme d'autant de duos voix et instrument, l'oeuvre fut créée en 1976 à Donaueschingen sous la direction du compositeur, puis augmentée d'une partie supplémentaire, à Graz en 1977 sous la direction de Leif Segerstam. Dans sa forme, elle présente une alternance entre des parties solistes et des parties chorales : les premières croissent jusqu'à rejoindre les secondes, les duos s'additionnant les uns aux autres, les secondes décroissant jusqu'à devenir des parties solistes. Berio croise également des textes de provenance diverses : d'une part des poésies pour la plupart anonymes, qui glorifient l'amour, d'autre part, un poème de Pablo Neruda qui renvoie à la répression d'une manifestation populaire et au sang qui coule dans les rues. La musique elle-même est faite d'emprunts à différentes musiques populaires, y compris celle des Pygmées révélée par l'ethnomusicologue Simha Arom, qui joue un rôle important ; ces différentes sources sont absorbées par le langage personnel de Berio. Cette fresque d'une heure environ est donc plus qu'une oeuvre de musique destinée au concert : comme Sinfonia composée quelques années plus tôt, elle pose des questions éthiques, politiques et esthétiques, exprimant à travers la musique l'utopie d'une assemblée humaine faisant fi des différences de culture et d'identité. En ce sens, Coro pourrait être perçu dans le sillage de la Neuvième Symphonie de Beethoven, comme un hymne à la fraternité et à la liberté. L'oeuvre offre des perspectives constamment changeantes, tantôt à partir des individus, qui se multiplient, tantôt à partir de la masse, qui se divise et emporte l'auditeur dans son flux ininterrompu, d'une expressivité et d'une vitalité irrésistibles. Alain Poirier donne un grand nombre de clés pour mieux pénétrer le sens de cette oeuvre. Il offre d'abord une remarquable synthèse de la musique et de la pensée de Berio, puis aborde sa manière de traiter les relations entre texte et musique, qui constituent un aspect essentiel de son style. Etudiant les diverses facettes de Coro, il s'attarde tout particulièrement sur la manière dont Berio a construit le soubassement harmonique de l'oeuvre, qui lui confère son unité, sa cohérence profonde. C'est la partie la plus analytique de cette étude par ailleurs tout à fait abordable par les profanes. Dans un chapitre conclusif, il s'attache à l'impact de l'oeuvre et à sa réception. Curieusement, cette oeuvre majeure du répertoire contemporain n'avait pas fait jusque-là l'objet d'une étude approfondie. Sa diffusion a sans doute été freinée par un dispositif vocal et instrumental particulier, non standard. Mais Coro n'en demeure pas moins une des réussites les plus éclatantes de la musique récente, une oeuvre d'une immense générosité, et qui ne peut laisser indifférent.

03/2023

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Musique

Spectres n° 03. Fantômes dans la machines

L'expression "fantôme dans la machine" a trouvé naissance dans un contexte particulier, celui de la critique du dualisme cartésien séparant l'âme et le corps, renouant ainsi avec un certain matérialisme mécaniste. Pour le dire simplement, cette approche nie l'existence d'une âme indépendante (le fantôme) qui serait véhiculée par un organisme corporel (la machine). Elle affirme, au contraire, que "l'âme" n'est qu'une manifestation du corps et ne fait qu'un avec lui. Si cette question est encore délicate à trancher, risquant à tout moment de glisser dans le registre des croyances, elle se réactualise à présent autour de l'émergence des intelligences artificielles : est-ce qu'une telle intelligence existe ? Ne se réduit-elle pas à la somme des opérations binaires qui la génère ? Et qu'est-ce au juste que l'artificiel ? L'artificiel porte toujours en lui un fantasme d'émancipation, d'autonomie et de rupture avec un ordre supposé naturel des choses. Il est subversif. L'IA, en tant, justement, qu'artificielle, embrasse une telle subversion, hybridant les mythes prométhéen et faustien, augurant tout autant de promesses que de dangers potentiels, poussant les enjeux aussi haut que la survie ou l'extinction de l'humanité. A ce titre, le domaine de la création musicale fait figure d'avant-poste. Il est à la fois un terrain d'exploration des applications possibles de l'IA et un domaine possédant déjà une histoire assez longue dans l'intégration des machines et leur puissance de calcul dans le processus de création. De la composition algorithmique aux méthodes de resynthèse, de l'approche logique à la création de systèmes cybernétiques, de la naissance de l'informatique musicale aux réseaux de neurones, la musique, depuis plus d'un demi-siècle, a entamé un dialogue ininterrompu avec l'univers binaire des flux d'électrons et des systèmes de plus en plus complexes qui les gouvernent. Les textes réunis ici racontent, chacun à leur manière, une face différente de ce prisme étrange que forme une telle alliance. Ils projettent chacun un spectre particulier, révèlent un fantôme, et évoquent une apparition composite d'idées, d'électricité et d'opérations. Ce livre ne se destine donc pas à essayer de trancher le noeud gordien que constitue la question des possibles devenirs et mutations de la logique binaire, et notamment de son dernier avatar, l'IA. Il propose au contraire d'apporter un éclairage multiple sur les manières possibles de s'en emparer, des rêves, des promesses et des doutes que ces devenirs soulèvent, qu'ils s'actualisent dans la création de codes et de programmes pour chevaucher les sons, qu'ils insufflent tout un projet compositionnel, qu'ils révèlent l'algorithmique chez l'humain ou encore qu'ils s'emparent directement de la rédaction du texte lui-même, se hissant à la hauteur de l'auteur. Mais plus que tout, l'enjeu, ici, est d'établir en quoi ces devenirs peuvent résonner et comment cela se manifeste, au travers de toutes ces démarches, de tou

10/2021

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Beaux arts

Les Civilisations de l'Islam

L’islam est une religion caractérisée par un monothéisme absolu et rigoureux. Sa vision du monde est simple et radicale, indifférente aux spécificités historiques, culturelles et raciales des personnes qui y adhèrent. En l’espace de quelques années après la mort de Mahomet, les armées islamiques, initialement formées d’Arabes, puis de divers peuples assujettis et convertis, conquirent des territoires immenses qui avaient vu fleurir la civilisation gréco-romaine puis judéo-chrétienne en Occident et la civilisation perso-zoroastrienne en Mésopotamie, remportant un succès éclatant. Quelques décennies plus tard, l’islam pénétra en Europe, conquérant l’Espagne et une partie de l’Italie du Sud, franchit le désert du Sahara pour convertir les populations d’Afrique noire en se superposant aux cultes locaux, et s’étendit aux vastes régions asiatiques jusqu’à atteindre l’Inde et rencontrer les cultes védiques et le bouddhisme, tandis que vers le nord il s’introduisait en Transoxiane (aujourd’hui l’Ouzbékistan), surpassant les conquêtes d’Alexandre le Grand lui-même, pour atteindre les frontières de l’empire chinois. Sur le plan de la culture et de l’expression artistique, le monde islamique assimila les énergies créatrices, les techniques et les coutumes des peuples assujettis, extraordinairement riches et diverses, et sut les refondre en une expérience complètement nouvelle et originale, tout en restant fidèle à la révélation coranique, qui impose à tout croyant de suivre ses préceptes et de répandre sa doctrine. Celui qui embrasse l’islam, considéré comme la seule vraie religion, fait alors partie du Dar al-Islam, la « maison de l’islam » : des concepts ancestraux tels que nation, race, activité, culture deviennent alors, du moins en théorie, dénués de signification. L’ensemble du monde islamique parle la même langue, l’arabe, la langue du Coran, dont les lignes directrices ont façonné les différentes traditions culturelles avec une homogénéité surprenante – homogénéité qui a caractérisé, et qui imprègne encore, la culture et le vécu spirituel et politique de centaines de millions de personnes et de nations entières. À l’intérieur de cet horizon culturel commun se sont élaborés au fil du temps des langages artistiques et des coutumes nationales, à travers la réémergence graduelle – quoique au sein de l’identité islamique commune – d’énergies locales vigoureuses, auxquelles l’arrivée de nouvelles populations et les déplacements pour motifs religieux, commerciaux et scientifiques ont apporté par la suite des éléments féconds. Tout discours de caractère général, comme les sujets abordés dans cet ouvrage, doit donc être pris comme une indication globale, à approfondir et clarifier parfois. Il est clair, par conséquent, que dans ce monde islamique diversifié existent côte à côte des réalités culturelles, spirituelles et artistiques d’une richesse et d’une complexité remarquables, mais le substrat commun éthico-politico-religieux, inséparable dans ses composantes, a donné naissance et produit encore des manifestations bien reconnaissables, unies par une spécificité que l’on peut définir comme islamique.

04/2010

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Littérature française

Chère brigande. Lettre à Marion du Faouët

La silhouette libre et rebelle de Marion du Faouët, « Robin des bois » bretonne qui, dans les premières années du XVIIIe siècle, prenait aux riches pour redistribuer aux pauvres, n'a cessé d'accompagner Michèle Lesbre, traversant comme un feu follet certains de ses précédents livres (notamment Le Canapé rouge, voir citation infra). Parce qu'une femme aux cheveux roux prénommée Marion, qui avait élu domicile dans une boutique désaffectée en bas de chez elle, a soudain disparu après quelques mois de vie miséreuse, les traits de l'autre Marion, la « chère brigande », se superposent à ceux de la SDF parisienne, sorte de contrepoint au désarroi de n'avoir pu lui porter secours. Michèle Lesbre, comme pour conjurer le désenchantement et la pesanteur du monde d'aujourd'hui, décide de partir sur les traces de la Bretonne. Si la longue lettre qu'elle lui adresse va donner chair et corps à la voleuse au grand coeur, elle sera également pour l'écrivain l'occasion d'un texte très personnel – le « je » narrateur, cette fois, est bien celui de l'auteur –, où ses propres désirs, ses utopies et ses révoltes se confondent avec ceux de Marion. Dans le train qui conduit Michèle Lesbre à Quimper, les souvenirs de la vie de Marion reviennent par bribes, qui tendent un miroir à la jeune femme qu'elle a été et dont la conscience politique s'est éveillée avec les tragédies de l'histoire : à dix-huit ans, alors qu'elle découvrait la cruauté des hommes lors des premières manifestations contre la guerre d'Algérie, Marion, elle, créait sa bande de brigands. Avec ses comparses recrutés parmi ses proches, elle allait écumer les bois, redresser les torts, forcer les riches fermiers à partager leur blé avec ceux qui, dans une Bretagne exsangue, n'avaient rien. Le Faouët, les monts d'Arrée, Quimper : tous ces lieux où Marion a grandi et que Michèle Lesbre arpente, évoquent chez la narratrice la fougue et la générosité de son indomptable héroïne. Et même s'il lui arrivait d'administrer quelques coups de bâton, la « chère brigande » se contentait de frotter à l'ortie les réfractaires. La vraie violence, celle des soldats qui ravageaient la campagne, violaient les femmes, pillaient les paysans, a fini par s'exercer contre elle et ses complices, vite jetés en prison, torturés, puis exécutés. Michèle Lesbre, dans ce texte lumineux – qui nous parle aussi d'elle, de nous, du monde dans lequel nous vivons – nous donne à entendre le rire d'une gamine formée à l'école de la vie, d'une grande amoureuse et d'une femme insoumise que l'injustice a mise en marche. Sa belle lettre s'achève ainsi : « Dors tranquille, chère brigande, tu m'as sauvée pendant quelques jours de notre démocratie malade, des grands voleurs qui, eux, ne sont presque jamais punis parce qu'ils sont puissants, de ce monde en péril. Tu n'étais pas un ange, mais les anges n'existent pas. »

02/2017

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Histoire littéraire

Les Labyrinthes. Vingt mille ans de métamorphoses

Ce volume est le premier consacré, avec cette ampleur, à un thème universel : la figure du labyrinthe depuis les temps préhistoriques jusqu'à nos jours dans tous les domaines de la création. L'origine du labyrinthe se perd dans un passé immémorial mais sa résurgence à toutes les époques, sous les avatars les plus divers, prouve qu'il n'a jamais réellement disparu de la mémoire collective. Encore aujourd'hui nombre d'architectures labyrinthiques sont au coeur de nos modes de représentation et de nos usages. L'impressionnant réseau de sens et de formes de ces figures nécessitait une pluralité d'approches disciplinaires ; l'archéologie, l'histoire, la géographie, l'anthropologie, l'architecture, l'urbanisme, la sémiologie, la poésie, la musique, la littérature, les arts modernes et contemporains sont ici convoqués pour rendre compte de la grande diversité de leurs manifestations, de leur richesse interprétative, comme de la complexité de leurs influences culturelles. Une documentation iconographique importante courant depuis les temps paléolithiques jusqu'à notre ère planétaire accompagne les contributions des auteurs. L'art pariétal, le mobilier préhistorique, l'artisanat, l'architecture, les arts graphiques et paysagers participent de ce corpus d'illustrations qui éclaire les phénomènes complexes de variations, répétitions, circularités, détours et autres progressions à rebours caractéristiques des graphies labyrinthiques. En ce sens, les schémas, cartes, dessins au trait, gravures, partitions musicales, calligraphies, photographies se révèlent indispensables à la compréhension des différents types de labyrinthes. La première partie - de la préhistoire au Moyen Age - est en bonne part consacrée à l'examen de la genèse et des évolutions d'un labyrinthe classique appelé communément " de type crétois ". Il symbolise un cheminement initiatique, un itinéraire de salut, un support de procession méditative ou de pratiques liturgiques. La deuxième partie - de la Renaissance au XXIe siècle - est celle d'une rupture. En Italie, autour de 1420, de nouvelles formalisations labyrinthiques, détachées de toute tradition religieuse, contribuent à magnifier les arts du jardin. Un type spécifique de labyrinthe prospère : le dédale, qui n'est plus spirituellement instruit. Cet espace sécularisé truffé de méandres et de culs-de-sac retrouve les lignes brisées du dispositif inventé par le légendaire Dédale. Ces pages accordent une place conséquente au XXe siècle, période de révolutions épistémologiques de laquelle naîtront de remarquables variétés de labyrinthes. Les configurations de type rhizomique sont ainsi devenues une métaphore privilégiée de la condition moderne. Leur structure n'a ni centre ni périphérie, ni dedans ni dehors, ses éléments peuvent se connecter entre eux en plusieurs noeuds selon les intentions de l'individu qui, de lui-même, choisit la direction à imprimer à son propre trajet. Mais les auteurs montrent aussi la face heureuse des labyrinthes, quand le symbole prend la fonction d'un rite conjuratoire ou printanier, d'une quête initiatique de soi, d'une chorégraphie dansée, d'une poétique de la dérive urbaine ou d'une pratique de libertinage amoureux. Ce versant solaire donne aussi le ton de cette étude qui a choisi de ne pas désespérer du labyrinthe.

09/2023

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Récits de voyage

Peregrinations sur la voie de l'eurasie

Une vie de voyages. La vie comme un voyage. Un couple nous invite à les suivre sur leurs voies itinérantes, de l'Afrique à la Chine, en passant par la Turquie, l'Inde, la Russie. A deux voix, les auteurs évoquent leurs longs séjours, les rencontres et expériences de l'autre, la découverte de textes fondateurs et épiques de ces pays, la confrontation de leurs propres références culturelles et religieuses à celles, si diverses, de l'islam, de l'hindouisme, du bouddhisme, du taoïsme ou du confucianisme. Décider en conscience d'aller à la rencontre de l'autre, accepter de contempler le monde par ses yeux, et revenir toujours à soi pour découvrir qu'on peut ne pas se perdre dans ce cheminement qui bouscule tout l'être, à condition de creuser toujours plus profond son propre sillon. Etre ainsi artisan de paix dans ces rencontres interreligieuses, en signifiant à tous ces hôtes-autres qu'on a rien à vendre, rien à imposer, qu'on s'avance simplement vers eux animé du désir de les connaître, de les aimer et de s'en faire connaître. Le pari est parfois tenu, parfois en attente d'une meilleure occasion. Ce chemin de rencontre n'est pas lisse, il s'invente à chaque pas, avec son lot de joies et de peines, physiques et spirituelles. Ce qui est devenu au fil des années un mode de vie, une manière d'exister, d'être au monde, a opéré une lente transfiguration de l'être intérieur, une vision plus profonde qui tend vers la source commune des Traditions, dans l'émerveillement de leurs manifestations esthétiques et spirituelles si différenciées. Les auteurs vous invitent à pénétrer leur riche univers. Ils ont tenté cette autre expérience de mettre en mots d'indicibles émotions et perceptions. Françoise Mirabile est titulaire d'une Maîtrise de Lettres Modernes (Paris VIII), et d'une Licence de Langue et Civilisation en hébreu (Institut national des Langues et Civilisations Orientales). Elle a enseigné dans des lycées et des universités la littérature française, le français comme langue maternelle et comme langue étrangère en France, à Istanbul, en Inde, en Chine et en Sibérie. Elle a aussi fait partie du comité interreligieux à Istanbul aux côtés du Père Jeusset, assurer des formations bibliques et sur les relations judéo-chrétiennes, donner des conférences et écrit des articles sur ces questions. Après avoir voyagé et travaillé de nombreuses années en Afrique et en Europe, Paul Mirabile a obtenu son Doctorat en philologie médiévale sous la direction de Bernard Cerquiglini à Paris VIII. Depuis, il a enseigné les langues, la littérature, l'Histoire et la philologie dans les universités et dans les lycées en Turquie, en Europe et en Asie tout en poursuivant ses recherches sur les épopées médiévales de l'Eurasie restituées dans neuf livres. Il a par ailleurs contribué à une quinzaine de revues en anglais et en français en reprenant et déployant certains aspects de la koiné eurasiatique médiévale qu'il a mise en évidence.

12/2020