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Spirou, communisme

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Littérature française

Russe

A partir de textes appartenant aux mémoires historiques ou à la littérature (ceux de Napoléon Ier, de Cavalié-Mercer, de Custine, Saint-Simon, Montesquieu, Pouchkine) ; à partir de l'oeuvre de Marx qui, nous rappelle-t-il, a séjourné en France ; à la suite de Boris Souvarine établissant des parallèles entre le régime policier russe du tsar Nicolas Ier et le régime communiste de l'URSS de Staline, Pierre Bergounioux définit ce que, considérant ce qu'en ont écrit parmi d'autres Gogol, Tolstoï, Dostoïevski, l'on a appelé l' "âme russe" - quand Custine regarde précisément les Russes comme "des machines incommodées d'une âme". S'interrogeant sur les raisons de la disparition du "socialisme réel" , dont l'hypothèse la plus courante incrimine, avec Karl Wittfogel, le despotisme oriental, Bergounioux convoque les analyses d'Eric Hobsbawm : les Bolchéviks "ont cru possible de passer du féodalisme au socialisme en escamotant le stade capitaliste", et de John Kenneth Galbraith : "L'égalité du partage a guidé le législateur soviétique mais la faiblesse de l'appareil productif est telle qu'il n'y a rien ou presque à partager". Cependant, selon Bergounioux, "rien n'éclaire l'histoire d'un peuple comme sa littérature". Si bien que c'est vers elle qu'il faut se tourner pour comprendre la Russie, la terreur qui la gouverne. Et quand il s'agit de distinguer les écrivains français et les écrivains russes, un trait revient, implacable : "C'est le péril que [ces derniers] encourent à simplement dire ce qui est". Aussi "c'est le stalinisme qui a tué Essenine, Maïakovski, Marina Tsvetaïeva, envoyé Soljenitsyne et Chalamov au goulag, étouffé, au nom du "réalisme socialiste", l'expression approchée, authentique de l'expérience à quoi tend, d'âge en âge, la littérature si elle est bien révélation, délivrance". Pierre Bergounioux relie ainsi les interventions de l'artiste Piotr Pavlenski à l'héritage de ses compatriotes : "Un artiste russe, parce que russe et non pas français, doit payer d'exemple, de sa personne. La chose qu'il dévoile est redoutable. C'est l'Etat, cet organe qui, selon Max Weber, "monopolise l'usage de la violence physique légitime". Et c'est bien contre Poutine et les oligarques qui ruinent à leur tour le peuple russe que Pavlenski s'élève car, envers et contre tout, "l'aspiration millénaire à la justice, à l'égalité, à la liberté, si elle a disparu de la surface du sol, n'en continue pas moins de cheminer sous terre". Creusons.

05/2021

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Littérature française

Le couvre-feu d'octobre

Judith et Octavio habitent le même immeuble d’un quartier populaire d’Oran. Après son bac, l’été 1955, Octavio part en Métropole suivre des études à la Sorbonne, laissant son amoureuse. Il découvre alors Paris où il fait la connaissance de Denis, un étudiant communiste qui devient un ami ambigu et lui montre un aspect trouble du PC. L’été suivant, Octavio ne rentre pas pour les vacances et Judith déçue se laisse séduire par le grand frère d’Octavio, un jeune flic. Quelques mois après, le policier est muté en Métropole, à la Goutte d’Or. De son côté Octavio rencontre deux membres du FLN : le « Dentiste » et Nordine. Le « Dentiste » est un médecin français, idéologue léniniste radical, froid et partisan de la terreur. Nordine est un jeune ouvrier avec lequel il se lie d’amitié. Le « Dentiste » remarque une grosseur sur le cou d’Octavio et lui conseille de consulter, mais Octavio ne l’écoute pas. L’été 57, alors qu’Octavio est appelé sous les drapeaux, Nordine le cache dans le bidonville de Nanterre. Tandis que son engagement est de plus en plus actif au sein du FLN, il découvre ce microcosme où règne une violence permanente et note l’ambiguïté des Algériens dans cette guerre. En décembre 1960, rattrapé par la maladie et assailli par les doutes, il trahit ses camarades, et se réfugie chez son frère et la femme qui fut son amour d’enfance : Judith. Le frère est souvent absent, occupé par la répression et les ratonnades. Judith et Octavio sont souvent seuls avec Frank, le fils de Judith. Les souvenirs et les désirs non réalisés constituent vite un poids dans leur relation. La nuit du 17 octobre 1961, alors que le grand frère participe à la répression sanglante d’une manifestation d’Algériens, Judith et Octavio se donnent enfin l’un à l’autre. Une courte période d’idylle clandestine accompagne la renaissance d’Octavio avant que celui-ci apprenne qu’il est condamné. Ce texte est celui qu’il laisse avant de mourir. Le couvre-feu d’octobre est un roman prodigieux, puissant, captivant. Il est construit autour d’une tragédie : un amour impossible entre Octavio et Judith, doublée d’un lutte fratricide entre Octavio et son grand frère. Le fond historique sur lequel se déploie l’histoire de ces trois héros révèle un aspect assez méconnu de la guerre d’Algérie, qui ne fut pas seulement algérienne, mais aussi française, se déroulant simultanément sur le territoire métropolitain. Passionnant, lyrique, envoûtant, le premier roman de ce jeune écrivain est un événement.

08/2012

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Photographie

Reportages pour mémoire

« J'appartiens a` la ge´ne´ration des « baby-boomers... », ces Franc¸ais ne´s au lendemain de la Seconde Guerre mon- diale. A` ma naissance, le monde e´tait se´pare´ en deux blocs : le monde communiste sous la domination de l'Union sovie´tique et le monde occidental sous l'influence du capitalisme. On parlait du « Rideau de fer » qui courait au cœur d'une Allemagne divise´e, aux frontie`res de la Hongrie, de la Tche´coslovaquie et de l'Autriche. des cen- taines de kilome`tres de barbele´s nous empe^chaient de rencontrer nos fre`res d'Europe. Puis les peuples ont eu raison des obstacles mais d'autres conflits sont ne´s, d'autres re´volutions ont vu le jour et la Guerre froide s'est transforme´e. La photographie est ce qui nous reste quand le petit e´cran s'est e´teint. Face a` l'image vide´o elle a valeur d'e´ternite´. L'image fixe est ma passion premie`re. durant quarante anne´es de reportage te´le´vise´, je me suis rarement se´pare´ de l'appareil photo qui m'a permis d'e´terniser les e´ve´nements et les situations ve´cues, afin de les conserver comme te´moignages personnels et comme des pages d'histoire. Je suis ne´ deux ans apre`s la fin de la deuxie`me guerre mondiale et j'e´tais donc encore trop jeune pour e^tre mobilise´ dans les guerres coloniales qui ont suivi, Indochine et Alge´rie. Mais en tant que reporter a` la radio et a` la te´le´vision, j'ai vu et ve´cu les conflits qui ont marque´ les trente de´cennies du sie`cle passe´ et le de´but de ce XXIe`me sie`cle. J'en ai aussi paye´ le prix pour avoir e´te´ otage durant de longs mois pendant la guerre du Liban avec mon e´quipe de reportage. Mais ma passion pour le me´tier de journaliste ne s'est jamais e´teinte. Elle est reste´e intacte. A l'heure ou` les me´tiers de journaliste et de reporters sont de plus en plus de´crie´s, j'ai la faiblesse de continuer d'y croire ». De l'Arabie du roi Fayc¸al aux re´voltes arabes en passant par la re´volution iranienne, le ge´nocide au Rwanda, la famine en Somalie, le conflit d'Afghanistan, la monte´e en puissance de la Chine, j'ai voulu pre´senter mon regard sur le monde et livrer ce te´moignage sur mon itine´raire.

10/2015

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Littérature française

L'héritage humain

Quand on parle d’héritage, quelle définition de ce mot nous vient en premier ? Prendre possession des biens accumulés par un proche, un parent après son décès, ou quelqu’un qui vous désigne comme bénéficiaire par testament. Quand on parle de « l’humain », c’est évoquer une qualité propre à « l’esprit d’humanité » que n’a pas l’animal et qui, contrairement à ce dernier, conscient de lui-même et du monde dans lequel il vit, peut agir et s’organiser étant ainsi « acteur » de sa propre évolution. Un héritage, quand il est humain, n’a plus vraiment de rapport avec les biens matériels : c’est « voyager dans le temps et l’histoire de la pensée humaine », refaire tout le chemin qu’elle a parcouru pendant des siècles pour aboutir à ce qu’elle est aujourd’hui. Il y a enfin dans le choix de ce titre un autre message, celui de devoir réveiller en nous « la mémoire ». Un peuple, un individu qui perd sa mémoire n’a plus d’identité... ne sommes-nous pas en train de la perdre ? « Ce sont les hommes qui font l’histoire », nous a dit Karl Marx. « Ceux qui vivent , ce sont ceux qui luttent », nous a dit Victor Hugo dans « Les châtiments ».Vérités absolues. Comme le précise l’auteur de cet ouvrage ; « ce livre n’est pas vraiment le mien. C’est aussi celui de tous ceux qui, avant moi, bien meilleurs écrivains, journalistes, philosophes ont écrit de nombreuses pages sur l’histoire de l’humanité » . Tel est donc son objectif : réunir dans cet ouvrage les principaux textes fondateurs de l’« esprit humain », où ont été révélés les plus belles réussites collectives de l’histoire, et exposés les points de vue les plus pertinents sur l’évolution nécessaire de la pensée de l’homme qui « doit continuellement se mesurer à tout ce que la société lui fait subir ».Sans les luttes et les interventions de ceux qui ont agi ou se sont exprimés pour faire entendre leur droit, exiger plus de liberté et d’égalité, il n’y aurait jamais eu de progrès social.

C’est comme si l’auteur nous disait « réveillez-vous ! vous perdez la mémoire, la connaissance de votre passé est ce qu’il y a de plus fondamental pour comprendre le monde d’aujourd’hui ! ».

Alors ! Face à cette société dystopique de plus en plus pressentie, n’est-il pas encore temps de réagir, de nous faire revisiter cette littérature qui nous avait si profondément enrichi et nourri notre esprit d’humanité : « les origines chrétiennes du communisme » par Gérard Walter, « les bases de la philosophie marxiste » et « la dialectique de la nature » de Friedrich Engels, « l’organisation sociale exemplaire des indiens d’Amérique », « la désobéissance civile » d’Henri-David Thoreau, « une action possible sur l’histoire » de Julian Huxley, « naître à son humanité » de l’ethnologue Henri Laborit, et enfin une « lutte continuelle » de l’immense philosophe Krishnamurti. Autant de thèmes qui pourraient susciter de nombreux débats sur l’avenir de l’humanité, mais qui ne semblent pas être prioritaires sur les bancs des écoles et partout ailleurs, dans les médias officiels.

01/2022

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Revues

Lignes N° 66, octobre 2021 : Littérature : quelle est la question ?

Au temps des dernières avant-gardes, on déclara l'invention d'art, dont l'art " littéraire ", au service (de la Révolution, sous l'une ou l'autre de ses formes " communistes "). Quelques spectaculaires expériences d'écriture doublées de prises de parti radicales incarnèrent cette façon de voir. Puis la restauration des années 1980 et le post-modernisme éclectique des années 1990 déclarèrent que ces excès n'avaient plus lieu d'être - au moins là où médiatiquement brille la vie littéraire [... ]. Mais voici que des poètes-penseurs attentifs au monde réel invitent l'ancienne passion bucolique des lyriques à se reconvertir en soutien au choeur des combats écologiques. Ou qu'on s'efforce, contre l'aristocratisme des " grandes irrégularités de langage" , de promouvoir la créativité égalitaire d'un " poétariat "(J. -C. Pinson) à l'oeuvre dans la multiplicité moderne des réseaux. Ou encore qu'on nous engage à faire de la " poésie intéressante " (qui parle au public de ce qui l'intéresse). Ainsi reviennent des soucis auxquels sans doute nul créateur n'échappe : à qui entendent parler ceux qui aujourd'hui écrivent à distance de la commande mondaine et des produits pré-formatés par les médiatisations ? pour transmettre quelle expérience ? pour éventuellement produire, ce faisant, quel effet (transformateur, émancipateur - voire au sens politique) ? Christian Prigent La question telle qu'il s'agirait de la reprendre ici n'est pas : à quoi la littérature (le récit, le roman, le poème, la pensée même) est-elle utile ou ne l'est-elle plus ? Mais : qu'est-ce qui ne s'y passe plus, de quoi n'est-elle apparemment plus l'enjeu - à supposer qu'il doive s'y passer quelque chose, ou qu'un enjeu en dépende (supposition de principe) ? A le supposer parce que, tout compte fait, l'histoire une fois finie, au sens où Kojève a d'abord établi qu'elle l'était (dans les années 30, sous les espèces plus rêveuses que réelles du communisme), ou deux fois finie, cette fois au sens de Fukuyama (dans les années 90, sous les espèces cyniques de l'universalisme capitaliste réalisé), la littérature pourrait l'être aussi. Fin de l'histoire donc, et avec elle des révolutions, des avant-gardes, des devenirs, des manifestes, des scandales, des polémiques (les polémiques qui restent sont morales, c'est-à-dire aujourd'hui sociologiques). L'histoire finie, tout étant " accompli ", la question des formes et des langues de la littérature ne se poserait plus ou n'aurait plus à être posée, lesquelles avaient en effet tout à voir avec l'histoire en tant qu'elle se constituait, se construisait diamétralement contre. De là qu'on ne voie plus les formes former une question, et les langues être de plus en plus rares à s'opposer à celle qui domine. [... ] La littérature, donc : quelles questions pose-t-elle encore à ce qui est (qui domine et qu'on dit définitif), et lesquelles lui poser pour que ce qui est et qui domine s'en ressente (qu'il cesse de l'être) ? Michel Surya

10/2021

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Littérature française

Oligarque

Voici le grand roman que l'on attendait sur la transformation du socialisme soviétique en capitalisme oligarchique. Au carrefour de la grande fresque balzacienne, du roman d'apprentissage et du thriller politico-financier, Oligarque raconte l'ascension prodigieuse d'un jeune orphelin dans la Russie soviétique en pleine décomposition jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir financier international. Une histoire haletante en trois actes : Première partie : La défense Ragozine (Russie, 1975-1993) En 1975, à Perm, le père de GrigoriYurdine, ouvrier d'une usine de câbles, la Permski Kabel Zavod (PKZ), meurt d'un accident. La mère de Yurdine est folle. L'enfant est adopté par la famille Makarov. Ils ont déjà une fille, Lena, qui devient la soeur adoptive de coeur de Grigori. On retrouve Yurdine en 92, un an après la chute du communisme. Il est étudiant du ponte Smirnov, professeur à l'institut polytechnique de Perm et ingénieur en chef de PKZ. Lena de son côté étudie à Moscou. C'est l'époque où le système s'effondre, et où les gros appétits locaux et la finance internationale se partagent les dépouilles. On assiste à l'ascension de Yurdine, joueur d'échec, esprit froid et cynique. Avec la complicité de Smirnov, il va s'emparer de PKZ, puis de bien d'autres usines. En chemin, une bavure : l'intimidation par deux hommes de main de Yurdine du comptable Alexei Lemonov tourne mal : Aléxei est tué par accident. Lena est amoureuse d'un jeune haut fonctionnaire français, Charles de Tretz, qui lui promet de l'emmener à Londres. L'homme est en fait marié et père de famille et l'abandonne après avoir profité d'elle... Deuxième partie : Le mat de Reti (Londres, 2008) Nous voilà en 2008. Yurdine est devenu un oligarque à la tête d'un conglomérat. Il vit à Londres et son mariage avec la fille d'un pilier du régime, dont il a deux fils, bat de l'aile. Au moment où la crise des subprimes s'annonce, il ambitionne de prendre le contrôle d'une banque anglaise, la Riverside, rendue fragile par la crise. Il retrouve face à lui Charles Tretz, l'amant de Lena à Moscou, désormais patron d'une grande compagnie d'assurance. La bataille boursière pour prendre le contrôle de Riverside en pleine crise des subprimes nous plonge dans une atmosphère au carrefour de Wall Street et de The Big short... Troisième partie : Le sacrifice de la Reine (Moscou, New York, Londres, Genève, Perm, 2020) Gagnant sur tous les tableaux, Yurdine est rattrapé par le passé : les mâchoires de la tenaille se referment sur lui. D'un côté, le régime poutinien veut régler son compte à l'oligarque occidentalisé. Il s'attaque à lui sur deux fronts : son conglomérat fragilisé par la crise du Covid, à l'assaut duquel se lance sur ordre un autre oligarque fidèle au Parti ; sa soeur adoptive Léna, devenue opposante au régime, que le FSB épaulé par un groupuscule paramilitaire d'extrême-droite tient dans sa ligne de mire. De l'autre, Charles de Tretz remonte la piste de l'assassinat d'Alexeï Lemonov trente ans plus tôt pour armer la vengeance de la soeur de Lemonov...

10/2022

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Théâtre

Ecrits sur le théâtre. Tome 2, Edition revue et augmentée

L'aventure de Vsevolod Meyerhold des années 20, c'est celle d'un artiste qui s'engage résolument et rapidement aux côtés de la Révolution, parce qu'il ne peut séparer révolution politique et révolution théâtrale. Son " Octobre théâtral " ouvre la scène à la rue, au travail corporel (biomécanique) et à l'analyse politique. L'étude des grandes traditions commencées dans les années dix s'approfondit. Le plateau devient un laboratoire, esthétique et politique, où l'on expérimente et élabore des techniques complexes, où l'on prend tous les risques. On verra, dans ce volume fortement augmenté, les incroyables obstacles rencontrés dès 1918 à Moscou par Meyerhold pourtant membre du parti communiste, les fermetures ou menaces de fermeture de son théâtre, ses polémiques violentes avec ses disciples, les liens tissés avec E. Vakhtangov... On comprendra mieux l'intérêt pointu porté par le metteur en scène aux " neurosciences " de son époque et son approche scientifique et musicale du jeu d'un acteur-poète. Meyerhold remet en cause, radicalement, tout le théâtre. Il dénude la scène en y installant la machine à jouer constructiviste, il utilise les techniques de cirque, de cinéma, et toute son immense culture plastique et musicale. Il pratique collage et montage dans un travail dramaturgique poussé sur le grand répertoire classique russe - ce qui lui permet de regrouper autour de lui de nouveaux auteurs (N. Erdman). 1917-1930, c' est aussi la période de collaboration avec V. Maïakovski, " l'ami bien-aimé ". Avec le suicide du poète, Meyerhold perd un de ses grands soutiens. Une corde se brise et l'on parle déjà de cette chose suspecte que serait le " meyerholdisme "... Cet ouvrage dont la construction nouvelle cherche à rendre toute l'effervescence créatrice de l'artiste-chercheur, curieux de tout et présent sur tous les fronts, se termine sur cette date tragique. Quatorze spectacles dont pas un ne répète l'autre en quatorze ans à peine - sans compter les travaux de laboratoire, les projets avortés (neuf au théâtre et au cinéma), la participation à des spectacles réalisés par d'autres. Des textes de critiques ou de collaborateurs ont été introduits dans ce livre pour que le lecteur puisse se faire une meilleure idée des spectacles et des débats passionnés qu'ils soulevèrent. Ce corpus " étranger " complète le corpus meyerholdien - proclamations, manifestes, interventions, exposés, entretiens, cours, conférences, programmes de travail, articles - produit dans le feu de l'action. Meyerhold crée et parle beaucoup en ces années-là, d'où les guillemets qu'il faudrait sans doute mettre à " Ecrits " sur le théâtre pour ce tome 2. " Le trésor " disait S. Eisenstein en parlant des archives de son Maître qu'il eut par la suite le courage de cacher. Pour nous aussi, sans aucun doute, encore un trésor... Béatrice Picon-Vallin.

09/2009

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Essais biographiques

Käthe Kollwitz - Regard(s) croisé(s)

Ce volume collectif est issu du premier colloque français consacré à Käthe Kollwitz alors que l'historiographie se développe surtout en Allemagne et aux Etats-Unis. Le principal enjeu en est de sortir du domaine des spécialistes de l'estampe et de faire d'une lacune, le peu de développement de la recherche sur Kollwitz en France, un potentiel heuristique. Le parti-pris était en effet d'ouvrir le propos du colloque à des chercheurs et chercheuses extérieur-e-s au champ de l'estampe allemande, de proposer une lecture croisée de l'oeuvre de Kollwitz, en invitant non seulement des chercheuses et chercheurs en histoire de l'estampe et en histoire de l'art mais aussi en histoire de la photographie, en histoire culturelle ou en études germaniques. Chacun considérant Kollwitz sous l'angle de ses connaissances mais aussi des objets et méthodes propres à sa discipline, leur confrontation permet ainsi de renouveler la recherche sur l'artiste. Trois lignes forces structurent l'ensemble des contributions de ce volume. La première interroge les fonctions de l'image dans l'oeuvre de Kollwitz, à travers l'expressivité des sujets qui, avec récurrence ou au contraire de manière plus marginale, sont chargés d'une signification symbolique, dans le champ artistique ou l'espace social, et jusque dans la pénombre discrète voire secrète de l'atelier, en explorant les potentialités de la gravure, de la photographie ou de la sculpture dont l'artiste a été la praticienne. La deuxième voie d'approche examine la situation de Kollwitz face à l'histoire, en éclairant la confrontation de l'artiste aux combats et violences de son temps, qu'elle vécut dans un enthousiasme parfois inquiet (la révolution allemande) ou qu'elle subit dans la douleur (la mort d'un fils tué à la guerre, dès l'automne 1914, la convertit au pacifisme), cependant qu'à partir de 1933 le nazisme lui retirerait ses droits d'artiste et d'enseignante en la plongeant dans la nuit de l'art décrété dégénéré. La troisième et dernière partie de l'ouvrage réunit des essais interrogeant la portée de l'oeuvre de Kollwitz, en s'intéressant à ses réceptions et ses lectures comme autant d'interprétations qui, parfois, croisent d'autres destins d'artistes, tels George Grosz ou Lea Grundig, et qui varient selon des contextes changeants ? : l'engagement de l'artiste dans l'Allemagne des années 1920, sa postérité dans la RDA d'après 1945 ou les significations de la monumentalité de son oeuvre dans les régimes d'idéologie communiste. Contributions de ? : Aurélie Arena, Claire Aslangul-Rallo, Jérôme Bazin, Annette Becker, Marine Branland, Jean-Numa Ducange, Thierry Dufrêne, Marie Gispert, Christian Joschke, Philippe Kaenel, Morgane Lafagne, Juliette Mermet, Denis Pernot, Emmanuel Pernoud, Chiara Ripamonti, Bertrand Tillier, Catherine Wermester.

08/2022

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Art mural, graffitis, tags

Affiches cubaines. Révolution et cinéma, 1959-2019

Le renversement de la dictature du général Batista le 1er janvier 1959, à laquelle succède le gouvernement révolutionnaire présidé par Fidel Castro, amorce de profonds changements dans la société et l'esthétique cubaines. D'une logique capitaliste avec ses codes visuels empruntés aux Etats-Unis, Cuba se tourne vers un système communiste où prédominent institutions et commande publiques. La production graphique délaisse la publicité pour se mettre au service des idéaux du nouveau régime : l'engagement politique national, la solidarité internationale avec les pays du tiers-monde par le biais de l'OSPAAAL (Organisation de Solidarité des Peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine) - dont Ernesto Che Guevera est l'un des instigateurs -, et l'éducation culturelle des masses, notamment par le biais du cinéma promu par l'ICAC (Instituto Cubano del Arte e Industria Cinematográficos) créé en mars 1959. Dans le contexte économique du pays, où la rareté de l'électricité rend la télévision et la radio peu accessibles, l'affiche devient le mode de communication le plus efficace. Durant les années 1960-1970, âge d'or de l'affiche cubaine, les graphistes cherchent à créer un style un rupture avec la manière hollywoodienne, qui s'éloigne aussi de la propagande soviétique. Les pénuries de matériaux - papier, encre -, stimulent la créativité en imposant des contraintes. La sérigraphie, technique d'impression artisanale largement adoptée, détermine les grandes lignes de cette nouvelle école : solides contours noirs et choix restreints de couleurs appliquées en aplats. Les affiches commandées par l'OSPAAAL, pliées en quatre et glissées dans la revue Tricontinental diffusée à travers le monde, cherchent à faire passer des messages simples évoquant l'union dans la lutte révolutionnaire tout en transcendant la barrière de la langue, d'où l'émergence de leitmotivs graphiques immédiatement reconnaissables : drapeaux et symboles nationaux, poing levé... L'ICAIC, de son côté, produit des affiches spécifiquement cubaines, souvent dessinées, pour chaque film diffusé. Grâce aux festivals de cinéma, elles sont connues et collectionnées dès les années 1960. Cette âge d'or est suivi d'une période mois féconde, marquée par "el período especial" , crise économique en temps de paix après l'effondrement du bloc de l'Est. Le nombre d'affiches produites d'effondre, la bureaucratie omniprésente entrave la créativité, et de nombreux graphistes phare émigrent. Ce champ de création connaît un renouveau depuis le début des années 2000, dans le domaine culturel plutôt que celui de la communication à grande échelle, renouant avec une dimension expérimentale et artistique. A travers cette production artistique, populaire dans le sens où elle s'adresse à tous et investit l'espace public, ce livre invite à voyager dans le passé et le présent d'un pays dont l'histoire récente reste peu étudiée.

03/2023

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Guerre d'Indochine

Aimer et servir - Lettres d'Indochine. 1945-1947, 1954

La conversation épistolaire à la fois passionnée et pudique, épique et amoureuse, entre André Butor, jeune officier servant en Indochine entre 1945 et 1947, puis en 1954, et une jeune étudiante à sciences po, Chistiane Chauvet, devenue son épouse. Avec pour fil conducteur aimer et servir. "AIMER : le coup de foudre qui frappe André en juillet 1945 est sans doute partagée, même si Christiane ne se l'aouera que plus tard. Le 28_ octobre celui-ci embarque pour Saigon, sans l'avoir revue. S'ensuit une abondante correspondance "transcontinetale" , 354 lettres échangées durant les deux années suivantes ; d'abord amical, cet échange prend un tour rapidement sentimental et leur permet de se connaitre plus intimement. Peu à peu au bout d'un an, celui qui se qualifie d'"ami d'indochine" et celle qui lui envoie à la fin de ses lettres son "affectueux souvenir" et "sa meilleure amie" vont ressentir, simultanément à 12000km de distance la même progression du sentiment amoureux, une flamme mutuelle. Cette conversation épistolaire va se poursuivre avec la même intensité, leur permettant de mieux se connaitre : André, un homme au tempéramment intrépide, à l'humour volontiers moqueur, ayant le gout du risque, de l'aviation et soif d'aventure ; Christiane, une nature indépendante, impétueuse et passionnée. Ils partagent une m^me vision de l'actualité politique : pour elle "notre pays est entre de bien mauvaises mains". Lui met très peu de temps à se rendre compte, " que la France aura vite fait de perdre l'Indochine". SERVIR : c'est aussi l'histoire et le destin d'une génération de jeunes officiers fraichement sortis de saint Cyr, souvent issus de la résistance contre le nazime et qui considèrent que cette guerre consttue un maillon important dans la lutte contre le totalitaisme communiste. Affecté en cochinchine et en Annam dans des postes isolés, lieutenant André Butor prendra ardemment sa part dans la lutte contre la guérilla vietminh ente 1945 et 1947 . De retour en Indochine en 1954 comme pilote d'héicoptère , la dernère lettre envoyée à son épouse est datée du 27 mars 1954. Rentré de Hanoi à Muong sai, le capitaine André Butor trouvera la mort le soir m^me en effectuant des essais de vol de nuit afin de poursuivre les héroïques évacuations sanitaires pendant le siège de Dien Bien Phu. André Butor est promu Chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthumme le 5 août 1954 ". N'omettez pas d'inscrire le souvenir d'André. Il fut un héros", écrira Christiane Butor à ses enfants au soir de sa vie. Message bien reçu par ses filles Nathalie Volle Butor et Isabelle Chollet-Butor qui se sont chargées de transcrire méticuleusement ces lettres, de les composer et de présenter ce livre qui se lit comme un grand roman d'amour et d'aventure.

09/2023

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Critique littéraire

Correspondance 1920-1946. "Y a-t-il quelque chose qui nous importe plus que la vérité ?"

Jean-Richard Bloch et Jean Paulhan ont 36 ans l'un et l'autre en 1920, quand commence leur correspondance. Fondateur en 1910 de L'Effort libre, Bloch est alors sous contrat avec les éditions de la NRF, où ont paru Lévy en 1912 et ... Et Cie en 1917. De son côté, Jean Paulhan, qui a publié à compte d'auteur en 1917 Le Guerrier appliqué, est le dévoué secrétaire de Jacques Rivière, directeur de La NRF depuis 1919. Leur échange va croissant jusqu'en 1932, année de parution du roman de Bloch, Sybilla, dédié à Paulhan, devenu rédacteur en chef de La NRF. Celui-ci, qui s'était montré "déçu" en 1925 de n'avoir pas retrouvé, dans La Nuit kurde et Sur un cargo, "le sévère, l'incorruptible Jean-Richard Bloch", tente alors de lier avec l'écrivain un complexe dialogue sur le pouvoir des mots : "Là où il y a pouvoir, il n'y a pas mots, et là où il y a mots, il n'y a pas pouvoir." Mais Bloch est requis par ses engagement politiques - participation au premier Congrès des Ecrivains soviétiques (1934), organisation du Congrès des Ecrivains pour la Défense de la Culture (1935), voyage à Madrid (1936) - cependant que Paulhan, conseiller municipal Front populaire à Chatenay-Malabry, orchestre dans les pages de La NRF une vive politisation des débats. Puis Bloch accepte de diriger avec Aragon le quotidien communiste Ce soir, dont le premier numéro sort le 1er mars 1937. Au lendemain du pacte germano-soviétique conclu en 1939 à Moscou, l'"embarras" entre Jean-Richard Bloch et Jean Paulhan est à son comble, et le sabordage de la revue Europe, que Bloch aurait eu l'intention de "reprendre", achève de distendre leur conversation. Bloch constate alors que "l'Europe, la guerre, les hommes de la politique ont emmêlé leurs fuseaux". Après l'offensive allemande du 10 mai 1940, ces différends paraissent "dépassés" à Jean Paulhan au profit de la seule fraternité d'armes et, bientôt, de l'entrée en Résistance. A la veille du départ de Bloch pour Moscou, Paulhan cherche une dernière fois le dialogue - qui passe toujours à ses yeux par les "questions langagières" - en lui adressant, le 22 février 1941, le début de ses Fleurs de Tarbes. Intellectuels et hommes de revue s'il en fut jamais, Jean-Richard Bloch et Jean Paulhan, écrivains l'un et l'autre, se sont connus, estimés et liés d'une amitié qui ne pouvait être qu'ombrageuse, en raison de leurs relations respectives à la politique. Leur entente, et la possibilité même de cet échange de lettres, supposait cette différence entre eux, et une façon de pleinement l'assumer.

01/2015

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Philosophie

Circonstances. Tome 8, Un parcours grec

La Grèce est au coeur de ce livre, qui lui donne son titre. Tout s'y relit de ce qui a fait son histoire très récente, doublement exemplaire : exemplaire d'abord de la volonté des marchés financiers de lui imposer - jusqu'à la mise sous tutelle - leur politique ; exemplaire aussi des oppositions qu'une telle volonté peut partout soulever, mais n'a soulevées nulle part ailleurs mieux qu'en Grèce. Exemplaire, la Grèce n'est donc pas seule présente dans ce livre. De sa situation, dit Badiou, "on peut assurément dire qu'elle cristallise plusieurs des contradictions fondamentales qui sont les nôtres, en Europe d'abord, sans doute, mais finalement dans le monde tel qu'il est, le monde livré à l'anarchie autoritaire du capitalisme". C'est du capitalisme et de ses menées proprement impériales qu'il y est essentiellement question : en Grèce, c'est le point de départ, en Europe, avec et après elle ; en Afrique surtout. Menées de "désorganisation plutôt que de colonisation" auxquelles Badiou donne le nom de politiques de "zonage", qu'il définit ainsi : "pratiques impériales qui ne consistent pas à occuper des pays, à les coloniser, à en extraire tout ce qu'on peut en extraire et à se heurter ensuite éventuellement à des résistances nationales, à des luttes de libération nationales [...] mais à créer de zones où finalement les Etats sont affaiblis, où les territoires sont dépecés, où se créent des enclaves sous la juridiction d'armées privées". Pour encourageante qu'ait été la politique d'opposition des Grecs eux-mêmes à l'hégémonie des marchés financiers, et, après eux, de l'Europe qu'ils se sont assujettie, Badiou n'élude aucune de ses limites. Ainsi conduit-il une analyse acérée, sans concession, du spontanéisme des politiques mouvementistes, quelque sympathie qu'elles suscitent a priori, lesquelles, dit-il, "n'ont strictement aucun autre effet que de souder provisoirement le mouvement dans la faiblesse négative de ses affects ; [...] qui peuvent en effet obtenir un résultat, mais nullement construire la politique de ce résultat, comme on le voit aujourd'hui en Egypte comme en Tunisie". Il revient en effet à toute opposition actuelle, s'inspirant des politiques d'émancipation passées, et se réappropriant ce que Badiou a théorisé sous le titre de l'hypothèse communiste, de se constituer a minima suivant ce qu'il appelle ici des "maximes d'orientation" : l'idée égalitaire, le dépérissement de l'Etat et l'organisation d'un travail indivisé. La victoire de la gauche radicale grecque s'en est-elle assez inspiré ? Pas, sans doute. Alain Badiou médite ainsi pour finir sur le destin intellectuel de l'alternance politique grecque.

09/2016

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Histoire de France

Des étrangers antifascistes à Marseille (1940-1944). Hommage au consul du Mexique Gilberto Bosques

Un recueil de documents et de témoignages inédits sur la résistance au fascisme et au nazisme en Provence pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les étrangers antifascistes, antinazis et républicains chassés de leur pays par les dictatures, furent très nombreux en Provence et à Marseille. Parmi eux il en est qui ont mené combat contre le fascisme et le nazisme sur le sol méridional, jouant un rôle non négligeable dans la lutte contre l'occupant. Tous ont trouvé en Gilberto Bosques Saldivar (1892-1995), consul du Mexique en France et vétéran de la révolution mexicaine, un appui indéfectible. L'ouvrage, qui fait suite à une journée organisée le 11 octobre 2013 aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (dans le cadre du colloque "La culture de l'Europe en exil, Marseille, 1940-1944"), présente quatre cas emblématiques, au travers de témoignages. Tout d'abord, celui de la jeune résistante autrichienne Mélanie Berger (née en 1921) qui, avec son groupe, oeuvrait à la démoralisation des troupes allemandes. Arrêtée par la police de Vichy, lourdement condamnée par les juridictions d'exception de l'Etat français, incarcérée dans la prison des Baumettes, elle parvint toutefois à s'évader et à reprendre le combat. Les mineurs espagnols de Meyreuil offrent un autre exemple d'engagement. Ces immigrés républicains faisaient partie du 6e GTE (groupe de travailleurs étrangers), structure crée par l'Etat français dans un but répressif et pour pallier au manque de main-d'oeuvre. Ils s'organisèrent pour survivre, mais aussi, clandestinement, pour mener grèves et actions collectives. Leurs enfants, qui ont effectué un important travail de collecte de témoignages et de documents, évoquent ici leur vie à Meyreuil. Le jeune communiste italien Giuliano Pajetta fut parmi les bénéficiaires d'un visa délivré par le consul du Mexique. Mais il choisit de ne pas partir pour les Amériques, s'évada du camp des Milles, relança l'action de son parti en Provence. Combattant en Italie, déporté à Mauthausen, il échappa à la mort. Sa fille Elvira, retrace son itinéraire de résistant, en Espagne, en France et dans son pays natal. Une part importante de l'ouvrage est consacrée à Gilberto Bosques Saldivar, consul général du Mexique à Marseille et à son rôle essentiel dans le sauvetage de centaines de républicains espagnols, de combattants des brigades internationales et "d'indésirables", qu'il a pu faire partir pour le Mexique. Les deux filles du consul Bosques, Laura et Maria-Teresa, portent témoignage de son action, mais aussi de leur enfance à Marseille. Enfin, Gérard Malgat, auteur d'un important ouvrage sur Gilberto Bosques, apporte l'éclairage du biographe. L'ouvrage est richement illustré grâce aux archives familiales et personnelles des témoins.

03/2014

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Histoire internationale

L'extraordinaire destin de Milda Bulle, une pasionaria rouge

Milda Bulle fut une figure de la révolution russe et des débuts du régime soviétique. Partie de Lettonie, militante, combattante, gradée, décorée, apparatchik du parti communiste à Moscou, féministe, oratrice, auteure de livres de propagande, promotrice de la culture, elle fut, en 1938, victime des purges staliniennes. Le drame d'une militante prise au piège de sa fidélité. Aujourd'hui bien oubliée, Milda Bulle (prononcer "Boulé") fut pourtant une des figures exceptionnelles de la révolution d'Octobre et des débuts du régime soviétique. Partie d'un hameau de Courlande, en Lettonie, devenue militante, puis combattante, armes à la main, lors de la guerre civile dans le Caucase, passée par l'Iran pour y enfiévrer une révolution, gradée (elle fut l'une des premières à porter le titre de kombrig, équivalent à général de brigade), décorée, apparatchik dans les organes du pouvoir à Moscou, féministe, oratrice, auteure d'ouvrages de propagande, promotrice de la culture, de deux théâtres et d'un opéra dans la république de Bachkirie (entre Volga et monts d'Oural), Milda fut, en 1938, victime des purges staliniennes. Pourquoi s'intéresser à Milda, pasionaria rouge ? Son histoire, fascinante par bien des aspects, ne s'inscrit pas dans la lignée des récits biographiques habituels. Elle n'est pas une personne célèbre, ancrée dans la mémoire de ses "pays" et descendants, dont les exploits ont laissé de nombreux témoignages. Elle n'est pas non plus l'une de ces anonymes, à l'existence banale, dont le parcours sans relief révèle l'air du temps, un quotidien toujours si difficile à saisir ? S'agirait-il encore d'un personnage émouvant dont on pourrait suivre avec empathie les accidents de l'existence ? La vie de Milda est tumultueuse, ponctuée de hauts et de bas. Ce que nous savons d'elle par les documents ou les renseignements divers nous informe beaucoup plus sur les soubresauts de l'histoire que sur la platitude du quotidien. Son enthousiasme pour une cause et son engagement corps et âme, au seuil de sa vie adulte, pour un monde meilleur, jusqu'à son glissement dans une dérive totalitaire qui finit par se retourner contre elle et la broyer. La trajectoire et la fin tragique de Milda suscitent l'admiration et la compassion. Mais sa docilité et son allégeance au pouvoir soviétique, son "suivisme" tapageur, n'entraînent en rien l'adhésion. Le drame d'une militante prise au piège de sa fidélité. L'auteur, ethnologue spécialiste de l'Iran, a "rencontré" Milda de manière incongrue au cours de ses recherches et ne l'a plus lâchée. Il retrace ici, avec beaucoup de précision et non sans humour, son fabuleux destin. Le livre est aussi un passionnant carnet d'enquête. Christian Bromberger raconte toutes les étapes de sa recherche sur ce personnage méconnu et médite sur les raisons de son oubli.

12/2018

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Sciences politiques

Violence politique au Pérou 1980-2000, Sentier lumineux contre l'Etat et la société. Essai d'anthropologie politique de la violence

La question de la violence politique reste encore sous-étudiée en histoire, en anthropologie et dans les autres disciplines humaines et sociales. Dans ce livre, qui a largement puisé dans les données recueillies par la Commission de la Vérité et de la Réconciliation (CVR), dans les travaux d'Alberto Flores Galindo et de Carlos Ivan Degregori, mais aussi de Primo Levi, de Hannah Arendt, de Tzvetan Todorov et de Françoise Héritier, Mariella Villasante avance que le Pérou a traversé une guerre civile qui ne veut pas dire son nom. Entre 1980 et 2000, dans les régions andines du centre et du sud, et de l'Amazonie centrale, les populations se sont divisées en deux camps ennemis, pour et contre la subversion armée déclenchée par le Parti communiste du Pérou, Sentier Lumineux (PCP-SL), qui luttait contre l'Etat et la société. Pour autant, cette guerre ne fut en aucun cas une "guerre ethnique". Les gouvernements civils accordèrent un pouvoir total aux militaires pour arrêter la subversion, et les territoires soumis à l'état d'urgence furent régis par la loi martiale entre 1982 et 2000. Du coup d'Etat de Fujimori, avec l'appui des Forces armées, le 5 avril 1992, jusqu'en novembre 2000, date de sa destitution, le Pérou fut gouverné par une junte civilo-militaire. La répression militaire fut excessivement brutale et aussi barbare que les méthodes terroristes du PCP-SL, d'une violence inutile et d'une cruauté extrême. Selon la CVR, la guerre interne péruvienne fit au moins 70 000 morts. Et plus de 6 000 Indiens Ashaninka sont morts dans des camps d'internement sendéristes. Une réalité encore peu connue au Pérou et dans le monde. En septembre 1992, la capture d'Abimael Guzman, chef historique du Sentier Lumineux, marqua le début du déclin de la guerre civile. Les actions armées ont continué jusqu'aux années 1998-2000, puis elles se concentrèrent dans la vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro (VRAEM), où elles se poursuivent de nos jours. La guerre péruvienne présente des traits singuliers en Amérique latine, différents des dictatures (Argentine, Chili), et des guerres civiles de l'Amérique centrale. Elle se rapproche cependant de la guerre au Guatemala, et du cas de la Colombie qui combine subversion et trafic de drogue. Le recrutement par le PCP-SL de jeunes, pauvres, déracinés, abandonnés par l'Etat et en quête d'une "cause", fut semblable à celui qui a cours dans les groupes islamistes de la mouvance d'Al-Qaeda ou, plus récemment, de l'Etat Islamique (Syrie et Irak). Cette guerre présente également des similitudes avec la guerre civile en Algérie dans les années 1990. Toutes ces comparaisons sont abordées à la fin de l'ouvrage.

04/2016

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Sciences politiques

Crise de l'ordre et pandémie séculaire

En quel sens peut-on parler de "crise de l'ordre" , en tant que crise de l'équilibre mondial entre les puissances et des institutions et alliances qui le représentent ? La question, c'est la Chine. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale impérialiste, il n'y a jamais eu une puissance ascendante unique, ou du moins qui ne soit pas insérée dans le système d'alliances dominant, ayant une force économique comparable à celle de la première puissance, les Etats-Unis, et voulant accompagner sa montée en puissance par la construction d'une force militaire comparable. [... ] La crise de l'ordre : la crise de l'équilibre entre les puissances, provoquée par le changement colossal des rapports de force entraîné par l'irruption de la Chine. C'est le début d'une nouvelle saison de l'interventionnisme et du capitalisme d'Etat, car il faut répondre aux grands groupes chinois en Europe et aux Etats-Unis, sur le terrain des hautes technologies et de la bataille électrique et numérique. C'est aussi un cycle de réarmement, déclenché par les plans de Pékin pour une force militaire "de classe mondiale" dans les quinze prochaines années et alimenté en conséquence par la réaction des autres puissances. Il y a une conclusion à méditer : un fait crucial est que la crise de l'ordre et ses luttes mondiales ébranlent et mobilisent en même temps l'idéologie dominante. Dans les vieilles puissances, le déclin atlantique a montré la "fragilité" de l'idéologie libérale face au défi de l'Asie ; à Pékin, la bataille pour un nouvel ordre dans lequel la Chine serait reconnue se revêt des mythes nationalistes d'un impérialisme montant. De nouveaux venins de la mobilisation impérialiste se répandent, dans un crescendo quotidien, dans les vieilles et nouvelles puissances. Voilà pourquoi nous avons continué à étudier, ces dernières années, le développement et les contradictions de l'impérialisme unitaire. L'irruption de l'Asie est une confirmation scientifique extraordinaire pour la science marxiste, qui part des thèses de Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste, passe par la stratégie révolutionnaire de Lénine et est restaurée dans les "Thèses de 1957" d'Arrigo Cervetto. Cependant, cette victoire scientifique serait stérile si elle restait repliée sur elle-même, si elle ne devenait pas une arme pour la défense de classe : ces nouveaux venins de l'idéologie dominante doivent être compris pour être combattus. Chaque crise, chaque guerre, chaque collision sociale est devenue le front d'une bataille internationaliste ; récemment, la lutte contre la pandémie séculaire a révélé des énergies inattendues, disponibles à réfléchir sur les contradictions de classe que le virus a également mises à jour.

10/2021

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témoignages personnels

16 ans, résistant

Le lendemain de la rafle du Vel d'Hiv. , le 17 juillet 1942, alors qu'il allait rentrer dans l'épicerie familiale, Robert Birenbaum, jeune Français juif de bientôt 16 ans (ses parents sont Français comme lui, bien que nés en Pologne) rencontre sa tante Dora, avenue Secrétan. C'est lui qui raconte : "Elle était jeune, trente-deux ou trente-trois ans, et très belle ; c'était ma tante préférée. Elle me raconta pourquoi mon oncle avait été arrêté et mis en prison. Il était résistant. Sur sa lancée, elle me demanda si elle pouvait avoir confiance en moi. Si je le voulais, elle pouvait me faire entrer en contact avec des jeunes juifs communistes, des résistants. Mais ce devrait être un secret entre nous deux. Jamais je ne devais dire à mes parents qu'elle avait été mon instigatrice. J'acceptais sans hésiter. Elle me fit comprendre en très peu de phrases qu'il était toujours préférable de se battre, de vivre debout et dans la dignité, et de ne pas se coucher devant l'ennemi. Elle avait comme son mari un poste de responsable au sein du MOI (Mouvement Ouvrier Immigré) et me donna tout de suite un rendez-vous avec un camarade de la Jeunesse communiste. C'est ainsi que j'entrai dans la Résistance, le 17 juillet 1942". Le 18 juin 2023, le même Robert Birenbaum reçoit - enfin - des mains du Président Emmanuel Macron, la Légion d'honneur au Mont Valérien, après s'être recueilli dans la clairière où reposent nombre de ses camarades de résistance. 81 ans après avoir pris sans s'en rendre compte la décision la plus importante de sa vie... Le 21 février 2024, le couple Manouchian sera rapatrié au Panthéon. Les Manouchian, c'est l'Affiche rouge du nom de l'affiche placardée dans tout le pays par les nazis qui recherchaient ces résistants. Arrêtés, les 22 hommes membres de l'Affiche Rouge, ces Francs-Tireurs Partisans de la MOI, seront fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Olga Bancic, seule femme du groupe, sera décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart. Robert Birenbaum, malgré son très jeune âge, fit partie de 1942 à 1944 (sous le pseudo de "Guy") de ceux qui recrutaient justement ces résistants FTP MOI. Triste ironie de l'Histoire, il devait intégrer ces FTP lorsque les membres de l'Affiche rouge furent pris. Son livre raconte à la première personne ses deux années incroyables au cours desquelles, avec d'autres jeunes gens, français et étrangers, juifs, communistes, parfois de simples adolescents comme lui, ils tinrent en respect collabos et nazis dans Paris et ses alentours. Lancers de tracts, vols d'armes, de machines à écrire, planques, attentats, sabotages et arrestations...

02/2024

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Histoire de France

Ces Alsaciens qui ont infiltré Vichy

Les ouvrages historiques n'ont pas manqué sur la brutalité de l'annexion de l'Alsace-Lorraine par le Ille Reich, le drame des Malgré-nous, le Struthof, la Résistance alsacienne, les combats de la Libération, les compromissions des "autonomistes"... Avec cet ouvrage, Jean-Claude Streicher revient une nouvelle fois sur l'autre versant de cette période, très, très rarement abordé : la relation alsacienne avec l'Etat français et Vichy. Elle avait une importance qu'on n'imagine pas. Le 1er octobre 1943, la direction vichyssoise des réfugiés avait en effet estimé à 142 472 le nombre des Alsaciens et Lorrains réfugiés en zone sud, à 24 659 ceux de la zone nord. Il s'y ajoutait 50 à 60 000 évacués de septembre 1939 non rentrés en Alsace ; plus 45 à 50 000 expulsés alsaciens et 90 000 expulsés de Moselle. Soit au total de 352 135 à 367 135 personnes pour les trois départements. Dix parlementaires alsaciens, sur les 16 qui avaient voté le 10 juillet 19401es pleins pouvoirs constitutionnels à Pétain, étaient de plus restés en zone libre. Cette diaspora a continué de profiter des institutions mises en place par la Ille République lors de l'évacuation de septembre 1939. Elle avait des intérêts matériels à défendre et vivait de l'espoir de revenir dans ses foyers libérés des Allemands. Espoir que les autorités vichyssoises ne négligeait pas d'entretenir, mais le plus discrètement possible, afin de ne pas réveiller la fureur de l'occupant. Ces intérêts matériels et moraux avaient leurs défenseurs - Alsaciens - à la périphérie et jusque dans le coeur de l'appareil d'Etat pétainiste. Ce livre remonte patiemment le fil de ces réseaux d'influence que le régime ne traquait pas, bien au contraire, puisqu'il tenait à leur marquer sa fidélité française. On découvre ainsi que ceux qui purent se hisser aux plus hautes fonctions (chefs de cabinet, de services ou préfets...) se connaissaient dès avant la guerre, notamment pour avoir combattu ensemble en Alsace par la presse et l'action politique l'autonomisme, le communisme et la germanophilie. Ils étaient maréchalistes avant l'heure, catholiques nationaux, Engagés volontaires de la Grande Guerre, Action française, Camelots du roi ou Cagoulards... Mais nullement collaborationnistes, façon Darnand, Déat ou Doriot. La grande révélation de cet ouvrage est que le concepteur de la francisque gallique, le capitaine Robert Ehret, était lui-même d'origine alsacienne, preuve généalogique à l'appui. C'est aussi le premier travail à apporter toute la lumière sur les déplacements très controversés à Vichy du député clérical autonomiste de Colmar, Joseph Rossé. Il éclaire par ailleurs des figures moins pétainistes (Alfred Gaessler, Schiesslé, Eugène Schueller...) pour mieux faire ressortir la diversité des engagements de ce temps. Marc Bloch, François-Georges Dreyfus, René Hirschler et Isaïe Schwartz, enfin, illustrent, le cas bien plus tragique des Juifs d'Alsace qui ont eux aussi été en contact direct avec l'Etat vichyssois, le dernier d'entre eux, grand rabbin de France, ayant même eu deux entretiens avec le Maréchal pour tenter de freiner Ies persécutions Comme à son habitude, Jean-Claude Streicher réalise ici un travail pionnier, factuel, très documenté, bien sourcé, se gardant de toute extrapolation à prétention psycho-psychanalytique.

10/2018

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Littérature française

Sonia, marin-pécheur. Inspiré d'une histoire vraie

L'histoire vécue, la vie de la 1ère femme marin-pêcheur de France. Je ne me reconnais plus. Est-ce à moi, ce visage tanné ? Ces mains gonflées qui couraient autrefois, légères, sur le piano ? Ce bleu de marin, ces bottes, ces cheveux courts ? La femme d'antan a disparu. Une autre est née, sculptée par l'océan. A haler les funes, j'ai des épaules trapues. A épouser le roulis, des reins musclés et douloureux. Quand je rentre auprès de mes enfants, suis-je autre chose qu'un marin harassé, pressé d'oublier, dans un sommeil rapide, un travail épuisant ? Pourtant, grâce à moi, ils ne manquent de rien. Durant mon absence, une femme de confiance veille sur eux. Je leur assure honnêtement, virilement, la subsistance qu'ils ne peuvent plus attendre que de moi. Qu'importent mes transformations inévitables, celles de mon foyer ! Le résultat est encourageant. Et ce métier m'a tant donné ! A l'échelle de l'océan, les soucis terrestres semblent amoindris ; j'ai compris la valeur de la contemplation, le pouvoir de la volonté de l'esprit sur la matière, la précarité de notre condition humaine. Mais pour étancher cette soif de pureté que seuls nous procurent les horizons infinis ou les cimes, que de souffrances, que de révoltes ! Moquée des marins qui méprisent ma faiblesse physique, oubliée de mes amies qui prennent mon métier pour une déchéance, je me sens de plus en plus incomprise, de plus en plus " engagée " dans l'expérience enivrante de la mer. Enivrante et souvent pathétique. Sonia est née à Saigon, d'un père russe issu d'une famille de grande noblesse dépouillée et ruinée par l'arrivée des révolutionnaires. Mariée à un officier de marine décédé, elle aboutit à Royan. Sonia avait deux buts dans la vie : récupérer les terres de sa famille (encore sous le régime communiste ! ) et sa passion pour la mer qui lui fit lutter pour que les femmes puissent naviguer avec les mêmes droits que les hommes, chose impossible en France à cause de la loi Colbert dans les années 60. C'est cette dernière volonté qui lui vaut de figurer parmi les personnages importants de Royan. Douée d'un tempérament à la Russe, d'une solide constitution et d'une remarquable intelligence ainsi que d'une grande culture, elle avait ainsi tous les atouts qui lui permirent de réussir. Son but était que les femmes puissent bénéficier des mêmes droits que les hommes sur un bateau c'est-à-dire d'être légalement inscrites sur le rôle d'équipage, ce qui leur apporterait salaire, sécurité sociale et retraite au même titre qu'eux. Elle finit par vaincre à elle seule et à surmonter tous les obstacles en utilisant un biais que personne n'anticipa. Elle obtint de se faire légalement inscrire non comme marin mais comme mécanicien de la marine. Elle pouvait alors être inscrite sur le rôle d'équipage. Colbert était vaincu !

02/2021

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Histoire de France

Jadis, d'une guerre à l'autre (1914-1936). Tome 1, 1914-1934

La réédition de Jadis – D'une guerre à l'autre d'Edouard Herriot, c'est l'envie de faire découvrir un homme et son époque. Cette période de l'entre-deux-guerres vit l'apogée du Radicalisme, la doctrine de ceux qui revendiquaient l'héritage de la Révolution de 1789, la défense du suffrage universel, l'attachement à la démocratie et l'enseignement laïque, valeurs dont Herriot se réclamait. Jadis, c'est une chronique qui débute en 1914, au début de la Première Guerre mondiale et qui se termine en janvier?1936, à la veille du Front populaire et du déclenchement de la guerre civile espagnole. Elle nous plonge au coeur des événements locaux avec Lyon, ville pour laquelle Herriot ressentait un profond attachement et dont il sera le maire pendant plus de cinquante ans? ; mais aussi nationaux car, en tant que responsable de premier plan, il évoque ses engagements et les combats politiques parfois féroces qu'il mena au plus haut niveau de l'Etat. Contrairement à beaucoup d'hommes d'Etat français, la vision politique d'Herriot n'est pas purement hexagonale. Il voyage beaucoup et rencontre de nombreux dirigeants étrangers. De plus, il possède un sens de la géopolitique digne d'un Richelieu. Dès les années 20, il est conscient du danger­ allemand à venir. Dans un but d'apaisement, il est favorable à une certaine modération vis-à-vis de l'Allemagne sur le plan des réparations financières, pour dans le même temps, rechercher une alliance militaire de revers avec la Russie communiste. Dans les années 30, il ne tombe pas dans le piège du pacifisme et refuse les accords de Munich en prônant une politique de fermeté face à Hitler. A travers ses écrits, il nous met dans la confidence et nous livre ses analyses et ses sentiments sans fioriture, ce qui donne à son récit vie et spontanéité. Mais au-delà du plaisir de la lecture, ce professeur agrégé sait susciter en nous un grand besoin de connaissance. Cet homme d'exception aura marqué son temps, d'ailleurs Georges Clemenceau disait de lui "?Le Vésuve se borne souvent à fumer sa pipe comme Herriot, tout en ayant sur celui-ci l'avantage de se faire parfois oublier?". De son côté Herriot n'était pas en manque d'humour ni de lucidité, il prétendait qu'"?Une vérité est un mensonge qui a longtemps servi.?" Créativité et imagination étaient les maîtres mots de cet homme politique de grande culture. La préface de cet ouvrage a été rédigée par M. Gérard Collomb, homme d'Etat et maire de la bonne ville de Lyon. Cet ouvrage est une édition augmentée, y figure de très nombreuses notes en bas de page ainsi que des encadrés ne figurant pas dans l'édition d'origine et qui fournissent de substantiels compléments d'information.

08/2019

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Revues

L'année Céline 2021

L'Année Céline est devenue au fil du temps la plus importante revue consacrée en France à un écrivain moderne. Elle n'est disponible qu'en volumes cousus et non coupés, telles que sont parues de son vivant toutes les oeuvres de Céline. Le 32e volume de L'Année Céline vient de paraître. Il compte 400 pages abondamment illustrées, réparties, selon la présentation établie de longue date, entre les textes retrouvés de Céline, les études, les documents et la chronique bibliographique de l'année. Sont présentées 38 lettres inédites de Céline, parmi lesquelles une correspondance jusqu'à présent totalement inconnue avec la danseuse russe Marie Tchernova (1936-1941), une carte postale envoyée à son oncle par le jeune Louis Destouches dès son arrivée à Diepholz (1907) où il sera scolarisé pendant un an, une lettre à l'inattendu Charles Vildrac (1936), ainsi que des lettres retrouvées adressées à son avocat Mikkelsen, à son ami Daragnès, à Paul Marteau, ou à Georges Geoffroy... Ce dernier, qui avait partagé la vie de Destouches à Londres en 1915, est l'objet d'une étude de Gaël Richard qui apporte des précisions sur la vie quotidienne des deux jeunes gens, transposée dans Londres (à paraître à l'automne) et Guignol's band. Parmi les dédicaces retrouvées en 2021, figure en belle place une série de six, s'échelonnant de 1934 à 1957, destinées à Marie Bell, l'une étant enrichie d'une caricature de l'actrice reproduite ici en couverture. Une importante série de lettres de tiers, autour du procès de février 1950, apporte maintes précisions sur la préparation de la défense de Céline par Albert Naud ; la correspondance entre Pierre Monnier et Albert Paraz, dont la première partie avait été publiée en 2020, livre des précisions sur l'aventure de "Frédéric Chambriand" , éditeur de Céline de 1948 à 1951 et principal acteur de son entrée chez Gallimard, qui devient dès le retour de Céline en France maître d'oeuvre de l'édition complète, et plus que complète avec les récentes découvertes de manuscrits perdus dont il sera rendu compte dans L'Année Céline 2022, du prosateur français majeur du XXe siècle. Yoann Loisel revient sur "le traumatisme de la grande guerre" , à partir de l'analyse du "document- diagnostic" établi en mars 1915, qui permet de mieux appréhender comment la violence de la guerre a transformé le jeune soldat et les répercussions sur toute la vie de Céline et sur toute son oeuvre. Eric Mazet poursuit son exploration des mentions de Céline dans la presse de son époque : ici, dans la presse communiste (le quotidien Ce Soir et Franc-tireur, qui font preuve entre 1937 et 1950 d'une hargne particulière contre l'écrivain). En 2021, le ton et la méthode ont changé, mais non les intentions malveillantes. En témoigne l'émission télévisuelle "Céline : les derniers secrets" , dont Jean-Luc Germain démonte "la mise en scène tapageuse" , digne d'une "téléréalité" , indigne de la littérature.

06/2022

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Littérature étrangère

Les vies parallèles

Les Vies parallèles débute le 28 juin 1883 - date de la nouvelle de la folie de Mihai Eminescu - et s'achève à sa mort, le 15 juin 1889 : deux dates enregistrées dans la mémoire collective qui consolident et renforcent le mythe du poète national roumain. Car il s'agit bien du mythe de Mihai Eminescu, le poète "absolu", celui dont la vie et l'oeuvre n'ont jamais cessé d'alimenter sa propre légende. La vie du poète, son sacrifice pour l'oeuvre littéraire et pour l'amour sont devenus un matériel de propagande pour les divers régimes politiques. D'abus en abus, Eminescu a été revendiqué et manipulé pour légitimer ou soutenir diverses causes et intérêts politiques, moraux ou intellectuels de la postérité. Il est intéressant de remarquer que sa pensée, à l'origine conservatrice va être récupérée par les extrêmes : de la droite (déformée dans le sens racial par l'extrême droite des années 1930) à la gauche (déformée dans le sens prolétaire, social, par le pouvoir stalinien des années 1950-1960), pour devenir nationaliste (dans le sens de la propagande patriotique nationaliste de Ceausescu). Mihai Eminescu est considéré comme le plus grand poète roumain, comparé à Hölderlin, Lenau, Lermontov ou Leopardi. Sa vie et son oeuvre sont connus par chaque écolier, par chaque lecteur roumain ; toute personne est capable de réciter un vers du poète. A la création du mythe ont contribué son aura de poète romantique ainsi que sa fin tragique dans un asile de fous. De ce point de vue, le poète roumain a de nombreuses affinités avec les grands romantiques européens, le romantisme étant le courant littéraire qui a imposé dans la conscience européenne l'image du génie malheureux. Ses amours avec Veronica Micle, un des personnages clé de ce roman font partie d'une sorte de "patrimoine national". Dans cette "fiction documentaire" d'une extraordinaire richesse, Florina Ilis reconstitue la dernière partie de la vie de Mihai Eminescu, et même au-delà, c'est-à-dire cent cinquante ans d'existence du mythe. Car la vie, la maladie et la mort du poète continuent encore d'être des sujets de dispute : A-t-il été un génie ? A-t-il aimé ? Etait-il réellement fou ou y-avait-il une grande conspiration ? Florina Ilis s'emploie à la démystification du culte du poète national. Elle superpose sur les épisodes de la vie d'Eminescu, des voyages dans le temps qui troublent les rapports temporels. Le lecteur découvre ainsi le projet de la Securitate et le dossier "Le poète national", ouvert afin de corriger, dans la perspective du glorieux présent communiste, l'image du poète, récupéré par le précédent régime. Des agents de la Securitate se retrouvent infiltrés dans le temps et dans la vie du poète et ils seront chargés d'observer et d'intervenir si nécessaire dans le cours des événements : un voisin de chambre d'Eminescu dans un sanatorium viennois ou une jeune femme téléportée comme infirmière au même endroit, etc.

01/2015

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Littérature française

Dîner de gala. L'étonnante aventure des Brigands Justiciers et de l'Empire du Milieu

Ce livre raconte les aventures, dans la première moitié du XXe siècle, de la cohorte des Bandits Justiciers, autrement appelés Redresseurs de Torts ou Brigands Rouges : ainsi nomme-t-on l’Armée des communistes chinois qui triomphera en 1949, après de longs et coûteux combats. Leur chef est un fils de paysans du Hunan, destiné à régner sans partage sur le Parti puis sur la Chine. Quand le récit commence, le pays est déchiré par la guerre civile. Les puissances étrangères – France, Angleterre…, mais surtout l’envahisseur japonais – se disputent les dépouilles de l’Empire, tandis que le Kuomintang de Tchang Kaï-Chek tente de prendre le pouvoir, luttant à la fois contre les étrangers et contre ses rivaux communistes. Mao s’impose d’abord dans un petit fief reculé des montagnes. Il construit patiemment l’Armée Rouge avec quelques comparses et, tout en combattant les Japonais, parvient à repousser quatre campagnes successives de Tchang Kaï-Chek. La cinquième campagne sera terrible : le Kuomintang engage un million d’hommes, et l’Armée Rouge doit fuir, harcelée par les nationalistes et par les habitants des régions traversées, minée par des rivalités intérieures. La Longue Marche, d’octobre 1934 à octobre 1935, voit le corps d’armée dirigé par Mao perdre près de cent mille hommes sur cent trente, avant de trouver refuge dans une zone communiste stable. Ce désastre sera plus tard transformé par le Président-poète en triomphe légendaire. Mao, qui a appris des Soviétiques la pratique des purges, assoit son emprise sur le Parti. En 1949, il proclame l’avènement de la République populaire de Chine. Viendront ensuite les épisodes terribles des Cent Fleurs, du Grand Bond en avant et de la Révolution Culturelle... Cette épopée cruelle et picaresque nous est racontée sous la forme d’un récit d’aventures à la façon de Au bord de l’eau. Les personnages ont nom Tête-de-Fouine, Petit-Chien dit Rouge- Vertu, Liu-Gros-Nez, le Mandarin-Versatile, le Dragon- Borgne, l’Ours-Téméraire ou Deuxième-Couteau. Le ton, plein d’ironie narquoise, n’est pas celui du récit historique, bien que l’auteur s’appuie sur une documentation extraordinairement précise, jusque dans le moindre détail de la vie quotidienne de ces combattants légendaires : il n’y manque pas une sandale à semelle de paille ni une écuelle de porc au piment. Le récit est à la fois pétillant d’humour et nourri d’une quantité d’anecdotes souvent affreuses ("La Révolution n’est pas un dîner de gala", faisait observer le grand Timonier). Philippe Videlier confirme, avec ce livre, l’invention d’un genre : le conte historique, genre qu’il avait déjà expérimenté dans ses ouvrages précédents. Le résultat est saisissant d’intelligence, et l’humour grinçant qui baigne le texte replace l’atrocité des faits dans le grand manège de l’histoire des hommes, avec sa musique lancinante.

09/2012

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Histoire internationale

La Birmanie ou la quête de l'unité. Le problème de la cohésion nationale dans la Birmanie contemporaine et sa perspective historique

Le temps paraît révolu où les pays du tiers-monde devaient être étudiés avant tout par référence au processus de décolonisation. C'est en particulier le cas de la Birmanie pour qui l'ère post-coloniale a déjà duré plus de trente ans - une période suffisamment longue pour que se manifestent des problèmes qui n'ont pas nécessairement, ou pas uniquement leurs racines dans l'époque où le pays était soumis à une domination occidentale, et qui sont parfois des problèmes très anciens dans la mesure où ils ne diffèrent pas fondamentalement de ceux que la Birmanie avait connus avant de perdre sa souveraineté... Chapitre premier - La diversité ethnique et culturelle I - Birmans et minorités non-birmanes II - Le cas de l'Arakan Chapitre II - Le problème de l'assimilation aux Birmans I. Les indiens et les chinois II. Les minorités autochtones Chapitre III - Le problème historique de l'hétérogénéité ethnique en Birmanie : A) Les précédents de l'ère précoloniale I - La lutte séculaire entre Birmans et Môns II - Les relations entre Shans et Birmans Chapitre IV - Le problème historique de l'hétérogénéité ethnique en Birmanie : B) Les effets de la colonisation britannique I - Les origines du problème moderne des minorités non birmanes II - Les effets de la deuxième guerre mondiale sur les problèmes karen et arakanais Chapitre V - La constitution de 1947 et la réaction des minorités ethniques I - La Constitution pseudo-fédérale de 1947 II - Les minorités ethniques face à la Constitution Chapitre VI - La division des Birmans I - La dislocation de l'A. F. P. F. L II - De la prise du pouvoir intérimaire au coup d'Etat du 2 mars 1962 Chapitre VII - La reconstitution de l'Etat et de la société sous le régime de transition I - L'armée, épine dorsale du pays II - Le nouveau régime et ses textes fondamentaux III - La mise en place du système socialiste Chapitre VIII - La Constitution de 1974 I - L'élaboration de la Constitution II - Les dispositions de la Constitution et leur mise en oeuvre Chapitre IX - Bilan économique du régime militaire I - Les réalisations du régime Ne Win II - Les raisons et les conséquences de l'échec initial III - Vers un nouveau départ ? Chapitre X - L'échec de la tentative de rétablissement de la paix I - Les résultats limités de la manière forte (avril 1962 - avril 1963) II - L'offre d'amnistie et la faillite des négociations (avril 1963 - avril 1964) Chapitre XI - La crise du régime birman I - U Nu ou la tentative de restauration de la démocratie parlementaire II - Les contradictions de la tentative de U Nu III - Les crises politiques de 1974 - 1977 Chapitre XII - Les rébellions ethniques sous Ne Win I - Le problème de l'opium II - Les tentatives d'organisation des minorités ethniques III - La réaction du gouvernement Chapitre XIII - L'évolution de la rébellion communiste et les rapports entre Rangoon et Pékin I - De l'opposition idéologique à la tentative d'encadrement des rébe

01/1985

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Critique littéraire

Correspondance 1928-1968

En 1928, un autodidacte de 28 ans adresse à La NRF le manuscrit d'un roman, Zig-Zag. L'auteur, abandonné par son père, a couru les rues d'une très vieille ville du Midi pour y épier la vie et l'amour, a perdu sa mère à 12 ans et a dû faire toutes sortes de petits métiers pour survivre. Il est passé aussi par le syndicalisme, le Parti communiste et vient de faire son entrée à Monde, hebdomadaire de gauche dirigé par Henri Barbusse... "Considérez-vous comme accueilli à la NRF", lui répond d'emblée Jean Paulhan. Il est vrai que Jean Paulhan et Marc Bernard sont nés à Nîmes à seize ans de distance : 1884 et 1900. Le premier, dès 12 ans, a été emmené vers Paris par son père, bibliothécaire et philosophe, et ne retrouve le Gard de son enfance que de loin en loin. Le second est presque prisonnier de sa ville natale, vers où les difficultés matérielles, les contraintes de l'Histoire, mais aussi le goût de la vie simple le font toujours revenir : même après ses prix Interallié en 1934 (Anny), Goncourt en 1942 (Pareils à des enfants), Marc Bernard garde en ligne de mire les Nîmois, dont il observe les ambitions et les illusions (Les Exilés, 1939 ; La Cendre, 1949 ; Une journée toute simple, 1950). A Paulhan qui lui avoue "Je donnerais cher pour qu'il y ait beaucoup de révolutionnaires comme toi", il ne cache guère certaines conversions radicales : "Je crois qu'il faut en finir avec ce chantage sentimental sur la Russie. Il ne leur reste plus qu'à accumuler toutes les saloperies possibles et imaginables pour dire ensuite : si vous publiez la moindre ligne contre nous, vous attaquez la révolution". Passent Romain Roland, Henri Calet, Jean Blanzat, Jacques Chardonne, Gaston Gallimard... Viennent Madrid et Barcelone dans les années trente, puis la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle les errements de Bernard sont patiemment raisonnés par Paulhan. Avec sa "bien-aimée" Else, juive autrichienne, Marc Bernard doit se cacher en Limousin, où il se lie avec le photographe Izis : les portraits que celui-ci réalise en 1945 figurent dans ce livre (grâce à son fils, Manuel Bidermanas). "Mon petit Marc", "Mon petit Jean" : c'est ainsi que les deux écrivains s'interpellent encore à 84 ans et 68 huit ans passés. Le plus âgé n'a jamais renoncé à être le conseiller littéraire de l'autre, qui, de son côté, l'a toujours lu avec attention : "C'est terrible, ces grands sujets, écrit Jean Paulhan en janvier 1965. Il me semble que les gens modestes (comme nous) devraient se demander, avant de se lancer : "Mais moi, qu'est-ce que je puis apporter de différent, que je sois seul à dire?" et n'en pas démordre". Toutes leurs lettres n'ont pas été retrouvées, mais les 461 présentées ici montrent la courbe de leur amitié : une amitié différente, et qu'ils ont été les seuls à dire ainsi.

11/2013

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Sciences politiques

Grand Moyen-Orient. Crises et guerres de la nouvelle phase stratégique

Le conflit en Syrie s'enfonce dans l'affrontement entre la Russie et la Turquie, et l'écho des massacres de Paris ne s'est pas encore tu. Avec son fardeau de morts, le terrorisme réactionnaire a frappé une capitale qui s'est affirmée dans l'histoire comme l'intellect politique de l'Europe, mais qui a également mené, durant deux siècles, sa politique méditerranéenne en Afrique du Nord et au Proche-Orient, en concurrence ou en accord, au fil des décennies, avec l'empire britannique, l'empire russe, et les impérialismes italien, allemand et américain. D'autre part, les attentats de Paris sont un fragment de la déflagration au Moyen-Orient, où l'arme terroriste est monnaie courante dans la confrontation régionale. En plus de l'étude du développement capitaliste et des luttes politiques en Turquie, en Iran, au Pakistan et en Arabie saoudite, ce texte recueille le parcours d'analyse qui a accompagné, au cours de ces années, les événements des " printemps arabes " et leur échec dans la confrontation moyen-orientale. Il y a quatre ans, au moment du déclenchement de la crise en Libye, la prévision de ce qui serait arrivée ne fut pas ardue. Nous écrivions : " Au Moyen-Orient, il est presque de règle que les guerres civiles deviennent le point de départ de guerre entre les Etats. " Depuis, quatre conflits, en Libye, au Mali, en Syrie et au Yémen, ont confirmé cette loi de mouvement, réduisant en poussière la rhétorique démocratique qui avait accompagné ces bouleversements politiques. La guerre en Syrie marque la fin des équilibres de balance garantis par la puissance américaine au Moyen-Orient. La Russie refait son entrée dans la région, positionnée aux côté du régime d'Assad, et l'Europe revient à l'initiative politico-militaire, avec l'intervention militaire de la France et du Royaume-Uni, mais également des rôles pour l'Allemagne et l'Italie. En toile de fond, la mutation des liens énergétiques, tout comme celle de la balance globale, impliquent la Chine et l'Inde, et il est impensable qu'une nouvelle configuration régionale ne prenne pas en compte les deux géants asiatiques. Il y a un peu moins d'un an, nous avons écrit que la crise voyait à l'oeuvre les " trafiquants de peur ", celle fabriquée par le " terrorisme réactionnaire " et celle agitée en retour " aussi bien par le populisme xénophobe, pour des calculs électoraux de boutiquier, que par l'européisme impérialiste, ravi de l'occasion d'expérimenter ses idéologies de masse, aussi bien celles de l'Europe forteresse que les mythes revisités du choc des civilisations ". Nous ajoutons que, avec la progression de la crise, la défaite catastrophique de leurs théories et de leurs idéologies précédentes est devenue encore plus éclatante. L'internationalisme communiste est une nécessité. L'ordre scientifique de la théorie marxiste est sans égal.

02/2016

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Ouvrages généraux

Les infortunes contemporaines de la démocratie

Que s'est-il passé depuis le tournant du siècle pour que la démocratie se voit ainsi mise en cause, tant dans les pays occidentaux que dans les cultures extérieures qui auparavant s'en réclamaient comme d'un modèle ? L'histoire tumultueuse de ce régime a-t-elle finalement eu raison de lui ? Les sortilèges mêmes de la démocratie, qui nous l'ont faite appliquer sans retenue dans tous les domaines et dans tous les territoires, l'ont-ils finalement profanée ? Peut-on vouloir la démocratie sans la liberté, et de quelle liberté s'agit-il, selon quels critères peut-on dessiner ses limites ? Faut-il voir dans les démocraties illibérales d'aujourd'hui un nouveau courant anti-moderne ? La technocratie, la gouvernance, le consensus, sont-ils des renforcements de la démocratie ou bien ses nuisances ? Peut-on imaginer des démocraties sans visions du monde, sans croyances, fondées sur le seul pragmatisme, en un mot sans pluralisme ? Avant la saison des Lumières il n'y a pas de démocratie en Europe, elle apparaît en Amérique et en Europe occidentale à partir du tournant du XVIIIe et du XIXe siècles. Le choc culturel est tel qu'il suscite l'écriture de cet ouvrage extraordinaire : La démocratie en Amérique de Tocqueville (1835). Les démocraties européennes, encore censitaires, se développent au long du XIXe siècle. Au XXe siècle, l'époque d'entre-deux guerres connaît une forte critique des démocraties parlementaires, corrompues et déliquescentes. C'est pourquoi monte une justification de la dictature et l'Europe va connaître une floraison de régimes autocratiques pendant les années 30, pendant que le totalitarisme communiste s'étend jusqu'en 1989 sous l'appellation fallacieuse de " démocratie populaire ". En 1983, lorsque Jean-François Revel publie Comment les démocraties finissent, c'est pour prédire la fin des démocraties faibles et complexées devant le totalitarisme arrogant et sans scrupule. Ces autocraties, dictatures ou totalitarismes, laissent derrière elles tant de désastres que la période suivante affiche une grande ferveur démocratique. Les années 1950-2000 sont celles pendant lesquelles il n'est pas permis de nuancer la louange de ce régime. La chute du mur de Berlin en 1989 suscite même chez nombre d'Occidentaux la certitude, présentée par Francis Fukuyama, selon laquelle la démocratie représente le régime de la " fin de l'histoire " : sans suite ni alternative possible, littéralement irremplaçable. Ce qui s'avère être un aveuglement du même ordre que ceux, idéologiques, qu'il vient remplacer. Le tournant du siècle voit les choses changer. Reproches et accusations apparaissent contre la démocratie, plus graves que celles des années 30. Et pour des raisons profondes qui tiennent au déplacement du sacré, la démocratie perd son aura. Nous en sommes là. Chantal Delsol est professeur des universités en philosophie politique, membre de l'Institut de France (Académie des Sciences Morales et Politiques), auteur de livres de philosophie, d'essais, de romans traduits en une quinzaine de langues.

02/2024

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Littérature française

Le silence ne sera qu'un souvenir

Mikluš, le vieux Tsigane, emporte son secret dans sa tombe. Et se repend. Il revoit le petit Dilino, l’idiot, qui jouait du violon pour les gadjé, sur une rive slovaque du Danube, Dilino le souffre-douleur des autres enfants rom. Il est trop tard pour raconter, toute sa vie Mikluš aura été trop lâche et se sera tu. Il est trop tard pour raconter, « s’il suffisait de glisser un erratum sur la dernière page de sa vie pour se réconcilier avec elle, ça se saurait ». Et pourtant. La communauté rom qui vit aux abords de Stupava a traversé les décennies. Du début du XXe siècle jusqu’à la chute du mur de Berlin, alors que les journalistes occidentaux affluent, Mikluš en invective un au hasard, ou tout aussi bien prend à partie le lecteur, l’attrape par le col et lui crache : « Regarde ! » Alors le lecteur regarde, enfin, et découvre « ces crasseux Tsiganes, voleurs de poules et sans savates ». Dilino avec son violon et ses cheveux blonds ne sait pas d’où il vient, ni qui est la Vieille, cette sorcière qui parfois s’occupe de lui. Avant d’être la Vieille, elle était Chnepki. Chnepki avait une si jolie voix, qui enchantait toute la communauté rom. Elle devait son surnom à ce petit oiseau qui ne fait pas d’esbroufe, picore quand il a le temps et passe le plus clair de ses journées à chanter, un oiseau qu’on n’entend plus guère sur cette rive-ci du Danube. Chnepki non plus ne chante plus. Depuis qu’un jour maudit, alors que résonnaient les bottes et fleurissaient les croix gammées, son enfance fut volée. Le père fou de douleur est assassiné. Chnepki n’a plus chanté jusqu’au jour où apparut Lubko, le gadjo à la belle tignasse blonde. Avec ses gouges et son violon, il a égayé la communauté au rythme de sa musique et de la danse de ses marionnettes sculptées. Mais le mal était entré. Et le régime communiste,par ses méthodes expéditives et discriminatoires de contrôle des naissances, achève de rendre folle la pauvre Chnepki. Elle a eu un enfant, elle n’en aura pas deux. Le silence ne sera qu’un souvenir porte le poids de la culpabilité, celle du vieux Mikluš qui n’a pas su faire se rejoindre les êtres, alors qu’un mot aurait suffi à les rendre à leur existence ; celle aussi qui pousse à stigmatiser une communauté, dans l’ignorance et l’aveuglement. Avec l’histoire que nous raconte Mikluš, c’est l’histoire des Roms et du XXe siècle que nous traversons, celle d’une communauté persécutée dont on aura égaré le dossier à Nuremberg. Une discrimination qui se poursuit sous des formes de plus en plus sournoises en ce début de XXIe siècle. Sans jamais sombrer dans le plaidoyer, Laurence Vilaine s’attache avant tout à faire parler Mikluš, enfin, et à nous raconter l’histoire de Chnepki, Lubko, Maruška et Dilino. Quand les étiquettes tombent et que surgissent les visages et les destins.

09/2011

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Philosophie

Deux intellectuels dans le siècle, Sartre et Aron

Les deux philosophes, nés l'un et l'autre en 1905, furent d'abord d'inséparables "petits camarades" à l'Ecole normale supérieure entre 1924 et 1928. Le jeune Sartre, futur grand théoricien du devoir d'engagement, était alors totalement apolitique. Raymond Aron, déjà attentif à la vie politique, penchait pour sa part vers le socialisme et le pacifisme. Du séjour qu'ils firent l'un et l'autre en Allemagne, ils tirèrent des enseignements différents, mais c'est la guerre qui les conduira vers des évolutions radicalement divergentes. Aron passe à Londres, où il écrit dans la revue La France libre. S'il ne fait pas la Résistance brillante présentée par certains de ses zélateurs, Sartre subit le choc de la captivité et de la défaite, et a l'expérience de l'engagement à travers quelques actions de résistance intellectuelle. C'est lui qui formulera en 1945, dans le premier numéro de sa revue Les Temps modernes (auxquels Aron collabore quelque temps), la théorie du devoir d'engagement de l'intellectuel. L'influence de ses idées sera alors énorme. La presse de l'époque fera vite l'amalgame entre l'"existentialisme" et l'effervescence qui règne à Saint-Germain-des-Prés ; les tirages de ses livres sont élevés, ses pièces ont un succès considérable. Très vite, la guerre froide partage le monde en deux et l'intelligentsia française en ressent les retombées. Sartre, d'abord violemment attaqué par le Parti communiste, s'en rapproche jusqu'à devenir, entre 1952 et 1956, un "compagnon de route". Or ce sont précisément les intellectuels communistes et les "compagnons" que Raymond Aron dénonce à la même époque dans l'un de ses essais les plus célèbres, L'Opium des intellectuels, et au fil de sa réflexion sur le phénomène totalitaire. Sartre et Aron resteront frères ennemis tout au long des années 1960, symboles et porte-parole des deux versants antagoniques du milieu intellectuel, aussi bien sur les guerres coloniales finissantes et le conflit vietnamien qu'au moment de la crise de mai 1968 : le premier soutient le mouvement, tandis que le second devient, aux yeux de l'extrême gauche, le symbole de l'Université "bourgeoise" et du libéralisme politique honni. Mais c'est précisément ce statut de penseur libéral qui, sur le tard, conférera à Raymond Aron notoriété et influence. A partir de la seconde partie des années 1970, le milieu intellectuel français tonnait en effet une profonde crise idéologique : les modèles et les maîtres à penser de l'extrême gauche se trouvent dévalués, et le marxisme voit ses positions s'éroder rapidement. Sartre, mort en 1980, sera au cours des années suivantes souvent attaqué à titre posthume : lui qui incarna la position longtemps dominante de la gauche intellectuelle deviendra, d'une certaine façon, le responsable et le symbole des erreurs et des errances présumées de cette gauche. Dans le même temps, Raymond Aron, jusqu'à sa mort en 1983 et même après, se verra largement reconnu par ses concitoyens et porté par la vague du libéralisme.

10/1995

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Littérature anglo-saxonne

Romans et récits (1979-1991)

"Tu tires des récits de tes vices, tu rêves des doubles pour tes démons" : c'est ainsi que Nathan Zuckerman, la créature de papier de Philip Roth, décrit son entreprise d'écriture dans La Leçon d'anatomie. Apparu sous la plume de l'écrivain Peter Tarnopol dans Ma vie d'homme (1974), ce double assumé du fictif Tarnopol et de Roth, lequel les invente tous deux en vertu d'un processus de création fait de reflets et de répliques, prend pour ainsi dire vie dans le premier cycle romanesque qui lui est consacré, Zuckerman enchaîné. Cette série de romans - une trilogie et son épilogue - offre à Roth l'occasion d'exposer les métamorphoses de la subjectivité. Elle met en scène quatre moments-clefs de la carrière de Zuckerman : la relation de l'aspirant écrivain avec son mentor (L'Ecrivain fantôme, 1979) ; le romancier devenu une célébrité et la victime de son succès (Zuckerman délivré, 1981) ; l'homme souffrant de douleurs mystérieuses en pleine crise de la quarantaine, rattrapé à la fois par la complexité de sa vie amoureuse et sexuelle et par la mort de ses parents (La Leçon d'anatomie, 1983) ; l'homme de lettres privilégié face aux intellectuels de l'Europe de l'Est communiste (L'Orgie de Prague, 1985). On retrouvera Zuckerman dans La Contrevie (1986), un "labyrinthe de miroirs" (Philippe Jaworski), et un chef-d'oeuvre de virtuosité, qui est en quelque sorte la réponse de Roth au postmodernisme américain incarné notamment par Thomas Pynchon. Un brouillon donne à penser que le roman aurait pu être intitulé Tu dois changer ta vie ; "Tout peut arriver, et c'est précisément ce qui arrive : tout". Pendant la période de création couverte par ce volume, Roth explore la frontière poreuse entre réalité et fiction. S'il occupe le devant de la scène jusqu'en 1986, Zuckerman n'est pas l'unique alter ego de l'auteur. Emerge en effet un nouveau personnage (de fiction ? ) nommé Philip ou Philip Roth. Il dialogue avec Zuckerman dans Les Faits (1988), sous-titré "Autobiographie d'un romancier" ; avec des femmes dans Tromperie (1990), roman tout entier construit en dialogues - "la bande-son d'un roman sans images" , selon Ph. Jaworski -, tandis que Patrimoine (1991), récit de la maladie et de la mort du père (non plus celui de Zuckerman, celui de Roth), est présenté comme "Une histoire vraie" . Les faits seraient-ils enfin débarrassés de leur gangue de fiction ? A la fin de la lettre que le Roth des Faits écrit à son lecteur Zuckerman, il admet que les "faits" sont en réalité des souvenirs déjà retravaillés. Ses expériences personnelles et son passé ne prennent forme et sens qu'une fois racontés. Et c'est à un personnage de fiction, l'inévitable Zuckerman donc, que Roth confie le soin de porter un jugement sur son manuscrit "autobiographique" . L'autobiographie est sans doute "le genre le plus manipulateur dans toute la littérature" , estime Zuckerman. C'est le moins que l'on puisse dire. Toute tentative de figer la frontière entre

02/2022