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Vagin tonic

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Pléiades

Oeuvres romanesques complètes. Tome 1

Cela commence bien pour Vian, l'écrivain. Queneau aime Vercoquin et le plancton. Gallimard accepte ce premier roman puis un deuxième, L'Écume des jours. Sartre reçoit l'auteur aux Temps modernes, où paraîtront ses Chroniques du Menteur. J'irai cracher sur vos tombes fait scandale - un vrai scandale, du premier coup, celui que tant d'artistes attendent en vain toute leur vie. Et pourtant, cela ne prend pas. Les seuls romans de Vian qui connaissent le succès de son vivant sont ceux qu'il signe Sullivan. Les autres ne trouvent pas leur public. Le dernier, L'Arrache-cour, sept ans à peine après Vercoquin, est un ultime échec. Vian en conclut que sa destinée ne sera pas littéraire. Il renonce au roman. Sa célébrité est alors à son comble, pour d'autres raisons. «Oh ! je fais dans pas mal de choses, n'adjudant ; ingénieur, auteur, traducteur, musicien, journaliste, interprète, jazzologue, et maintenant directeur artistique d'une maison de disques. - Ouais. je vois.» répond l'adjudant, «bon à tout, bon à rien.» Le personnage de Vian - trompinette, tourniquette et cor à gidouille - prend beaucoup de place, il est vrai, jusqu'à masquer en partie son ouvre. Résultat : au lendemain de sa mort prématurée, la plupart de ses livres «littéraires» sont introuvables. Le succès viendra plus tard, au rythme des rééditions posthumes, et il sera accompagné d'une certaine reconnaissance. Mais prend-on vraiment l'écrivain au sérieux ? L'imaginaire de Vian déconcertait ses contemporains. On a parfois l'impression, aujourd'hui, que son humour embarrasse les nôtres. C'est ainsi ; Vian trouvait le sérieux risible et voyait dans le rire une chose sérieuse. Dans son arbre généalogique littéraire figurent les noms de Rabelais, Swift, Carroll, Jarry, Queneau. Cette édition réunit les romans, les nouvelles et les scénarios de Boris Vian, ainsi qu'un choix de textes brefs qui, bien que non fictionnels (encore que certaines chroniques soient fort «romancées»), éclairent son univers imaginaire. Précisément, à quoi ressemble-t-il, cet univers ? À un monde parallèle au nôtre et communiquant avec lui, doté de son langage propre, irréductible aux catégories convenues (fantastique, science-fiction), aussi contrasté que le désert à rayures de L'Automne à Pékin, mais concerté, cohérent, à la fois poétique et réel : «l'histoire est entièrement vraie, puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre. Sa réalisation matérielle proprement dite consiste essentiellement en une projection de la réalité en atmosphère biaise et chauffée, sur un plan de référence irrégulièrement ondulé et présentant de la distorsion.» Langage d'ingénieur, mais il cache une définition du récit poétique, au service de thèmes graves - la difficulté d'être, l'usure de toute chose, l'angoisse de la mort - qui chez Vian sont transfigurés par la magie du rêve.

10/2010

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Littérature étrangère

Les quarante colonnes du souvenir

Traduit de l'allemand (suisse) par Dominique Laure Miermont Dans l'un des beaux et vastes jardins de la ville perse d'Ispahan se dresse, à l'extrémité d'une pièce d'eau qui, telle une rivière, s'étire à travers des parterres de roses, un petit palais appelé "? Chehel Sotun ? ". Ce nom signifie "? Quarante Colonnes ? ". Et de fait, cet édifice ravissant, aérien, se résume à une forêt de minces colonnes en bois qui, soutenant un toit impondérable et plat, s'élèvent en vain comme de jeunes troncs aspirant à atteindre le ciel ? ; quant au mur du fond, chamarré de mosaïques extraordinairement délicates aux motifs d'arabesques, de fleurs et d'étoiles, il est à peine visible dans la fraîcheur feutrée du portique. Cependant, si l'on compte les colonnes une à une, on n'en trouve que vingt - on s'étonne alors du nom Chehel Sotun, mais il suffit de suivre le jardinier jusqu'à l'extrémité de la rivière pour voir, dans un lointain irréel, les vingt colonnes et leur reflet parfaitement rectiligne. En cette année 2008, Annemarie Schwarzenbach aurait eu cent ans. Ce texte, jusqu'alors inédit, porte la griffe tourmentée de la jeune écrivain, prématurément disparue en 1942. Lorsque Annemarie Schwarzenbach part pour la quatrième fois en 1939, accompagnée de son amie Ella Maillart, pour traverser la Perse vers l'Afghanistan, elle est dans un double mouvement ? : tourner le dos à cette Europe qu'elle aime tant, qui se déchire et qui l'angoisse, et se confronter aux souvenirs douloureux du voyage qu'elle fit en 1935. Ce périple, hautement productif pour les deux voyageuses, se concrétisera pour Annemarie Schwarzenbach dans des articles rédigés pour différents journaux ainsi que dans une série de textes réunis dans Les Quarante Colonnes du souvenir. Ce titre et cette suite de textes, choisis et préparés par Annemarie Schwarzenbach en vue d'une publication qui ne verra jamais le jour, sont ici publiés pour la première fois tant en allemand qu'en français. Ces Quarante Colonnes font référence au palais persan du même nom, palais dont la façade est composée de vingt colonnes se reflétant dans un bassin. Ce chiffre quarante fait aussi référence, pour les Afghans, aux notions de multitude et d'infini. Et c'est bien dans le reflet, la dualité, l'infini... que nous emmènent les textes d'Annemarie Schwarzenbach, entre récit de voyage et journal intime, dans cette forme qui lui est propre, de récit subjectif et poétique. ? La chronologie des chapitres nous aide à progresser dans le déroulement du voyage mais aussi dans les états d'âme de la voyageuse où le temps se marque de souvenir. Et c'est cette perception du souvenir que l'auteur nous donne à voir, tant par la construction de son texte que par la beauté des images convoquées.

02/2008

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Littérature française

Le sac de Rome

1527. Depuis trente-cinq ans, la France et le Saint Empire germanique se disputent l'Italie, et principalement le Milanais. Deux hommes du même âge et de même puissance s'affrontent, le roi de France François 1er et l'empereur Charles Quint. Gagné et perdu à plusieurs reprises, le duché est aussi l'objet de la convoitise du pape Clément VII qui n'entends pas laisser aux Habsbourg déjà maitres de Naples. Venise, Florence, Bologne et Sienne changent d'alliance au gré des victoires et des défaites. Au Nord, dans les Etats de l'Archiduc Ferdinand, frère de Charles Quint, se précise la menace turque. Cependant, en Allemagne, la diffusion des idées luthériennes entraîne les princes à embrasser le protestantisme. Les guerres de religion ont commencé. Les papes tremblent. Vainqueur en 1515 à Marignan, François 1er a été battu à Pavie en 1525. Le voilà qui entreprend de reconquérir le Milanais. Mais son meilleur capitaine, son cousin le duc Charles de Bourbon, ex-connétable de France, est passé au service de Charles Quint. Jeune, beau, le grand seigneur le plus riche de France a été spolié du Bourbonnais, gigantesque fief, par la mère du roi, Louise de Savoie qui a tenté en vain de l'épouser. Vainqueur à Pavie, le duc de Bourbon a pris sa revanche. Il réclame à l'Empereur sa récompense, la restitution du Bourbonnais, mais Charles Quint le trahit. Le voici à l'heure de se servir lui-même et de se tailler un royaume en Italie. A la tête d'une armée de mercenaires, il quitte Milan sans que nul ne connaisse ses intentions. S'ouvrent six mois d'une chevauchée héroïque qui se conclura par la plus grande catastrophe qui se soit abattue sur la chrétienté. Des figures saisissantes illustrent ce roman : Charles de Bourbon, injustement passé dans l'Histoire de France pour un traître, loyal, tourmenté et visionnaire ; Charles Quint, le Flamand obstiné, religieux et dissimulé ; Clément VII, partagé entre son amour de l'or et sa peur des Turcs ; mais aussi le cardinal de Cortone, humaniste et alchimiste ; l'ambassadeur du Bellay, espion et pécheur ; le vice-roi de Naples, Lannoy, jaloux et administrateur. Le cardinal, l'ambassadeur et le vice-roi vont secrètement tenter de sauver la paix, mais il est trop tard : le duc de Bourbon marche vers le but qu'il s'est donné, conscient qu'il n'est qu'un homme qu'un fugitif doit servir : lui-même. Dans les tourments de la Renaissance, une cavalcade qui parle d'honneur, de trahison, de courage et d'abandon sous la plume d'un témoin anonyme, trop heureux d'avoir sauvé sa peau de ce mal français : le rêve italien au XVIème siècle.

03/2022

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Romans policiers

La Lettre volée. Une nouvelle d'Edgar Allan Poe

La Lettre volée ("The Purloined Letter" dans l'édition originale) est une nouvelle d'Edgar Allan Poe, parue en décembre 1844. On retrouve dans cette nouvelle le chevalier Auguste Dupin, apparu dans Double Assassinat dans la rue Morgue. Résumé Le détective Auguste Dupin est informé par G... , le préfet de police de Paris, qu'une lettre de la plus haute importance a été volée dans le boudoir royal. Le moment précis du vol et le voleur, D... , sont connus du policier, mais celui-ci est dans l'incapacité d'accabler le coupable. Malgré des fouilles extrêmement minutieuses effectuées au domicile du voleur, G... n'a en effet pas pu retrouver la lettre. Mettre la main sur cette dernière est pourtant d'une grande importance, car son possesseur se retrouve en mesure d'exercer des pressions sur le membre de la famille royale à qui il l'a dérobée. G... en vient donc à demander l'aide de Dupin. Quelques semaines plus tard, Dupin restitue la lettre au préfet. Il explique alors au narrateur comment certains principes simples lui ont permis de retrouver la lettre. Comme dans Double assassinat dans la rue Morgue, La Lettre volée met en scène Dupin et ses célèbres facultés d'analyse. La réflexion logique est au centre de la nouvelle, et toute une part de l'intrigue s'appuie sur les difficultés à trouver une solution rationnelle à la disparition de la lettre. Lors de sa visite à Dupin, G... explique les raisonnements qui lui ont permis de découvrir l'identité du voleur, D... , et ceux qui lui ont permis de déduire que la lettre était toujours en sa possession, cachée quelque part dans son domicile. En dépit de ses certitudes, G... n'est pourtant pas parvenu à récupérer l'objet : le mystère, pour lui, résulte donc de cette incapacité à obtenir des résultats malgré la possession d'éléments suffisants, en principe, pour réussir. Si Dupin réussit, lui, à résoudre cette apparente contradiction, c'est parce qu'il a su raisonner autrement que le policier, dont les déductions, pour justes qu'elles soient, n'ont pas suffi à résoudre l'affaire. G... a en vain cherché la lettre en la supposant cachée : il a sondé tous les espaces pouvant abriter une lettre qu'on aurait voulu dissimuler. Dupin comprend lui que si G... a échoué, c'est que la lettre volée a volontairement été mise en évidence par le criminel. Loin d'être rangé dans un endroit secret, le billet est en évidence dans le bureau du coupable : la lettre a été froissée, maquillée d'un autre sceau et d'une autre écriture après avoir été pliée à l'envers. Si elle n'attire pas l'attention c'est qu'elle semble sans valeur, ordinaire.

01/2023

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Histoire internationale

Israël raconté à ma fille

Au moment où la jeunesse "libérée" de notre pays, plus ou moins persuadée de son innocence ou inquiète de ses responsabilités, est prise pour cible, et se trouve également l'enjeu et la victime d'idéologies politiques contraires et de leur propagande, Guy Millière s'adresse à elle avec patience, exactitude et conviction et lui explique ce que représente pour elle et pour lui Israël. "Tu te demandes pourquoi, moi qui ne suis pas juif, je défends le pays juif. Tu vois qu'autour de toi, ce pays est critiqué, insulté, à un point tel que tu en viens à songer que ce n'est pas sans raison. Tu vois qu'à défendre ce pays on s'attire des ennuis qu'on pourrait aisément éviter. Je te répondrai qu'il n'est nul besoin d'être juif pour défendre le pays juif. Il suffit de le connaître, de le comprendre, et de discerner ce qu'il est. Et que les raisons de le critiquer ne sont pas celles que tu imagines..." Ce livre retrace d'abord un itinéraire : comment, quelles rencontres, quelles observations politiques, quelles découvertes en histoire, quel dégoût non seulement de l'antisémitisme et du terrorisme antijuif contemporain, mais des manipulations idéologiques de toutes sortes conduisent à une interrogation et à une recherche : "Longtemps, vois-tu, je n'ai rien su du pays juif. Je n'avais pas même la moindre curiosité envers les Juifs ou le judaïsme" mais plutôt "des prédispositions acquises pour adopter sur ce sujet une attitude circonspecte". Avec une franchise qui forme le socle d'un caractère entier, un bon sens qui n'est pas sans naïveté, proche de l'esprit d'enfance, Guy Millière explique comment une expérience décisive l'a vacciné contre la propagande "progressiste" antisioniste prônée par ses aînés et collègues de faculté. Au début des années soixante-dix, il fit le voyage à Beyrouth pour rencontrer par leur entremise la "résistance palestinienne". La personnalité de son interlocuteur l'alerta ; de fait c'est celui-ci qui peu après organisa l'attentat infâme contre les athlètes israéliens à Munich. Ce n'était pas un hasard ni une exception, mais une espèce de secret bien gardé. Les tendances antijuives de la cause palestinienne trouvaient des connections et puisaient largement dans le courant exterminateur nazi européen. L'antisémitisme cimentait des tendances refoulées depuis la fin de la guerre, tellement vivaces qu'alerter, défendre ou dénoncer paraissaient déjà vain. Les Européens fondamentalement ne voulaient pas épauler Israël ni reconnaître ce qu'ils devaient aux Juifs et au judaïsme. Millière alla chercher aux Etats-Unis une sorte d'antidote au conformisme et à la défiance. Le reste s'en suit c'est-à-dire un effort inlassable pour comprendre et faire comprendre les raisons d'Israël, pourquoi l'affirmation du droit à l'autodétermination d'un peuple si longtemps persécuté aurait dû être saluée et comment elle fut combattue, entravée, exécrée.

05/2016

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Accompagnement des malades

Apprendre à mourir. 0

Pourquoi s'intéresser à la mort ? Faudrait-il la justifier ? .. L'essentiel de notre vie, la mort est largement ignorée. Sa simple évocation est insupportable à la plupart des personnes. En chacun de nous sont inscrites l'idée de l'éternité et l'illusion de notre invulnérabilité, voir de notre toute-puissance. On veut l'ignorer si bien que l'on peut se passionner pour des activités supposées sérieuses : la profession, la politique, la musique, le jardinage, le sport... Que ne s'invente-t-on pas pour éviter de penser au trépas ? On l'ignore si bien qu'on peut se chamailler pour " 3 sous " entre amis, se disputer en couple pour un simple objet déplacé par mégarde ou entrer dans une vive rage pour quelques mots de trop à un carrefour... Il faut se trouver confronté à un cancer, à un accident brutal ou à une maladie dégénérative pour commencer à la regarder en face. On perd aussitôt son sentiment d'immortalité et sa toute-puissance pour ressentir terriblement sa finitude. Nous allons tous mourir un jour, c'est notre seule certitude ! Pourquoi ne pas prendre de la distance. Il est vain de craindre la mort, nous n'éprouvons aucune angoisse à l'idée de perdre conscience dans le sommeil ; nous acceptons l'assoupissement comme un état de liberté que nous anticipons avec plaisir. Telle ne peut-elle pas être la mort : un état de repos après une vie bien remplie, une retraite bien méritée après les tracas ou les souffrances de la vie. Il n'y a rien à craindre. Ne partirons-nous pas sans nous en apercevoir ? La mort n'est-ce pas plutôt notre dernière surprise ? Pas question de déprimer donc, la présence de la mort peut nous faire grandir... L'annonce d'un cancer ou de tout autre maladie dégénérative est un véritable choc : il y a clairement un avant et un après. Toutefois, pourquoi ne pas positiver dans l'adversité ? Ne pas consentir, c'est créer tellement de colère en soi, de raideur, d'amertume qu'on se pourrit la fin de sa vie. Pourquoi ne pas organiser ses derniers moments de vie en fonction des valeurs auxquelles on tient ? .. La mort est inéluctable : acceptons-la et une fois l'esprit plus clair sur elle, pourquoi ne pas apprécier chacun de ces derniers instants, chaque minute qu'il nous reste ? Pourquoi ne pas figer un peu le temps pour faire de chaque moment une fête de tous les possibles et nous conduire à la pleine conscience. Si nous vivons dans le déni, dans l'inquiétude avec un esprit encombré, tiraillé, il est probable que nos derniers instants se passeront dans la souffrance, sans lucidité, ni aucun sentiment de paix. Si nous avons pu mettre au clair ce que nous aurions voulu être, nous serons en capacité de vivre nos derniers instants de manière paisible, de mieux partager avec notre entourage, dans un état de conscience vigilante, jusqu'à notre ultime souffle.

03/2023

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Manga

Collection Yaoi Pack N° 25. 5 mangas

Ce pack manga contient : Love GO GO ! (192 pages - Volume : One Shot) : Rui, étudiant à l'université, est secrètement amoureux de son voisin et ami d'enfance, Takuya, un peu plus jeune que lui. Un jour, il surprend ce dernier à demi-nu en train de se changer, et ne peut s'empêcher de s'imaginer ce qu'il ressentirait s'il le prenait dans ses bras. Alors que Rui, envahi de désirs, s'adonne à des plaisirs solitaires dans sa chambre, c'est au tour de Takuya de le surprendre totalement par hasard ! Naive Wolf et Lamb (176 pages - Volume : One Shot) : Hayasaka-senpai, délinquant d'après les rumeurs, embarque un jour chez lui le petit agneau Kusakabe-kun. Pourtant, au lieu de le dévorer, il lui demande de l'aider dans ses études... Kusakabe-kun se rend alors compte que les rumeurs sont fausses et trouve que son Senpai est plutôt gentil... C'est alors que celui-ci lui saute dessus...! Mais pourquoi ses caresses sont-elles si agréables...? ! Physical Lesson (175 pages - Volume : One Shot) : Izutsu, qui essaye en vain d'avoir du succès auprès des filles, aimerait avoir une relation amoureuse avant de quitter le lycée. Son voisin de table, l'innocent Tanaka, écoute pourtant ses conseils en drague avec attention. Mais un jour, Izutsu découvre que Tanaka est en fait très populaire et qu'il dégage de fabuleuses phéromones ! Que doit-il faire devant ce garçon si classe dont l'aura fonctionne sur lui aussi ? ! Tale of love awkward with words (160 pages - Volume : One Shot) : Naoki Takuma, 26 ans, écrivain de romans d'amour. Un soir, en pleine dépression depuis que son ex (un homme marié) l'a quitté dix jours plus tôt, il fait la rencontre de Kanae, un jeune homme timide qui éprouve énormément de difficultés à communiquer. L'ayant pris à tort pour un étudiant, et persuadé qu'il doit passer un entretien d'embauche le lendemain matin, il décide de venir à son secours et lui prête un costume. Quelle n'est pas sa surprise de découvrir le lendemain qu'il s'agit en fait d'un jeune créateur qu'il est censé interviewer ! La passionnante histoire d'amour d'un écrivain au coeur brisé et d'un sculpteur maladroit avec les mots ! La Table des douceurs (177 pages - Volume : One Shot) : Tsuyoshi est orphelin et a été recueilli par son oncle, Minoru. Chez lui, c'est la maison du bonheur : un appartement qu'il partage avec son compagnon, Shun, et son meilleur ami, Yûki. Ensemble, ils vivent au-dessus du petit restaurant qu'ils gèrent eux-mêmes. Tsuyoshi y découvre la douceur de l'éducation prodiguée par Yûki, le pâtissier, qui exhale une douce odeur de gâteau. Mais que se passera-t-il pour Yûki et Tsuyoshi lorsque la senteur sucrée se transformera en parfum de danger ? ! Découvrez le style doux-amer de Nica Kitabeppu à travers ce recueil d'histoires courtes publiées dans le magazine de prépublication japonais Gush.

03/2015

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Littérature française

La dame de Murcie

Cet ouvrage comprend cinq nouvelles : La Dame de Murcie, Euphémisme, Aubade à la folle, Album de famille et Cour des miracles, dont le caractère insolite est au moins un trait commun. Toutes les histoires sont racontées à la première personne par un narrateur qui change d'âge, de pays et d'occupations, mais qui est toujours un artiste avec un oeil, une mémoire, une culture d'artiste. On songe à Mérimée, à Gérard de Nerval. Dans l'atelier où se passe l'aventure de La Dame de Murcie, on voit apparaître un être fantastique, mi-félin, mi-rapace, sorte de sphinge aux yeux d'or qui bouleversera le monde habituel de sa victime jusqu'à la pousser au crime. Dans Euphémisme, le narrateur a la passion des statues et parcourt les églises d'Espagne à la recherche de pièces rares. Une vieille coquette y trouve l'occasion de se survivre et lui cède une sainte Euphémine (c'est le nom d'une esclave donnée en présent à un soudard qui devint Empereur), qui établira solidement son pouvoir sur sa raison. Enfin, il détruira "l'idole". Plus tard, marié, père de famille, il s'efforce en vain d'oublier son passé. Dans Aubade à la folle, un ancien port, enrichi par la traite des nègres, est transformé en ville salubre et moderne par une municipalité progressiste. Quelques maisons pittoresques de jadis subsistent encore, dont celle d'une affreuse vieille négresse en haillons. Le narrateur et ses amis décident, par jeu, d'aller donner une aubade à la vieille et l'on voit apparaître un instant à la fenêtre une merveilleuse créature. Les garçons se précipitent à l'intérieur de la maison, mais n'y trouvent que la vieille au milieu de ses haillons. Album de famille se passe en Bretagne où le conteur va revoir son manoir d'enfance. Accueilli par une vieille nourrice - ce personnage de vieille est une constante de ces histoires -, il retrouve sa chambre d'enfant et rêve - mais rêve-t-il ? - qu'il participe dans le salon ressuscité à une réunion de famille qui se serait passée bien des années plus tôt. Enfin, dans la Cour des miracles, probablement dans une ville d'Italie, il est attiré par une jeune fille à la jupe brillante, qu'il poursuit à travers un enchevêtrement de rues, de places, de retraits et qu'il finit par perdre. Puis d'un recoin où il s'abrite de l'orage, il voit passer une sorte de grand corps enveloppé dans un froc à capuchon, qui lui cause une frayeur indicible. Mais rien n'arrive et il s'endort. Il refuse d'admettre qu'il a rêvé. Car les rêves sont bien différents, dit-il, de ces aventures-là et "n'ont rien de commun avec cette chasse inepte, constamment ranimée de promesse en déboires, de déboires en promesse...".

06/1961

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Littérature française

Prenez garde à la conscience

Un homme trompé, un chirurgien, prend conscience de la défaite de sa vie et en fait le bilan en poursuivant en voiture, nullement certain du but précis de sa course folle, sa femme en fuite avec son amant, quelque vulgaire "M. Muscle" qui couronne la carrière de bien des messalines mondaines. Son attachement qu'il attaque en vain par tous les acides de l'esprit, lui paraît la mesure de l'absurdité de la condition humaine, et pour éviter de prendre une conscience déchirante de son humiliation, il passe en revue les incohérences de la création, au fur et à mesure que son soliloque forcené à bâtons rompus les débusque. Il se collette avec les grands problèmes qu'elles soulèvent, esquissant une métaphysique de cocu pour rire, afin de ne pas penser au seul problème qui l'intéresse vraiment : l'énigme d'un coeur de femme cause de sa ruine morale. L'auteur, pour saisir le cours d'une vie psychique an moment où la crise le précipite en torrent, a choisi le genre littéraire draconien du monologue intérieur, acceptant scrupuleusement ses conditions, et d'abord l'exclusion de toute intervention extérieure. La vulgarité, la grossièreté, le blasphème servent au héros comme les jeux de la conscience dirigée en tant qu'antidotes an désespoir. Certains seront choqués d'entendre parler de Dieu, de nos fins dernières et de la pureté des femmes en langage de salle de garde (seule la Mission Médicale échappe à sa dérision dissolvante, à cette fureur de tout souiller pour se venger du destin qui a souillé son idéal) ; mais la vérité du "for intérieur" est-elle souvent si reluisante ? et l'on tâche de saisir ici sa crudité authentique. Après s'être moqué supérieurement de l'absurde icaromanie des motorisés modernes, le héros en est réduit, pour échapper aux démons de la solitude et de l'angoisse, à reproduire cette attitude jusqu'à la perfection, la folie, et sollicite un accident fatal. Le triomphe de la conscience serait donc de nous rendre inconsciente la solution suprême de la mort quand la honte et la souffrance nous rendent impossible de persévérer à vivre ? Seule une intensité perpétuelle de vie, parfaitement fondue à la pensée, explique la réussite de cette gageure : une confession, méditation de plus de trois cents pages sans reprendre haleine : notre lâche, sans suite, discours intérieur n'est-il pas une seule phrase qui ne cherche à se construire que pour la conversation ? Souvent poignant, toujours coloré, plein de trouvailles de verbe et d'idées et avec l'audace totale que seul peut se permettre un homme qui n'a plus rien à perdre (un de ces "ratés sublimes" comme on en trouve déjà dans son Journal d'un Raté) le nouveau livre d'Henri Pollès se range aux côtés de certains ouvrages d'Audiberti et de Céline.

10/1959

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Pléiades

Oeuvres. Tome 1

Notre "contemporain capital posthume" : ainsi a-t-on qualifié Perec vingt ans après sa mort. La formule n'est pas une simple boutade, elle dit quelque chose de la fortune de l'oeuvre. Celle-ci a laissé sa marque dans la culture populaire, ce qui n'est pas banal. "Mode d'emploi" est utilisé à tout propos, et "Je me souviens" est devenu une scie. Mais de tels stéréotypes ne présagent pas toujours la présence réelle des livres. De cette présence, la multiplication des publications posthumes, qui rivalisent, du moins en notoriété, avec les ouvrages que Perec publia lui-même, est un indice plus convaincant. Plus significatif encore, le nombre des écrivains, des artistes, des architectes, etc., qui se revendiquent de l'auteur d'Espèces d'espaces. Perec serait-il déjà devenu un classique ? La relative intemporalité que cela suppose ferait alors écho au désir qu'exprimait le titre rimbaldien de son dernier poème, L'Eternité, et qui se lisait déjà dans Les Revenentes : "Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère". Perec, pour sa part, se décrivait comme "un paysan qui cultiverait plusieurs champs" : sociologique, autobiographique, ludique, romanesque - ce dernier, tributaire de l'envie (bien naturelle chez un lecteur de Jules Verne) "d'écrire des livres qui se dévorent à plat ventre sur son lit". Mais on tenterait en vain de ranger ses ouvrages dans quatre cases distinctes. Les quatre perspectives ne s'excluent pas les unes les autres ; elles sont autant de modes de lecture possibles, et compatibles. "Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère" est certes, comme Les Revenentes tout entier, un lipogramme monovocalique (la seule voyelle employée est e) qui inverse l'époustouflant lipogramme en e de La Disparition (où cette voyelle n'est jamais employée) : nous voici au royaume des contraintes, des prouesses, de l'Oulipo. Mais cette phrase envoûtante est aussi, et avant tout peut-être, un mode d'emploi de la vie. Chez Perec, les contraintes formelles miment en quelque sorte celles, tragiques, de l'histoire, "la grande, l'Histoire avec sa grande hache". La disparition d'une voyelle dit celle de l'univers familial. La place centrale qu'occupe dans l'oeuvre le chiffre 11 est à rapprocher de la date de la déportation, le 11 février 1943, de la mère de l'écrivain. Une vie commence alors qui s'écrira à l'irréel du passé : "Moi, j'aurais aimé aider ma mère à débarrasser la table de la cuisine après le dîner". Pas de temps retrouvé euphorique pour Perec. La mémoire demeure lacunaire, et Je me souviens souligne sa fragilité. Aucun palindrome, aucun Voyage d'hiver ne saurait inverser le fleuve du temps. Du moins la fiction peut-elle en suspendre le cours, et donner au monde une forme conquise sur le désordre du réel. C'est à cette ambition que La Vie mode d'emploi et l'oeuvre tout entière de Perec doivent leur intensité.

05/2017

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Pléiades

Oeuvres. Tome 2

Notre "contemporain capital posthume" : ainsi a-t-on qualifié Perec vingt ans après sa mort. La formule n'est pas une simple boutade, elle dit quelque chose de la fortune de l'oeuvre. Celle-ci a laissé sa marque dans la culture populaire, ce qui n'est pas banal. "Mode d'emploi" est utilisé à tout propos, et "Je me souviens" est devenu une scie. Mais de tels stéréotypes ne présagent pas toujours la présence réelle des livres. De cette présence, la multiplication des publications posthumes, qui rivalisent, du moins en notoriété, avec les ouvrages que Perec publia lui-même, est un indice plus convaincant. Plus significatif encore, le nombre des écrivains, des artistes, des architectes, etc., qui se revendiquent de l'auteur d'Espèces d'espaces. Perec serait-il déjà devenu un classique ? La relative intemporalité que cela suppose ferait alors écho au désir qu'exprimait le titre rimbaldien de son dernier poème, L'Eternité, et qui se lisait déjà dans Les Revenentes : "Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère". Perec, pour sa part, se décrivait comme "un paysan qui cultiverait plusieurs champs" : sociologique, autobiographique, ludique, romanesque - ce dernier, tributaire de l'envie (bien naturelle chez un lecteur de Jules Verne) "d'écrire des livres qui se dévorent à plat ventre sur son lit". Mais on tenterait en vain de ranger ses ouvrages dans quatre cases distinctes. Les quatre perspectives ne s'excluent pas les unes les autres ; elles sont autant de modes de lecture possibles, et compatibles. "Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère" est certes, comme Les Revenentes tout entier, un lipogramme monovocalique (la seule voyelle employée est e) qui inverse l'époustouflant lipogramme en e de La Disparition (où cette voyelle n'est jamais employée) : nous voici au royaume des contraintes, des prouesses, de l'Oulipo. Mais cette phrase envoûtante est aussi, et avant tout peut-être, un mode d'emploi de la vie. Chez Perec, les contraintes formelles miment en quelque sorte celles, tragiques, de l'histoire, "la grande, l'Histoire avec sa grande hache". La disparition d'une voyelle dit celle de l'univers familial. La place centrale qu'occupe dans l'oeuvre le chiffre 11 est à rapprocher de la date de la déportation, le 11 février 1943, de la mère de l'écrivain. Une vie commence alors qui s'écrira à l'irréel du passé : "Moi, j'aurais aimé aider ma mère à débarrasser la table de la cuisine après le dîner". Pas de temps retrouvé euphorique pour Perec. La mémoire demeure lacunaire, et Je me souviens souligne sa fragilité. Aucun palindrome, aucun Voyage d'hiver ne saurait inverser le fleuve du temps. Du moins la fiction peut-elle en suspendre le cours, et donner au monde une forme conquise sur le désordre du réel. C'est à cette ambition que La Vie mode d'emploi et l'oeuvre tout entière de Perec doivent leur intensité.

05/2017

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Poésie

La Voie du Détachement. Cent versets pour vivre par-delà les passions

Un magnifique recueil de courts poèmes sur la voie du détachement/renoncement, texte classique de la littérature indienne du VIIe siècle, traduit et introduit par Alain Porte, indianiste renommé, et accompagné du texte en devanagari. La Voie du Détachement, recueil d'une centaine de poèmes, est un texte classique de la littérature sanskrite qui traite d'une notion clé de la pensée indienne - vairagya : absence de passion (raga), détachement, renoncement au monde ou abnégation - devant la palette des calamités dont le monde est le théâtre. Il est attribué à un écrivain du VIIe siècle de notre ère, du nom de Bhartrihari, qui aurait été prince. Trois centuries (texte de cent versets/poèmes) lui sont attribuées, la première concernant la Loi de la vie, la seconde celle de l'amour, et enfin celle du détachement. Sa voix si personnelle a provoqué un intérêt fervent chez les auditeurs de son temps, et cet engouement a perduré au fil des siècles en Inde comme en Occident. Dans La Voie du Détachement, un prince de sang royal nous transmet en poèmes son expérience du monde. Avec parfois une fougue sarcastique, il cloue au pilori l'ambition effrénée des oligarques, possédés par l'appât du gain et du pouvoir. " Les savants ? Ils n'ont que leur Moi à la bouche. Les Puissants ? La vanité les contamine. Et les autres ? La bêtise leur scie les jambes. La vieillesse ? Dans le corps, elle sait parler juste. " Puis il confie son désarroi de se voir succomber à la séduction ensorcelante de la gent féminine, dont il essaie de s'affranchir, mais en vain. Alors, en désespoir de cause, Bhartrihari, pour échapper à cette double emprise, celle des puissants et celle de la passion, envisage la vie érémitique, " loin du monde et du bruit ", celle qui lui apportera la Tranquillité de l'âme et la félicité de l'esprit. Il chante la solitude au coeur de la nature, avec la terre en guise de sofa, avec des écorces en guise de tunique, avec l'eau du Gange en guise de boisson, et les fruits sauvages pour toute nourriture. Et il se prend à rêver que des gazelles viennent boire ses larmes de bonheur ! " Que ce soit un serpent, que ce soit un collier, Que ce soit un ami, ou bien un ennemi, Que ce soit un joyau, que ce soit une roche, Que ce soit une jonchée de fleurs, ou un lit de cailloux, Que ce soit un brin d'herbe, que ce soit une femme, Que mon regard demeure égal Au cours du temps En répétant toujours dans une forêt sainte : Shiva, Shiva, Shiva... " Mais cette vision idyllique n'est pas, chez Bhartrihari, une image stéréotypée de la sagesse, elle est le ferment de sa poésie qui nous transmet la fragilité des certitudes et des espérances. Cette traduction est accompagnée d'une introduction d'Alain Porte, et du texte en devanagari (écriture du sanskrit).

04/2022

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Religion

Dictionnaire encyclopédique de Marie

Du plus haut qu'il put atteindre au plus caverneux où il osa descendre, l'homme a donné le nom de Marie à de vertigineuses cathédrales comme à de ténébreux tréfonds (je songe entre autres au puits Notre-Dame des houillères de Ronchamp, ou à la fosse Notre-Dame de la Compagnie des mines d'Aniche), à des communautés vivant l'appel du silence comme à des formations de rock parmi les plus hurlantes (l'un des groupes du heavy metal suédois ne s'est-il pas appelé Notre Dame ?). Je ne dis pas cela par gout des paradoxes, mais parce que Marie ne serait pas Marie si Elle n'était pas partout, si Elle n'avait pas les bras et le coeur, donc ! ouverts au plus large pour embrasser toutes les activités des hommes sans exception aucune. En voici une nouvelle preuve avec ce Dictionnaire encyclopédique de mariologie dont Marie est l'antienne, la source et la racine, Dictionnaire aussi complet et complexe, aussi florissant, aussi surabondant, aussi audacieux, aussi défiant, aussi priant qu'une cathédrale de pierre. Ah oui, sans doute était-ce un pari fou que d'ériger ce monument de littérature et de spiritualité ! Mais ce pari, Pascal-Raphael Ambrogi et Dominique Le Tourneau l'ont gagné. Et que leur lecteur soit un de ces enfants éblouis qui savent la joie de danser dans les pas de Marie, ou l'un de ces pauvres Poucets qui ont perdu jusqu'au dernier de leurs petits cailloux d'espérance et de foi, ce livre apporte une certitude : rencontrer Marie n'est pas un vain mot, c'est possible dès aujourd'hui, possible dès ici-bas, ces pages en sont la promesse, le guide, l'itinéraire. Comme la cathédrale, cet ouvrage (j'aime ce mot qui sent bon l'effort, le travail, la recherche du chef-d'oeuvre) chante l'élévation, la verticale, il libère la lumière et les couleurs mariales. On doit en tourner les pages, en égrener les entrées, avec la même déférence mais aussi le même enthousiasme que l'on met à pousser la porte des nefs ouvertes à la foule innombrable des amoureux de Marie amoureux, oui, et ce livre est justement l'une des plus accomplies, des plus brillantes, des plus fertiles et des plus riches lettres d'amour entre Elle et nous... Didier Decoin, de l'académie Goncourt. Dominique Le Tourneau est prêtre, chapelain de Sa Sainteté, écrivain et poète. Il a publié de nombreux articles scientifiques de revues et de dictionnaires ainsi qu'une vingtaine d'ouvrages, dont Les mots du christianisme. Catholicisme - Orthodoxie - Protestantisme (Fayard). Il enseigne au Studium de droit canonique de Lyon. Pascal-Raphaël Ambrogi est Sociétaire de la Société des Gens de Lettres et Ecrivain engagé dans la défense du patrimoine linguistique français, il a notamment publié Le sens chrétien des mots et le Dictionnaire du bon usage au service du sens et de la nuance.

04/2015

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Pléiades

Oeuvres. Tome 2

Philosophe peu soucieux de se reconnaître tel, Kierkegaard partage avec quelques autres géants, avec Nietzsche par exemple, le privilège, si c'en est un, de trouver de nombreux lecteurs parmi les non philosophes. La question, ici, n'est pas de se demander s'il faut voir en lui un antiphilosophe, comme le voulait Sartre. Ni de rappeler, même si c'est vrai, et la présente édition ne néglige pas tout à fait cet aspect de son oeuvre, qu'il fut aussi ou surtout un penseur religieux. Il s'agit plutôt de souligner ce qui saute aux yeux quand on ouvre ses livres : les ouvrages philosophiques de Kierkegaard ne sont pas écrits comme le sont habituellement les traités de philosophie. Généralement dissimulé sous des pseudonymes qui brouillent les cartes, leur auteur est un digter. Le danois digt renvoie à la fantaisie, à l'imagination, à la rêverie, à la fiction même. Digter est souvent traduit par "poète" . Et de fait les "Diapsalmata" (dans Ou bien... ou bien) ou l'éloge d'Abraham (dans Crainte et tremblement) sont de véritables poèmes en prose, tandis que d'autres textes ("Journal du séducteur" , "Coupable... non coupable") pourraient passer pour des chapitres de romans, que certaines pages, telle l'histoire de ce roi amoureux d'une jeune fille dans les Miettes philosophiques, semblent relever du conte, et que d'autres encore, par exemple la marche d'Abraham et d'Isaac dans Crainte et tremblement, ont une structure dramatique. Ecrivain à coup sûr. Philosophe pourtant, "mais d'une philosophie qui veut être philosophie en étant non-philosophie" (Merleau-Ponty). A cette (non-)philosophie on est souvent arrivé, en France notamment, par le biais de l'existentialisme, qui fut peut-être la "nouvelle conscience culturelle" dont Kierkegaard lui-même prédisait l'avènement. Mais un tel cheminement ne va pas sans quelque malentendu et passe volontiers par profits et pertes l'ancrage (et le mot est faible) de ce Danois dans le luthéranisme, dans son milieu (piétiste) et dans son époque (romantique). Il serait évidemment vain de prétendre n'expliquer Kierkegaard, cette énigme, que par sa sensibilité à la figure de son puritain de père, par sa rupture avec la trop célèbre Régine Olsen, ou par la violence de ses querelles avec l'Eglise danoise. Mais tout aussi inutile (et l'on s'est efforcé d'éviter cet écueil dans ces volumes) d'exiger de lui des réponses à des questions philosophiques qu'en son temps il ne pouvait pas se poser. C'est d'autant moins utile que les questions qu'il se pose sont de tous les temps et que chaque génération pourrait, pour des raisons qui lui seraient propres et seraient chaque fois différentes, faire siens les propos de Denis de Rougemont qui en 1934, dans le contexte de la montée des totalitarismes, voyait en Kierkegaard "le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l'objection la plus absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la présence dans ce temps de l'éternel" . L'article de Rougemont s'intitulait "Nécessité de Kierkegaard" . Ce titre conserve son actualité.

05/2018

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Critique littéraire

Oeuvres complètes. Tome 3, Les Fleurs de Tarbes

Sous le signe des Fleurs de Tarbes, Paulhan désigne tantôt un seul livre, deux fois publié, en 1936 et en 1941, tantôt un projet plus général, autrement audacieux que le précédent, et qui devait être à la Critique ce que le livre de Mallarmé devait être à la Poésie. C'est de ce projet général que témoigne l'ensemble du volume. Il ne s'agit pas pour Paulhan de réintroduire la Rhétorique en France pour le meilleur et pour le pire, elle n'a l'a jamais quittée. Si Paulhan avait pu faire porter sur la Rhétorique le livre qu'il envisageait, et dont nous n'avons que les fragments, il passerait aujourd'hui pour un dadaïste, plus radical que ceux qui en portent le nom, un terroriste, et point des plus modérés, un dynamiteur de quintessence enfin. Mais le langage provoque dans l'esprit tant d'illusions qu'il vaut la peine d'y regarder de près. A moins que l'expérience ne vienne brouiller le beau jeu de la Rhétorique et de la Terreur. Car l'accès à l'expérience rouvre la possibilité du récit, bloque le discours, et relance par surprise les chances de la littérature. De quoi s'agit-il ? De tourte relation au langage. Il n'est avec le langage, croit Paulhan, que deux attitudes possibles. Ou bien nous lui faisons confiance, parce que nous estimons qu'il se prête de bonne grâce à ce que nous avons à dire ; ou bien nous nous tenons en défiance, parce que nous estimons que ce que nous avons à dire excède de toutes parts, et violemment, ses pauvres capacités d'expression. Bien loin de la philologie ou de la linguistique, la pensée du langage est condamnée à n'être qu'une nomenclature des illusions. Mais que tout homme soit dans sa vie traversé par la Rhétorique et par la Terreur - en le sachant, sans le savoir - est à ses yeux une évidence. C'est dire qu'il ne s'agit pas de prendre son parti, en faveur de l'une ou de l'autre, mais simplement - si la simplicité peut être ici de mise - d'analyser les possibilités de leur dialogue, en se fondant sur la baroquerie de leurs défenses. Car l'une et l'autre se défendent mal. Ceci n'est donc pas un livre à thèse, ou de doctrine. On y chercherait en vain une opinion qui serait celle de l'auteur, sur laquelle il aurait fait carrière, et que l'on pourrait discuter. Les livres de Paulhan sont comme le sable et comme la mer, ils se dérobent, massivement. Pourquoi nous retiennent-ils ? Parce que nous y sommes. Que nous nous y voyons. Et que nous y voyons, non pas l'idée qu'un seul homme peut se faire du monde et de l'homme et de son langage, mais l'instant décisif qui silencieusement résout les bruyantes affirmations que notre esprit ne devrait pas souffrir. Contre les affirmations obligées, il n'y a que la contradiction qui soit nécessaire ; contre la contradiction, que le silence.

06/2011

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Pléiades

Oeuvres. Tome 1

Philosophe peu soucieux de se reconnaître tel, Kierkegaard partage avec quelques autres géants, avec Nietzsche par exemple, le privilège, si c'en est un, de trouver de nombreux lecteurs parmi les non philosophes. La question, ici, n'est pas de se demander s'il faut voir en lui un antiphilosophe, comme le voulait Sartre. Ni de rappeler, même si c'est vrai, et la présente édition ne néglige pas tout à fait cet aspect de son oeuvre, qu'il fut aussi ou surtout un penseur religieux. Il s'agit plutôt de souligner ce qui saute aux yeux quand on ouvre ses livres : les ouvrages philosophiques de Kierkegaard ne sont pas écrits comme le sont habituellement les traités de philosophie. Généralement dissimulé sous des pseudonymes qui brouillent les cartes, leur auteur est un digter. Le danois digt renvoie à la fantaisie, à l'imagination, à la rêverie, à la fiction même. Digter est souvent traduit par "poète" . Et de fait les "Diapsalmata" (dans Ou bien... ou bien) ou l'éloge d'Abraham (dans Crainte et tremblement) sont de véritables poèmes en prose, tandis que d'autres textes ("Journal du séducteur" , "Coupable... non coupable") pourraient passer pour des chapitres de romans, que certaines pages, telle l'histoire de ce roi amoureux d'une jeune fille dans les Miettes philosophiques, semblent relever du conte, et que d'autres encore, par exemple la marche d'Abraham et d'Isaac dans Crainte et tremblement, ont une structure dramatique. Ecrivain à coup sûr. Philosophe pourtant, "mais d'une philosophie qui veut être philosophie en étant non-philosophie" (Merleau-Ponty). A cette (non-)philosophie on est souvent arrivé, en France notamment, par le biais de l'existentialisme, qui fut peut-être la "nouvelle conscience culturelle" dont Kierkegaard lui-même prédisait l'avènement. Mais un tel cheminement ne va pas sans quelque malentendu et passe volontiers par profits et pertes l'ancrage (et le mot est faible) de ce Danois dans le luthéranisme, dans son milieu (piétiste) et dans son époque (romantique). Il serait évidemment vain de prétendre n'expliquer Kierkegaard, cette énigme, que par sa sensibilité à la figure de son puritain de père, par sa rupture avec la trop célèbre Régine Olsen, ou par la violence de ses querelles avec l'Eglise danoise. Mais tout aussi inutile (et l'on s'est efforcé d'éviter cet écueil dans ces volumes) d'exiger de lui des réponses à des questions philosophiques qu'en son temps il ne pouvait pas se poser. C'est d'autant moins utile que les questions qu'il se pose sont de tous les temps et que chaque génération pourrait, pour des raisons qui lui seraient propres et seraient chaque fois différentes, faire siens les propos de Denis de Rougemont qui en 1934, dans le contexte de la montée des totalitarismes, voyait en Kierkegaard "le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l'objection la plus absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la présence dans ce temps de l'éternel" . L'article de Rougemont s'intitulait "Nécessité de Kierkegaard" . Ce titre conserve son actualité.

05/2018

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Décoration

Pourvu qu'on ait l'ivresse. De l'alcool à l'extase : un voyage mondial à travers les arts et les lettres

Au sens propre, l’ivresse vient d’un joyau végétal, soit la vigne, soit des céréales transformées en boisson, source de vie. Mais les symboliques se sont emparées dès l’Antiquité de cette transformation mentale, de cette métamorphose de la conscience, au-delà de la raison, de la logique, de la prison du réel. Parente de la folie, de la transgression, du rêve, l’ivresse première, celle du vin et de tous les alcools, boissons et «eaux-de-vie», suscite dès l’Antiquité de superbes symboliques. En Grèce, c’est le dieu contesté Dionysos, repris par les Romains sous le nom de Bacchus, entraînant des cortèges de ménades, de satyres, de bacchantes, mêlant exaltation et sexualité, violence «comique» (le komos grec est un cortège priapique) et plaisir. C’est aussi la vigne, don divin, qui provoque chez l’innocent patriarche Noé un scandale associant l’impudeur à l’inconscience. Célébration de la vie, l’ivresse est sacrée. Ses effets sont excessifs et contradictoires. L’ego ebrius est seul dans la communion affective du Banquet selon Platon. L’ivresse est associée aux artifices dangereux des paradis imaginaires. De même que le dieu-monstre Dionysos, inspirateur de toute création, est rejeté au nom d’Apollon, mais actif en nous, l’ivresse est condamnée et célébrée. Les éducateurs spartiates enseignent à leurs enfants le mépris de l’ilote ivre ; Rabelais exalte les «bien ivres», adorateurs de la Dive Bouteille. Car l’ivresse, pouvoir physique de boissons divines, s’évade vers d’autres vertiges. Amoureux, mystiques, transcendants, fervents, témoignent tous d’ivresses sans nul alcool. Ils ou elles sont ivres de passion, de bonheur, de Dieu, d’humanité, mais aussi ivres de pouvoir, d’argent, de colère, de haine… Le domaine privilégié des ivresses immatérielles est certainement celui de la création artistique et poétique, jusqu’à l’exigence du «dérèglement de tous les sens» (Rimbaud). Et existent aussi l’ivresse du savoir, de la raison, celle du mathématicien, celle de l’ingénieur. Selon les époques et les civilisations, on perçoit des territoires majeurs de l’ivresse : Antiquité gréco-latine, Moyen Age occidental, islam arabo-persan, Chine et Japon, avec leurs poètes, leurs artistes, leurs musiciens, leurs penseurs, leurs mystiques. Dans l’ivresse de la découverte ou celle de la reconnaissance, on en évoquera, on en citera les plus inspirés. Enfin, un parcours de mots, parmi les métaphores de l’ivresse, scellera l’accord avec les créations calligraphiques et plastiques de Lassaâd Metoui. En effet, le texte proposé dans cet ouvrage ne prendra sens que par ces créations visuelles et colorées, qui, outre l’évocation des grands thèmes interculturels évoqués, fera allusion aux grandes ivresses poétiques et artistiques d’Occident et d’Orient, à Matisse comme à Hiroshige, à Baudelaire comme à Hâfiz ou à ce poète du Ve siècle chinois, Tao Qian, qui intitulait «Ivresse» ou «En buvant» ces vers : «Qu’est-ce, dans ce monde/De permanent ? Les montagnes de vain hasard/Je les surmonte maintenant/Sans rêves illusoires/Sans l’ivresse». Montrant ainsi que l’on ne rejoint la paix heureuse qu’en buvant pour mieux aller au-delà de l’ivresse du réel, vers le tao, sans doute.

11/2015

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Pléiades

Histoire de ma vie. Coffret en 2 volume : Tome 2 ; Tome 3

Respecter une oeuvre longtemps malmenée, et par là renouveler l'image de Casanova ; faire en sorte que l'on considère l'écrivain et non plus seulement l'aventurier, et pour cela établir enfin une édition respectueuse du manuscrit avec lequel se confond l'Histoire de ma vie : tel est le projet de cette entreprise, aujourd'hui achevée. Le texte est scrupuleusement transcrit ; la langue propre à Casanova, respectée en tout point ; les repentirs de l'écrivain, lisibles au bas des pages, comme les notes qui fournissent la "traduction" des mots ou des passages susceptibles de faire difficulté. Au texte d'Histoire de ma vie s'ajoutent d'importants appendices, qui proposent pour l'essentiel des écrits de l'auteur, mais aussi le témoignage de quelques-uns de ses contemporains, qui l'ont connu, lu, aimé, ou qu'il a marqués, durablement. Le premier volume de cette édition retraçait la jeunesse vénitienne, le "bel âge", jusqu'à l'évasion de la prison des Plombs. Voici Casanova exilé. Il a trente-deux ans. On le retrouve à Paris, "en devoir de faire fortune". Les années 1757-1763 (t. II de notre édition) sont fastes. Naviguant dans les coulisses du pouvoir, opulent, éblouissant, Casanova roule carrosse. Mais une fabrique de toiles peintes le ruine. Son goût pour la magie, la cabale, l'alchimie lui vaut des succès qui tourneront à l'aigre. Affaires, plaisirs, fuites parfois : il voyage dans l'Europe de la guerre de Sept Ans, manque être enrôlé comme soldat, se jette dans un couvent, aspire un temps à une vie retirée, puis s'élance à la poursuite d'une belle amazone. Les longues fiançailles avec Manon Balletti restent sans suite. Le mariage est "le tombeau de l'amour". Casanova commence à se déclarer "libertin". En 1763 (t. III de notre édition), il est à Londres. Une syphilis le met en danger de mort. Vient le temps des longs voyages : Allemagne, Russie, Pologne, Espagne. La politique européenne le passionne. Il tente en vain de plaire aux souverains. Déceptions, errances, dettes. Quelques jolies passions encore, mais aussi de vilaines "galanteries". A mesure que le récit avance, le passage du temps se fait plus sensible. L'heure des bilans est venue. La maturité dépossède Casanova de sa véritable nature. Il a quarante-sept ans déjà, un "âge méprisé de la fortune". Il se rapproche de Venise. L'Histoire de ma vie s'interrompt à la date de 1774, à la veille de son retour. Inachèvement accidentel, ou volonté de ne pas raconter la fin ? A Venise, désormais, Casanova est un indicateur aux services des inquisiteurs. Pouvait-il investir les années 1774-1798 (date de sa mort) d'un désir qui était lié à l'énergie et à la séduction ? Il revient sur l'ensemble de son histoire, lui donne un nouveau titre, Histoire de ma vie jusqu'à l'an 1797, mais n'en prolonge pas le récit. Dans la préface qu'il écrit alors, c'est de ses "folies de jeunesse" que le lecteur est invité à se réjouir avec lui.

05/2015

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Critique littéraire

Correspondance 1925-1944. "Nos relations sont étranges"

"Parlerons-nous politique ? " demande Drieu à Paulhan, un jour de 1936, après dix années de promesses non tenues et de vagues reproches. Le dialogue sera vain, peut-être, mais il est sincère, bien que l'écart se creuse, jusqu'en 1943, entre le conseiller municipal du Front populaire et le thuriféraire de Doriot, entre le patriote qui en appelle à "l'espoir" et au "silence" en juin 1940 et le fasciste qui rêve de créer à Vichy un parti unique, entre l'ancien et nouveau directeur de La NRF imposé par Otto Abe,. Leur dialogue est même remarquablement direct : "Nos relations sont étranges, écrit Drieu à Paulhan le 12 décembre 1942. j'ai pour vous une véritable dilection qui m'est venue assez tard, à l'usage, an peu avant 1939, et en même temps je pense que nous sommes ennemis et que nous nous combattons." Ces 169 lettres échangées le montrent : Paulhan n'a jamais rompu intellectuellement avec Drieu, tentant de comprendre sa logique singulière. Paulhan ria jamais rompu avec La NRF, non plus : après avoir refusé la codirection de la revue avec Drieu, à l'automne 1940, c'est lui qui fixe, en sous-main, les règles de cette cohabitation forcée, conscient que cette "anti-NRF" permet à la maison d'édition de Gaston Gallimard de perdurer sous l'Occupation." Je crois que ma raison (personnelle) de ne pas écrire dans la nef demeure valable, précise pourtant Paulhan en juin 1941 : je ne puis qu'être solidaire de ceux de nos collaborateurs que j'y avais invités et que l'on renvoie. Entre Paulhan et Drieu la Rochelle, peut-on parler d'une amitié ? Y outil autre chose que les relations complexes entre un éditeur et un écrivain, les conseils avisés d'un directeur de revue à son successeur, et enfin leurs paradoxales discussions politiques ? Malraux l'affirmera : "Pour Drieu, Paulhan n'était pas un résistant, pour Paulhan, Drieu n'était pas un collaborateur". Est-ce pour cela que, sans poser de questions, Drieu intervint auprès des autorités allemandes en mai 1941 pour faire libérer Paulhan, arrêté avec d'autres membres du réseau du Musée de l'Homme ? Est-ce pour cela que Paulhan a toujours gardé le contact, et plus encore, avec le directeur collaborationniste de La NRF ? Si Drieu incarne la mauvaise conscience du milieu intellectuel, Paulhan ne voit cependant pas en lui le traître par excellence. De fait, la question de le fidélité est au coeur de cette correspondance (et ce n'est pas un hasard si elle s'ouvre sur la douloureuse rupture entre Drieu et Aragon, dont Paulhan est l'arbitre à son corps défendant) : fidélité à l'amitié, fidélité à soi-même et à ses convictions politiques, fidélité à la France, à la revue... Pour Jean Paulhan, comme pour André Malraux ou Emmanuel Berl, Pierre Drieu la Rochelle a certes failli gravement - en particulier lors de ses dernières années — mais il ne s'est pas trahi. Il aurait mémo été "loyal" jusqu'à sa mort par suicide, le 16 mars 1945. Paulhan ne signifiait déjà rien d'autre à Gide, trois ans plus tôt : "Drieu est à mon égard, en tout ceci, gentil et loyal. (Note autres directeurs de revues, sommes corrects en de tels cas). "Il peine semble-t-il, de temps d autre, m'adresser quelque reproche secret." (15 mars 1942).

12/2017

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Littérature anglo-saxonne

Un long silence

Un livre culte, élu meilleur document de l'année par le New York Times " La saga hallucinante d'une famille et d'un pays rongés par la dèche et la violence. " Télérama Gary Gilmore est l'un des condamnés à mort les plus célèbres des Etats-Unis. Après avoir passé une partie de sa courte existence derrière les barreaux pour des vols à main armée, le pire finit par advenir : en juillet 1976, il est accusé de meurtre, au moment même où la Cour Suprême vient de réautoriséer la peine capitale - dix ans après la dernière exécution. En réclamant lui-même sa mise à mort, plutôt qu'une peine à perpétuité, la personnalité complexe de Gilmore enflamme le pays. Il sera finalement exécuté le 17 janvier 1977 au matin. Quelques années plus tard, Norman Mailer lui consacrera un de ses chefs d'oeuvre, Le Chant du bourreau. Le frère cadet de Gary, Mikal Gilmore, rédacteur en chef à Rolling Stones, aura tenté pendant des années de mettre cette histoire tragique de côté. En vain. Avant qu'elle ne dévaste complètement son existence, comme elle a dévasté les siens, il se décide à la mettre par écrit, pour essayer de mieux comprendre son héritage, dénouer les liens du sang et échapper à la malédiction familiale. Poussé par l'urgence et un instinct de survie impérieux, il se ainsi lance dans une véritable enquête, à la fois affective, douloureuse, sans concessions, sur sa propre famille, sur son enfance, sur ses origines. Au terme de ce sombre voyage, il découvrira un terrible secret. Avec une force d'émotion rare, il nous donne un document passionnant, à la fois cru, intime et puissant, sur les traumatismes et la résilience, qui n'est pas sans évoquer De sang-froid de Truman Capote dans sa description de l'Enfer Américain. PRESSE : " [Un long silence], publié aux Etats-Unis en 1994, n'a ni la distance littéraire ni la sobriété stylistique de celui de Mailer. Mais la fascination qu'il exerce vient justement de là, du regard unique qu'il offre sur ce que cherchaient à percevoir ses prédécesseurs et qu'il a, lui, vécu de l'intérieur : le coeur sauvage du gothique américain, un monde où chacun est marqué par un sort imprécis mais fatal. " Le Monde " L'histoire inoubliable de Gary Gilmore, le condamné à mort le plus célèbre des Etats-Unis, qui avait fait couler le sang et beaucoup d'encre. " marie claire " Figure de tueur légendaire, Gary Gilmore est ressuscité le temps d'un livre extrême par son frère Mikal, journaliste à Rolling Stones... Pour garder la tête hors du bain de larmes, l'amoureux des livres qu'est Mikal se raccroche à l'écriture, ce qui lui permettra en 1994 de léguer à la littérature de son pays le poignant portrait d'une Amérique maudite dès le berceau. " Les Inrockuptibles " Remarquable, stupéfiant. " The New York Times " Une furieuse aventure littéraire " " Un hallucinant portrait " Télérama " Un chef d'oeuvre de la non-fiction " " Des personnes et des passages stupéfiants " Le JDD " Ce livre vous accompagnera très longtemps. " Tim Willocks " Un livre dévastateur effrayant, bouleversant, poignant... magnifique ! " The New York Times " Hypnotisant... captivant et profondément émouvant " The New Yorker " Impossible à lâcher " Los Angeles Times

10/2021

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Romans historiques

Joseph Balsamo ; Le Collier de la reine. Mémoires d'un médecin

Cette fresque historique, l'une des plus réussies d'Alexandre Dumas, va de la fin du règne de Louis XV à la Révolution. La publication en feuilleton puis en volume, commencée en 1846, s'est terminée en 1855. Joseph Balsamo s'ouvre en 1770 sur un prologue ésotérique : sur le mont Tonnerre où sont réunis les chefs de la franc-maçonnerie universelle, un inconnu, Joseph Balsamo, prophétise la Révolution universelle. Nous retrouvons Balsamo au Taverney, en Lorraine, où vivent le vieux baron de Taverney et sa fille, Andrée, chez qui Balsamo découvre la faculté de double vue sous influence magnétique. Marie-Antoinette, venue en France pour épouser le dauphin, fait une halte à Taverney. Au cours d'une scène dramatique, Balsamo, cédant aux supplications incrédules de Marie-Antoinette, lui fait apparaître, dans une carafe d'eau, sa future décapitation. Le Collier de la reine est le plus connu des quatre romans du cycle grâce à de nombreuses adaptations. Il prend appui sur la célèbre affaire du Collier : Louis XVI a promis à la reine un merveilleux collier. Celle-ci, dans un premier moment de vertu, y renonce, se ravise sous l'influence de Jeanne de La Motte, puis décide finalement de le rendre. S'ensuit un imbroglio dont Jeanne de La Motte tire les fils : Rohan croit avoir acheté le collier, la reine croit l'avoir rendu aux bijoutiers, tandis que c'est Jeanne de La Motte qui le garde. Le roi fera en vain juger Rohan et condamner Mme de La Motte : à l'issue du procès, c'est la reine, et avec elle la royauté, qui est perdue ! Avec Ange Pitou, on est au début de juillet 1789. Ange Pitou est un jeune paysan du bourg d'Haramont, inculte mais droit. Gagné aux idées nouvelles, il participe à la prise de la Bastille, tandis qu'une rétrospective historique installe sur la scène du roman l'image noire de la reine : usurpatrice étrangère, vampire suçant le sang de la nation en dilapidant son or. En contrepoint se déroule, sur le mode héroï-comique, le roman d'apprentissage d'Ange Pitou : devenu capitaine de la garde nationale d'Haramont, il est désormais un " personnage ". Avec La Comtesse de Charny, nous retrouvons Balsamo en envoyé de la Providence acharné à la perte de la royauté. Le récit de la fuite à Varennes occupe une grande place dans le roman : c'est de cette fuite manquée que procède, selon l'auteur, la rupture définitive entre le peuple et la royauté. Y figurent également le complot Favras, la compromission de La Fayette et de Mirabeau en faveur de Marie-Antoinette, la fête de la Fédération. Les événements révolutionnaires ont leur écho atténué à Haramont, où Pitou mène une révolution moins sanglante, alors que la figure sinistre de Marat, le chirurgien morbide, l'homme-animal, symbolise l'ultime étape de la Révolution. Dans cette série passionnante, on découvre aussi la fascination exercée par l'hypnose, la vigueur des idées propagées par Mesmer, alors qu'une médecine de plus en plus rationnelle se met en place. Les personnages ne se contentent pas d'être des acteurs (parfois rocambolesques) : ils sont aussi animés par des conflits idéologiques, ils hésitent, s'enflamment puis doutent lorsqu'il leur faut constater les excès auxquels ont conduit leurs convictions. Dans cette perspective, Balsamo incarne aussi l'Histoire qui hypnotise tous ses acteurs.

02/2012

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Littérature française

De la marchandise internationale

Patricia Bartok n'est pas la seule à changer de sexe à volonté. Rita Remington rétrécit de quelques centimètres. Rosetta Stone a sorti ses fleurs artificielles. Colonel Fawcett effectue un de ces sauts périlleux dont il a le secret. Major Osiris Walcott vient de froisser le col de sa veste. Inspecteur et Flippo se prend pour un personnage de série télévisée. Jimmy Ravel sait ce qu'il faut faire pour égarer les philosophes. Et Monsieur Typhus ? Il se pourrait qu'il apparaisse à l'occasion comme un phénomène de foire bicéphale. Ils sont à Londres, Cuba, Berlin, Belgrade, Bagdad, Kaboul, Kinshasa, Macao, Moscou et même Copenhague entre 1967 et 2010. Dans notre société liquide, ces exterminateurs-là ne meurent jamais longtemps. Note : Monsieur Typhus est un des personnages de Made in USA, film de Jean-Luc Godard sorti en 1966, très libre adaptation d'un roman de Richard Stark, Rien dans le coffre, lequel appartient à la série Parker, où l'auteur a supprimé systématiquement tout ce qui pouvait ressembler à de l'émotion. Mon Typhus, froid, méthodique, efficace, dont on ne connaîtra jamais le " vrai nom ", est précisément inspiré du Parker de Richard Stark (En coupe réglée, Travail aux pièces, Planque à Luna-Park) mais aussi du Reiner/Raner de Claude Klotz (Alpha-Beretta, Dolly-Dollar, Tchin-tchin Queen). La lecture du polar californien glacé Diamondback de Jacques Monory n'a bien sûr pas été sans produire ses effets. Typhus est tantôt un voleur professionnel, tantôt un tueur à gages, tantôt un mercenaire, un justicier, un espion ou un contre-espion. Autour de 1980 (cf. Souvenirs of you et Chocolat bleu pâle), il copie un peu trop le Serge Godorish imaginé par Daniel Odier alias Delacorta (Nana, Diva, Luna). Je l'appelle " Typhus " pour toute la période de sa vie qui court jusqu'à fin 1980 : au-delà, il est " Monsieur Typhus ". Apparu en 1977 ou 1978, Typhus fait équipe avec Rita Remington (je venais d'utiliser ce pseudonyme pour signer quelques articles de propagande féministe). Jimmy Ravel et Patricia Bartok forment un duo dès leur création en 1980 (dans Un Roman raté, extraits publiés dans le n°47 de la revue Minuit). Major Osiris Walcott vient ensuite : il trouve son origine dans le Jerry Cornelius de la bande dessinée Le Garage Hermétique de Moebius (qui lui-même l'a emprunté au grand auteur de science-fiction Michael Moorcock). Suivront Colonel Fawcett (homonyme de l'explorateur britannique disparu en 1925 en recherchant une cité mythique perdue dans le Matto Grosso) et Inspecteur et Flippo (clin d'oeil au Mister Bradley Mister Martin de William S. Burroughs). Rosetta Stone est la dernière venue en date : elle est supposée décrypter les messages codés les plus retors mais elle a bien d'autres capacités. Ce ne sont pas des héros et héroïnes classiques, et pas non plus des caractères : ils changent constamment de physique (de sexe, d'apparence), de comportement, passent d'une idéologie à l'autre, ce sont comme des acteurs qui enchaînent des rôles, qui incarnent ou combattent la sauvagerie fondamentale de l'homme (et de la femme) de plus en plus banalisée dans notre société de consommation (de colonisation) ultime. Dans la trilogie Le Privilège du fou/Sur les ruines de l'Europe/La Vie est un cheval mort, ils tentent en vain de rivaliser avec les tueurs les plus cruels et sanguinaires de l'Histoire contemporaine.

03/2017

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Romans de terroir

La maîtresse des forges

Anna, une institutrice de 23 ans, est mutée en octobre 1911 en vallée d'Aspe, aux Forges d'Abel, un hameau reculé des Pyrénées proche de la frontière espagnole. Elle découvre le pueblo, un village misérable en planches, où s'entassent les ouvriers espagnols et leur famille, venus de l'Aragon voisin, pour travailler durement sur le chantier du tunnel ferroviaire du Somport reliant France et Espagne. Anna est logée dans un confortable meublé au Bois où habitent les dirigeants de l'entreprise. Les débuts sont difficiles. Elle est affectée par la perte d'une de ses boucles d'oreille (héritées de sa mère),par la misogynie de son collègue instituteur et par l'indiscipline d'une élève aragonaise, Amparo. Elle s'inquiète aussi du silence de son amie Diane partie en Louisiane qui lui rappelle l'absence de son frère aîné, émigré au Mexique, dont elle n'a plus de nouvelles depuis de nombreuses années. Loin de se laisser aller, la maîtresse se bat pour l'instruction des filles et obtient du directeur de l'entreprise, l'ouverture de cours du soir destinés aux Espagnoles. Elle fait connaissance de ses voisins et se lie d'amitié avec Louise, malheureuse avec Auguste, un conducteur de travaux autoritaire. Au cours d'un repas en leur compagnie, elle rencontre un ingénieur qui ne la remarque pas, Etienne, dont elle tombe amoureuse. Lors d'un combat de coqs auquel Anna assiste clandestinement, sa boucle réapparaît et fait l'objet d'un pari. Bouleversée, elle croisefortuitement Etienne qui tente en vain de retrouver son bijou. Elle découvre le monde de la nuit, les frasques et les beuveries des ouvriers comme celles des dirigeants. Le grand bal de la Saint-Sylvestre lui ouvre enfin le coeur d'Etienne mais leur amour reste platonique.Dès janvier, les cours du soir accueillent une dizaine de femmes dont Inma, Sole et deux prostituées duPoisson rouge, un cabaret tenu par Rose, la maîtresse d'Auguste. Au printemps, une lettre apprend à la jeune femme que Diane vit finalement à Mexico et travaille à l'Alliance française. Anna songe à la rejoindre, après la visite de l'inspecteur qui, manipulé par l'instituteur, désavoue la maîtresse, l'accusant de faire l'apologie de l'alcoolisme. A ces événements, s'ajoute le retard pris par la jonction entre l'équipe française et espagnole qui éloigne Etienne d'Anna. Pendant l'été, un accident grave survient au tunnel : on retire les corps sans vie des pères d'Inma et d'Amparo et du mari de Sole. Miguel, le frère aîné d'Imna, prend en otage Auguste qu'il considère responsable ; le mineur est abattu par un soldat sous les yeux de sa soeur et d'Anna impuissantes. Inma quitte la vallée et l'institutrice s'occupe de Sole, enceinte, relogée au Bois. Pour calmer les ouvriers, Auguste est envoyé sur un autre chantier. Pendant l'absence d'Anna, la fille de Louise accouche secrètement en même temps que Sole, d'un petit garçon qui décède aussitôt. Louiserévèle à l'institutrice, avant de mourir, qu'elle a échangé les enfants : le bébé de Sole est celui de sa fille dont elle ne voulait pas. Le gros oeuvre s'achève en octobre : une fête célèbre la jonction en présence d'Etienne mais la jeune femme reste tiraillée entre son désir de partir au Mexique et celui d'épouser l'ingénieur qui lui a fait sa demande. Promu à un bel avenir en Argentine, il est envoyé entre-temps sur un chantier en Ariège et ne peut fêter Noël avec Anna. La jeune femme décide de rompre et propose à Sole de partir avec elle à Mexico. Après les adieux émouvants du pueblo, la maîtresse quitte les Forges et embarque à Saint-Nazaire. Sur le pont, elle se remémore son séjour puis tourne résolument le regard vers l'Amérique. Un coursier lui remet un paquet contenant sa dormeuse. Anna découvre Etienne sur le pont inférieur.

11/2017

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Religion

Formes modernes de la vie consacrée. Adélaïde de Cicé et Pierre de Clorivière

La personnalité d'Adélaïde de Cicé est peu connue. Ses biographes se passent les uns aux autres quelques détails sur son enfance et son adolescence, puisés dans la vie édifiante écrite - au demeurant avec beaucoup de mérite par l'abbé Carron au lendemain de la mort de sa compatriote. Les maigres renseignements sur les premiers essais de vie religieuse sont ensuite transmis avec prudence, comme si l'on craignait de s'aventurer sur un sol trop mouvant. Enfin, la figure d'Adélaïde n'est plus entraperçue qu'en filigrane. A partir de 1787, elle est en effet de plus en plus éclipsée et, si l'on ose dire, dominée, par la personnalité écrasante de Pierre-Joseph de Clorivière. La réalité semble bien différente, même si l'on n'étudie que la première partie de sa vie, c'est-à-dire de l'adolescence jusqu'à la fondation de la Société des filles de Marie en 1791. J'ai tenté cet examen, avec quelque appréhension d'abord, puis avec plus d'assurance. En cherchant à lire correctement les rares documents émanés de la benjamine des Cicé, qui sont parvenus jusqu'à nous, en les confrontant aux réalités sociales, politiques, religieuses dans lesquelles elle se mouvait, on découvre une personne vivante, réagissant aux problèmes de son temps, avec un sens aigu de l'autre et de bouleversantes vues de foi. Jusqu'à la Révolution, Rennes est le centre où évolue Adélaïde de Cicé. C'est à Rennes qu'elle naît, grandit, se forme, entre en contact avec un milieu aristocratique à la fois jaloux de ses droits et en même temps ouvert aux idées et aux initiatives libérales, avec le monde des communautés religieuses qui renferme des trésors de dévouement inlassable et révèle de désolantes étroitesses, avec une masse de petites gens qui vivent dans la gêne, la pauvreté ou la misère. C'est à Rennes qu'Adélaïde consume de longues années au service de sa vieille maman, dans un climat de papotages, de démêlés familiaux, de querelles parlementaires, de tension politique. C'est à Rennes enfin qu'elle essaie de s'intégrer en diverses communautés religieuses, mais en vain. Ce n'est ni entêtement, ni légèreté. Cette insatisfaction répétée est en quête des chemins de Dieu. Qui dénouera cet écheveau et qui discernera l'appel de Dieu ? La correspondance échangée entre Adélaïde de Cicé et le Père de Clorivière - nous possédons désormais demandes et réponses - est l'un des dossiers les plus complets et les plus précis d'un authentique discernement spirituel. Grâce à d'anciens documents décapés et à d'autres, nouveaux, on devine mieux la personnalité d'Adélaïde, personnalité humble mais forte, vivante et originale. Typiquement de son temps, elle fait le pont entre une génération qui cherche des remèdes sociaux et religieux « à la petite semaine » et un siècle - des siècles - de renouveau. Son message est simple et clair pour le 19e siècle comme pour le nôtre : adaptez hardiment votre vie chrétienne et votre vie religieuse aux circonstances de temps et de lieu que sont celles où le Seigneur vous fait naître, rayonnez-y par une vie tout entière au service de l'autre, tout entière à la forme de service qu'il attend, dans une abnégation et une pauvreté radicales. Il était indispensable de faire revivre Adélaïde de Cicé dans le Rennes du 18e siècle, si l'on voulait comprendre quelque peu sa vie, sa mentalité, sa mission. Pour bien en parler, il faudrait être - ou à la rigueur devenir – breton ! Profane, je touche donc à un bien de famille dont je ne connais guère les tenants et aboutissants, les fils et les clés. J'ai à peine soupçonné la richesse des archives et des bibliothèques régionales et locales. Que les érudits me pardonnent oublis, méprises ou erreurs. Puisse cet essai être quelque jour repris avec patience et méthode, et la bonne fortune de la découverte. Adélaïde de Cicé et ses pareils le méritent. Parce qu'ils ont voulu répondre loyalement aux problèmes nouveaux que posait à l'Église le climat révolutionnaire, Adélaïde de Cicé et Pierre de Cio rivière sont devenus, dans la docilité à l'Esprit, les promoteurs de « formes modernes de vie consacrée ». C'est la genèse de cette « nouveauté » et les vicissitudes de ces origines que je voudrais raconter pour notre temps.

01/1966

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Romans de terroir

Les frères Celhay

Résumé : Ce roman commence au Pays basque dans les derniers mois du XIXe siècle quand Jules, métayer, et Jean-Louis, son jeune frère qui revient de trois années de service militaire en Algérie, projettent un " coup fumant " pour améliorer leur quotidien : ils tendent un guet-apens à un riche maquignon du voisinage pour le dévaliser. Hélas ?! L'attaque échoue et conduit les coupables en prison ?; l'aîné écope de cinq ans de réclusion, le cadet de quatre. Pendant qu'ils purgent leurs peines dans des conditions difficiles, ils décident d'entreprendre une nouvelle vie loin de chez eux à leur libération. Ce sera Buenos Aires où vit déjà Pierre, le plus âgé de la fratrie qui exerce le métier de tonnelier. Le plus jeune s'embarque le premier à Bordeaux grâce à l'aide de l'artisan exilé et à l'assistance financière de la République argentine qui développe une politique destinée à favoriser l'immigration en payant, entre autres, une partie de la traversée. Le transatlantique longe l'Afrique, franchit l'océan, passe l'équateur et suit la côte sud-américaine de Recife à Montevideo, autant de découvertes pour Jean-Louis qui sympathise avec deux festifs Béarnais qui tentent la même aventure que lui. Entre tempête, danses et chants, l'amitié se construit. Les camarades émerveillés par l'exotisme des escales décident d'affronter leur nouvelle vie argentine main dans la main. Sur le pont des troisièmes classes, une liaison naît entre Jean-Louis et Léopoldine, une Aveyronnaise qui rejoint son oncle, viticulteur dans l'ouest de l'Argentine en compagnie de son frère. Les cinq compères foulent les quais de Buenos Aires et fréquentent brièvement l'hôtel cosmopolite des Immigrantes, avant que la fille et son cadet ne s'en aillent vers les vignobles de Mendoza. Après les promesses et les adieux à la gare de Retiro, le trio basco-béarnais cherche et trouve du travail. Mais la vie qui s'installe ne satisfait pas leurs ambitions. La rencontre avec Paola, l'épouse d'un riche banquier, va tout changer et emporter les trois complices dans un projet fou, celui d'ouvrir un cabaret. Ils fondent le Flor de Nieves qui connaît rapidement la notoriété tant auprès du Tout-Buenos Aires que parmi les classes populaires des quartiers de la Boca, San Telmo ou Barracas. Hélas, une double passion impossible couplée d'une trahison perturbent l'équilibre florissant du trio d'associé Basco béarnais et mènent Jean-Louis à la déprime. Pas d'autres perspectives pour lui que de retrouver les bras salvateurs de Léopoldine installée à mille kilomètres de la capitale. L'arrivée de Jules qui a purgé sa peine ne change rien à la détermination du cadet qui entraîne ses frères dans une nouvelle entreprise : la fondation d'une tonnellerie à Luján de Cuyo, petite ville située parmi les vignobles de malbec des contreforts andins, près de Mendoza. La fabrique croît rapidement, la demande est forte, mais la fratrie se heurte aux états d'âme fluctuants de Jean-Louis qui, après son mariage, se désole de ne pas parvenir à procréer et surtout, rêve secrètement de retrouver Paola, sa passion portègne. Après de longues tergiversations, il se rend gonflé d'espoir à Buenos Aires. En vain. La fille le repousse. Tout se détraque et sa vie devient terne, sans relief. Lorsqu'éclate la guerre de 1914, malgré la stupeur et l'incompréhension des siens, il répond à l'appel de mobilisation générale. Il quitte alors cette Argentine fourmillante du début du XXe siècle, ce pays où tous les rêves sont possibles et regagne la vieille Europe qui s'ensanglante dans le nord-est de la France... Quelques jours de combat au front le font revenir sur terre et lui permettent de reconsidérer l'essentiel. Hélas ?! Cela arrive bien trop tard. La rafale ennemie qui le fauche l'empêche d'apprendre qu'à Mendoza le ventre de son épouse s'arrondit enfin... Tandis que son corps est enseveli dans un endroit inconnu, la future maman devenue veuve affronte son destin et règle quelques comptes...

11/2017

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CD K7 Littérature

Le Maître et Marguerite

Le Maître et Marguerite, « roman-univers » au même titre que Gargantua et Pantagruel, Don Quichotte, La Guerre et la Paix, ou encore La Montagne magique et quelques autres, est incontestablement le grand oeuvre de Mikhaïl Boulgakov (1891-1940). Il l’appelle lui-même son « grand roman » . Son élaboration, son écriture ont occupé, plus ou moins secrètement, les douze dernières années de sa vie. L’étoffe dans laquelle est habilement « coupé » et façonné ce roman est un tissu serré de composantes autobiographiques et de savoirs, mais c’est un tissu dont on ne sent pas le poids. Ce « grand » roman n’est pas volumineux, comparé aux romans les plus célèbres d’un Tolstoï, d’un Dostoïevski ou d’un Victor Hugo. On vient aisément à bout de ses deux parties. Le lecteur non russe n’achoppe même pas sur le premier obstacle que constitue souvent pour lui la mémorisation des prénoms, patronymes et noms de famille, grâce à l’ingéniosité avec laquelle ils sont introduits. En Russie, actuellement, Le Maître et Marguerite est même considéré comme un « livre pour la jeunesse » : cet avatar inattendu de la grande popularité posthume dont il a toujours joui témoigne, en tout état de cause, de l’agrément et de la facilité que présente sa lecture. L’attrait le plus immédiat du roman tient à la richesse et aux rebondissements de son sujet. Le Maître et Marguerite se développe à partir d’une journée de printemps dans un quartier tranquille du Moscou soviétique des années 1920-1930. Sous le regard d’un énigmatique étranger, quantité d’événements « scandaleux », tragiques et comiques déferleront sur la population moscovite et sur quelques individus spécialement ciblés, des événements auxquels les victimes et les pouvoirs publics s’évertueront en vain à trouver des explications rationnelles, se refusant obstinément à leur attribuer une cause « magique ». Le lieu de la scène initiale a tôt fait de s’agrandir et les protagonistes de se multiplier : le cadre de l’action s’élargit à tout Moscou (centre et périphérie), à la Russie, à la Palestine et à tout l’au-delà. Un autre roman commence ici à s’imbriquer dans le roman « moscovite » ; il sera mené à son terme dans trois autres chapitres non consécutifs, ingénieusement intégrés dans le sujet contemporain. Il s’agit bien en effet d’un roman dans le roman, nourri de tout une documentation, biblique, apocryphe et légendaire, qui s’inscrit dans le genre fondé par Renan dans sa Vie de Jésus. Mais le héros en est Pilate plutôt que « Iéchoua » . L’écrivain génial qu’est le Maître, par manque de courage et d’audace, renonce à sauver son oeuvre menacée et préfère disparaître ; la téméraire Marguerite, prête à tout pour retrouver l’écrivain et son manuscrit, conclut une forme de pacte avec le fameux étranger, qui lui dit se nommer Woland, et se voit entraînée, de son plein gré, dans d’extraordinaires aventures. Si, malgré la complexité de son sujet, Le Maître et Marguerite n’est pas d’une lecture ardue, si l’on s’oriente sans effort aux croisements de sa double intrigue, cela s’explique, pensons-nous, par les talents de conteur et d’homme de théâtre que Boulgakov applique ici à sa prose romanesque. Mais comment ce roman pourrait-il être à ce point divertissant s’il ne l’avait pas été en premier lieu pour son auteur ? C’est d’abord pour se « divertir » lui-même d’une existence que des frustrations bien amères lui ont rendue insoutenable que Boulgakov entreprend, en 1928, son roman « sur le diable », d’abord sans intention, et bientôt sans espoir, de le voir jamais publier. Le Maître et Marguerite apparaît bien comme une quête à la fois passionnée et incertaine de Vérité et d’Absolu. La seule Vérité qui s’impose à l’écrivain, à laquelle il se voue avec une grande constance et un grand bonheur, c’est l’écriture. C’est, en définitive, un exploit d’écriture qui est illustré dans et par Le Maître et Marguerite, et qui s’y révèle superbement rédempteur.

01/2011

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Histoire internationale

Mon combat pour un Tibet moderne

The Struggle for Modern Tibet raconte la vie peu banale d’un Tibétain, né en 1929 (et toujours en vie). Pour rédiger ses mémoires, Tashi Tsering a pu compter sur la collaboration de Melvyn Goldstein (un anthropologue américain, spécialiste du Tibet) qui l’a aidé à accoucher de ses souvenirs et les a resitués dans l’histoire générale, et de William Siebenschuh (un autre professeur américain, spécialisé dans la littérature anglaise des 18e et 19e siècles, auteur de biographies) qui a su donner forme à ses souvenirs épars pour en faire un récit captivant qui se lit comme un roman. Un vrai roman, effectivement. Né dans un village presque entièrement analphabète, il voudrait, dès le plus jeune âge, apprendre à lire et à écrire. Mais dans son village, c’est impossible : il n’y a pas d’école. Mais voilà que, à l’âge de dix ans, au grand désespoir de ses parents, il est recruté, comme impôt humain, pour devenir danseur dans la troupe de danseurs du Dalaï-Lama, ce qui lui ouvre des perspectives en terme d’instruction, mais le met aussi en contact avec les tares de la société théocratique (brutalité, violences, y compris sexuelles). En 1950, les troupes chinoises entrent dans Lhassa et, pendant plusieurs années, ce sera une sorte de « lune de miel » avec la population locale. La conscience politique de Tashi Tsering commence à s’éveiller : il doit exister d’autres systèmes politiques que le régime théocratique et féodal. Toujours soucieux d’apprendre, il part en Inde pour y étudier l’anglais. Il est en Inde quand l’insurrection de Lhassa éclate en 1959 ; il se lie d’amitié avec le frère aîné du Dalaï-Lama et le seconde dans l’accueil des réfugiés tibétains qui affluent en Inde. Il fait la connaissance en Inde d’un étudiant américain, grâce auquel il va pouvoir venir étudier aux États-Unis. Avant de partir, il rencontre le Dalaï-Lama, qui l’invite à être un « bon Tibétain ». Études sur la Côte Est et puis à Seattle : ses lectures historiques lui font établir un parallélisme entre le moyen-âge occidental et la société tibétaine qu’il vient de quitter. Malgré l’incompréhension de ses amis tibétains en exil et de ses condisciples américains (dont Melvyn Goldstein), il décide de retourner au Tibet pour se mettre au service de son peuple resté au pays. Le frère aîné du Dalaï-Lama essaie en vain de l’en dissuader, en lui faisant miroiter des avantages matériels. Arrivé en Chine après un interminable voyage en bateau, il est aussitôt envoyé d’autorité dans une obscure école d’une province centrale, qui allie étude et endoctrinement. Tashi Tsering accepte son sort, car il croit sincèrement au bien-fondé du communisme ; de plus, il espère bien que sa formation lui permettra de retourner au Tibet pour y enseigner. Voilà que, en novembre 1967, en pleine Révolution culturelle, il est accusé d’être un espion à la solde des États-Unis. Humiliations publiques. Condamnation sans réel procès. Après avoir passé plus de trois ans en prison, et y avoir tenu le coup malgré des conditions d’internement inhumaines, il épouse Sangyela, une vieille amie tibétaine très croyante, avec qui il va former un couple très uni. Mais même après sa libération, il est toujours suspect et assigné à un travail manuel qui ne lui convient pas. C’est pourquoi, profitant de l’assouplissement du régime après l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1977, il s’enfuit jusqu’à Pékin pour réclamer sa complète réhabilitation, qu’il finira par obtenir. Toujours soucieux de sortir les paysans tibétains de leur analphabétisme et de les ouvrir à la modernité, il obtient de pouvoir commencer, à 51 ans, la rédaction d’un dictionnaire trilingue tibétain-chinois-anglais (qui sera publié à Pékin en 1988). Grâce à la coquette somme d’argent que le Gouvernement chinois lui a versée en dédommagement du préjudice subi par ses années « volées », il ouvre un cours du soir d’anglais à Lhassa. Puis, il se bat pour obtenir la création d’une école primaire dans son village, qui ouvrira ses portes en 1990. Fort de cette réussite, il va être à l’initiative de la fondation d’une trentaine d’autres écoles sur le Haut Plateau. En 1992, après avoir repris contact avec Melvyn Goldstein, il commence, en Amérique, à travailler à son autobiographie. En 1994 – il a 65 ans – il rencontre à nouveau le Dalaï-Lama, à l’Université du Michigan, et l’invite, sans succès, à rentrer au pays. 1997 : parution de ses mémoires, sous le titre The Struggle for Modern Tibet. The Autobiography of Tashi Tsering, par Melvyn Goldstein, William Siebenschuh et Tashi Tsering, M.E. Sharpe, Armonk (New York) et Londres, « An East Gate Book ».

10/2010

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Actualité politique internatio

Au coeur de la troisième guerre mondiale

La croyance en l'avènement de "la mondialisation heureuse" (Alain Minc) et de "la Fin de l'Histoire" (Francis Fukuyama) était omniprésente en octobre 2002 quand j'ai publié "La Troisième Guerre mondiale a commencé" . Aujourd'hui, c'est au contraire cette dernière qui est au centre des préoccupations. Une crise économique et financière à venir qui sera pire que celle de 1929 La mondialisation hyperfinanciarisée enclenchée dans les années 1980 a été jalonnée d'un crescendo de crises issues de l'éclatement de bulles financières, dont celui de 2008. Elles ont résulté de la surchauffe de la "planche à billets" par les banques centrales accompagnée d'endettements publics et privés abyssaux. Ce mécanisme infernal a été accentué par l'épidémie de covid. Il ira jusqu'à l'éclatement de bulle de trop, qui effondrera le système financier international. Conséquence : la "weimarisation" des économies (hyperinflation par dépréciation des monnaies). En effet, les banques centrales sont désormais confrontées à la quadrature du cercle. Pour essayer d'enrayer l'inflation, elles augmentent leurs taux d'intérêt. En vain. Résultat : la stagflation, c'est-à-dire l'inflation et, en même temps, la stagnation de la croissance quand ce n'est pas la récession. La croissance de la masse monétaire et du surendettement se poursuivra jusqu'au collapsus mondial : cracks boursier et obligataire, faillites de banques en série. C'est dans cette perspective que la Russie et la Chine notamment accumulent depuis des années des stocks d'or destinés à garantir leurs monnaies. Car cette crise financière majeure bouleversera l'ordre monétaire international, aux dépens du dollar (perdant son rôle de monnaie de réserve mondiale) et de l'euro. Il y eut la crise de 1929. Celle qui vient risque d'être pire, car la mondialisation a supprimé les cloisons plus ou moins étanches qui séparaient les grandes aires économiques à l'époque. Déjà, on voit que s'accentue la paupérisation des classes moyennes occidentales déclenchée par la mondialisation à partir des années 1980. La perte de valeur du mark sous la République de Weimar a laissé l'image de consommateurs achetant leur pain avec une brouette de billets. Le grand collapsus financier à venir pourrait ressusciter ce genre de scène dans les pays développés. La situation sera encore pire dans les pays en voie de développement dont la plupart sont déjà dans une situation précaire. Séismes politiques et géopolitiques La crise économique et financière provoquera des séismes politiques et géopolitiques. Le fondamentalisme et le terrorisme islamistes progressent en certaines parties du monde. Comme Daech en Irak et en Syrie, malgré sa défaite militaire de la fin des années 2010. Retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, réislamisation accélérée de la Turquie sous la férule d'Erdogan, contamination de l'Afrique sub-saharienne et de l'Afrique de l'Ouest par les filiales d'Al Qaida et de Daech, ramifications de ces organisations en Asie (Afghanistan, Philippines, Indonésie...), prévalence des partis islamistes au Pakistan... Face à Europe, l'Afrique du nord est elle-même concernée. La Libye est devenue un chaudron islamiste depuis la mort de Kadhafi, la Tunisie le devient depuis la chute de Benali, le maréchal Al-Sissi maintient la marmite islamiste égyptienne sous un couvercle prêt à sauter. Le collapsus économique et financier mondial (avec son cortège de misère, de famines et d'épidémies) ouvrira des boulevards aux islamistes pour s'emparer d'appareils d'Etat bancales pour la plupart, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. La Troisième Guerre mondiale On assiste au retour des guerres interétatiques. Aujourd'hui, c'est la guerre Otan-Russie en Ukraine, donc sur le sol européen. Les Etats-Unis la pilotent dans le but d'affaiblir la Russie, qu'ils ambitionnent de disloquer pour la vassaliser et encercler la Chine. Car demain, ce sera la guerre entre les Etats-Unis et la Chine, probablement déclenchée par la pomme de discorde qu'est Taïwan. Les deux géants s'y préparent : course frénétique aux armements, découplage progressif des deux économies, embargo américain sur les puces électroniques à destination de la Chine... En effet, les Etats-Unis n'accepteront pas de laisser la Chine leur ravir la première place dans l'économie mondiale sans utiliser contre elle leur gigantesque appareil militaire, financé par un budget annuel de plus de 700 milliards de dollars. Certains hauts dirigeants américains ne s'en cachent même pas. Par le jeu des alliances, la guerre Etats-Unis-Chine s'étendra à l'ensemble du monde, en un cocktail d'affrontements civils et internationaux et de terrorisme. Avec en toile de fond la crise économique et financière mondiale génératrice de pénuries. Donc de fanatismes en tous genres. A la faveur de la guerre en Ukraine, les Etats-Unis ont plus que jamais enfermé les pays européens dans l'OTAN. Ces derniers sont donc enrôlés à l'avance dans leur future guerre avec la Chine. Refusant que Pékin, en envahissant Taïwan, contrôle la jugulaire maritime qu'est la mer de Chine pour l'Asie du Nord Est, le Japon sera aux côtés des Etats-Unis. Il est lui aussi engagé dans une course aux armements. L'Australie et la Nouvelle Zélande sont des alliées inconditionnelles de Washington. L'Inde, géant rival de la Chine en Asie, sera elle aussi du côté américain. En face, le Pakistan musulman, viscéralement opposé à l'Inde, sera aux côtes de la Chine. Quant à l'Iran, hostile aux Etats-Unis et à Israël et dès aujourd'hui parvenu au seuil nucléaire, il sera allié de la Chine. La Russie sera dans le camp chinois, puisque l'Occident l'y a rejetée. La Turquie, devenue un Etat phare de l'Islam, attaquera l'Europe du Sud dont la France. Elle entraînera à sa suite quelques Etats d'Afrique du Nord et du Moyen Orient tombés aux mains des islamistes radicaux, qui offriront à leur jeunesse confrontée à la misère un dérivatif dans des razzias sur cette Europe tant convoitée. Une Europe qui aura fort à faire, entre les menaces à ses frontières et la cinquième colonne islamiste pilotée surtout par la Turquie à l'intérieur de ses territoires. La France sera appelée à jouer un rôle central dans cette configuration européenne.

02/2024

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Biographies

Charles de Foucauld, homme de science

Assassiné le 1er décembre 1916 alors qu'une insurrection de grande ampleur avait soulevé la majeure partie des populations du Sahara et du Sahel contre l'occupant français, Charles de Foucauld a inspiré dès avant sa mort les fabricants de littérature sulpicienne. Leur représentant le plus encombrant reste René Bazin, qui a publié en 1921 Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite au Sahara, monument de componctueuse et fate médiocrité dont Louis Massignon devait écrire dans une lettre du 16 septembre 1959 à Jean-François SixA : " Foucauld coule dans le gouffre de la bondieuserie S. A Sulpice. [... ] Il y a des jours où je regrette de n'avoir pas été réquisitionner pour sa "Vie" Louis Bertrand au lieu du mélibéen René Bazin. [... ] Il nous aurait épargné les bonbons de candi bénit de la rue de Sèvres. A " Le grand arabisant se faisait quelques illusions sur Louis Bertrand, si l'on en juge par un lamentable Saint Augustin publié en 1913. Quant à Jean-François Six, sirupeux et prolixe biographe de Foucauld, s'il a complaisamment rapporté la mise en garde de Massignon dans son Aventure de l'amour de Dieu (1993), il n'a pas su l'entendre. Le flot sulpicien ne s'est jamais tari jusqu'à aujourd'hui, charriant année après année des ouvrages qui ont épaissi plutôt qu'éclairci l'énigme d'une âme qu'on devine hantée par la mélancolie, la haine de soi, l'intransigeance et une sombre démesure. Quelques procureurs leur ont fait face, beaucoup moins nombreux mais pas plus respectueux des faits. On pouvait espérer que les choses changeraient une fois la béatification acquise, puisqu'il n'était dès lors plus besoin ni de défendre ni d'attaquer une cause désormais entendue, mais il n'en a rien été. La célébration du centenaire de sa mort a même transformé la cohorte des thuriféraires en une légion où le mélibéen a voisiné avec le savonarolesque. Plus récemment, les procureurs, jusque-là relativement discrets, ont vu leur zèle avivé par la vogue actuelle de déboulonnage de statues et la perspective de la canonisation prochaine de l'ermite de Tamanrasset. A en croire certains d'entre eux, Foucauld aurait été le " défenseur d'une guerre totale contre l'Allemagne lors de la Grande Guerre " ; pour d'autres, il aurait eu une " implication directe dans les opérations militaires coloniales contre les tribus rebellesA " et aurait été " l'auxiliaire incomparable " de Laperrine, commandant supérieur des territoires sahariens jusqu'en 1910. Il y a aussi ceux selon lesquels il aurait avancé des " idées en faveur d'une désorganisation des structures sociopolitiques touarèguesA ". Foucauld " défenseur de la guerre totale " ? Plaisante formule. Totale, la guerre l'était, et Foucauld ne pouvait qu'en prendre acte. Il est un fait qu'il envoyait des lettres exaltées à ses amis engagés sur le front, mais son exaltation restait épistolaire, car l'essentiel de son temps était consacré à la mise au net de ses travaux linguistiques. Ses journées de travail duraient souvent plus de onze heures, et le résultat en est une oeuvre dont il est difficile d'affirmer comme le font certains qu'elle est " indissociable de la conquête coloniale ". Car, dans les faits, elle s'en dissocie parfaitement. Ses lettres à ses amis sur le front, tout comme ses relations avec les officiers sahariens, font partie de l'époque et elles sont banales une fois remises dans leur contexte. En revanche, ses travaux linguistiques, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les deux tomes de ses Poésies touarègues et les quatre tomes de son Dictionnaire touareg-français, sont encore une référence pour tous les spécialistes, y compris touaregs. C'est pour une bonne part à cette oeuvre qu'est consacrée le présent ouvrage. Quant à l'implication " directe " dans les opérations militaires, c'est une pure invention. Et les lettres à Laperrine ne justifient pas le qualificatif d'" auxiliaire incomparable " que Foucauld s'est vu décerner après leur parution. Surtout si l'on songe qu'elles datent d'un temps où Laperrine, revenu en France, n'avait plus aucune responsabilité au Sahara. L'ermite avait l'habitude d'informer ses amis officiers de la situation du Sahara, mais il n'était guère en cela qu'une sorte de gazetier dont les " renseignementsA ", qui mettaient plusieurs semaines à arriver à leurs destinataires, n'étaient ni exploitables ni d'un grand intérêt opérationnel. De plus, affirmer comme nous l'avons lu récemment que " ses renseignements fournis à l'armée coloniale ont influencé la stratégie de conquête du "pays touareg"A " est un anachronisme. Lorsque Foucauld atteint le pays touareg en février 1904, le chef et futur amenûkal Mûsa ag Amastan vient de signer un traité avec les militaires. En d'autres termes, la " conquête " était déjà chose faite avant même son arrivée sur place. Les seuls auxquels il est difficile de donner totalement tort sont ceux pour qui il aurait songé à désorganiser les structures sociopolitiques touarègues. Sauf à remarquer cependant, comme Paul Pandolfi le fait observer dans sa contribution, que les officiers qui seuls auraient été en mesure de procéder à cette réorganisation était d'un avis contraire, qui seul a prévalu. D'une manière générale, il n'avait guère d'influence sur ses amis militaires. Ainsi, le plan d'organisation de l'annexe du Tidikelt qu'il avait échafaudé est resté lettre morte, comme le remarque là encore Paul Pandolfi. De même, lorsque le sous-lieutenant Constant voulut donner suite aux propositions de Foucauld pour le réaménagement du fort Motylinski, il fut désavoué par son supérieur, le capitaine de La Roche, pour qui tout cela n'était qu'" hérésie tactique ". De même encore, la correspondance du lieutenant-colonel Meynier laisse deviner son scepticisme à propos de renseignements d'ailleurs très vagues transmis par Foucauld en août 1914. De toute façon, ni Foucauld ni ses supérieurs religieux n'avaient alors un quelconque pouvoir décisionnaire. Il ne pouvait que s'ouvrir de ses idées à ces intermédiaires, ces acteurs de terrain qu'étaient les officiers qui intervenaient alors dans l'Ahaggar. Mais, même dans les quelques cas où ces derniers relayèrent ses demandes, les autorités supérieures, tant à Alger qu'à Paris, y opposèrent une fin de non-recevoir. Voilà de quoi relativiser le rôle et l'influence politique de Foucauld. Voir en lui une sorte de maître à penser de la politique saharienne de la France et le lointain inspirateur de cette éphémère Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) que la France créa en 1957 est manquer du sens des proportions. Pour ce qui est des idées coloniales, il les a assurément partagées. Mais ses avis tranchaient sur la bonne conscience alors de mise. C'est ainsi que, dans une lettre de 1912, il conseillait à Mûsa ag Amastan de faire apprendre le français aux siens, pour qu'ils " puissent, au bout d'un certain temps, jouir des mêmes droits que les Français, avoir les mêmes privilèges qu'eux, être représentés comme eux à la Chambre des députés, et être gouvernés en tout comme euxA ". Il ne concevait certes pas l'avenir des Touareg ailleurs que dans un ensemble français, mais au moins leur y assignait-il, à terme, celui de citoyens à part entière. En février 1956 encore, un président du Conseil s'est fait conspuer par les ultras d'Alger pour beaucoup moins que ça. Il écrivait aussi en cette même année 1912 : " Si, oublieux de l'amour du prochain commandé par Dieu, notre Père commun, et de la fraternité écrite sur tous nos murs, nous traitons ces peuples [colonisés] non en enfants, mais en matière d'exploitation, l'union que nous leur avons donnée se retournera contre nous et ils nous jetteront à la mer à la première difficulté européenne. A " Sans doute ne voit-il là dans les colonisés que des enfants, mais étaient-ils nombreux, en 1912, ceux qui considéraient que, même dans les colonies, la "fraternité écrite sur tous nos murs" ne devait pas rester un vain motA ? Que Foucauld ait été un homme de son temps, nul ne songe à le nier. Il est toujours utile de détailler ce trait du personnage, et les contributeurs du présent ouvrage, notamment Jean-Louis Marçot et Jacob Oliel, ne s'en sont pas faute. Mais en faire un " ultraA " de la colonisation est absurde. Foucauld avait pourtant suscité quelques authentiques travaux d'historiens, qui depuis deux ou trois décennies ont répandu de lui une image plus complexe et plus humaine que l'icône assez plate accréditée jusque-là par les tâcherons de l'hagiographie. De portées et d'inspirations très diverses, tous ces travaux s'accordent au moins à reconnaître que, quels que soient par ailleurs ses titres à l'admiration et même à la ferveur, quelles que soient également les réserves qu'ils puissent susciter aujourd'hui, cet homme dont l'oeuvre linguistique est utilisée aujourd'hui encore par tous les spécialistes aura été une figure majeure des études berbères. Parmi tous ces travaux, une place particulière doit être faite à ceux du regretté Antoine Chatelard. C'est pourquoi, avec l'aimable autorisation de la revue qui l'avait d'abord publié, nous avons choisi de republier ici (sous sa forme d'alors) un texte datant de 1995 et qu'on doit tenir pour fondateur puisque c'est le premier texte où le travail linguistique de Foucauld ait fait l'objet d'une étude proprement scientifique. Mentionnons également, du même Antoine Chatelard, La mort de Charles de Foucauld (2000) ouvrage où, d'une part, il s'efforçait de reconstituer les circonstances de la mort de Charles de Foucauld et où, d'autre part, il jetait une intéressante lumière sur la façon dont la légende de " Foucauld martyrA " avait pu se construire. Mentionnons aussi par ailleurs le livre sobre et remarquablement documenté de Pierre Sourisseau (Charles de Foucauld. Biographie, Paris, Salvator, 2016), dont on regrette seulement que les travaux linguistiques de Foucauld et ses interrelations avec les Touaregs n'y ont peut-être pas tout à fait la place qu'elles mériteraient. L'article d'Antoine Chatelard est suivi ici de deux textes où Dominique Casajus a tenté de le prolonger sur un ou deux points, tandis que, de son côté, Aurélia Dussere s'est attachée au travail de Foucauld comme explorateur du Maroc et que Marc Franconie propose un commentaire de quelques-uns des croquis qu'il a dressés au cours de son voyage d'exploration ainsi qu'un aperçu de son travail de météorologue. Le volume s'achève par deux contributions, dues à Emmanuel Alcaraz et à Dominique Casajus, qui entendent donner un aperçu de l'image, souvent infondée, que certains milieux se font aujourd'hui de Charles de Foucauld. L'étude historique du " casA " Foucauld doit se poursuivre, et le dossier présenté ici veut être une contribution à ce cette tâche. Et, en historiens que nous essayons d'être, notre rôle n'est pas de déboulonner des statues, ni, du reste, d'en édifier. Et l'image parfois floue que nous avons essayé de recomposer n'est ni tout à fait noire, ni tout à fait blanche.

10/2022

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Critique littéraire

Études anglaises - N°1/2015

Agnès DERAIL-IMBERT Eros et Arès : les enfants de la guerre dans Billy Budd, Sailor de Melville Cette étude se propose de lire Billy Budd, Sailor comme une fable juridique qui dramatise, dans un double contexte de guerre et de mutinerie, le conflit entre la violence d'une innocence exceptionnelle (Billy) et celle du mal absolu (Claggart). L'une et l'autre, hors la loi, recèle une menace insurrectionnelle que la souveraineté politique (celle du capitaine Vere), pour se maintenir, doit réprimer. Le jugement de Vere - l'exécution de Budd -, s'exerçant au nom de la violence légale, met en oeuvre une stratégie qui enrôle la puissance cohésive d'Eros au service de la loi mar- tiale, dans une opération qui vise à naturaliser et à sublimer la violence arbitraire de l'état d'exception. Against a backdrop of war and mutiny, Billy Budd, Sailor can be read as a juridical drama staging the conflict between the exceptional violence of utmost innocence (Billy's) and that of absolute evil (Claggart's). Both infringe the law and both are pregnant with a threat of insurrection which political sovereignty (captain Vere's) must eradicate for the sake of its own integrity. Vere's sentence condemning Budd to death in the name of legal violence partakes of a complex strategy whose aim is to summon Eros's cohesive power in order to buttress martial law and to naturalize and sublimate the arbitrary violence of the state of exception. Michael GILLESPIE The Picture of Dorian Gray as a Postmodern Work Despite the wide range of interpretative approaches to The Picture of Dorian Gray that have appeared since its publication, all seem to assume that a particular set of values or beliefs-traditional Judeo-Christian morality, cultural attitudes, nationa- list dispositions, or queer inclinations-is integral to Wilde's narrative. This essay challenges the value of any metaphysical reading by asserting that the world of The Picture of Dorian Gray is delineated in strictly physical terms and so is best as a Post-Modern work. Through close reading, this essay shows key points in the narrative that highlight the absence of all values and that underscore the view that characters behave according to strictly material considerations. In the end the essay concludes that Wilde presents a world as grim and bleak as anything found in the works of Samuel Beckett. Malgré les nombreuses interprétations dont a fait l'objet The Picture of Dorian Gray depuis sa publication, tous les critiques semblent penser qu'un ensemble de valeurs ou de croyances-qu'il s'agisse de la morale judéo-chrétienne, de positions culturelles, de dispositions nationalistes ou de l'homosexualité-fait partie inté- grante du roman de Wilde. Cet essai remet en question la pertinence de toute lec- ture métaphysique en affirmant que le monde de The Picture of Dorian Gray est délimité en termes strictement physiques et que l'on ici affaire plutôt à une oeuvre post-moderne. En se fondant sur une lecture détaillée, cet essai montre que des points-clés dans le récit mettent en évidence l'absence de toute valeur et soulignent l'idée que les personnages se comportent en fonction de considérations purement matérielles. En conclusion, cet article souligne que Wilde donne à voir un monde aussi sombre que celui de Samuel Beckett. Christopher S. NASSAAR Hidden Meanings and the Failure of Art : Wilde's A Woman of No Importance Complexity is the hallmark of Oscar Wilde's mature works. From "Lord Arthur Savile's Crime" through The Picture of Dorian Gray and Salome, there is an incre- dible amount of complexity wherever we look. When we reach A Woman of No Importance, however, the complexity apparently disappears, and the play is usually read as a conventional Victorian melodrama. A deeper look at the play reveals veiled references to Farquhar, Hawthorne, Arbuthnot and Baudelaire. The refe- rences point to a deep hidden meaning in the play. Traced carefully, they reveal Mrs. Arbuthnot as a deeply corrupt woman who is unaware of the dark recesses of evil within herself. Unfortunately, this suppressed undercurrent of meaning is too dee- ply buried and very difficult to detect, which has led people in general to accept the surface meaning as the true one. The play is thus a stylistic failure, although its veiled thematic content is quite profound. La complexité caractérise les oeuvres d'Oscar Wilde, de "Lord Arthur Savile's Crime" jusqu'à The Picture of Dorian Gray et Salome, alors que, dans A Woman of No Importance, celle-ci paraît moins évidente, la pièce étant le plus souvent lue comme un mélodrame victorien conventionnel. Cependant, si on analyse la pièce de plus près, on y décèle des références voilées à Farquhar, Hawthorne, Arbuthnot et Baudelaire. Celles-ci soulignent qu'il y a dans la pièce un sens caché, et une analyse détaillée révèle que Mrs Arbuthnot est en fait une femme corrompue et inconsciente du mal tapi en elle. Malheureusement, parce que celui-ci est profondément enfoui, on s'en est souvent tenu à une lecture superficielle de la pièce. Celle-ci est donc, en un sens, un échec stylistique en dépit de sa profondeur thématique. Nathalie SAUDO-WELBY Narratorial authority in Sarah Grand's Beth Book (1897) The Beth Book, a partly autobiographical narrative, is a feminist Bildungsroman told in the third person. Historical, religious and scientifc discourses combine to give authority to the narrator's vision of Beth, so that the narrator is fnally in a position to award Beth the title of female genius. Yet, very little is said of the con- tent of Beth's "art for man's sake ;" the title and the content of her non-fction book are not described ; and the novel's last words are the name of her "Knight, " a writer who believes in woman's genius to reveal man's own. Avoiding the most direct form of didacticism, Sarah Grand has shifted the emphasis away from Beth's message to women to the narrator's work of authorizing Beth to progress to her position of public speaker. In the process, this narrator is given a historical consciousness and a sex. The Beth Book est un roman d'apprentissage féministe au contenu en partie auto- biographique. Fondant son autorité sur une analyse historique et un discours reli- gieux et scientifque, l'instance narrative fnit par octroyer à Beth le titre de génie féminin. Pourtant, un vide entoure le contenu de "l'art pour l'homme" de Beth ; de son ouvrage, on ne sait ni le titre ni le contenu mais seulement qu'il ne s'agit pas de fction ; les derniers mots du roman sont le nom de son "Chevalier" , un écri- vain qui croit que le génie des femmes consiste à susciter celui des hommes. Tout en évitant les formes de didactisme les plus directes, Sarah Grand a placé au centre de son roman engagé la tâche de la narratrice omnisciente qui va faire progresser Beth en position d'orateur de génie. Au cours de ce processus, la narratrice acquiert une conscience historique et un sexe. Pierre LONGUENESSE Yeats et le mélange des genres : du texte à la scène Dans le projet de "théâtre de l'imagination" formulé par Yeats dès 1890, le Verbe poétique est porteur d'un pouvoir visionnaire, par la performativité de son énoncia- tion concrète portée par le corps de ce que l'on n'appelle pas encore, avec Georges Banu, un "acteur-poète" . Ce projet fait de l'écriture dramatique un objet multi- forme, où le drame n'a de sens que mis en tension par ce qui le "menace" dans sa pureté générique : la narration, le chant, la danse. ll conduit le dramaturge vers des collaborations audacieuses sur les scènes de ses créations, entre musiciens, compo- siteurs, et danseurs. En somme, loin de "menacer" son théâtre, ces figures d'un "hors-champ" artistique sont ce qui en constitue l'expression par excellence, puisque, par le théâtre, est dévolu au verbe le pouvoir extra-ordinaire de faire sur- gir, par sa physicalité propre, aussi bien le souffle du chant que le rythme du corps dansant. In the "Theatre of Imagination" conceived by Yeats in the 1890s, the poetic Verb is given the power to create visions through the concrete physicality of its uttering by the performing body of what Georges Banu will later call an "acteur-poète". This project transforms dramatic writing process into the creation of a multiform object, in which the issue of the drama is brought out by the tension between oppo- site mediums : theatre on the one hand, singing, dance, tale on the other hand... This exploration involves Yeats in original collaborations on stage with composers, musicians, and dancers. In short, these manifestations of an artistic "hors-champ, " far from threatening the drama, become on the contrary the core of its expression, as a new power is, on stage, devoted to the Verb : the extra-ordinary power to arise the pneuma of singing as well as the rhythm of the dancing body. Anne MOUNIC "To tell and be told" : war poetry as the "transmission of sympathy" War poetry raises a paradox : the destructive collective imposition which weighed upon each soldier during the Great War triggered off new individual awareness and led to a questioning of the values that had prevailed until then, and notably idealis- tic philosophy. Discussing the paradox, we shall oppose tragedy and the individual epic, catharsis and empathy, the choice of death and the choice of life. The Great War writings will be placed in their literary and philosophical context, before and after. La poésie de guerre soulève un paradoxe : la contrainte collective de destruction qui pesa sur chaque soldat durant la Grande Guerre suscita une nouvelle conscience singulière, menant à un questionnement des valeurs et, notamment, de la philoso- phie idéaliste. Discutant ce paradoxe, nous opposerons la tragédie à l'épopée indi- viduelle, la catharsis à l'empathie, le choix de la mort à celui de la vie. Les écrits de la Grande Guerre seront placés dans leur contexte littéraire et philosophique, avant et après. Olivier HERCEND Cinema, the mind and the reader in Virginia Woolf's The Mark On the Wall Taking up David Trotter's Cinema and Modernism, this article emphasises the strong links that exist between Virginia Woolf's thoughts on cinema and the new techniques and notions that she develops in "The Mark on the Wall. " Indeed, her depiction of the mind's process fosters the image of a fragmented world, a succes- sion of images that come under no authoritative order or meaning : a mere mon- tage. But cinema also contains the promise of an artistic answer to the fragmentation of the modern condition. Through a renewal of textual co-operation, Woolf opens her reader to the possibilities of what I choose to call an "aesthetics of juxtaposi- tion. " Reprenant les idées exprimées dans Cinema and Modernism, de David Trotter, cet article relie la pensée de Virginia Woolf sur le cinéma aux techniques et aux notions nouvelles qu'elle développe dans "The Mark on the Wall" . De fait, en tentant de décrire le fonctionnement de l'esprit, elle fait naître l'image d'un monde fragmenté, une succession d'images qui ne tombent sous l'autorité d'aucun ordre ni d'aucune signification essentiels : en un mot, un montage. Mais le cinéma est également la source d'une réponse artistique à la fragmentation de la condition moderne. En renouvelant les modalités de la coopération textuelle, Woolf ouvre son lecteur aux possibilités d'une "esthétique de la juxtaposition" . Antonia RIGAUD Les Europeras de John Cage : de l'opéra au cirque Cet article interroge le rapport ambigu qu'entretint John Cage avec le théâtre tout au long de sa carrière. Influencé très tôt par Artaud et Stein, il ne cesse de faire référence au théâtre et conçoit son art comme une réflexion sur la théâtralité et la notion de performance. Ses Europeras, à la fin de sa carrière, permettent de mettre en avant la manière dont il a cherché à la fois à inscrire ses expérimentations artis- tiques dans le champ théâtral tout en faisant sortir le théâtre des codes mêmes de la scène. La place centrale que Cage donne au théâtre, bien qu'il ne produise que de très rares oeuvres théâtrales, témoigne de son désir de penser le théâtre non pas en tant que médium mais en tant que lieu d'expérimentation. This article addresses John Cage's ambiguous relationship with theatre throughout his career. Influenced early by Artaud and Stein, he often referred to theatre and understood his own art project as a reflection on theatricality and performance. The Europeras, written late in his career, testify to his attempt to associate his artistic experimentation with theater while pushing on the limits of theatre. The prominent position Cage gave to the theatre in contrast to the rarity of his theatrical work pieces is emblematic of his ambition to re-think the theatre as a locus of experimentation.

09/2015