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Philosophie

Partage du sens. Une présentation de l'ethanalyse

Voici un livre qui souhaite dépeindre notre vie dans la culture, notre façon de profiter, au sein de celle-ci, des horizons qu'elle nous offre et des sens dont elle nous propose le partage. Nous sommes un peu égarés devant la diversité des possibilités que nous pouvons ainsi embrasser : le livre caractérise notre condition comme celle d'une liberté perplexe, mais ce ne sont pas la liberté ni la perplexité que l'on conçoit ordinairement. Chaque région de sens dans laquelle nous pouvons nous enrôler appelle une étrange description qui en dégage les tables de la loi : pour accomplir cette tâche, la philosophie prend un nouveau visage, celui de l'ethanalyse ; elle entend dans certains mots (les sollicitants) un appel et elle explicite les prescriptions régissant la réponse à l'appel (la sémance de l'ethos). Un précédent ouvrage (Territoires du sens, Vrin, 2007), avait procédé ainsi à l'ethanalyse de trois régions, celle de l'amour, celle du politique et celle du sujet. Le présent essai aborde la région de la vérité, celle du dialogue, celle du corps, celle de la mort et celle de la philosophie. A propos de cette dernière, il suggère une façon différente et affectueuse d'envisager le schisme entre philosophie continentale et philosophie analytique. A l'occasion de l'examen de la région vérité, le livre tente une récapitulation des grands principes et problèmes de l'épistémologie de la logique, des mathématiques, de la physique et des sciences de l'interprétation. Traitant du corps et de la mort, on découvre une tradition de l'avoir/être un corps et une normativité de l'attitude envers la mort. Dans une partie ultime, l'auteur s'attache à traiter de genres et disciplines qui se tiennent au bord de l'ethanalyse et qui, à la limite, pourraient contester l'autonomie du domaine qu'elle se donne ou la méthode qu'elle suit : d'un côté la littérature, de l'autre les sciences sociales. Le livre est ainsi amené à distinguer trois sortes de littératures et à comparer la perspective des sciences sociales sur l'être-ensemble avec celle de l'ethanalyse.

06/2014

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Droit

Robes noires, années sombres. Avocats et magistrats en résistance pendant le Seconde Guerre mondiale

Ignoré de l'historiographie et absent des analyses sociologiques, l'engagement d'avocats et de magistrats dans la Résistance se révèle pourtant un sujet passionnant pour qui veut comprendre à la fois les années sombres et le rôle politique de la justice dans l'histoire contemporaine de la France. Au-delà de l'exemple souvent évoqué du juge Didier, qui refusa de prêter serment au Maréchal, des dizaines d'avocats et de magistrats choisirent d'entrer dans l'illégalité alors que leur profession les associait à l'application de la loi. Avocats organisateurs de filières vers l'Angleterre, juges d'instruction détruisant certains de leurs propres dossiers, substituts du procureur contribuant à l'évasion de leurs détenus, juristes praticiens associés à leurs collègues du monde académique dans la rédaction de textes démontrant l'illégalité de Vichy : ce sont quelques-uns des aspects de cette résistance qui sont ici reconstitués à l'aide d'archives jusque-là délaissées. Réinscrivant la période de l'Occupation dans une socio-histoire des milieux judiciaires allant de l'entre-deux-guerres à la fin des années 1940, ce livre éclaire d'un jour nouveau les relations entre droit et politique. L'étude de la résistance d'avocats et de magistrats révèle les potentialités d'action de ces professionnels, dont la force subversive apparut à travers ceux qui choisirent la dissidence au sein d'une institution judiciaire dotée d'un rôle central dans la répression mise en œuvre par Vichy. Elle propose aussi une interprétation nouvelle de l'engagement résistant, grâce aux outils de la sociologie de l'action collective. Soumis aux mêmes contraintes que leurs compagnons d'armes d'autres secteurs (clandestinité, recrutement, risque, secret, communications difficiles...), magistrats et avocats durent néanmoins trouver les ressources nécessaires à l'invention d'une action clandestine spécifique, fondée en particulier sur le droit et ses institutions. L'exemple de la résistance judiciaire démontre également que la portée politique du droit ne doit pas être négligée dans l'histoire du combat entre Vichy et la Résistance, qui peut être relu comme un affrontement entre des définitions et des mises en œuvres rivales de la légalité et de la légitimité politique.

08/2005

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Critique littéraire

Cahiers 1894-1914. Tome 10, 1910-1911

Les années 1910-1912 constituent dans l'œuvre de Valéry une période charnière. Cahiers, blocs-notes et carnets mettent en évidence les voies diverses où il commence à s'engager. Relégués désormais les grands registres, les cahiers de petit format prennent la relève en 1910. Recueils de notes rédigées, ils ont presque le statut d'œuvre à publier. Valéry s'installe dans le texte en fragments d'allure littéraire. Il écrit ou ébauche des pages qui paraîtront dans les années vingt : ainsi le " Log-book de M. Teste " -Teste, héros jamais perdu de vue; ainsi les fragments recueillis dans la plaquette Au crayon et au hasard. puis dans Rhumbs en 1926, et le Cahier B 1910, d'abord reproduit en phototypie. Le manuscrit original, calligraphié. porte les marques de la première lectrice : dans les années vingt, Catherine Pozzi (Karin) sigla de son paraphe CK (ici reproduit) les passages qu'elle appréciait. Rythmant le texte, cette effraction est la trace de l'aventure intellectuelle et affective qui s'est alors jouée. En 1911 Valéry revient, dans des blocs-notes, aux grands axes de sa réflexion : la relation esprit-corps, le langage, le temps, et surtout le rêve dans le cahier " Somnia ". S'il connaît alors sans doute. de seconde main, le Freud de la Traumdeutung révélée par des comptes rendus, Valéry ne cherche pas une " interprétation " des rêves, mais des lois conduisant à une théorie générale liée à sa conception combinatoire du fonctionnement de l'esprit. Deux carnets de poche éclairent cette période et apportent des repères biographiques. Ils montrent un Valéry au quotidien notant des achats, des adresses d'amis, des rendez-vous. Appartenant à un corpus naguère ignoré, ils révèlent les impressions, idées, formules de premier jet qui sont germes de textes. Gênes et ses rues animées, Florence et ses édifices célèbres s'inscrivent dans le carnet " Genoa " rédigé durant un séjour en Italie, et riche de croquis : des statues de Michel-Ange, un portrait de Raphaël, le palais Pitti. Le vécu personnel, sensoriel, affectif, intellectuel s'y inscrit, donnant bientôt naissance à des proses poétiques. Ce qui se cherche ou se pressent, dans ces années, c'est l'expression plus libre d'une sensibilité affleurant au sein même de la pensée abstraite.

06/2006

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Critique littéraire

Contours du poème amoureux. Formes de l'expression amoureuse dans la poésie française du XXe siècle

L'amour en poésie a suscité nombre d'investigations thématiques et historiques, déployées dans des champs culturels variés, mais peu de recherches sur les structures de l'expression. Comment la poésie dit-elle l'amour, et qu'en dit-elle ? Comment l'être aimé se trouve-t-il évoqué, appelé, célébré et relié à l'énonciateur aimant ? Cet ouvrage descriptif, dans lequel l'examen de l'organisation des énoncés guide l'interprétation des textes, se propose de repérer les formes, figures et procès constitutifs du caractère "amoureux" du verbe poétique. De l'inscription du prénom dans le poème aux recréations modernes de la louange, les principales modalités d'évocation de l'être aimé sont considérées, sans éluder les questions qui forment aujourd'hui le nébuleux halo du simple mot " image ". Si la paronomase, l'analogie et l'hyperbole exercent toujours leur plein empire sur les poètes amoureux du XXe siècle, les mises en oeuvre attestent une évolution dans le traitement des images. La célébration, sujet classique des études littéraires, n'est pas le seul mobile du poème. L'aspiration poétique à neutraliser l'incompatibilité du réel et de l'imaginaire, rejoint l'aspiration amoureuse à "sortir de soi" pour accéder à autrui, ce qui détermine des procès communicants spécifiques, structures ouvertes de la représentation et de l'énonciation. La teneur sentimentale de cette parole destinée, orientée, est aussi envisagée, dans une réflexion sur la déclaration d'amour. S'affirme ainsi, d'étude en étude, la vocation relationnelle d'un type de discours fondé sur une dépendance allocentrée. L'énonciateur tend à établir un lien à tu et à toi, qu'il lui faut sans cesse renouer. Un aperçu des différentes configurations de la liaison interpersonnelle rend compte de la formation de ce couple verbal. L'approche formelle introduit au coeur de discours encore peu explorés. Car même circonscrit à une langue et un siècle, le domaine reste immense, la poésie française du XXe siècle constituant une matière littéraire foisonnante, hautement hétérogène. Au-delà de son prime enjeu — dégager et décrire des structures significatives communes à des textes d'une extrême diversité —, ce livre fait entendre ou découvrir quantité de voix amoureuses de notre poésie.

02/2019

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Développement durable-Ecologie

L'Allemagne et le nucléaire

Depuis la catastrophe de Fukushima, le gouvernement allemand a décidé de renoncer au nucléaire civil. A voir... En 1990, il avait confirmé la même position pour le nucléaire militaire. Que signifie cette politique ? Le présent ouvrage, aidé par le ministère de la Défense, répond. de façon "réaliste" et "constructiviste". L'histoire de la tentation nucléaire de l'Allemagne éclaire certes le contenu du traité sur la non-prolifération de 1969, sa genèse, son interprétation, ses lacunes, à travers une politique qui semble s'être enfermée dans un "triangle" national, atlantique, européen et une dissuasion "concertée", "partagée". Mais la RFA a conservé la possibilité technique d'acquérir une défense nucléaire autonome, au-delà de la restriction de sa souveraineté de 1949 à 1989. Depuis sa réunification, elle affirme une volonté d'indépendance et de retour à la puissance. Il s'en faut de beaucoup que les aléas de sa politique énergétique aient diminué son potentiel militaire. Située en première ligne durant le conflit Est-Ouest, la Bundeswehr a été préparée et entraînée à la guerre nucléaire ou nucléaro-conventionnelle en Europe centrale. Elle a partagé avec les forces anglo-américaines basées outre-Rhin des milliers de têtes nucléaires. Elle dispose des vecteurs adéquats : artillerie, sous-marins, missiles. avions. Le commerce nucléaire avec l'Inde, le Pakistan, le Brésil, l'Argentine, l'Afrique du Sud, l'Irak ou l'Iran s'est montré hautement "proliférateur", jusqu'à ce que le contrôle des exportations ait été resserré en 1990-1992. Les scandales dans la presse, les informations délivrées par les douanes, les procès pour exportations illégales de matériels à usage militaire, ont révélé les capacités allemandes. En l'absence de réglementation contraignante sur le commerce extérieur, ce pays a le pouvoir de priver de toute efficacité le régime international de non-prolifération. In fine, le niveau technologique atteint par l'industrie nucléaire, les stocks de matériaux fissiles à usage dual et l'expérience de la Bundeswehr, font de la RFA une puissance nucléaire "en filigrane". Celle-là même qui participe depuis 2002, aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne d'une part, des trois autres membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies d'autre part, aux discussions sur le nucléaire iranien !

12/2013

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Religion

Epître aux Romains

Le commentaire de l'épître aux Romains paru au début de la guerre et très rapidement épuisé attend déjà depuis longtemps une réédition. Le texte du Père Huby garde toute sa valeur. Ce qu'un juge particulièrement impartial en la matière, M Goguel, a écrit du commentaire sur les épîtres de la captivité vaut certainement et à plus forte raison de celui sur l'épître aux Romains : il ne craignait pas de dire son "admiration pour la manière dont l'auteur s'était acquitté d'une tâche délicate en évitant à la fois deux écueils opposés, la superficialité d'une exégèse banalement édifiante et l'aridité d'une présentation trop technique". Il reste, le lecteur désire connaître la pensée du "maître", non celle d'un autre, fût-il un de ses disciples. Nous nous sommes donc décidés à reproduire sans changement le texte même du Père Huby et à présenter en appendice une série de notes destinées soit à compléter les indications bibliographiques soit à suggérer une explication différente. En ce qui concerne notamment l'exégèse de Rom, v, 12 et suiv, le Père Huby nous a dit lui-même avant sa mort que, s'il avait un jour à préparer une nouvelle édition, il adopterait sans aucun doute une autre interprétation. L'importance théologique du problème nous a contraints de dépasser les limites d'une simple annotation et de publier cette note à part : elle constitue l'appendice II. Ailleurs, nous ignorons si l'exégèse que nous proposons lui eût agréé. Elle a souvent été discutée et développée en divers articles parus dans Biblica et Verbum Domini, auxquels nous nous sommes permis de renvoyer le lecteur. Si nous n'avions craint d'allonger encore le présent volume, nous aurions aimé ajouter une notice biographique. On lira l'article qu'au lendemain de la mort du Père lui a consacré le Père René d'Ouince dans les Etudes d'octobre 1948, et les notes intimes, brèves, mais si émouvantes, que vient de publier la revue Christus (n° 7, juillet 1955). A leur lumière, on comprendra mieux sans doute comment le Père Huby savait allier exégèse scripturaire et théologie spirituelle.

01/1957

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Philosophie

Commentaire de l'Euthyphron de Platon

"Aux Etats-Unis surtout, mais aussi, à divers degrés, dans les pays d'obédience anglo-saxone, l'Euthyphron est un dialogue très prisé au point de servir d'introduction à des enseignements de logique dans la mesure où il est considéré comme un bon exercice dans ce domaine en raison du morceau 10 a-11 b, si âprement disputé". "Ce morceau "logique" revêt également une dimension que l'on est forcé de considérer comme "théologique" dans la mesure où une tendance significative du commentarisme, allant sans doute bien au-delà de la préoc-cupation initiale de Platon, voit dans le dilemme ("Le pieux est-il pieux parce que les dieux l'aiment, ou les dieux aiment-ils le pieux parce qu'il est pieux ? ") l'expression d'un débat théologique général : le Bien est-il le Bien parce que Dieu le commande ou bien Dieu commande-t-il le Bien parce qu'il est le Bien ? " [C'est ce problème que les Anglo-Saxons appellent Euthyphro Dilemma]. "Deux autres thèmes retiennent également l'attention, et cette fois davantage celle des spécialistes. L'un, qui ouvre le dialogue, porte, au-delà de la distinction entre dikè et graphi, sur des aspects essentiels du droit grec ancien. Le second, qui conclut le dialogue, à la suite du fameux morceau 10 a-11 b, retrouve un problème classique du premier platonisme, la nature et/ou l'unité des vertus à travers le rapport entre Piété et Justice". "En France, et dans le monde francophone en général, on peut déplorer un certain retard qu'accusent les travaux d'interprétation de l'Euthyphron. En dehors de l'Euthyphron de Platon, dû à Jean-Yves Chateau, il n'y a guère que le récent ouvrage de Dan Solcan : La piété chez Platon. Une lecture comparée de l'Euthyphron et de l'Apologie (Paris, L'Harmattan, 2009)". Le but de ce travail très méticuleux de Djibril Samb est de combler le retard de la France et du monde francophone par rapport au monde anglo-saxon dans le commentarisme de l'Euthyphron.

05/2017

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Littérature française

Un Humour Prophétique ! Adam, Abraham, Moïse et les autres...

Mes bien chères soeurs, mes bien chers frères, plongez-vous avec délice dans ce livre, vous en ressortirez, si vous en ressortez…, dans une sorte de béatitude nouvelle ! Hervé Muzet considère l'humour comme une manière d'être et de vivre. C'est pour lui un apprentissage permanent, qui ne s'apprend dans aucune école, Dieu merci ! Considérant, comme un autre humoriste, que l'on peut rire de tout, il s'efforce cependant de ne blesser personne en riant beaucoup, tirant des situations vécues une cocasserie ou un non sens désopilants. L'Ancien Testament se présente alors comme le premier grand trek de l'histoire, en autonomie totale, sous la conduite d'un leader doté de pouvoirs extraordinaires. En lisant ce texte, les prophètes ou réputés tels, nous apparaissent sous un jour singulier, Moïse comme un grand sportif, et le peuple qu'il guide se révèle assez fantasque. La lecture humoristique de l'un de nos plus anciens textes est rafraîchissante, parfois décapante ; dans tous les cas les personnages sont drolatiques, capricieux voire saugrenus. Texte riche, vivant, sensible. Il nous révèle que les mots contiennent une multitude de sens et que, combinés entre eux, ils nous conduisent à des phrases imprévues. Aucune situation ne semble devoir être prise au sérieux et l'humour, pas plus catholique qu'orthodoxe, est un lien humain pour dire à l'autre : toi aussi tu es mon frère, rions ensemble de ce sens détourné. Comment alors se priver d'une relecture savoureuse, facétieuse, de l'Ancien Testament ? Rappelons que Dieu, quelle que soit son appellation, est humour ! L'interprétation des textes sous une forme humoristique ouvre ainsi la voie… à d'autres façons de percevoir, là ou d'autres avancent une forme d'impénétrabilité. Hervé Muzet, un Ardennais atypique, a toujours su garder dans toutes les circonstances de la vie un humour décalé, souvent truculent, sorte d'antidote à la vulgarité et au mauvais goût. De son passage dans une grande école, Sciences Po Paris, il a tiré des enseignements désopilants, tout comme de sa carrière professionnelle, et aujourd'hui qu'il a atteint un âge quasiment canonique, il en profite pour nous le faire partager.

08/2017

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Ethnologie et anthropologie

Histoire du concept de couvade. Edward B. Tylor et l'ethnologie victorienne

Figure de proue de l'anthropologie britannique de la deuxième moitié du XIXe siècle, Edward Burnett Tylor (1832-1917) renvoie, par la notion de convoite, à un ensemble de représentations, interdits et pratiques liés à la naissance, lesquels imposent au père de renoncer à ses activités et nourritures habituelles et, éventuellement, de s'aliter. Mobilisant une vaste littérature, allant des Argonautiques d'Apollonios de Rhodes à l'ethnographie exotique et européenne du XIXe siècle, Tylor repère ces usages en Amérique, Asie, Europe et Afrique. Il propose de les désigner par le mot français couvade dans la première édition de ses Researches into the Early History of Mankind and the Development of Civilization (1865), ouvrage qui s'inscrit dans le vaste renouveau des sciences de l'homme promu par la reconnaissance, en 1859, de la haute antiquité du genre homo et de la préhistoire. Focalisant l'attention sur ce traité, Maria Beatrice Di Brizio reconstitue l'émergence du concept tylorien de couvade. La notion est d'abord analysée dans le cadre des Researches, dont on précise les enjeux de connaissance, les sources, les critères de sélection, classement et interprétation des données empiriques. Dans la seconde partie de son étude, l'autrice aborde le contexte d'émergence du concept au Royaume-Uni, entre 1810 et 1865, et prend en compte la naissance de l'ethnologie comme science générale de l'homme et science des races, le débat sur l'unité de l'espèce humaine, les théories sur l'origine et le développement de la civilisation. La troisième partie explore les usages, avant Tylor, des informations sur les comportements de couvade et du terme couvade (1538-1865). L'objectif de cet essai est d'éclairer le rôle du concept de couvade dans la construction de l'ethnologie tylorienne, théorisant l'unité de l'homme et le progrès naturel des sociétés à partir de l'état dit "sauvage". L'autrice interroge ainsi, à la fois, l'émergence d'une catégorie de classification anthropologique, le comparatisme ethnologique de l'époque victorienne et les matrices intellectuelles de l'évolutionnisme culturel britannique.

03/2021

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Essais biographiques

Louis Soutter. Ou l'écriture du désir

La première partie de cette étude, intitulée "? Le suicide antérieur ? ", a un caractère documentaire et méthodologique. Elle commence par une biographie, dans laquelle nous avons inséré de nombreux témoignages directs de personnes qui ont connu Louis Soutter. Etant donné l'importance que peuvent prendre certaines déterminations psychologiques ou sociologiques en l'occurrence, nous nous sommes efforcés de rassembler le maximum de renseignements et de pratiquer le principe de non-omission, quitte à ce que certains traits paraissent insignifiants de prime abord. Nos sources biographiques sont, pour la quasi-totalité, des témoignages oraux dont nous citons les auteurs, sauf dans les cas qui exigent une certaine discrétion. Dans le deuxième chapitre de cette première partie, nous tentons une première interprétation psychologique et sociologique de ces documents, en marquant bien que, dans un cas aussi complexe, il ne saurait s'agir que de conjectures. Enfin, à travers la lecture critique des ouvrages et des textes déjà parus sur Louis Soutter, nous esquissons une vue d'ensemble de l'oeuvre et nous posons le problème de ses liaisons avec la tradition et le contexte artistiques, en ajoutant quelques considérations méthodologiques. La seconde partie, intitulée "? L'écriture du désir ? ", est consacrée à l'étude de l'élaboration graphique et des agents plastiques. Nous essayons de mettre en évidence l'origine psychomotrice de la ligne, les rapports de l'espace imaginaire avec celui du corps propre, la structure anagrammatique des figures, et l'analogie entre la scénographie des dessins et celle du rêve. Dans la troisième partie, "? La figure et le texte ? ", nous commençons par un recensement iconographique des principaux thèmes. Puis nous nous attachons à faire ressortir leur convertibilité métaphorique, ainsi que l'action sous-jacente de certains schèmes "? préfiguratifs ? " qui assurent cette convertibilité. Enfin, après une analyse des rapports complexes entre les figures et les inscriptions, nous tentons de montrer que la production de Soutter dans son ensemble peut être assimilée à une écriture plastique indéfiniment expansive : son origine se perd dans les ténèbres psychophysiologiques, et elle poursuit son mouvement au-delà du dessin proprement dit dans la lecture qu'elle engage. Aussi excède-t-elle et met-elle en question les termes sur lesquels s'articule ordinairement l'analyse esthétique : l'oeuvre, l'artiste le réel.

05/2022

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Droit du travail et de l'emplo

Liaisons sociales Les Thématiques N° 91, septembre 2021 : Le licenciement économique. Volume 1

Le licenciement économique- Première partie La crise sanitaire s'est accompagnée d'une crise économique majeure, susceptible d'être à l'origine de nombreux licenciements pour motif économique. L'ampleur et l'importance du sujet nous conduisent à exposer le licenciement pour motif économique dans deux numéros de Liaisons sociales - Les Thématiques. Le premier volet aborde la définition et les procédures de licenciement économique. Le second détaille les mesures d'accompagnement et l'indemnisation des salariés. Après les différentes réformes ayant impacté le droit du licenciement économique ces dernières années (lois du 14 ? juin 2013, du 6 ? août 2015 et du 8 ? août 2016, ordonnance Macron du 22 ? septembre 2017 et loi de ratification du 29 ? mars 2018), la jurisprudence de la Cour de cassation ainsi que celle du Conseil d'Etat ont précisé l'interprétation de ces textes. Zoom : L'obligation préalable de reclassement du salarié Le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Le non-respect de cette obligation de reclassement est sanctionné par l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement économique. Le salarié peut alors prétendre au versement de dommages-intérêts. Point spécial : La transaction La transaction, lorsqu'elle intervient à la suite d'une rupture du contrat de travail, est un contrat par lequel l'employeur et le salarié décident de prévenir ou de mettre fin à tout différend résultant de la rupture. Définie par le Code civil, la transaction doit nécessairement intervenir après la rupture définitive du contrat, c'est-à-dire une fois que la lettre de licenciement a été envoyée par recommandé avec avis de réception ou que la démission a été notifiée. Elle suppose, pour être valable, un consentement libre et éclairé des parties et l'existence de concessions réciproques. La transaction suscite une jurisprudence abondante et évolutive de la Cour de cassation.

10/2021

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Histoire de l'Eglise

Deux mille ans d'évangélisation et de diffusion du christianisme

Engagé depuis les années 1970 dans l'effort collectif commencé par des historiens universitaires pour proposer une lecture scientifique du fait missionnaire, Jean Comby (1931-2020), professeur aux Facultés catholiques de Lyon, publie en 1992 un manuel à visée pédagogique intitulé Deux mille ans d'évangélisation. Il y dresse un bilan des connaissances à la lumière des travaux qui ont renouvelé dans la deuxième moitié du XXe siècle la vision de la diffusion du christianisme. Soucieux de ramener le lecteur aux sources, il ponctue chaque chapitre de documents, d'autant que la crise des missions et la mise en cause de leur rôle s'accompagnent dans le contexte postcolonial de controverses où les idées reçues prennent souvent le pas sur la fréquentation des archives. Il entreprend de mettre à jour l'ouvrage au début des années 2000 pour une seconde édition qui restera à l'état de manuscrit non publié. Claude Prudhomme, Professeur émérite des universités, Université Lumière Lyon 2, spécialiste de l'histoire des religions et des missions, propose ici, sous le titre Deux mille ans d'évangélisation et de diffusion du christianisme, un ouvrage qui reprend pour l'essentiel la deuxième rédaction de Jean Comby mais en l'augmentant considérablement. En effet, conformément au souhait qu'avait exprimé ce dernier peu avant sa mort en 2020, des mises à jour systématiques et des compléments ont été introduits dans le texte. Ils visent à intégrer les acquis récents de la recherche sur l'histoire des missions, à conduire le récit jusqu'à nos jours et à renforcer la part réservée au protestantisme dans l'internationalisation du christianisme contemporain. Le but n'est cependant pas de tendre à une exhaustivité illusoire, et forcément provisoire, ni d'atteindre une objectivité qui transcenderait les frontières confessionnelles et les divergences d'interprétation. Il est plus modestement de rendre compte avec justesse et mesure d'une histoire qui retrace les étapes de la diffusion du christianisme dans l'espace et dans le temps tout en mettant l'accent sur les modèles d'évangélisation promus au cours de l'histoire, sur les acteurs et les moyens mobilisés pour les mettre en oeuvre, sur les questions soulevées et les réponses apportées.

01/2022

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Photographie

Blind Memory. Des objets de mémoire

Les blockhaus qui jalonnent les plages du mur de l'Atlantique sont autant de vestiges de la Seconde Guerre mondiale et de l'un de ses événements marquants, le débarquement. Ils sont les symboles de la guerre entre la France et l'Allemagne, et de f occupation douloureuse du pays par l'armée du Troisième Reich. Un grand nombre de ces ouvrages, encore visibles le long du littoral, maintient vivante la mémoire de la guerre dans l'esprit des générations actuelles. Pourtant, ils apparaissent aujourd'hui comme les témoins de plus en plus incongrus d'une époque désormais lointaine, même s'ils font l'objet d'une politique "touristique" qui vise à les inclure dans un patrimoine historique commun. L'art photographique en noir et blanc, tel que le conçoit et l'exerce Bruno Mercier, propose une approche esthétique de cette mémoire. Il s'agit pour lui, par la force d'une image toute en contraste et en nuance, de faire revivre la puissance de sens et d'humanité de ces objets étranges. Il en propose une interprétation personnelle, plus ouverte et libre que celle des commémorations officielles. "Ces objets sont fantastiques, dit-il; ils sont là autour de nous, et nous n'y prêtons même plus attention. Ils ont tant à nous dire, niais notre mémoire est aveugle (Blind Memory)". Dans un très beau texte d'introduction, le philosophe Sylvain Lavelle interroge ainsi la question d'une subjectivité de la mémoire, posée par ces oeuvres; mais aussi, peut-être, celle de la part de sensation, d'émotion et d'imagination qu'exige toute tentative de compréhension du vécu d'autres ares humains nous avant précédé dans un moment tragique de d'Histoire. Il ne s'agit pas d'une posture nostalgique qui idéaliserait le passé, c'est Diane tout le contraire... Le résultat du travail de ce duo exigeant, par l'image et par le verbe, vise à faire de ces lieux de mémoire des objets du présent, et même du futur, en nous amenant à leur poser des questions vitales pour noue humanité et notre époque.

03/2014

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Histoire de l'art

Quelles traces pour l'histoire de l'art et l'archéologie ? Essais pour une histoire de l'art diachronique et pluridisciplinaire III

La notion de trace est à la fois un objet de recherche pour de nombreuses disciplines et encore une question ouverte. Mais qu'est-ce qu'une trace pour un archéologue, un historien de l'art antique/médiéval/moderne/contemporain ? En quoi la notion de trace permet-elle de trouver des points de convergences ou de divergences méthodologiques ? Selon quels processus les traces sont-elles rendues visibles ? Qui laisse des traces ? Quelles relations les créateurs et producteurs entretiennent-ils avec les traces de leur travail ? De quelle manière les technologies du multimédia interviennent-elles aujourd'hui dans la reconstitution des traces ? Pour tenter d'apporter des éléments de réponse, ces contributions se proposent d'envisager la notion de trace selon trois axes de réflexion qui peuvent être envisagés de manière imbriquée ou dissociée : les traces de fabrication, les traces d'usage/d'utilisation/voire d'usure, les traces comme méthode d'interprétation. Il s'agit d'interroger la manière dont certaines traces permettent de reconstituer les processus de fabrication des objets/créations artistiques et, en particulier, de retrouver les outils utilisés, de recréer les gestes exercés, voire de suivre le cheminement de la pensée des créateurs/producteurs. D'autres types de traces susceptibles de mettre au jour l'articulation entre usage, utilisation, usure sont aussi prises en considération. Une attention particulière est accordée au statut de la trace en tant qu'inscription plus ou moins spontanée sur des supports auxquels elle n'était pas destinée : des graffiti antiques aux graffiti contemporains, ces traces deviennent néanmoins des " sources " pour nos disciplines. Enfin, il s'agit de réfléchir à la notion de trace d'un point de vue méthodologique : qu'en est-il des approches théoriques récentes comme la microstoria ou la génétique des arts qui font de la notion de trace un paradigme méthodologique déterminant ? La notion de trace est envisagée de la période antique aux aspects les plus contemporains de la création artistique et architecturale et sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de créations éphémères, de tissus, de chapiteaux en pierre, de performances, de céramiques, etc.

01/2024

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Droit

La copropriété. Edition 2021-2022

La copropriété des immeubles bâtis est un phénomène juridique urbain généralisé, dû à l'accroissement et à la concentration de la population et du monde des affaires. Son statut juridique doit faire face aux difficultés nées des évolutions socio-économique du début du XXIe siècle et aux exigences consuméristes et écologiques. Pour y répondre, les interventions législatives se sont multipliées, complexifiant le droit de la copropriété. Les intérêts en cause sont très nombreux et difficiles à satisfaire : protection de l'acquéreur, abaissement des majorités en assemblée générale, contrôle de la gestion des syndics. Les innovations ont été marquantes : immatriculation obligatoire des syndicats en difficulté, création d'un contrat-type obligatoire de mandat du syndic professionnel, obligation de création d'un compte bancaire séparé. Les réformes se succédant à un rythme élevé, la loi du 23 novembre 2018, dite Elan, impose une vision nouvelle des méthodes et des contenus juridiques. Elle autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures visant, à compter du 1er juin 2020, à redéfinir le champ d'application de la loi du 10 juillet 1965 et à adapter ses dispositions au regard des caractéristiques, de la destination et de la taille des immeubles. Une première ordonnance du 30 octobre 2019 a été complété par le décret du 2 juillet 2020. Sur le plan de la structure, la loi de 1965 régit l'immeuble bâti ou le groupe d'immeubles bâtis "à l'usage total ou partiel d'habitation". Cette dixième édition intègre toutes ces nouveautés, impressionnantes sur le plan de la gestion : création d'un statut des petites copropriétés, délégations de pouvoir accordées au conseil syndical, vote par correspondances, extension des "passerelles". Les praticiens ont subi, en outre, la période d'état d'urgence sanitaire qui a frappé la gestion des copropriétés. Fidèle à sa conception originelle, cette dixième édition est conçue pour offrir à son public un ouvrage concret sans, toutefois, exclure les considérations théoriques indispensables à l'interprétation des textes et à toute synthèse. Elle constitue l'ouvrage de référence de tous ceux, syndics de copropriété, administrateur de biens, géomètres, notaires, avocats, huissiers de justice, experts, magistrats, et de façon générale, tous les spécialistes de l'immobilier, qui sont concernés par le droit de la copropriété.

01/2021

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Littérature française

Projectiles au sens propre

Avec ces "projectiles", Pierre Senges lance son nouveau défi littéraire : une enquête minutieuse à propos de la "tarte à la crème". Pour aborder cet objet d'étude incongru, il suit de nombreuses pistes, réparties en 58 fragments aux titres peu académiques. D'emblée, son attention se porte sur un usage détourné de la fameuse pâtisserie dans La Bataille du Siècle (1927) - un court-métrage muet de la série des Laurel et Hardy. On y assiste à un enchaînement d'entartrages entre personnages ciblés par mégarde cherchant à se venger de semblable manière jusqu'à un summum de tirs croisés, vingt minutes durant. Parallèlement, l'auteur s'intéresse à la Los Angeles Cream Pie Company, créée par les soeurs McKenzie, qui dut sa fortune aux quantités phénoménales de tartes commandées par les studios, jamais consommées puisque vouées à devenir les accessoires d'un pugilat grotesque. Cette étude comparée de deux essors industriels - celui des desserts à la crème et du septième art - fondés sur un non-sens économique et une mécanique du running gag, résume bien la visée de cet essai fictif : prendre à revers l'esprit de sérieux. L'auteur n'en soulève pas moins des questions d'ordre métaphysiques. Prenant au pied de la lettre une phrase attribuée à Stan Laurel - "On a voulu faire en sorte que chaque tarte ait un sens"-, Senges imagine, sur les plateaux de tournage, le rôle inédit des "significateurs" de tartes... Au terme de cette facétieuse démonstration, c'est la recherche même d'un quelconque "message" dans l'esthétique du burlesque qui finit par être réfutée, au bénéfice d'un éloge de la fuite en avant accidentelle. Le dixième opus de Pierre Senges peut se lire comme un traité de sémiotique gourmande ou un retour aux sources comiques du cinéma muet, mais il est aussi une machine de guerre contre ces significateurs, anciens ou modernes, qui voudraient enfermer chaque oeuvre d'art dans leur grille d'interprétation. Sous des airs loufoques, il finit par prêter à ce lancé de crème fouettée toute sa gravité, au sens propre et figuré, celle d'un "pitre sérieux" conjurant par le rire le non-sens universel.

01/2020

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Religion

Hilaire de Poitiers et l'humanité souffrante du Christ

Pendant son exil en Orient (356-360), l'évêque de Poitiers, Hilaire, commença d'argumenter sa distinction entre douleur et souffrance dans son ouvrage sur La Trinité. Hilaire fut porté par une conviction théologique : pour ne laisser aucune brèche ouverte aux hérétiques qui contestaient la divinité du Christ, il fallait concilier son humanité souffrante, donc son humanité totalement assumée avec la plénitude de sa nature divine. En déplaçant les tourments subis par le Christ, de la douleur dont les Evangiles n'ont rien dit mais dont les hommes ont tant parlé, à la Souffrance de la Passion et aux servitudes humaines du Christ (faim, soif, fatigue, pleurs) rapportées par les évangiles, Hilaire permet aujourd'hui de lier sa christologie de la Passion aux données les plus modernes sur la douleur et la souffrance. La douleur sensorielle n'est qu'une des portes d'entrée de la souffrance dont l'intolérable tient à la rétraction de l'agir vers le pâtir, de la liberté vers l'aliénation, de la vie vers la mort. La souffrance du Christ est celle induite par les sévices physiques qu'il endura comme la tristesse qu'il éprouva dans la nuit de Gethsémani. Paradoxalement sans doute, par la profondeur de sa réflexion, Hilaire, qui a voulu "oser, chercher, parler", a pris ses distances avec toutes les interprétations physiopathologiques de la Passion du Christ et leurs dérives doloristes. L'ouvrage parcourt la réception historique et théologique de la pensée d'Hilaire de siècle en siècle. Elle a affronté l'incompréhension voire l'accusation plus ou moins voilée de docétisme. Mais, malgré sa pensée complexe, le confesseur de la foi a aussi suscité respect et admiration. A ce titre la christologie de celui qui fut considéré depuis l'Antiquité puis reconnu en 1851 comme docteur de l'Eglise peut être aussi une source de méditation pour l'accompagnement spirituel et pastoral des souffrances humaines jusqu'aux moments ultimes de la vie.

06/2020

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Beaux arts

Bosch. Le Jardin des délices

Le Jardin des délices de Jérôme Bosch compte parmi les œuvres les plus énigmatiques de l'histoire de l'art occidental. En dehors d'une brève description du tableau donnée par un témoin oculaire en 1517, aucun document de l'époque ne nous fournit la moindre indication sur les conditions de cette commande, sa destination, sa fonction ou le public qu'elle visait. La présente étude cherche à reconstituer le premier public du Jardin des délices, en prenant comme principale source d'information l'œuvre elle-même, dont la structure formelle et les formes fantasmagoriques sont fondamentales pour comprendre sa fonction d'origine. L'auteur propose donc une analyse détaillée de la manière dont Bosch joue visuellement et en virtuose avec les traditions picturales, les conventions de l'amour courtois, les traités de morale, les principes religieux, les procédés mnémotechniques et les figures littéraires de la fin du Moyen Âge. Il défend l'idée que le tableau de Bosch a été créé vers la fin du XVe siècle et conçu comme « sujet de discussion » pour le public choisi de la cour de Bourgogne. Il montre que Le Jardin des délices était une sorte de miroir à multiples facettes obligeant ceux qui le regardaient à « réfléchir », notamment sur le destin de l'humanité. Créée à l'image et à la ressemblance de Dieu, elle aurait perdu, selon Bosch ou son commanditaire, son identité originelle au cours de son histoire et ferait désormais partie d'un monde soumis à une force de transformation foncièrement mauvaise. Les signes d'un Salut possible – présents dans le tableau –, l'aspect paradisiaque du panneau central et, d'une façon générale, l'opacité onirique de l'imagerie de Bosch continuent de susciter des interprétations contradictoires, sur lesquels Reindert L. Falkenburg prend position. La propension de l'imagerie boschienne a susciter la discussion et le débat fait évidemment partie du projet esthétique et éthique de l'artiste.

09/2015

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Esotérisme

La Franc-maçonnerie. Histoire et dictionnaire

L’art royal (expression courante pour désigner la pratique maçonnique) intrigue toujours, répondant au goût d’un vaste public pour les secrets et supposés complots. Face à tant de fascination irrationnelle, parfois de méfiance, peut-on prétendre à une certaine objectivité historique ? La Franc-maçonnerie tente de répondre à cette interrogation, en offrant une source vive d’information et de références. L’ouvrage s’adresse aux profanes comme aux initiés, aux historiens comme aux curieux venus de tous les horizons de la pensée, à tous ceux qui veulent comprendre, au-delà des peurs et des fantasmes habituels. Il propose des pistes de réflexion, des débats d’idées, des dossiers, des documents historiques sur un sujet qui n’a cessé, depuis plusieurs siècles, de susciter des commentaires passionnés. Ces 1200 pages présentent non seulement un historique de la démarche initiatique, de ses origines hypothétiques à aujourd’hui, mais aussi des diverses obédiences et des rites pratiqués, des symboles utilisés, de l’évolution des tempéraments, des ambitions et des pratiques. Cette entreprise monumentale s’appuie sur le concours d’auteurs émérites, pour la plupart initiés, appartenant à des obédiences et des rites d’origines diverses. Cherchant à éviter les partis pris et l’esprit de caste, tout en laissant libre chaque auteur d’exprimer ses interprétations et ses spécificités, le livre donne à entendre les résonances profondes d’une certaine pensée maçonnique plutôt que de se crisper sur des positions politiciennes tranchées ou sur des idéologies réductrices. Une volonté d’éclectisme "éclairé et ordonnée". Cet ouvrage comprend sept chapitres (en symbolique maçonnique, le nombre sept est celui des sept officiers qui rendent la Loge "juste et parfaite" et représente aussi l’âge du maître), qui rendent compte de cette formidable épopée spirituelle à travers plusieurs siècles. Les Annexes offrent au lecteur quelques textes fondateurs, un dictionnaire des frères et soeurs "célèbres", un lexique des outils symboliques et d’autres termes spécifiques, sans omettre une bibliographie générale la plus explicite possible.

04/2013

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Critique littéraire

Laclos et le libertinage. Actes du colloque du bicentenaire des "Liaisons dangereuses" (1782-1982)

Le 16 mars 1782, un officier d'artillerie nommé de Laclos signe un contrat avec un libraire parisien pour un roman qui s'appelle encore Le danger des liaisons. Roman qui sous son vrai nom, Les liaisons dangereuses, devait selon le souhait de son auteur "faire du bruit". C'était, pour le comte de Tilly, "un de ces météores désastreux qui ont apparu sous un ciel enflammé". Quel est encore, à deux cents ans de distance, l'effet Laclos ? En 1982 l'Université d'Amiens a célébré le bicentenaire du roman d'un des plus célèbres Picards : car Laclos est né en 1741 à Amiens qui conserve sa correspondance et quelques souvenirs, dont le fameux portrait de l'officier-romancier et de sa femme. Ce sont les Actes de ce Colloque du bicentenaire que l'on retrouvera ici préfacés par René Pomeau, et conclus par Laurent Versini. Pour répondre à la question, qui est Laclos pour nous ?, il a fallu remonter avant lui, vers les origines du libertinage, vers les premières expressions de cet héroïsme inversé auquel il a donné son accentuation dernière et décisive ; ce sont d'abord ses précurseurs, poètes, romanciers, philosophes qui sont étudiés. S'enfermant ensuite dans l'oeuvre elle-même, les participants au Colloque ont analysé les conditions du récit libertin, ses modalités narratives, et ont questionné la féminité ou la virilité du libertinage. Mais les Liaisons, moment symphonique du thème libertin, conclusion d'un siècle, apparaissent aussi comme un roman d'avenir ou un avenir du roman : c'est donc leur postérité que des spécialistes du dix-neuvième et du vingtième siècle, français et étrangers, ont suivie pas à pas, de pays en pays, interprétant les interprétations révolutionnaires, romantiques, victoriennes, antivictoriennes, surréalistes, de Laclos. Est-il donc partout, avoué, enfoui, refusé, ou prôné ? Tel fut ce bicentenaire, bilan d'une continuelle interrogation sur l'écrivain qui s'était identifié au libertin, bilan d'une pérennité si étrange qu'elle conduisait à se demander, et demain, quel "bruit" feront encore ces Liaisons dangereuses ?

09/1998

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Littérature française

Une femme en soi

Une femme en soi. Le tournage d'Une femme en soi va-t-il enfin commencer ? Combien de mois d'écriture, de versions différentes du scénario, de repérages éprouvants et minutieux de Marseille à Barcelone avant de pouvoir dire " moteur ", " on est prêt... " ? Est-on jamais prêt ? Combien de films Jean-Pierre Barjac a-t-il réalisés avant d'oser entreprendre celui qui doit apporter un dernier éclairage, inédit, singulier sur son œuvre et sa vie pour toujours emmêlées ? Combien de mètres de pellicule, de plans, de séquences, de travellings déjà consacrés à la même silhouette, au même visage : ceux de sa propre mère, Serafina Perduch ? Combien d'interprétations possibles des mêmes scènes, d'intérieurs et d'extérieurs, de jours et de nuits ? Le spectateur retiendra l'éclat si particulier du rire de Fina (gros plan), la détresse de son fils qu'elle abandonne en pleine guerre (plan large), leurs retrouvailles de longues années plus tard (plan moyen), la toute première scène du film où Marc-Antoine guette au coin d'une rue le taxi qui va lui rendre sa mère. Quelle mère ? Quelle femme ? Une femme en soi qu'il ne faut surtout pas essayer de comprendre, de juger ou même de pardonner. Le public verra un film, une œuvre d'art. Les inconditionnels de Barjac ne seront pas dépaysés : Geneviève Dalisson reprend le rôle de Fina, Antoine Ledault celui de Marc-Antoine. Il s'agit toujours de projeter les mêmes ombres et les mêmes lumières, de dissiper la même peur et la même hantise. Les films de Jean-Pierre Barjac deviennent peu à peu le livre d'un écrivain qui semble les adapter pour mieux les adopter : tel est le nouveau roman de Michel del Castillo qui, après La Nuit du Décret, La Gloire de Dina et Le Démon de l'oubli nous offre le portrait définitif d'une femme, cette " femme en soi " qui a traversé la plus grande partie de son œuvre.

12/1991

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Beaux arts

Une leçon d'abîme. Neuf approches de Picasso

"D'un côté Bouvard et Pécuchet, de l'autre des Esseintes. Tous les savoirs, y compris les plus douteux, toutes les ivresses, y compris les plus ignobles. Qu'est-ce qu'un jeune peintre affamé comme Picasso pouvait bien encore dévorer ? Surtout au contact d'un artiste académique, son père, Ruiz, à lui seul une encyclopédie de modèles et de savoir-faire ? Eh bien, il lui faudrait recommencer de rien. Retourner aux origines. Quelque chose comme la Grèce, peut-être, au temps des archaïsmes. Une Grèce primitive, sauvage, violemment coloriée, effrayante, sans le filtre des interprétations classiques. Comment arriver à supporter l'éclat direct de ce feu premier, brûlant comme la divinité, qui ne se peut regarder en face ? Sans doute, il y avait eu, en 1906, au musée du Trocadéro à Paris, la découverte de l'ethnologie, la culture de l'autre. Freud à la même époque ne tentait-il pas d'appuyer ses propres recherches du côté de Bachofen, de Frazer, de Frobenius ? Mais c'est l'Océanie, les Nouvelles-Hébrides, la découverte d'objets qui ne sont pas "d'art" mais de pratique rituelle, magique et religieuse qui intéressent Picasso : non pas des oeuvres de musée, mais des instruments de magie, les outils d'une possession, au sens où l'on parle de possédés, de pratiques d'envoûtement. Cette expérience l'ouvrira à ce que Rudolf Otto, en 1917, dans son livre sur Le Sacré, appellera le "numineux". Elle est d'ordre initiatique, non pas esthétique. Il faudrait encore ajouter ce qu'il découvre pêle-mêle et en même temps : la sculpture ibérique, le vieux fonds celte de l'Espagne, la statuaire romane, dans les églises du nord de la Catalogne, c'est-à-dire, toujours, la tradition, puis les fresques des absides et des voûtes... En fait, on a affaire à une genèse spirituelle où tout est déjà là, simultanément". Jean Clair.

09/2005

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Histoire ancienne

Le sac de Rome, 1527

Le sac de Rome n'étudie pas l'expédition guerrière du connétable de Bourbon qui a ravagé Rome, dernière manifestation des grandes razzias médiévales ; ce qui intéresse André Chastel, professeur d'histoire de l'art au Collège de France, décédé en 1990, ce sont les retentissements de l'événement et ses significations symboliques, le bouleversement des esprits et de la production artistique. Pour la première fois dans l'histoire, au lendemain de l'invention de l'imprimerie, une "presse à sensation" intervient avec l'explosion des libelles, des estampes, des feuilles volantes répandus en France et en Allemagne, la diffusion dans le Nord germanique des pamphlets de propagande, qui dénoncent la Babylone diabolique de la Chrétienté. Toutes ces données qu'on avait jusqu'ici négligé de regrouper commandent la nouvelle étude du drame militaire, politique et religieux qui aboutit à la catastrophe sanglante de mai 1527. Vasari enregistrait comme un fait remarquable la dispersion des peintres, graveurs, architectes frappés par l'invasion de Rome et obligés de fuir à Gênes, à Sienne, à Venise ou même, comme le Rosso, en France. Et à sa suite, la tradition voulait que l'événement marquât le passage, en Italie, de la haute Renaissance au Baroque. Pour André Chastel, ce que le sac a tué, c'est plutôt la première naissance du maniérisme : une quantité d'oeuvres d'art ont été pillées, brisées, souvent perdues. Un style original et élégant se manifestait, dès 1525, dans les oeuvres de Pierino dei Vaga, de Peruzzi, de Polidoro, du Parmesan ou du Rosso, style clémentin inspiré d'un retour à l'antique et brisé en plein essor. La rentrée à Rome, en 1528, d'un pape qui porte la barbe pénitentielle marque le temps des réconciliations et des mesures expiatoires parmi lesquelles, à certains égards, Le Jugement dernier de Michel-Ange, conclusion riche en interprétations multiples sur la catastrophe. Statues, médailles, fresques et tombeaux : les oeuvres d'art révèlent la sanction durable du drame restitué dans sa complexité.

09/1984

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Sociologie

La division du travail revisited. Vers une théorie sociologique de la justice

Avons-nous (vraiment) bien lu Durkheim et bien saisi toute la radicalité de son geste fondateur de la discipline sociologique ? A lire Anne Rawls, et relire avec elle De la division du travail social, rien n'est moins sûr. Peut-être alors le temps est-il venu, cent ans après la mort de Durkheim, de faire revivre ce texte inaugural. Telle est l'invitation du présent ouvrage. Textes à l'appui. La contribution de la sociologue américaine peut être lue comme une nouvelle préface à l'édition originale de La division du travail social. A ce titre, Durkheim lui aussi et tout autant l'auteur du présent livre, notamment par la publication de sa longue introduction oubliée de 1893. Plus encore, tel un palimpseste, orage convoque tout un ensemble d'auteurs contemporains pour esquisser à l'ombre de l'histoire officielle, une histoire en quelque sorte clandestine de la sociologie, attentive à la créativité des pratiques sociales et à la morale propre aux interactions. Pour autant, cette invitation à découvrir un autre Durkheim, jamais lu (ou presque) - à relire cette Division du travail social revisited -, n'intéressera pas seulement les sociologues, mais aussi les philosophes. En effet, un autre texte s'enchâsse dans cette intrigue, la fameuse Théorie de la justice de John Rawls, le père de l'auteur. Car ce qui est avant tout en jeu dans cette relecture de l'ambition sociologique durkheimienne, c'est aussi et surtout sa dimension politique et toute sa pertinence aujourd'hui pour penser les formes et les conditions d'une société juste. Cette audacieuse lecture de l'oeuvre de Durkheim ne manquera pas de susciter des réactions contrastées tant elle bouscule bien des interprétations convenues de la sociologie durkheimienne. Voire de la sociologie tout court. Elle invitera par ailleurs les philosophes à nouer un dialogue renouvelé entre science sociale et philosophie morale et politique.

03/2019

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Histoire des idées politiques

Le grand débat. La transcription d'un débat historique entre Michel Debré et Pierre Mendès France (1965)

En 1965 a lieu la première élection du chef de l'Etat au suffrage universel. L'événement, pour important qu'il est pour l'avenir de la démocratie de la France, n'en bouleverse pas moins les habitudes de communication. Les prétendants à la magistrature suprême ne débattent pas encore à la télévision comme nous en avons pris l'habitude, la pratique pour des raisons techniques, n'est pas encore entrée dans les moeurs. Il n'existe en effet qu'une seule chaîne, et celle-ci diffuse ses programmes en noir et blanc ; mais surtout on ne sait de quelle façon s'y prendre. C'est donc à la radio que les débats auront lieu. Deux hommes politiques qui chacun ont exercé d'importantes responsabilités, Pierre Mendès France, président du Conseil, et Michel Debré, Premier ministre, et dont aucun ne brigue un mandat, vont débattre à trois reprises dans les studios de la station Europe N°1. Les débats se tinrent les 22 et 29 novembre puis le 11 décembre 1965. Au total, un échange de près de six heures. Ce livre retranscrit l'intégralité des rencontres. S'y trouve une richesse dans les échanges et les discussions, où les controverses, les interprétations, les contestations, les exposés voire les exégètes furent toujours d'un niveau digne de politiciens aussi soucieux de l'avenir de leur pays que de conforter leur position respective, ce dont ils n'avaient d'ailleurs nullement besoin. Un débat sans langue de bois, les deux hommes ayant à coeur d'être clairs, rigoureux, défendant leur camp avec hauteur. Comparons les échanges entre Pierre Mendès France et Michel Debré à ceux que nous entendons depuis, et force nous est de reconnaître que la hauteur et la profondeur se sont amenuisées. N'avons-nous pas été, depuis des années, spectateurs ou auditeurs de discours où la grandeur du politique s'est bien trop souvent rabaissée au rôle de bateleur de foire s dont la principale préoccupation est de conserver ses acquis personnels.

03/2022

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Histoire ancienne

Terres cuites et sociétés de l'Egypte ptolémaïque et romaine

A partir de la conquête d'Alexandre le Grand, la fabrication massive de terres cuites, au moyen du moulage, a véhiculé dans la vallée du Nil une grande variété de thèmes sociétaux et religieux sans équivalent dans le monde antique, du temps des royaumes hellénistiques à celui de l'Empire romain. D'Alexandrie à la porte de l'Afrique, la présence d'une société multiculturelle explique la diversité iconographique des terres cuites, dont l'imagerie s'enracine dans le fonds vernaculaire égyptien tout en bénéficiant d'apports grecs puis, dans une moindre mesure, romains. Ainsi, religion égyptienne et religion grecque se côtoient et s'entrecroisent, et la rencontre de leurs divinités, accompagnées de leurs zélateurs, génère un "corpus" de terres cuites unique en Méditerranée. A côté des dieux sont mis en scène hommes, femmes et enfants qui, égyptiens ou grecs, signifient ainsi la place accordée au domaine du quotidien. Ni catalogue de collections, ni monographie archéologique, ce livre restitue les réalités de la vie de mus les jours, de l'image idéalisée des jeunes filles mortes avant le mariage, les célèbres "femmes drapées", aux dieux obscènes, garants de la fertilité, grecs tout autant qu'égyptiens, des prêtres aux animaux sacrés et familiers. Grâce à la multiplicité de ces témoignages et par le prisme des figurines de terre cuite, on approche ainsi la société égyptienne dans sa diversité, ses dieux, son cadre de vie et ses activités. Se pencher sur la petite plastique de terre cuite permet enfin d'explorer et de convoquer d'autres supports et matériaux, le plâtre, la faïence, le métal, et de la confronter aux oeuvres prestigieuses qui prenaient place dans les sanctuaires et dans la maison des élites. Ce livre propose ainsi une réactualisation de nos connaissances grâce à de récentes découvertes archéologiques, comme celles d'Athribis, de Tell el-Herr et du Boubastéion d'Alexandrie, et ouvre la voie à de nouvelles interprétations.

03/2020

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Coran

La dimension du temps dans le Coran

Pour les croyants musulmans, le Coran est la Parole de Dieu. Selon certains d'entre eux, cette Parole doit être prise à la lettre ; selon les autres, elle peut faire l'objet d'interprétations plus ou moins subtiles. Mais pour la plupart d'entre eux, elle est imprescriptible, elle a valeur absolue, en tous temps et en tous lieux. Cette approche a été transmise depuis des siècles, de génération en génération, comme une évidence indiscutée. Mais elle pose désormais un insidieux dilemme à tous les croyants qui portent une vision sécularisée du monde et se réclament de valeurs humanistes universelles. Assumant le principe de l'égalité en droit des individus, quels que soient leur religion, leur sexe, ou leur appartenance ethnique, ces croyants se trouvent en porte à faux avec nombre de versets coraniques qui vont à l'encontre de ces valeurs. Ils ne peuvent que récuser, par exemple, l'inégalité de statut social entre l'homme et la femme, la pratique de l'esclavage, la violence contre les Infidèles, les châtiments corporels. Le dilemme de ces croyants n'est pas imputable au Coran, mais au dogme selon lequel la Parole de Dieu serait globalement imprescriptible. Dogme qui repose sur un postulat implicite, tout à fait discutable : que la Parole de Dieu est nécessairement consubstantielle à Dieu. Ce postulat a été théologiquement réfuté par certains des plus grands penseurs musulmans. C'est une thèse, qui a lentement pris corps en se confrontant à une thèse adverse, et qui n'a définitivement prévalu, à l'échelle du monde musulman, que plusieurs siècles après la mort du Prophète. Le présent essai rappelle brièvement le contexte historique dans lequel cette thèse s'est imposée, avant de démontrer qu'elle peut faire, au XXIe siècle, l'objet d'une réfutation nouvelle, dotée d'une cohérence, et d'une force d'évidence, qu'elle ne pouvait avoir il y a mille ans.

02/2023

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Ouvrages généraux

Comment se pose le problème gnoséologique aujourd’hui ? De la philosophie de la nature... à la philosophie de la connaissance

L'Histoire nous enseigne que la gnoséologie s'est constituée comme science autonome, distincte de la logique, de la psychologie et de la métaphysique seulement à partir des " temps modernes ", et singulièrement avec Descartes. Avec les Modernes, la connaissance est une activité intègre, autonome et complète en elle-même, et son objet premier est, non pas l'être, mais la connaissance elle-même. Connaître, c'est d'abord et avant tout être conscient de soi-même. Pendant l'Antiquité, la vérité de la connaissance est l'être et, à l'époque moderne, la vérité de la connaissance est la connaissance elle-même. Ce problème est à la fois un problème historique, structurel, méthodologique, moderne et postmoderne. Aujourd'hui, il y a plus d'opinions que de convictions. Ainsi, l'histoire du problème gnoséologique se divise en trois phases nettement tranchées : antique, moderne et postmoderne. Pendant la première, la vérité de la connaissance est l'être ; dans la deuxième, la vérité de la connaissance est le connaître en soi ; et dans la troisième, enfin, affirme-t-on, il n'y a pas de faits, mais uniquement des interprétations. Aussi, le roman d'amour entre la philosophie et la connaissance est passé à travers trois moments. D'abord, l'Antiquité et le passage de témoin entre le mythos et le logos, signant ainsi au passage la naissance de la philosophie de la nature. Puis, le passage de la philosophie de la nature à la science de la nature vers la fin du 15e siècle et au début du 16e siècle. Enfin, sous l'impulsion de Kant d'abord, de Comte ensuite, le passage de la philosophie de la connaissance à l'épistémologie contemporaine au 19e siècle. Le problème de la connaissance est au fond le problème de la nature (caractéristiques, spécificité, origine et provenance à la fois), de la valeur et des limites de la connaissance humaine, puisqu'il s'agit d'établir la manière de porter un jugement de valeur sur les diverses formes de la connaissance humaine.

02/2022

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Biographies

Cervantes

On n'en finirait pas de dénombrer les ouvrages inspirés par la vie et l'œuvre de Cervantès. A eux seuls, ils constituent un monde en soi, une véritable bibliothèque de Babel. Pourtant, cette abondance ne saurait masquer une réalité plus troublante : aujourd'hui encore, le " mystère Cervantès " reste entier. De larges pans de sa vie nous demeurent obscurs ; d'autres, qu'on croyait connus, nous semblent désormais peu crédibles, tant les interprétations en sont contradictoires... Avant de se consacrer aux lettres, Cervantès a cherché fortune dans le métier des armes. Blessé à la bataille de Lépante, il tombe quelques années plus tard entre les mains des Turcs, qui le retiennent cinq ans à Alger comme captif. De retour en Espagne, il se marie, fait ses débuts d'écrivain avec un roman pastoral, la Galathée, puis part un beau jour pour l'Andalousie. Pendant près de quinze ans, il y mènera la vie errante d'un collecteur de vivres et d'impôts. L'Église l'excommunie, la Justice l'emprisonne : deux expériences qui marqueront ce long séjour. En 1605, à cinquante-sept ans, il publie Don Quichotte. C'est un événement. Premier roman des Temps modernes, ce livre est aussi le premier best-seller de l'histoire de l'édition. En 1615, la seconde partie du Don Quichotte rencontre le même succès. Un an plus tard, sur son lit d'agonie, Cervantès achève Persiles, " le pied à l'étrier, et en proie aux angoisses de la mort ". Depuis lors, la légende a pris le relais de l'histoire. Parler de Cervantès, c'est s'attaquer à un mythe où le fabuleux, le certain et le vraisemblable sont inextricablement mêlés. Aussi le beau livre que nous propose Jean Canavaggio prend-il parfois l'allure d'une " enquête " à la Borges. A la recherche d'une vérité qui ne cesse de se dérober, dans le jeu de miroirs où se superposent la légende et l'œuvre cervantine, on voit surgir, en profil perdu, un homme d'une surprenante modernité.

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Critique Théâtre

Dictionnaire amoureux de Molière

Quatre cents ans après sa naissance, Molière continue de nous toucher, de nous fait rire, de nous surprendre, de nous éclairer, comme si ses pièces avaient été écrites hier. Qu'il nous soit tellement proche ajoute à son mystère. Par quelle magie, quand l'humour de tous les autres grands auteurs ne cesse de s'affadir avec le temps, sa force comique conserve-t-elle, aujourd'hui encore, toute sa puissance ? Pourquoi ses héros, réduits à quelques traits ou traversés d'aspirations contradictoires, animés par des lubies, aveugles à eux-mêmes, parviennent-ils à nous révéler des dimensions insoupçonnées de la condition humaine ? Comment le pur plaisir du jeu théâtral et de ses variations, premier moteur de ses pièces, devient-il, sous sa plume, un instrument de précision capable de dévoiler les motivations les plus secrètes des personnages ? C'est que Molière est le seul auteur (hormis peut-être, à ce niveau, Charlie Chaplin) dont le génie découle entièrement de celui qu'il avait comme acteur. Au demeurant, si l'on veut en révéler toute la profondeur, il faut aborder ses comédies comme des partitions musicales : pour nous faire ressentir les vrais enjeux de la pièce, les acteurs doivent y déchiffrer les émotions, sans cesse changeantes et surprenantes, qu'ils auront à vivre sur la scène. Chez Molière, en effet, ce sont les émotions qui révèlent et jugent ce que les actes, les pensées et les paroles des personnages travestissent. Sous cet angle, l'originalité de Molière apparaît avec une évidence et une simplicité nouvelles : les milliers d'ouvrages brillants qui lui ont été consacrés ont eu tendance à estomper les intentions du dramaturge, à force d'interprétations conceptuelles, morales, esthétiques ou historiques. Ce retour amoureux au Molière des origines, qui est le Molière de toujours et de demain, est celui que nous propose ici le 463e Sociétaire de la Comédie française, Francis Huster.

10/2021