Tianjia Qiu

Peu de domaines sont oubliés dans la littérature jeunesse, il manquait peut-être un des thèmes les plus intéressants de la science-fiction, c'est-à-dire : l'Uchronie…
Pour ceux et celles qui ne maîtrisent pas ce terme, l'uchronie est quand on raconte un point bien précis de notre Histoire et que l'on dévie à un moment donné pour créer une nouvelle « Histoire »…
Dans de Pierre Bordage aux éditions Flammarion jeunesse, nous sommes de nos jours, en 2008. Un peu plus de 120 auparavant, vers 1882, un homme politique, Jules Ferry, meurt dans un attentat avant d'avoir promulgué sa fameuse loi sur « l'école laïque et publique pour tous ».
J'imagine que vous vous dites : « Mais ça n'est jamais arrivé ! » Non, justement. Et c'est ça l'intérêt de ce livre. La question que Pierre Bordage nous pose alors est : quelle serait notre société aujourd'hui si d'un côté l'école était réservée aux classes dominantes, c'est-à-dire aux nobles et aux grands bourgeois. Et d'un autre, où le peuple n'aurait droit qu'aux métiers manuels et à qui l'on interdirait l'accès au savoir…
Clara, jeune fille dite de « bonne famille », fait partie de la première catégorie. Jean, lui, serait plutôt de la dernière…
Tout ce fantastique roman tourne autour de la rencontre de ces deux personnages et de ces deux classes sociales qui n'auraient jamais dû se parler. Dans cette société qui fonctionne encore avec le train à vapeur mais où il existe également une sorte d'Internet réservé aux riches, Clara et Jean vont essayer, à leur niveau, non de retourner la situation, mais de faire une sorte d'effet boule-de-neige en faisant prendre conscience aux personnes qui les entourent de l'absurdité de la situation. Sans dévoiler la fin, le roman se termine sur une vraie note d'espoir où les deux protagonistes ont tout en mains pour faire bouger les institutions établies depuis plus d'une centaine d'années et dont les gagnants sont forcément toujours les mêmes…

Voici la question que l’on a entendu mille fois, répétée inlassablement dans les films d’horreur – à croire qu’aucun scénariste n’a pris le temps de revoir les créations de ses copains. « Qui est là ? », une interrogation qui introduit une étrange causalité : la mort, à plus ou moins court terme de celle ou celui qui la pose. Sauf cas exceptionnels…

Le Suédois Anders Roslund verserait presque dans le cliché avec le titre de son dernier roman, s’il n’ouvrait pas grande cette porte sur un passé enfoui. Zana s’apprête à fêter ses cinq ans, bougies fichées dans le gateau. Rattrapée par une histoire dont elle n’a aucune connaissance – dont elle ne peut que tout ignorer.

Elle en sera pourtant victime. Et le commissaire Ewert Grens, c’est le cycle qui s’enclenche, vingt ans plus tard. Tordu, noir, parfois dérangeant, ce polar poursuit la veine de la trilogie coécrite avec Börge Hellström, vendue à quelques millions d’exemplaires.

Ulysse est un petit chat (trop) curieux, habitant à Célinthe, dans le Pélopponèse. Désireux de voir à quoi ressemble un bateau, il monte sur un navire de pêcheur durant la nuit. Il s'y réveille au matin, constatant que l'équipage est déjà là et qu'il n'a plus aucun moyen de s'enfuir !

Pire encore, une terrible tempête pousse le navire loin de la côte ! Pour rentrer chez eux, ces braves pêcheurs (et leur mascotte !) devront affronter mille et uns dangers au milieu de la mer Méditerranée, Egypte, à le remontée du Nil et même dans les légendaires royaumes de Saba et de Salomon.

plonge ses lecteurs dans le monde merveilleux des épopées et de la mythologie grecque avec Heureux qui comme Ulysse, ou le premier voyage. Il emprunte à la fois des histoires à Sinbad le marin, à l'Odyssée, ou encore à Jason et les Argonautes.

Les magnifiques illustrations de Sébastien Giacobino permettent au lecteur de plonger directement dans l'univers d'Ulysse. Mais Heureux qui comme Ulysse n'est pas seulement le récit des aventures d'un petit chat, cet album fait également passer un message sur l'apprentissage de la vie au contact des autres… Une belle leçon de vie pour tout le monde !

Vincent Cuvellier et Charles Dutertre n'en sont pas à leur coup d'essai. Nous les avons découvert dans Tu parles Charles paru en 2002 aux éditions du Rouergue. Ils ont renouvelé l'expérience en 2006 avec La première fois que je suis née chez Gallimard et nous les retrouvons aujourd'hui dans cet album : . Une histoire d'amitié, de différence et de relativisme !
Josef est né tout petit, « un rien du tout de bébé », mais après un mystérieux voyage loin de son village de Mitidescu, le petit Josef ne va plus jamais cesser de grandir, grandir, grandir…
Si, dans un premier temps, ce phénomène inexpliqué lui permet d'aller à l'école puis de travailler, très vite, cette taille devient insupportable et le grand Josef s'éloigne du monde et s'emprisonne dans la maison de sa mère.
Heureusement, son meilleur ami, Karel, va le faire voyager et, face à la mer, face à la montagne, l'humain, quel qu'il soit, est toujours tout petit !
Les illustrations de Charles Dutertre sont ici plus complexes avec des tampons, des collages, des jeux d'ombres ainsi qu'un petit côté retro qui convient particulièrement bien au récit.

Sam Shepard, ce n’est pas n’importe quel quidam, je vous le dis : acteur, notamment au côté d’Ed Harris dans le film culte, L'Étoffe des héros, scénariste de films tel Zabriskie Point d’Antonioni, réalisateur de deux long métrages, dramaturge, producteur, musicien, metteur en scène…

Rien que ça…

Et également écrivain.

Mort en 2017, cet enfant de l’Illinois se livre dans Ce qui est au-dedans, par lambeau d’expériences, pour une expérience au carrefour de l’onirisme, et de cette émotion inscrite dans toutes nos anecdotes au parfum de temps envolés.

À lire impérativement. 

Poète et écrivain breton, a passé trois mois en résidence au cœur d’un quartier populaire de Rennes, le quartier Maurepas. De ce séjour temporaire, il a  rapporté un livre unique, un  reportage réaliste et poétique à la fois, un témoignage très personnel, sensible et beau, juste et précis, sombre et triste, entre inquiétude, douleur et nostalgie ; mais aussi lumineux, métissé et coloré. Toujours proche.

Une écriture visuelle et sonore, immédiate et pénétrante,  capable d’immerger le lecteur sans détours au pied des grands immeubles, dans la vie des habitants, mais sans voyeurisme. Un récit délicat, tout en retenue.

A l’image d’un parcours à pied, la lecture chemine doucement à travers les bâtiments, les étages, les jardins et autres espaces publics, offre à voir, à ressentir en un rythme continu, fluide, jamais hâtif ni pesant. Quelques haltes sont possibles, bien sûr, étincelantes d’ailleurs, à travers notamment les aquarelles du dessinateur Emmanuel Lepage. Ainsi composé, Les rumeurs de Babel devient un objet artistique autant que littéraire,  engagé et précieux.  A partager.

Nul besoin d’être Rennais, le quartier Maurepas  pourrait s’appeler Miramas, Malakoff, Belleroche, La Beaucaire ou Bondy, quelque part en France.  Si loin, si proche… A découvrir ici. Mais là-bas lui ressemble sûrement.

"Moi qui ne suis/que de passage/sur leur passage"

Yvon Le Men rend compte du quotidien des habitants de ce quartier. Voisin attentif à l’ordinaire, aux habitudes qui rythment les existences, il observe, s’insère, s’intègre,  raconte enfin et donne vie. Véritablement.

“Nous sommes ensemble par le bruit qui déborde de partout”.

De ces logements construits vite ("au moins cher ") à l’époque des Trente Glorieuses pour accueillir les ouvriers de l’usine Citroën ("qui découvriraient en même temps/ les trois/huit et le confort")  ou les exilés ruraux et devenus aujourd’hui résidences vétustes, mal isolées, destinées davantage aux étrangers ("mon voisin s'appelle Abdel"), aux chômeurs et autres exclus de la société ("A Maurepas/ dix pour cent des gens vivent avec/ devinez quoi ?/ soixante-sept euros par mois/ quand on sait/ vous ne le savez peut-être pas/ qu'à Maurepas/ cinquante pour cent des gens vivent avec/ devinez quoi ?/ neuf cent trente et un euros par mois").

Des jeux du square, du chantier d’un tunnel pour la future ligne de métro, des zones de deal en bas des immeubles, des femmes avec leur lourd cabas en plastique ("des sacs/des sacs/trop de sacs") et la ribambelle d’enfants à leurs côtés, des chiens, agressifs ou non, solitaires ou en laisse, des bandes de filles, du café et du verre de vin pour tromper l’ennui ("les heures si pleines/de secondes/qui n'en finissent pas/de ne pas finir") de la télé toujours forte, la nuit, le jour, des associations de quartier et des cours d’alphabétisation, des violences conjugales, de l’ivresse désespérée, des correspondants de nuit “qui la nuit/ chassent /les bruits/ que l’on peut faire/ seulement le jour”, des ordures jetées depuis les étages ou dans les escaliers ("on trouve/des slips/des capotes/des tampons/des chaussettes qui traînent/sur les marches qui mènent"), des cris ("ça s'infiltre/sous les boules Quies"), de la folie, des jardins familiaux, (“9m² pour 10 euros par an”), de l’église et de son prêtre africain, de la maison de retraite, de l’école où les enfants "s'écraseront de sommeil/sur les tables de classe/faute d'avoir dormi", de la salle de prière pleine chaque vendredi, de l’immense solitude ("cinquante et un pour cent de gens seuls/comme ce n'est pas possible/vivent/survivent") ;  Yvon Le Men n’omet rien.

Certes habitant de passage mais familier des lieux,  imprégné des bruits, des odeurs, des couleurs, attentif aux habitudes, aux gestes, aux paroles comme aux murmures de ses voisins, à l’écoute, empathique, éreinté, éprouvé, en proie à la rêverie ou à la tristesse, désenchanté ou étonné, jamais indifférent, jamais indiscret. Lié à l’endroit lui-même délié ("tous les cinq ans/la moitié des gens/s'en vont/pas le temps/alors/de bâtir une maison/commune").

Epuré et sobre,  ce long poème entre aussitôt en résonance avec le lecteur, défile comme les images d’un film, EST le quartier. Des vies sans éclat deviennent ainsi poésie, des bruits incessants et répétitifs forment ses sonorités, marquent le rythme, percutants, forts d’émotions, entêtants. Le quartier vibre. A la dérive. Déchirant.

C'est un appel, une prise de conscience, un choc "s'il vous plaît/faîtes quelque chose/pour eux/pour que/ceux de Maurepas/qui ne dorment pas/dorment/bien/au moins une fois." Entendez-le. De toute urgence. "Ca ressemble/ce n'est pas possible/ça ressemble/à des appels/au secours."

est un conte chinois raconté par Michel Piquemal, qui joint l'humour à la sagesse. Liu Chan vit isolé des hommes, il se contente de passer de village en village pour vendre ses poissons. Un jour, alors qu'il campe dans la forêt sous la pluie, le farceur s'amuse à placer une belle carpe dorée dans un tronc d'arbre, creux comme une vasque. Les hommes qui la retrouvent quelque temps plus tard sont convaincus qu'il s'agit d'un présent divin. Ils bâtissent une ville, des temples, et vouent un culte à cet animal tombé du ciel. Et quand Liu Chan revient, il doit faire preuve de ruse, car «lorsque les hommes sont fous, le sage doit se montrer plus fou qu'eux».

Les illustrations de Quitterie de Castelbajac sont très douces, dans de chaleureux tons de jaune qui rappellent les esquisses chinoises.

Une belle leçon de sagesse sur l'absurdité de certaines croyances, la crédulité et la folie des grandeurs des hommes.

Alfred est le chien le plus génial du monde. Il est gentil, il joue bien au foot et à chat, il court vite et fait plein de choses fantastiques comme sauver les mouches de la noyade ou retrouver les jouets perdus. Mais il a un gros défaut : IL PUE ! Il pue des pieds, des oreilles, des moustaches… Il pue le matin, le midi, le soir. Il pue sur le canapé, chez le boucher, au supermarché… Comment prendre dans ses bras un chien qui pue tant ? Comment lui lire des histoires ? Comment voyager avec lui ?

Et justement, il va bientôt falloir prendre l'avion pour aller vivre à Nouyorque. Il est donc urgent de remédier à ce problème olfactif. Mais pschit, sapinkisentebon, encens, vapeurs de rose, rien n'y fait : Alfred pue toujours. Alors place aux grands moyens : mousser, tremper, infuser, bouillonner, mijoter. Rien ne lui est épargné. Et enfin : Alfred ne pue plus ! Mais si, sans ses odeurs nauséabondes, Alfred n'était plus vraiment Alfred…

Il schlingue, il fouette, il cocotte, mais on l'aime tant cet Alfred ! fait de ce chien si répugnant un animal très attachant grâce à ses rondeurs, ses longues oreilles et son air coquin. Car on sait bien que les enfants aiment leur animal de compagnie quels que soient ses défauts et sont fascinés par tout ce qui est sale et qui sent mauvais.

Des illustrations simplement au trait de couleur, avec des parties grossièrement colorées au crayon pastel, un gros gribouillis vert pour figurer la puanteur : une fausse simplicité pour des dessins drôles et poétiques.

Mon chien qui pue, un album rigolo sur l'amour d'un petit garçon pour son chien.

En Zamonie, à la Citadelle des Dragons, le parrain en écriture du futur grand auteur Hildegunst de Taillemythes vient de quitter ce monde. Comme la plupart des dragons lettrés (ils le sont presque tous…) de la Citadelle, Dancelot de Tournerimes va laisser en héritage à son filleul sa sublime bibliothèque. Avant de mourir, il va montrer au jeune Hildegunst (à peine 77 ans...) le manuscrit «parfait» en lui disant bien qu'il ne connaît de son auteur qu'un bref échange de lettres. Dans celles-ci, Dancelot lui conseillait de se rendre à Bouquinbourg, la Cité des livres qui rêvent pour se faire éditer au plus vite… Il n'entendra plus jamais parler de lui.

Hildegunst décide de partir à son tour pour Bouquinbourg en espérant retrouver cet étrange auteur, mais, ce qu'il va réellement rencontrer est un peut-être un peu plus compliqué que cela, mais surtout beaucoup plus profond…

Alors que est une véritable figure de la littérature jeunesse et adolescente en Allemagne, en France il reste assez méconnu.

La Cité des livres qui rêvent est un réel chef-d'œuvre, une ode à l'écrivain, à l'écriture et à la lecture. Un livre qui fait aimer les livres. Nous avions lu, il y a quelques années, le Maitre des Chreques et étions tombés amoureux de l'univers fantasmagorique de l'auteur. Celui-ci a été écrit avant L.M.D.C et l'ensemble forme déjà un merveilleux tout.

Très loin de ce que nous avions pu lire jusque là, l'un comme l'autre sont des romans pour jeunes lecteurs aguerris tellement l'univers est riche et l'écriture merveilleuse et poétique. Il est assez rare de féliciter les traducteurs dans la littérature adolescente, avec LaCité des livres qui rêvent, nous remettons à François Mathieu et Dominique Taffin-Jouhaud un césar d'honneur. Une vraie réussite et l'on espère sincèrement que les Editions des Grandes Personnes auront l'excellente idée de faire paraître les suivants…

Le résumé de ce conte est tellement simple qu'il tient en peu de mots. Nous dirons juste qu'il s'agit là de l'histoire d'un petit garçon dont la plus grande joie dans la vie est de regarder passer le train tous les soirs devant sa maison. Mais le petit garçon tombe très malade. Il va mourir. C'est injuste mais l'on n'y peut rien. Un seul espoir demeure dans son coeur : pouvoir un jour, monter dans le train.
est un conte, une histoire que l'on raconte à son enfant pour l'aider à trouver le sommeil. Mais un conte d'une force narrative et d'une poésie étourdissante. On en ressort, hagard, une larme au coin de l'oeil et l'on se dit, oui c'est ça la Littérature.
Jean d'Ormesson, avec cette petit récit triste et joyeux à la fois, nous emporte littéralement dans un monde d'une extraordinaire simplicité. Ici, pas de grands sentiments ni de phrases complexes, juste une belle histoire racontée avec pudeur et poésie. Les mots s'enchaînent, se bousculent, chantent et nous donnent à voir une famille, un enfant, un ami parfois, dans leur quotidien douloureux mais aussi dans leurs espoirs et leurs petits instants de bonheur.
Petits et grands, découvrez L'histoire de L'enfant qui attendait un train et laissez-vous portez par les mots, vous les garderez longtemps quelque part au fond de votre coeur.

Leïla Pelfresne

Dans la campagne normande vit un "troupeau de bêtes féroces".

Inspiré d'une réalité violente et douloureuse, est un récit extrêmement dérangeant, âpre et sans concession. Il raconte le calvaire d'un jeune garçon, victime de harcèlement pendant sa scolarité, notamment lors de son entrée en sixième.

"Un coup dans l'estomac pour le plaisir de me voir fondre en larmes."

Devenu adulte et père, le narrateur se souvient, avec une précision aigue des brimades verbales autant que physiques des élèves de la classe, de l'insupportable indifférence des enseignants à l'exception du professeur de musique ; ressasse sa souffrance et exprime sa soif de vengeance, sa haine vivace aujourd'hui encore.

Sans volonté d'atténuer ni d'oublier, le narrateur livre avec brutalité la cruauté des uns et des autres (tous nommés)  à son égard, le supplice des intercours, du trajet en car, des séances de sport ; terriblement incisif et éprouvé. Sans détours, sans retenue, il livre ses envies de meurtre et d'humiliation à l'encontre de ses bourreaux, inapaisé, tourmenté par des blessures profondes et incurables. "Je désire que tous aient horriblement raté leur vie ensuite […] J'espère de tout mon cœur que pour eux il n'y a pas de Dieu et que personne n'entend leurs cris dans la nuit."

"Ma grand-mère ne comprenait pas la méchanceté".

Dans la campagne normande, vit une grand-mère douce et pieuse, assez innocente pour attendre de Dieu, de l'amour de Jésus, des rassemblements œcuméniques et des prières quotidiennes, la fin des souffrances envers son petit-fils et l'émergence du pardon chez ses tortionnaires. Attente vaine et pathétique, tragiquement drôle. Si douloureuse.

Dans la campagne normande, vit un orphelin sensible et fragile, à la voix de "soprano angélique".

Au fil des pages, le lecteur est partagé entre l'effroi et l'insoutenable, mal à aise face à tant de barbarie, gêné de pénétrer dans l'intimité des pensées du narrateur ;  presque coupable  aussi d'être le témoin indirect de tant de sauvagerie. Il a hâte de quitter le récit, dérangé profondément car s'il n'a pas été victime lui-même, soudainement alors il se sent presque bourreau à son tour, lorsqu'il a dû, à certains moments (c'est évident), emprunter des attitudes malsaines ou nonchalantes et des comportements excessifs, inhérents à l'effet de groupe. Voilà le malaise instauré dans la tête du lecteur. Et pour longtemps.

La tonalité, profondément noire et sans espoir de rédemption indispose et malmène, mais l'écriture, sans fioritures, percutante, vise juste et bouleverse par sa sincérité, retient le chagrin mais emplit d'une tristesse profonde et durable. Abasourdi, éreinté et meurtri, le lecteur n'a plus qu'une urgence,  transmettre ce livre à ses enfants, jeunes adolescents. Pour éviter le pire.

Jay Thomas vit dans une banlieue au nord de Londres, au milieu de sa mère, de son beau-père, de ses sept demi-frères et sœurs, de sa tante et de ses cousins. Sa passion, c'est la musique. Avec ses meilleurs amis, il a fondé un groupe et ne vit que pour ça.

À quatorze ans, Summer Smith vit seule avec sa grand-mère gravement handicapée. Délaissée par les services sociaux, elle tente tant bien que mal de se faire oublier des brutes de son quartier réputé difficile. Mais Summer a une voix en or, qui pourrait être son salut. Lorsqu'elle rejoint le groupe de Michelle, sa vie prend un nouveau sens.

Dylan Wilton est pensionnaire dans un établissement prestigieux. Brillant mais fainéant, il choisi la musique pour échapper au sport. Passionné par les arrangements, pianiste, guitariste, bassiste, tromboniste, il baigne dans la musique depuis son enfance, et se révèle particulièrement virtuose.

Les trois jeunes gens ne se connaissent pas, mais ils partagent cette même passion pour la musique. En s'inscrivant à l'émission de télé-réalité Rock War, ils vont peut-être changer leur vie.

Les fans de Cherub retrouveront avec plaisir le style de dans un nouvel univers tout aussi attrayant. Les adolescents sont à nouveau au cœur du livre, ainsi que les thèmes chers à l'auteur : la relation familiale, la sphère sociale, et des personnages principaux à la recherche de leurs limites.

Sur les quatre prévus, ce premier tome met en place des protagonistes hauts en couleur, issus d'univers différents, tous très justes dans leur attitude. Rock War est un roman dynamique, où l'action tient une place prépondérante, et même si finalement la musique n'est qu'un prétexte, elle permet d'apporter un vent de fraîcheur sur l'œuvre de Muchamore, et séduira sans aucun doute un public déjà conquis.