Aux jardins des contradictions

Depuis bien des années je cultive, sous le titre de Jardins des contradictions, des jardins symboliques qui me permettent de grouper et de confronter des massifs d'idées, de théories et de systèmes. Ces jardins, dans les retouches progressives que j'y opère, transposant au plan spirituel des traités de jardinage ordinaire, n'ont pas encore trouvé de clôture définitive, tant il est vrai que le dynamisme de la pensée, face à des horizons toujours nouveaux, est impossible à stabiliser dans un cadre rigide. Toutefois, à défaut d'aboutir à une synthèse totale qui marquerait d'ailleurs un arrêt de la recherche, ce défrichement m'a permis d'établir une sorte de botanique des cultures d'esprit, réalisant ainsi des harmonisations intéressantes de couleurs et de formes. Les jardins sont devenus pour moi, par là-même, des microcosmes qui m'incitent à comparer des styles de vie et de pensée. J'y peux lire la richesse infinie de la Création, ce qui ne manque pas, au sein des tempêtes qui secouent le monde, d'entretenir au cœur l'Espérance rédemptrice. Le jardin a des exigences éternelles mais dans le jeu de leurs rapports ces exigences évoluent selon les époques : nous y voyons s'équilibrer la tradition et la nouveauté. J'ai eu le grand bonheur, dans cette mouvance des cultures horticoles, de rencontrer en Michel Suffran, dessinateur tout autant qu'écrivain, l'interprète de ma pensée.