Depuis la fuite en Arabie Saoudite de l’ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011, les premiers actes de la révolution tunisienne sont encore hésitants et fragiles. Mais derrière l’apparent chaos, par-delà la valse des gouvernements et des ministres, et les atermoiements de divers dirigeants associés au pouvoir sous l’ancien régime, le nouvel exécutif tunisien a fixé un cap important : la transition vers la démocratie.
Certes, cet État déstabilisé a pour l’instant été décapité sans que des pans entiers de l’ancien régime ne soient définitivement arrachés. Mais le processus démocratique est enfin en marche en Tunisie. Et si nul ne saurait prédire les voies qu’il empruntera, une chose est acquise : la vigilance du peuple tunisien et son aspiration à des droits démocratiques sont fortes.
Fiers d’être intervenus pour la première fois comme les protagonistes de leur histoire, des millions de Tunisiens (le pays compte 10,5 millions d’habitants) ont ébranlé le régime puis contraint Ben Ali à la fuite. Mobilisés pendant un mois pour chasser le tyran de Carthage, ils cherchent depuis une rupture la plus nette et durable possible avec le passé. Sorti du silence, le peuple somme à présent ses dirigeants politiques de tourner la page d’une période noire de son histoire : les vingt-trois années de la présidence de Ben Ali, bien sûr, mais aussi, au-delà, les trois décennies de l’ère du précédent président, Habib Bourguiba (1956-1987), qui avait lui aussi tourné le dos à la « démocratie » en Tunisie.
Le caractère lucide et inflexible de cette détermination ne peut être compris sans revenir aux grandes étapes du mouvement qui a débuté le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid et dans sa région. D’une indignation locale et collective est née, au cœur des régions pauvres et bafouées de la Tunisie profonde, une puissante fronde sociale. Puis, de cette révolte sociale, spontanée et tenace, sortie des entrailles mêmes d’un pays cadenassé depuis des décennies, a émergé la contestation politique d’un peuple dans toutes les composantes de ses classes sociales. Une contestation si massive, si unanimement partagée, qu’elle a conduit à son paroxysme : la révolution tunisienne. L’objectif de ce livre est précisément de fournir les clés qui permettent de comprendre ce qui se joue depuis fin 2010 en Tunisie.
La révolution qui est toujours en marche dans ce pays présente de nettes similitudes avec d’autres grandes révolutions de l’histoire. Face au départ de Ben Ali, comment ne pas penser à la tentative de fuite de Louis XVI à Varennes ? Avec la « Caravane de la libération » et ses milliers de Tunisiens montés à pied vers Tunis, le 23 janvier, en brandissant d’immenses portraits de Mohamed Bouazizi, ce jeune homme qui s’est immolé par le feu le 17 décembre, comment ne pas penser à ces Fédérés de Marseille montés à pied à Paris en 1792 pour donner leur chant à la Révolution française ?
Extraits
Commenter ce livre