#Roman francophone

En eaux troubles

Jean-François Samlong

Un dimanche matin, Bruno, jeune surfeur de vingt ans, disparaît en mer sur le spot de L'Ermitage, à La Réunion. Mais personne n'a rien vu ni rien entendu. Seul indice : une moitié de la planche de surf cisaillée, semble-t-il, par la gueule d'un requin-tigre, au-delà de la barrière de corail. En l'absence du corps, la mère refuse d'admettre que son fils unique soit mort... Plongeon dans les eaux tumultueuses du chagrin et de l'insomnie, jusqu'au jour où, sur les conseils de son mari, elle téléphone au père biologique de Bruno, qu'elle a aimé autrefois et qui l'a abandonnée alors qu'elle était enceinte. Mais quel sens donner à cet appel au secours ? Quête d'une réconciliation ou désir de vengeance ? ...

Par Jean-François Samlong
Chez Caraibeditions

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Littérature française

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La mer avait avalé son fils.

Depuis elle dormait peu, et se réveillait la nuit toujours baignée de sueur. Une sueur d’effroi qui glaçait son corps. Elle se levait, se dirigeait vers la fenêtre, tirait les rideaux, comme si une agréable surprise l’attendait sur le ruban de sable, mais dans la pâle clarté lunaire, que remarquait-elle ? Plage déserte, morne. Bouleversée, oppressée, elle fouillait dans sa mémoire pour trouver quelque chose à quoi se raccrocher puis, serrant les rideaux dans ses mains, elle guettait l’aube. Toutes ces nuits, que ce fût à minuit ou à 4 heures du matin, c’était les mêmes yeux marron clair fixés sur le rivage, et elle pensait que, même si elle ne voyait pas son fils, elle savait qu’il était là, et lui il savait qu’elle veillerait jusqu’aux aurores, il savait tout l’effort qu’il faudrait pour percer du regard le mur d’ombres, sans une larme, car son chagrin l’avait jetée par terre et trop fait pleurer déjà.

Pourtant le jour du drame, elle s’en souvenait, vers les 2 heures de l’après-midi, une brise légère soufflait sur la passe de L’Ermitage. Temps chaud et sec sur la côte ouest de l’île. Drapeau vert. Vacanciers se bronzant. La lumière éclairant le rire des filles. Qu’y avait-il à craindre ? Absolument rien. Personne n’avait vu, ni même cru voir que quelque chose rôdait sous l’eau, aux aguets.

Le sable à l’infini, blanc.

La mer bleue, séduisante — affamée ?

 

Deux mois après : 18 décembre 2011 ; et, ici, la même tension palpable.

Ce matin-là, le soleil frôla le toit de tôle rouge de la villa posée au milieu d’un grand jardin, avec une allée de cocotiers, d’autres arbres, une balançoire, un banc, puis la lumière descendit vers la chambre du premier étage où la femme blessée, meurtrie, mortifiée, regardait par la fenêtre, et cette douleur que les mères ne ressentent que dans la perte d’un enfant, c’était ce besoin de maudire. Un des signes de l’orgueil ? Non, s’indigna-t-elle. Mille fois non. Plutôt le sentiment d’avoir été le jouet du sort, si aveugle quelquefois, quand les vagues déferlent sur ce que vous avez de plus cher au monde, plongent votre vie dans les ténèbres, avant de repartir vers le large, vous y portez les yeux, vous qui êtes là, debout sur la plage, dominé, malmené, désarçonné par un flux et reflux d’incertitudes.

Maintes fois, elle avait pensé demander à un menuisier de condamner la fenêtre de sa chambre, oui, mais il aurait fallu murer également toutes les portes avec des briques, se murer dans sa souffrance jour et nuit, et comment dire ensuite d’un ton détaché et ferme et convaincant qu’elle avait choisi de vivre avec la mort ? Et qui, dans le matin livide, la croirait sur parole ?

Refus de pardonner à la mer, donc.

La maison des Salèz était interdite à la mer, car tout ce qui venait d’elle n’était pas que promesse d’oisiveté et clapotis des vagues.

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13/09/2023 216 pages 8,60 €
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