Introduction
Tristan Garcia-Fons
TRISTAN GARCIA-FONS, pédopsychiatre, psychanalyste, médecin directeur du CMPP et du centre Jean-Macé à Montreuil, membre de la Société de psychanalyse freudienne, responsable de la Commission scientifique de la FANVMPP jusqu’en 2009.
L’enfant est le lieu d’enjeux sociétaux, idéologiques et politiques cruciaux et apparaît au centre de toutes les contradictions d’aujourd’hui. Il nous a paru important de transmettre à un public plus large l’expérience et la réflexion des équipes de CMPP [1] qui rencontrent quotidiennement les quelque 200 000 enfants et adolescents qui viennent consulter avec leurs familles dans les 310 CMPP implantés en France. Nous désirions tout autant échanger avec d’autres, d’où le compagnonnage dans ce livre avec des personnalités extérieures à notre champ, depuis le poète jusqu’à l’économiste, qui nous décentrent et nous éclairent.
La réflexion a été orientée [2] vers l’actualité clinique et politique des CMPP à travers la thématique des libertés : liberté pour l’enfant de pouvoir vivre son enfance et d’avancer à son rythme ; liberté pour les professionnels non pas de pouvoir vendre un service ou fournir une prestation, mais de continuer avant tout à penser et à travailler de façon créative.
Subsiste-t-il encore des espaces de libertés pour les enfants eux-mêmes ainsi que pour les CMPP qui les reçoivent dans une période de profondes mutations qui déplacent les frontières et font vaciller les repères ? Nous nous trouvons en effet immergés dans un contexte de reconfiguration des discours sur l’enfance et ses manifestations, qui infiltre les choix politiques et budgétaires, et se traduit par un déferlement de nouveaux textes de lois, circulaires, plans et rapports concernant les champs de la santé, de la justice et de la protection des mineurs, de l’éducation et de la pédopsychiatrie. Pour Michel Chauvière, « nous serions discrètement en train de sortir du cycle historique de l’intérêt de l’enfant » et de sa protection au profit de l’intérêt pour la famille et le marché. Les CMPP sont en première ligne pour observer ces changements et pourraient être considérés comme un précieux outil de lecture pour tous ceux qui chercheraient à saisir ces mutations, redéfinitions et autres glissements sémantiques à l’œuvre concernant l’enfant et l’adolescent. Ce n’est peut-être pas tant l’enfant qui change mais ce sont plutôt les représentations que nous en avons qui affectent en retour les productions et les modes d’expressions enfantins. Peut-on parler, en effet, de nouvelles pathologies ou s’agit-il, comme l’avance Christian Mille, de « nouvelles formes d’expression psychopathologique en lien manifeste avec les changements perceptibles dans les rapports sociaux » ? S’il « importe de questionner nos modèles théoriques et au-delà les modalités de nos réponses thérapeutiques », on est surtout interrogé par le bouleversement des repères et la déstructuration des rapports sociaux et familiaux, ainsi que par les effets des nouvelles orientations politiques, sécuritaires en particulier.
Extraits
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