Lorsque Kissinger rend visite, en 1971, au Premier ministre chinois Zhou Enlai, ce dernier lui demande si la CIA est impliquée dans des actions subversives sur l’île de Taiwan.
Kissinger lui affirma qu’il surestimait « largement les capacités de la CIA ».
Zhou insiste : « Ils [les officiers de la CIA] sont devenus le sujet de discussion dont on parle à travers le monde. Quels que soient les événements, on pense qu’ils ont toujours quelque chose à y voir… »
« C’est exact, répond Kissinger. Cela les flatte, mais ils ne le méritent pas. »
Ce constat reste d’actualité. On voit la main de la « Central Intelligence Agency » partout. Dans tous les coups, surtout les plus tordus. On imagine ses dirigeants comme des personnes machiavéliques et incontrôlables manipulant les événements sur l’ensemble de la planète. CIA : l’un des acronymes les plus connus au monde fascine. On fantasme sur ces trois lettres qui dégagent une forte odeur de complot, et évoquent, à elles seules, l’influence des États-Unis aux quatre coins du globe.
Surnommée « la Compagnie » ou plus simplement « l’Agence » – comme s’il n’y en avait qu’une – la CIA cumule les superlatifs, les idées reçues, mais aussi les paradoxes. Situé sur la rive ouest de la rivière Potomac, dans les bois de Langley, en Virginie, sur une superficie de 80 000 mètres carrés, son quartier-général est protégé par une clôture électrifiée où patrouillent des hommes en armes et des bergers allemands. Mais, comble pour un service d’espionnage, ses activités sont épiées comme celles d’aucun autre dans le monde du renseignement. La CIA y occupe ainsi une place à part. Et ses directeurs évoluent dans un univers étonnant, à la fois très confidentiel et éminemment public. Alors que, dans d’autres pays, les chefs des services travaillent dans la plus grande discrétion et que leur identité est souvent gardée secrète, le directeur de la CIA est une figure notoire. Sa nomination fait l’objet de débats qui durent des semaines, voire plusieurs mois. Ils sont même retransmis sur les chaînes de télévision américaines. Les patrons de la CIA se donnent en interviews. Ils font le tour des talk-shows populaires. Un pied dans l’ombre, donc, mais un autre, en permanence sous le feu des projecteurs. Et souvent de la critique. Car le paradoxe le plus frappant est que si on imagine la CIA comme une organisation toute-puissante, aucune n’est autant critiquée.
Deux thèmes reviennent sans cesse. Son incompétence, tout d’abord : ses échecs sur le terrain et son incapacité à prévoir une longue série d’événements qui vont de l’explosion de la première bombe nucléaire soviétique, en 1949, jusqu’aux attentats du 11 Septembre, les armes irakiennes « introuvables » et la « Révolution du papyrus » en Égypte en janvier 2011.
Deuxième litanie : ses trop grands pouvoirs, ses dérives, ses abus. La CIA constituerait une menace pour la souveraineté des nations, pour les droits de la personne et même pour la démocratie américaine.
Extraits
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