Une silhouette familière sur le campus du MIT, la tête levée vers le ciel, la démarche chaloupée, le professeur Wiener est aussi célèbre pour son caractère bouillonnant et sa distraction que pour son érudition en mathématiques, philosophie, physique théorique, politique et linguistique. Les étudiants l’ont déjà entendu crier, alors qu’il préparait un nouveau coup intellectuel : « Chaud devant, les enfants, chaud devant. »
Petit, rond, barbu et aimable, il ressemble à un champion de quiz transformé en père Noël – et c’est bien ce qu’il est. Il a obtenu sa licence à quatorze ans, son doctorat à dix-huit ans, à l’université de Harvard. Il parle de nombreuses langues, adore les histoires policières, est membre du club Sherlock Holmes de Boston. Mathématicien de profession, il en connaît autant en mathématiques qu’en physiologie. Et c’est son intérêt pour le système nerveux humain qui l’a conduit à ses recherches les plus extraordinaires.
Des moteurs remplacent les muscles humains, des mécanismes de contrôle remplacent les cerveaux humains. Les machines agissent plus rapidement et avec plus de précision que les êtres humains. Elles ne dorment jamais, ne sont jamais malades, ni ivres ni fatiguées. […] Les plus remarquables sont les machines à calculer. C’est la spécialité du professeur Wiener. […] Elles commencent à agir comme de véritables cerveaux mécaniques. […]
Si les calculateurs sont semblables aux cerveaux humains, peuvent-ils devenir fous ? En effet, cela leur arrive, admet le professeur Wiener, [… et] les soins administrés aux calculateurs psychotiques rappellent étrangement le traitement moderne de la folie.
Inculquer des émotions synthétiques aux « cerveaux électriques » actuels est un développement futur tout à fait concevable, a déclaré aujourd’hui le Dr Norbert Wiener, exigeant que ces commentaires ne soient pas « sensationnalisés ».
Un monstre de Frankenstein ? Le mathématicien Wiener en avait déjà parlé, on s’était moqué de lui comme d’un alarmiste. Mais, la semaine dernière, personne n’a ri.
La révolte des machines. Le plus grand défi à la domination de l’homme ne vient pas d’une autre créature vivante mais des monstres mécaniques de sa propre création, soutient le mathématicien Norbert Wiener du MIT. Dr Wiener, inventeur du mot « cybernétique » et philosophe cybernétique no 1, nous avertit solennellement que les ordinateurs et d’autres machines éduquées sont susceptibles d’échapper au contrôle de l’homme. Une fois que leurs maîtres humains les ont mises en route, il est tout à fait possible que des machines suréduquées les entraînent à leur perte sans même qu’ils se rendent compte de ce qui leur arrive.
Le Dr Norbert Wiener est mort à soixante-neuf ans. Il était connu comme le père de l’automation.
Avec sa silhouette courte et ronde, sa barbiche, le professeur Norbert Wiener du MIT ressemblait à un père Noël inoffensif. En réalité, il vibrait de versatilité. C’était un mathématicien de première classe, qui a donné naissance à une nouvelle branche de la science, un alpiniste enthousiaste, un auteur prolifique de fiction et de philosophie. Il pouvait parler avec intelligence de presque n’importe quel sujet. […] La cybernétique a rendu Wiener célèbre. Même les Russes, qui l’ont d’abord traité de « gros capitaliste à cigare », ont fini par adopter ses idées.
Extraits
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